dimanche 22 janvier 2012

Le wahhabisme, négation de l'islam


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Mezri Haddad philosophe,
*(Article paru dans Libération du 21/02/2008)

D'un point de vue politique, le discours présidentiel à Riyad est justifiable. D'un point de vue éthique, la foi de Sarkozy dans le changement au sein de ce royaume est louable. Mais croire à une contribution saoudienne dans l'élaboration d'une «politique de civilisation» à même de provoquer une sécularisation au cœur de l'islam est une pure et funeste chimère. Et pour cause : on ne peut pas être et avoir été. L'Arabie Saoudite a été le principal financier des mouvements intégristes dans le monde. Il est vrai qu'elle était en parfaite osmose avec les intérêts géopolitiques américains. C'est le traumatisme du 11 septembre 2001 qui a infirmé ces choix stratégiques que les Etats-Unis ont faits bien avant l'invasion de l'Afghanistan par l'URSS. Sous l'influence pernicieuse de la monarchie saoudienne, les dirigeants américains ont, en effet, longtemps soutenu l'islamisme comme alternative aux régimes arabes postcoloniaux. La prise de pouvoir par les talibans en Afghanistan était une victoire de l'idéologie saoudienne, un succès de la logistique pakistanaise et la consécration de la stratégie américaine. L'attaque du 11 Septembre a changé toute la donne. Mais, par on ne sait quelle ruse de l'Histoire, plutôt que d'amorcer le déclin de cette monarchie qui incarne ce qu'il y a de plus rétrograde dans l'islam, ces événements ont donné une nouvelle vie au régime saoudien. Les wahhabites doivent au fond remercier leur compatriote et disciple Ben Laden. Pour la simple raison que, comparé à la barbarie et au nihilisme d'Al-Qaeda, la théocratie wahhabite fait maintenant figure de régime modéré. Or toutes les tendances de l'islamisme ont les mêmes maîtres à penser, les mêmes dogmes (l'islam est religion et politique, le jihad et le martyr sont un devoir religieux…) et les mêmes objectifs : éradiquer les apostats (musulmans), combattre les mécréants (juifs et chrétiens), établir une théocratie coranique. «La politique de civilisation, c'est ce que font tous ceux qui œuvrent pour un islam ouvert, un islam qui se souvient des siècles où il était le symbole de l'ouverture et de la tolérance… C'est ce que fait l'Arabie Saoudite», disait Nicolas Sarkozy dans son discours de Riyad.

Bien au contraire, dès sa naissance en 1932, la monarchie saoudienne a effacé quatorze siècles de civilisation, a cultivé et propagé partout dans le monde un islam sectaire, sclérosé, intolérant et des plus fanatiques. C'est une erreur de prendre les dernières réformettes de cette monarchie pour des réformes stratégiques et structurelles. Ces mesures cosmétiques ont été entreprises sous la panique à l'idée d'être le maillon faible du «Grand Moyen-Orient démocratique» décrété par Bush. C'était un analgésique pour calmer le Léviathan très en colère après les attentats du 11 Septembre - dont le cerveau était Ben Laden, un proche de l'oligarchie régnante, et la majorité des terroristes, des sujets saoudiens. Cette oligarchie n'est d'ailleurs pas dupe. A la moindre réforme profonde - comme celle, primordiale, des manuels scolaires -, c'est tout l'édifice saoudien qui menacera de s'écrouler à moyen terme. Il est par conséquent évident que la France, qui souhaite moderniser l'islam, ne peut pas établir une alliance «civilisationnelle» avec une Arabie wahhabite qui n'a jamais abandonné le rêve insensé d'islamiser la modernité. C'est une illusion de considérer ce pays comme représentatif des musulmans dans le monde, encore moins comme figure emblématique de l'islam sunnite. Certes, le pays abrite les lieux saints de l'islam, mais il n'incarne pas pour autant l'islam quiétiste et spirituel pratiqué par la majorité des musulmans. La religion de l'Arabie Saoudite n'est guère l'islam mais le wahhabisme, une secte hérétique déguisée en orthodoxie islamique, dont Ben Laden est le pur produit. Né d'une rencontre, en 1745, entre un prédicateur inculte et illuminé - Muhammad ibn Abd al-Wahhab (1703-1792) - et un chef de guerre impitoyable et ambitieux - Muhammad ibn Saoud (1705-1765) -, le wahhabisme a été d'emblée combattu par les plus grandes autorités islamiques du Caire, d'Istanbul, de Damas, de Bagdad, de Tunis et de Fès.

La réforme (religieuse) du wahhabisme est impossible et même absurde. Penser le contraire, c'est admettre implicitement que le wahhabisme puisse être l'une des expressions de l'islam. Or le wahhabisme, c'est la négation même de l'islam, c'est la nécrose de la civilisation islamique. Ce n'est pas de l'Orient arabe, encore moins de l'Arabie Saoudite, que sortira un islam des Lumières, mais de l'Occident arabe, de ce Maghreb qui a enfanté Ibn Khaldun et Averroès, le dernier philosophe né en terre d'islam.

Il est noble de croire, comme Nicolas Sarkozy, à une possible évolution de l'Arabie Saoudite vers la modernité. Le problème, c'est que l'un des dogmes constitutifs du wahhabisme est précisément le rejet du changement, considéré comme une injonction coranique. Il faut donc abolir le wahhabisme. Sans lui, l'Arabie Saoudite pourrait évoluer et se réformer. Mais sans le wahhabisme, y aurait-il encore une Arabie Saoudite ?

5 commentaires:

  1. Le wahhabisme fait vraiment peur.
    Difficile de comprendre comment l'Islam des lumières, avec ses philosophes , toujours cités à juste titre, mais aussi d'admirables mathématiciens et astronomes a pu régresser ainsi...
    Toute ma sympathie va aux femmes,pourront elles résister?

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  2. Les trois religions monothéistes ont eu et auront toujours malheureusement, leurs extrémistes obscurantistes. Pour l'Islam c'est les salafistes wahhabites.

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  3. Oui, tous les dogmes religieux amènent leur lot d'extrémistes.Rêvons, dans une une saine laïcité ouverte à toutes les croyances, d'intégristes Humanistes: intégristes de la Liberté,intégristes de la Fraternité,intégristes de l’Égalité...

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  4. Je retiens tout mais retire "intégriste" à tout.

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  5. Vous avez parfaitement raison, le concept et même le terme qui le désigne sont à prohiber.

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