dimanche 30 juin 2019

Lettre de Jean Jaurès aux instituteurs


كـادَ المعلّمُ أن يكونَ رسولا
أحمد شوقي

Les « hussards noirs » de la République, ces missionnaires que Jules Ferry ** envoyait combattre l'obscurantisme dans toute la France pour instruire et éduquer le peuple pour former des citoyens; sont ces enseignants dont le poète Hamed Chawki disait qu'ils auraient pu être les messagers de dieu.
Est-ce la raison pour laquelle ils ont toujours été combattus par les religieux, qui préfèrent maintenir les peuples dans l'ignorance et le culte de l'obscurantisme sacré à fin de les dominer ? En tous les cas, c'est ce que font les islamistes de nos jours en répandant le wahhabisme et l'obscurantisme qui le fonde, en multipliant les écoles coraniques et en proscrivant les écoles de la République. 
R.B



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Vous tenez en vos mains l’intelligence et l’âme des enfants ; vous êtes responsables de la patrie.
Les enfants qui vous sont confiés n’auront pas seulement à écrire, à déchiffrer une lettre, à lire une enseigne au coin d’une rue, à faire une addition et une multiplication. Ils sont Français et ils doivent connaître la France, sa géographie et son histoire : son corps et son âme. Ils seront citoyens et ils doivent savoir ce qu’est une démocratie libre, quels droits leur confèrent, quels devoirs leur impose la souveraineté de la nation. Enfin ils seront hommes, et il faut qu’ils aient une idée de l’homme, il faut qu’ils sachent quelle est la racine de nos misères : l’égoïsme aux formes multiples ; quel est le principe de notre grandeur : la fermeté unie à la tendresse. Il faut qu’ils puissent se représenter à grands traits l’espèce humaine domptant peu à peu les brutalités de la nature et les brutalités de l’instinct, et qu’ils démêlent les éléments principaux de cette œuvre extraordinaire qui s’appelle la civilisation. Il faut leur montrer la grandeur de la pensée ; il faut leur enseigner le respect et le culte de l’âme en éveillant en eux le sentiment de l’infini qui est notre joie, et aussi notre force, car c’est par lui que nous triompherons du mal, de l’obscurité et de la mort.
Eh ! Quoi ? Tout cela à des enfants ! – Oui, tout cela, si vous ne voulez pas fabriquer simplement des machines à épeler… J’entends dire : « À quoi bon exiger tant de l’école ? Est-ce que la vie elle-même n’est pas une grande institutrice ? Est-ce que, par exemple, au contact d’une démocratie ardente, l’enfant devenu adulte, ne comprendra pas de lui-même les idées de travail, d’égalité, de justice, de dignité humaine qui sont la démocratie elle-même ? » – Je le veux bien, quoiqu’il y ait encore dans notre société, qu’on dit agitée, bien des épaisseurs dormantes où croupissent les esprits. Mais autre chose est de faire, tout d’abord, amitié avec la démocratie par l’intelligence ou par la passion. La vie peut mêler, dans l’âme de l’homme, à l’idée de justice tardivement éveillée, une saveur amère d’orgueil blessé ou de misère subie, un ressentiment ou une souffrance. Pourquoi ne pas offrir la justice à nos cœurs tout neufs ? Il faut que toutes nos idées soient comme imprégnées d’enfance, c’est-à-dire de générosité pure et de sérénité.
Comment donnerez-vous à l’école primaire l’éducation si haute que j’ai indiquée ? Il y a deux moyens. Tout d’abord que vous appreniez aux enfants à lire avec une facilité absolue, de telle sorte qu’ils ne puissent plus l’oublier de la vie, et que dans n’importe quel livre leur œil ne s’arrête à aucun obstacle. Savoir lire vraiment sans hésitation, comme nous lisons vous et moi, c’est la clef de tout…. Sachant bien lire, l’écolier, qui est très curieux, aurait bien vite, avec sept ou huit livres choisis, une idée très haute de l’histoire de l’espèce humaine, de la structure du monde, de l’histoire propre de la terre dans le monde, du rôle propre de la France dans l’humanité. Le maître doit intervenir pour aider ce premier travail de l’esprit ; il n’est pas nécessaire qu’il dise beaucoup, qu’il fasse de longues leçons ; il suffit que tous les détails qu’il leur donnera concourent nettement à un tableau d’ensemble.
De ce que l’on sait de l’homme primitif à l’homme d’aujourd’hui, quelle prodigieuse transformation ! Et comme il est aisé à l’instituteur, en quelques traits, de faire, sentir à l’enfant l’effort inouï de la pensée humaine ! Seulement, pour cela, il faut que le maître lui-même soit tout pénétré de ce qu’il enseigne. Il ne faut pas qu’il récite le soir ce qu’il a appris le matin ; il faut, par exemple, qu’il se soit fait en silence une idée claire du ciel, du mouvement des astres ; il faut qu’il se soit émerveillé tout bas de l’esprit humain qui, trompé par les yeux, a pris tout d’abord le ciel pour une voûte solide et basse, puis a deviné l’infini de l’espace et a suivi dans cet infini la route précise des planètes et des soleils ; alors, et alors seulement, lorsque par la lecture solitaire et la méditation, il sera tout plein d’une grande idée et tout éclairé intérieurement, il communiquera sans peine aux enfants, à la première occasion, la lumière et l’émotion de son esprit. Ah ! Sans doute, avec la fatigue écrasante de l’école, il est malaisé de vous ressaisir ; mais il suffit d’une demi-heure par jour pour maintenir la pensée à sa hauteur et pour ne pas verser dans l’ornière du métier. Vous serez plus que payés de votre peine, car vous sentirez la vie de l’intelligence s’éveiller autour de vous.
Il ne faut pas croire que ce soit proportionner l’enseignement aux enfants que de le rapetisser. Les enfants ont une curiosité illimitée, et vous pouvez tout doucement les mener au bout du monde. Il y a un fait que les philosophes expliquent différemment suivant les systèmes, mais qui est indéniable : « Les enfants ont en eux des germes de commencements d’idées. » Voyez avec quelle facilité ils distinguent le bien du mal, touchant ainsi aux deux pôles du monde ; leur âme recèle des trésors à fleur de terre ; il suffit de gratter un peu pour les mettre à jour. Il ne faut donc pas craindre de leur parler avec sérieux, simplicité et grandeur.
Je dis donc aux maîtres pour me résumer : lorsque d’une part vous aurez appris aux enfants à lire à fond, et lorsque, d’autre part, en quelques causeries familières et graves, vous leur aurez parlé des grandes choses qui intéressent la pensée et la conscience humaine, vous aurez fait sans peine en quelques années œuvre complète d’éducateurs. Dans chaque intelligence il y aura un sommet, et, ce jour-là, bien des choses changeront.
La Dépêche de Toulouse,
15 janvier 1888.
* En juillet 1914 était assassiné Jean Jaurès (3 septembre 1859 – 31 juillet 1914). Cet homme s’est engagé en politique afin de suivre les traces des principes républicains défendus par Jules Ferry. Fervent admirateur et défenseur de l’école publique et de ses « hussards noirs » de la République, il considère l’éducation des citoyens comme le socle de la consolidation républicaine ainsi qu’une valeur essentielle au socialisme. Lui qui fut également professeur rend de nombreux hommages à cette profession – rouage, à ses yeux, d’une société future plus juste et plus égalitaire.
** Jules Ferry a tenu la promesse qu’il avait faite à Paris le 10 avril 1870 : " je me suis fait un serment : entre toutes les nécessités du temps présent, entre tous les problèmes, j’en choisirai un auquel je consacrerai tout ce que j’ai d’intelligence, tout ce que j’ai d’âme, de cœur, de puissance physique et morale, c’est le problème de l’éducation du peuple ".

mercredi 26 juin 2019

QUAND LES FRÈRES MUSULMANS SE MOQUENT ET RIDICULISENT LES "PROGRESSISTES" ...

A BIGOT, BIGOT ET DEMI ! Ou quand Ghannouchi pousse à l'hypocrisie ses "opposants".
Depuis le retour de Ghannouchi de son exil doré londonien, il a dévoyé la "révolution" en imposant aux "progressistes" des discours identitaires au lieu de répondre aux revendications des tunisiens résumées dans leur slogan le 14 janvier 2011 : " LIBERTÉ - DIGNITÉ - TRAVAIL " !

Et le pire, c'est que les "progressistes" ont mordu à l’hameçon et se sont crus obligés d'exhiber leur foi pour ne pas être accusés de mécréants par les Frères musulmans; pour discourir sur la foi, la religion et l'identité "arabo-musulmane" et donner le change aux Marchands du Temple !

Mais quand l'organisation des Frères musulmans s'est trouvée mise à l'index par de nombreux pays occidentaux, accusée de terrorisme ... Ghannouchi sans foi ni loi et toujours aussi lâche, a renié son appartenance à cette organisation, lui qui est membre de son bureau politique !

Et pour "preuve" de sa "véracité", il a troqué la "jebba" cet habit traditionnel connoté "religieux", contre un costume-cravate. Il a demandé aussi qu'on ne lui donne plus de "sidi ech chikh" mais plutôt du "monsieur le professeur" .... deux titres usurpés car il n'a jamais été cheikh d'aucune université théologique et encore moins professeur universitaire puisqu'il n'a été par accident qu'un simple professeur d'arabe de lycée !
 
Et comble du ridicule, les "progressistes" pris au piège de la bigoterie imposée par les Marchands du Temple, se croient obligés de réciter la "fatiha" à tout bout de champ et d'arborer la "jebba" ... comme si l'habit faisait le moine et de multiplier les preuves ostentatoires de leur identité "arabo-musulmane" jusqu'à adopter le langage des arabes de l'Arabie wahhabite ! Le plus ridicule étant Kaïs Saïd, qui débite un arabe littéraire tel un automate dont l'étrangeté de la diction et du phrasé, fait de lui un extraterrestre pour beaucoup de tunisiens. Sans parler de ceux qui reproduisent les tics langagiers et l'accent des arabes des pétromonarchies, pour qu'on ne doutât point de leur arabité !

La seule à ne pas tomber dans le piège de Ghannouchi, est Abir Moussi qui dénonce son hypocrisie et son instrumentalisation de la religion et se moque de ceux qui le vénèrent tel le prophète puisque certains l’accueillent par le chant d' "el borda" réservé uniquement au prophète Mohammad !!

Grotesque "progressistes" ! C'est Ghannouchi qui doit rire en douce, de les avoir mis au pas ! Comme diraient les tunisiens : "cha'yekh ali hom" sidid'hom Ech chikh" (il s'est bien foutu de leur gueule, leur Cheikh !). En somme, un pied-de-nez à tous ces hypocrites.

Espérons que les tunisiens se rendent compte de l'hypocrisie des Frères musulmans et de celui de leurs soi-disant "opposants progressistes" qui leur mangent dans la main et s'aplatissent à plat ventre devant leur chef, comme dirait Abir Moussi !!

Stop au bal des hypocrites et des faux-cul. 
Vivement la troisième République !

Rachid Barnat


mardi 25 juin 2019

Révolution algérienne : Réflexions et analyses d'un marcheur assis ...

Les algériens réussiront-ils leur révolution? Beaucoup de questions que soulèvent Kamel Daoud et que doivent se poser aussi les tunisiens s'ils veulent réussir la leur. Si pour les algériens les forces contre révolutionnaires sont multiples entre l'armée, les factions islamistes, les régionalistes; pour les tunisiens l'ennemi n° 1 est clairement identifié. En huit ans, ils l'ont vu à l'oeuvre pour avorter leur révolution et détruire leur république : c'est Ghannouchi et ses Frères musulmans financés par le Qatar et soutenus par Erdogan qui se rêve successeur des Califes Ottomans. 
Les autres, ne pesant pas lourd : tel que le pan-arabiste Moncef Marzougui et ses sympathisants "démocrates", comme la youssefiste Sihem BenSedrine, son beau-frère Ahmed Mestiri, son gendre Néjib Chabbi ... puisque les tunisiens les ont éliminés aux dernières élections ! 
R.B
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Être jeune algérien, c’est être plus gradé que Gaïd

Les forces et les faiblesses de la révolution algérienne selon un marcheur assis :

1 - Le gaïdisme. C’est une faiblesse.
Gaïd n’est pas un homme politique. De son métier, il a fait métier de gardien et de son statut de gardien, il a fait une mystique et une tactique. D’ailleurs, les hauts officiers algériens sont convaincus de leur rôle de gardiens des frontières et du pays. Contre l’ennemi extérieur, mais aussi contre le «peuple» intérieur.
Convaincus d’être arbitres, ils se veulent de temps en temps joueurs et gardiens.

Gaïd appartient à cette génération de vétérans qui croit retrouver un sens du devoir dans l’immobilité et le refus de négocier. Ceux qui croient que l’armée, sous le pouvoir de cet homme, va négocier donc facilement et sous la pression des marches se trompent. L’armée est propriétaire du pays selon l’armée. Le pays appartient à celui qui l’a libéré, selon cette mystique féodale de la décolonisation. Gaïd veut confondre intelligence et conviction. Il a peur aussi et, du coup, il se montre plus convaincu qu’il ne l’est. Son problème est qu’il a fait la guerre, mais il y a un siècle, et qu’il n’a jamais fait de politique.
Il est le beau-père refusé de cette révolution.
Il veut se croire le père.

2 - Le dégagisme radical : c’est une position intenable.
Elle va obliger les plus démunis au choix entre la démocratie et la sécurité tôt ou tard. Le dégagisme est un risque de chaos. Il a commencé comme passion saine, une explosion. Il en devient un calcul, une radicalité sans rationalité. Il va servir, à moyen terme, à la restauration du Régime comme restauration de la sécurité.

3 - Le néo-islamisme. Il est attentiste, prudent, intelligent. 
Structuré sur les réseaux sociaux, il empêche l’émergence de tout leadership possible. Il fait le vide, il crée le désert d’où viendra la «révélation», la sienne.
Un jour, quand personne n’osera se présenter pour parler, il viendra parler, prêcher le salut, la solution.
«L’islam est le salut», répétaient les Frères musulmans en Égypte.
Aujourd’hui, la technique n’est pas de le dire mais de créer «les problèmes» pour que la solution s’impose doucement.
Le néo-islamisme n’est plus la figure hirsute des années 90, la barbe sale, l’œil fou et le kamis. Non. Ça, c’est l’épouvantail. Le néo-islamiste a muté. Il s’est adapté. Il a tiré leçon des crashs dans les pays voisins, il s’est erdoganisé.
Il sait investir les réseaux, fabriquer des «traîtres idéologiques» pour focaliser ses propagandes, chercher surtout le deal avec l’armée pour gagner des positions et du temps. Dans quelques décennies, il s’en débarrassera de cette armée. Comme Erdogan.

4 - Le populisme conservateur : produit de l’école, du Régime, des médias, des prêcheurs, etc.
Il se présente aujourd’hui comme la culture populaire, «l’identité culturelle», les «valeurs». Du coup, au nom des ancêtres ou de Dieu ou des «Traditions», il ose, insulte, frappe et dérive.
Ce populisme focalise sur la Femme : corps du délit, du malaise, de la violence.

5 - Le débat identitaire. C’est l’autre danger
Transformer le soulèvement en revendication identitaire régionale. «Kabyliser» la révolution. Le Régime adorerait voir s’accentuer cette tendance. Il en profitera pour isoler les manifestants les plus enthousiastes, isoler une région et «culturaliser» le refus populaire.
Faut-il oublier la revendication de vouloir être Algériens ? Non. Mais il faut être plus intelligent que ses propres impatiences et ne pas accentuer les clivages qui vont donner du crédit à la «Religion de l’unité» du Régime.
L’Algérie est plurielle, elle n’est pas une région géographique exclusive, ou des régions militaires.

6 - L’économie : une révolution ne se mange pas.
L’économie algérienne a été détruite par le bouteflikisme, ses prédations, son atteinte profonde à la propriété et à la justice. Mais la Révolution, si elle dure trop, va avoir un coût. On n’en parle pas beaucoup, car la tradition du militantisme en Algérie méprise le débat sur les additions, l’argent et l’économie, mais c’est la bataille d’aujourd’hui.
Avec une crise économique, la Révolution profitera à la contre-révolution probablement. Il faut plaider pour le travail, l’effort, libérer l’entreprise.

7 - La haine des élites : mouvement ancien, tradition, habitude.
Les élites sont vues comme traîtresses, on leur préfère le populisme. Il existe même une tendance intellectuelle de l’autoflagellation et de la culpabilité chez certains intellectuels qui adorent parler du «peuple». Ils en font un martyr et un moyen de faire le procès de leurs pairs. C’est un peu un mystère du métier mais aussi une faiblesse du mouvement : le tribunal du peuple se fait précéder par la contrition, sinon par la dénonciation. A la méfiance aveugle, on répond par une culpabilité pathologique.

8 - La pluralité : c’est la force retrouvée de ce pays.
Sa paix intérieure possible. Son salut. Son avenir à plusieurs mains. Nous sommes les enfants du parti unique, de l’unanimisme, de l’unité. Nous avons été éduqués à voir dans la différence une trahison et dans la pluralité une atteinte à l’intégrité. Nous pouvons en guérir.

9 - La paranoïa : nous sommes amis de qui dans le continent ou dans le monde ?
L’Autre est encore la France et la mémoire des morts, le présent est encore le passé.
La Révolution algérienne a un côté paranoïaque qui voit une néo-colonisation partout, qui cultive le sentiment anti-français comme une obsession, aveu de sa faiblesse.
Il s’agit pourtant d’être libre : du Régime, de la peur d’autrui, de l’impuissance et de l’intrigue. On construit un pays dans le sens de la souveraineté et de la confiance en soi. Ni «Pour» ni «Contre» un autre pays.
La puissance et la liberté s’obtiennent par soi, pas par une autre guerre imaginaire contre autrui.

10 - La jeunesse : c’est la force, enfin vive, de ce pays.
Ils sont des millions à qui on a refusé de naître au nom des morts anciens.
Le pays est le leur, il n’est pas la propriété des ancêtres.
Être jeune en Algérie, c’est le grade le plus haut, selon l’âge le plus vif.
Être jeune c’est être plus gradé qu’un vice-ministre de l’armée en Algérie.


***

Les néo-islamistes : peut-on jamais leur faire confiance ?

La lecture de la Fatiha à l’ouverture de la conférence nationale de la société civile, en lieu et place de l’hymne national, a soulevé de vives inquiétudes : comment peut-on espérer construire une république nouvelle si on commence avec un signe de bigoterie islamiste ostentatoire ? Comment espérer un avenir de réconciliation avec les pluralités algériennes, les différences, si certains en profitent pour gommer la question fondamentale de l’égalité homme femme et se posent en imams de l’avenir et représentants d’une Vérité ? 

Ce rite de récitations de versets et de la "Fatiha" est devenu une norme depuis quelques années. Même pour «ouvrir» un congrès de médecins ou d’architectes. La tendance était à saluer le patronage de «Fakhamatou’hou», son «Excellence» le Roi Bouteflika et à démontrer sa «foi» par une Fatiha. Allah, le Président et la bigoterie. Dans le désordre.
Mais si aujourd’hui une conférence pour sauver notre pays commence comme un rite réservé pour la demande d’une «main» (en mariage) ou pour égorger un mouton, c’est que la question, la quadruple question, n’a pas été résolue : que faire des islamistes ? Que veulent-ils faire de nous ? Que veut faire Gaïd des Algériens et que vont-ils faire de lui ?

On aime répéter que les islamistes algériens sont «disqualifiés» par la «rue» algérienne. On aime le croire. On aime l’espérer. Et c’est peut-être possible de voir cette «famille» qui a du sang sur les mains, elle aussi, accepter la pluralité, accepter de ne plus «être Allah à la place d’Allah», de ne pas détenir la Vérité et d’accepter le jeu de la démocratie et des différences. Voir les islamistes comprendre qu’une guerre civile ne profite à personne et qu’un seul pays peut suffire à abriter nos différences et nos croyances. Ce n’est pas évident, ni acquis. 

Cette conférence qu’il faut consolider, encourager, y participer et aider, est un acte de courage et de responsabilité. Mais elle ne doit pas servir de scène et de mise en scène à ceux qui déjà se placent en détenteurs de la Vérité et propriétaires de l’orthodoxie religieuse du pays. 
L’Algérie et l’islam algérien ne peut être sauvés que par une laïcité qui protégera le pays des prétendants au califat et l’islam de ses courtiers. 
Les islamistes, comme les autres, ont tiré leçon, pas la bonne, des soulèvements dans les autres pays dits «arabes». Aujourd’hui ils ne s’affichent pas à la première ligne comme en 90, sont mieux habillés, ont un discours d’étape mieux adapté aux stratégies de conquêtes. Certains d’entre eux ont opté pour la ruse : attaquer toute possibilité de leadership alternatif au leur, investir les réseaux, travailler sous la ligne d’horizon de surveillance du nouveau régime. Ils attendent. Il faut s’en méfier et arrêter avec le déni que nous fabriquent les procès en islamophobie. On parle là d’un courant politique, pas d’une religion.

Ce qu’il y avait de gênant dans ce rite à l’ouverture de cette conférence, est ce «signe» qui résume beaucoup de choses : il confesse une impasse à venir. Tant que certains croient que leur «islamité» passe avant notre République et notre pays et qu’ils sont l’incarnation de cet arbitrage de droit presque divin, nous sommes face à un danger immense. 

Ce néo-islamisme, révisé à la marge des crashs «arabes», laisse entrevoir des «ruses» de guerre, des manœuvres d’accaparement, des mouvements de «syndicats» colorés à cette idéologie et qui ne sont pas le signe d’une bonne foi. Cela nous piège, comme depuis des décennies, car si les islamistes ne comprennent pas qu’un pays n’est pas un tapis de prière, une annexe de l’Arabie ou d’Ankara, ils vont servir ce régime qui va les tuer un jour prochain. Eux aussi.

La question se pose aussi autrement : que vont-ils faire ou pensent-il faire de «nous» ? Ce «nous» qui englobe dans l’abus et l’approximation, peut-être, la famille de ceux qui rêvent d’une Algérie de pluralités, de lois respectées, de droit, de droit de confession et de croyance pour chacun. Ces islamistes vont-ils nous «rouler» et se servir de notre élan pour nous tromper à l’heure du deal avec le Régime ? Nous tuer et nous terroriser comme autrefois et souvent ? Pourquoi les islamistes n’arrivent-ils pas à descendre de leur ciel pour accepter de vivre avec tous sur une même terre ? Ont-ils jamais accepté de considérer leurs croyances comme des choix intimes et pas comme des tribunaux d’inquisition ? Faut-il leur faire confiance ? A eux pour qui la fabrication du traître sert de moteur à la fabrication de leur sainteté ? Makri est-il soluble en démocratie ou en Turquie ou en République algérienne ? En Algérie, prononcer la Fatiha se fait pour conclure un mariage. Pour cette conférence, le rite sous-entend déjà un divorce. Comment aboutir à faire passer l’idée de l’acceptation dans la tête de gens qui se prennent pour Dieu ? Très difficile. Même Dieu ne sait pas. Ces questions taraudent, poussent à désespérer ou, au contraire, à plaider pour un effort d’entente.

Conclusion ? Les islamistes n’ont pas disparu. Ils sont plus malins.
Ils ont muté. L’école, les calculs de l’ancien Régime, les réseaux mal contrôlés des mosquées, des associations, les soutiens externes, l’orthodoxie, tout cela leur donne de l’avenir et une armée démographique. Un mauvais avenir. Pour eux et pour les autres. Mais eux persistent à croire qu’ils sont la «solution» et que les autres sont le problème. Ils adoptent cette détestable posture d’incarnation de la vérité qui transcende tout, parlent aux Algériens du haut de leur statut, violentent les faits et l’exactitude, diffament et osent même, aujourd’hui, voler l’histoire de la guerre de libération sous l’arnaque de cette «Badissia» qui nous vend Ibn Badis comme le vrai Larbi Ben m’Hidi, le père islamiste d’une révolution.

Mauvais augures. Car si cette question ne se règle pas dans l’immédiat, le Régime reviendra pour jouer les arbitres de force un jour ou l’autre et personne ne va y gagner. Et cette fois, la Fatiha sera pour l’enterrement de l’Algérie.

PS : Les islamistes sont le dernier colis piégé laissé par nos dictateurs en débandade : Les dictateurs ne laissent pas après eux des citoyens mais des croyants en colère.
Les islamistes ne peuvent pas résoudre les problèmes économiques : leur vision est morale, émotionnelle, visant un logement pour tous, le gazon pour tous, les bananes pour tous et la richesse pour tous mais après la mort. Au paradis. Pas ici.
Ce qu’il faut c’est ne pas culpabiliser, ni baisser les yeux, ni se cacher, ni changer ses mœurs pour plaire à leur fatwa, ni reculer, pas d’un seul centimètre et sur le plus petit détail de sa vie quotidienne. Ni se sentir amoindri dans son humanité et sa nationalité par leur masse morte et leur nombre. Car s’ils étaient aussi forts, ils auraient fabriqué le printemps arabe au lieu de le voler sur les étalages.

mercredi 19 juin 2019

LOI ÉLECTORALE : LA GRANDE HYPOCRISIE, NE TROMPERA PERSONNE


Le projet d'amendement de la loi électorale tant décrié par les spécialistes et autres constitutionnalistes, a été voté dans son intégralité ! 
Ses instigateurs ont osé bravé le ridicule. Ils l'ont fait.

Comme beaucoup de tunisiens l'ont compris, cette mascarade visait particulièrement Nabil Karoui et Olfa Terras-Rambourg (
Fille du fondateur du planning familial tunisien le gynécologue Terras et d'une française originaire de Corse, mariée au milliardaire Guillaume Rambourg), deux concurrents (sérieux selon les sondages) pour Ghannouchi et pour Youssef Chahed :
- l'un jouant le pouvoir médiatique, grâce à sa TV Nessma,
- l'autre jouant le pouvoir de l'argent, grâce à un mari milliardaire,
- et les deux instrumentalisant la charity business.

On se demande alors pourquoi Youssef Chahed, parti en guerre contre la corruption et très vite arrêtée pour ne pas fâcher Ghannouchi, n'a pas ajouté à sa liste d'amendements celui de l'interdiction du financement des partis et de leur campagne électorale par l’étranger ; comme c'est le cas du Qatar, pour ne pas le nommer, qui finance Ennahdha et met à sa disposition Aljazeera TV, la voix de son maître !!
Qu'a-t-il fait contre ces violations manifestes et insupportables de la démocratie ?
Dans un pays de droit, cette ingérence est lourdement sanctionnée pour cause d'intelligence avec une puissance étrangère qui plus est ennemie dans le cas du Qatar, qui cherche à détruire la République tunisienne et à avorter la "révolution" des tunisiens.

Car s'il craignait Nessma et le pouvoir de l'image que n'aurait pas manqué d'exploiter Nabil Karoui qui rêve de rééditer le coup de Silvio Berrlusconi ou celui de Donald Trump, Aljazeera est tout autant puissante sinon plus en ce domaine ; et que l’émir du Qatar a mise et mettra encore au service de son poulain Ghannouchi et des Frères musulmans !

Quant à la charity business, c'est vraiment se moquer des tunisiens qui savent que toutes les associations caritatives qui ont poussé comme des champignons depuis la "révolution", financées par les pétromonarques et particulièrement celui du Qatar, ne sont qu'une vitrine pour cacher le prosélytisme au wahhabisme qui fonde l'action "politique" des islamistes de tous poils !
Qu’a-t-il fait contre cette situation choquante et intolérable ? Rien ?

Et que dire de la probité exigée de tout candidat, limitée dans le temps : un an ... au-delà, circulez, il n'y a plus rien à voir depuis que Béji Caïd Essebsi dans son ignoble marchandage avec Ghannouchi, a accepté d'intégrer dans la loi d'amnistie générale tous les crimes commis par les Frères musulmans après le 14 janvier 2011 !

Pour ce qui est de la sixième résolution, tout le monde a compris qu'elle est destinée à Abir Moussi qui dénonce comme beaucoup de tunisiens, la constitution islamiste de 2014 et sa loi électorale, toutes deux à l'origine de la paralysie du pouvoir et de la régression du pays. 
Ghannouchi voudrait-il sacraliser sa Constitution comme sa chariaa pour empêcher toute critique ? Et que fait-il de la liberté d'expression ? Où sa démocratie serait-elle à géométrie variable ?

Alors soyons clairs, nous serions très nombreux à soutenir ces dispositions si elles ne révélaient l'hypocrisie manifeste de ce pouvoir qui a laissé faire les islamistes et qui s'en prend aux autres juste pour écarter des concurrents qui risquent de faire de l'ombre à ses instigateurs ! Nous le serions d'avantage si Youssef Chahed avait respecté les délais prescrits en la matière et ne pas changer les règles en cours du jeu.

Tout ça est parfaitement hypocrite, ne trompe personne sur la mesquinerie des instigateurs de ces amendements de dernière minute. Cela montre bien que loin de toute morale, Tahya Tounes et Ennahdha de connivence, veulent seulement faire taire leurs opposants !

Je ne sais pas qui réellement a eu l'initiative de ces dispositions mais une chose est sûre elles vont affaiblir considérablement Tahya Tounes qui montre à la fois son hypocrisie et surtout sa connivence évidente avec Ennahdha. Les Tunisiens ont compris que Tahya Tounes & Nidaa Tounes, c'est bonnet blanc, blanc bonnet ! Juste que Youssef Chahed remplacera Béji Caïd Essebsi; pour le reste, le marionnettiste reste le même et maître du jeu grâce à sa fameuse trouvaille : le consensus.

Les Tunisiens devraient s'en souvenir au moment des élections prochaines.

Rachid Barnat


lundi 17 juin 2019

Islamisme ou quand les occidentaux se mettent le doigt dans l'oeil ...

Voilà le genre d'analyse faite par des intellectuels pour justifier les choix politiques  de leurs responsables politiques, à moins que cela ne soit l'inverse; auquel cas, leur faute est encore plus grave et impardonnable dans les deux cas, car ils se sont lourdement trompés ! Leur erreur de jugement a coûté aux peuples "arabes" auxquels ils voulaient imposer les Frères musulmans, un lourd tribut mais leurs  peuples aussi commencent à découvrir les joies de l'islamisme modéré tant vanté par ces intellectuels ! Ce qui explique qu'une icône de mai 68 comme Cohen-Bendit, se soit fourvoyé jusqu'à fréquenter Tariq Ramadan et oublier que son grand père Hassan El Banna fondateur de la confrérie était grand admirateur de Hitler dont le nazisme l'avait beaucoup inspiré; et que de nombreux intellectuels et politiques comme lui, en arrivent à justifier l'injustifiable. C'est à se demander si tous ces gens connaissent l'histoire du wahhabisme et de tous les islamismes qu'il fonde; et s'ils le savent on se demande que cache leur cynisme
R.B
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Michael Walzer *


Cette gauche qui n’ose pas critiquer l’islam

Craignant d'être traité d'« islamophobe », les intellectuels progressistes ont peur de dénoncer les violences politiques commises au nom de cette religion, explique Michael Walzer, rédacteur en chef émérite de la revue « Dissent »..
Depuis la révolution iranienne, je vois la gauche se débattre pour comprendre le retour du religieux. Chacune des grandes religions fait aujourd’hui l’expérience d’un retour ; cette foi retrouvée, loin d’être un opiacé, constitue un stimulant puissant. Depuis la fin des années 1970, et en particulier ces dix dernières années, c’est dans le monde musulman que ce stimulant agit avec le plus de force.
Du Pakistan au Nigeria, mais aussi dans certains pays d’Europe, l’islam est aujourd’hui une religion capable d’inciter un grand nombre d’hommes et de femmes à tuer ou à mourir en son nom. Certains d’entre nous tentent de répondre à cette situation mais, pour la plupart, échouent lamentablement. L’une des raisons de cet échec tient à la peur panique d’être traité d’« islamophobe ». L’antiaméricanisme et une forme radicale de relativisme culturel jouent également un rôle important, mais ce sont des pathologies anciennes.
Pour ma part, je vis dans la peur de toute forme de militantisme religieux. Mais j’admets que les islamistes fanatiques sont ceux qui m’effraient le plus, parce que le monde musulman est, à ce moment de notre histoire (il n’en a pas toujours été ainsi et il n’est aucune raison de croire qu’il en sera toujours ainsi), particulièrement fiévreux et fervent.
Un « jihad de l’âme »
Doit-on considérer qu’il s’agit là d’une position antimusulman, nourrie de préjugés et d’hostilité ? Si je dis que la chrétienté était, au XIe siècle, une religion de croisés, dangereuse pour les juifs et pour les musulmans, cela fait-il de moi un antichrétien ? Je sais que la ferveur prosélyte n’est pas essentielle à la religion chrétienne et que le temps des croisades dans l’histoire chrétienne n’aura duré que deux cents ans environ.
On peut et on devrait pouvoir dire la même chose des islamistes aujourd’hui, même si la violence jihadiste n’est pas requise par la théologie musulmane, même si de nombreux musulmans « modérés » s’opposent à la violence religieuse, et même si la plupart des musulmans sont bien contents de laisser au ciel le soin de décider du sort des hérétiques et des infidèles.
Je sais qu’il existe un « jihad de l’âme » en plus du « jihad de l’épée » et que Mahomet a déclaré que le premier correspondait au « grand jihad ». Et je reconnais que le monde musulman n’est pas monolithique. Il n’empêche que le « jihad de l’épée » est bel et bien puissant aujourd’hui, et qu’il est effrayant.
Là encore, je me trouve souvent confronté à cette gauche plus soucieuse d’éviter les accusations d’islamophobie que de condamner le fanatisme islamique. Il y a une raison à cela en Europe occidentale et sans doute aussi aux Etats-Unis, où les musulmans sont des immigrés récents, objets de discrimination, de surveillance policière, parfois de brutalité policière et d’hostilité populaire. L’islamophobie semble grandissante. Et pas seulement au sein de la droite populiste et nationaliste.
En cause l’impérialisme occidental
Malgré leur incapacité à comprendre le phénomène religieux, la plupart des gens de gauche n’éprouvent pas de difficulté à craindre et à combattre les nationalistes hindous, les moines bouddhistes fervents et les sionistes messianiques engagés dans la défense des colonies israéliennes (dans ce cas, dire qu’ils n’ont « pas de difficulté » à le faire est un euphémisme). Bien sûr, personne à gauche n’épouse la cause des militants islamistes. Certes moins scandaleux, mais tout de même assez grave me semble pourtant le refus d’une majorité de la gauche de reconnaître ces crimes pour tenter une analyse générale et une critique englobante du fanatisme islamique. Qu’est-ce qui fait obstacle à l’analyse et à la critique ?
De nombreux auteurs de gauche insistent pour dire que la cause du fanatisme religieux n’est pas la religion, mais l’impérialisme occidental, l’oppression et la pauvreté. On trouve aussi des gens pour croire que le fanatisme islamique n’est pas le produit de l’impérialisme occidental, mais une forme de résistance à son égard. Quels que soient les groupes qu’il attire à lui dans les faits, il constituerait une idéologie des opprimés – une variante, quoique un peu étrange, d’une politique de gauche.
Le philosophe slovène Slavoj Zizek soutient que le radicalisme islamique exprime « la rage des victimes de la mondialisation capitaliste ». Il faut dire que Zizek ne craint pas d’être traité d’islamophobe : il défend une critique« respectueuse et pour cette même raison pas moins impitoyable » de l’islam et de toutes les autres religions. Mais sa critique ne parviendra à rien tant qu’il continuera de croire que l’objet de la rage islamiste est le même que celui de sa propre rage.
La philosophe américaine Judith Butler commet la même erreur quand elle explique qu’« il est extrêmement important de considérer le Hamas et le Hezbollah comme des mouvements sociaux progressistes, qui se situent à gauche et font partie d’une gauche mondiale ». Elle l’affirmait en 2006, et le répétait encore en 2012 en apportant toutefois un correctif : le Hamas et le Hezbollah appartiennent bien à la gauche parce qu’ils sont « anti-impérialistes », mais Butler ne soutient pas toutes les organisations de la gauche mondiale et surtout elle n’approuve pas l’usage de la violence dans ces deux organisations. Je lui suis reconnaissant de ce dernier ajout, mais opérer une pareille assimilation à la gauche est toujours aussi erroné.
Dans l’analyse du fanatisme islamique, les postmodernes n’ont pas fait mieux que les anti-impérialistes. Qu’on se rappelle Michel Foucault et son apologie de la brutalité de la révolution iranienne : l’Iran n’a pas « le même régime de vérité que nous ». Cette version du relativisme culturel est devenue un lieu commun.
La défense postmoderne la plus vigoureuse du radicalisme islamique se trouve chez le professeur de littérature Michael Hardt et le philosophe italien Antonio Negri, qui affirment que l’islamisme est en soi un projet postmoderne : « La postmodernité du fondamentalisme se reconnaît à son refus de la modernité comme arme de l’hégémonie euro-américaine – à cet égard, le fondamentalisme islamique représente bien un exemple paradigmatique ». Ou encore : « Dans la mesure où la révolution iranienne a exprimé un profond rejet du marché mondial, elle pourrait être considérée comme la première révolution postmoderne. »
Hypocrisie occidentale
Toutes ces réponses de gauche aux islamistes fanatiques semblent bien étranges quand on envisage le contenu de leur idéologie. L’opposition jihadiste à « l’Occident » devrait inquiéter la gauche. Boko Haram a commencé par attaquer les écoles « au style occidental » et d’autres groupes islamistes ont lancé des attaques similaires, en particulier contre les écoles de filles. Les valeurs que les fanatiques dénoncent comme étant « occidentales » – la liberté individuelle, la démocratie, l’égalité des sexes, le pluralisme religieux – sont ici au cœur du débat.
C’est certain, les Occidentaux n’ont pas toujours vécu en accord avec ces valeurs et ont souvent échoué à les défendre, mais ce sont des valeurs auxquelles l’hypocrisie occidentale rend hommage, et que certains d’entre nous s’efforcent de protéger. Ce sont les valeurs qui caractérisent en grande partie la gauche.
À quoi ressemblerait un mouvement de gauche contre l’oppression et la pauvreté ? Ce serait un mouvement des opprimés, une mobilisation d’hommes et de femmes auparavant passifs, incapables de s’exprimer et effrayés, qui parviendraient à parler en leur nom propre et à défendre leurs droits en tant qu’êtres humains. Son but serait la libération de ces individus. Et sa force motrice : une vision, sans doute en partie façonnée par la culture locale, d’une nouvelle société dont les membres, indifféremment hommes et femmes, seraient plus libres et plus égaux, et envers lesquels le gouvernement se montrerait sensible et responsable.
Comment la gauche devrait-elle répondre à ces groupes islamistes ? Elle doit soutenir les efforts militaires, notamment ceux qui visent à mettre fin au massacre des infidèles et des hérétiques. Après cela, je veux bien envisager une politique qui se concentrerait sur l’endiguement de l’islamisme plutôt que sur une guerre (ou une succession de guerres) ayant pour fin de le détruire. C’est un feu qui devra s’éteindre de lui-même. Mais cette idée nous confronte à une profonde difficulté : de nombreuses personnes souffriront dans ce processus d’« extinction », et la gauche ignore cette souffrance, au risque de notre péril moral. Comment aider ceux que les forces islamistes prennent pour cibles ? C’est une question qu’il faudra sans cesse se poser. Mais nous devons commencer par la guerre idéologique.
Collaborer avec les musulmans
Il est d’abord nécessaire de distinguer le fanatisme islamique de l’islam lui-même. Nous devons insister en particulier sur la différence qui existe entre les écrits des fanatiques comme Hassan el-Banna (1906-1949), le fondateur des Frères musulmans, ou le théologien pakistanais Maulana Maududi (1903-1979), et l’œuvre des grands philosophes rationalistes de l’histoire musulmane ancienne et des réformateurs libéraux plus récents.
Nous devons aussi collaborer avec les musulmans, pratiquants et non pratiquants, qui combattent le fanatisme, et leur apporter le soutien qu’ils demandent. On rencontre beaucoup de musulmans antifanatiques et certains, comme l’essayiste d’origine somalienne Ayaan Hirsi Ali, venus de la gauche, se tournent vers la droite, parce qu’ils trouvent peu d’amis à gauche. Les gens de gauche doivent réussir à comprendre comment défendre l’État séculier dans cet âge « postséculier » et comment défendre l’égalité et la démocratie contre les arguments religieux en faveur de la hiérarchie et de la théocratie.
Nous devons reconnaître le pouvoir des fanatiques et l’étendue de leur portée politique, les désigner clairement comme nos ennemis et nous engager contre eux dans une campagne intellectuelle : une campagne de défense de la liberté, de l’égalité et du pluralisme. Je ne suis pas en train de dire que la gauche devrait se rallier au célèbre « choc des civilisations ». Toutes les grandes civilisations religieuses sont capables, et sans doute également capables, de produire des fanatiques violents comme des saints pacifiques – et tout ce qui se situe entre les deux. Aussi ne faut-il pas penser ce combat contre les islamistes en termes civilisationnels, mais en termes idéologiques.
Il y a des dangers et la gauche a besoin de défenseurs. C’est pour cela que j’écris, moi un écrivain et non pas un combattant, et le plus utile que je puisse faire est de rejoindre ces guerres idéologiques. Je peux en appeler aux camarades de nombreuses nations, mais cela est encore loin d’être suffisant. Il existe une brigade internationale des intellectuels de gauche qui attend encore de prendre forme (Traduit de l’anglais par Pauline Colonna d’Istria).
* Rédacteur en chef émérite de la revue Dissent et professeur émérite à l’Institute for Advanced Study (IAS) de l’université Princeton (New Jersey). Il est l’une des figures les plus en vue de la gauche intellectuelle aux Etats-Unis. Michael Walzer a pris part à la lutte pour les droits civiques et contre la guerre au Vietnam, mais tout en se défiant tout au long de sa carrière de la tentation à gauche de se radicaliser. Défenseur du multiculturalisme, il s'est également intéressé à la notion de guerre juste (Guerres justes et injustes, Belin, 1999), De la guerre et du terrorisme, Bayard, 2004). Cet article est paru dans Dissent. © University of Pennsylvania Press.