jeudi 26 février 2015

La guerre obligée

Après avoir suivi les américains dans leur plan pour le monde arabe, les responsables politiques européens réaliseraient-ils qu'ils font fausse route maintenant que les islamistes sont à la porte de l'Europe ? 
A moins que leur posture ne trahisse l'envie de poursuivre le plan américain ... par une entrée en guerre en Libye !
R.B

Trois ans après BHL, la tentation de l'intervention en Libye

« La guerre obligée » : la une de l’hebdomadaire italien Panorama, propriété de Silvio Berlusconi, claque comme un avis de mobilisation générale. C’est de la Libye qu’il s’agit, juste de l’autre côté de la Méditerranée, et des djihadistes qui y prennent pied et profèrent des menaces en direction de... Rome !
En France, le ministre de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a évoqué dès septembre la nécessité pour la France d’« agir en Libye », avant de mettre la pédale douce sur de telles déclarations.
Mais le sujet n’est pas enterré : dans Les Echos, le 20 février, Dominique Moïsi, de l’Institut français des relations internationales (Ifri), appelait de ses vœux une telle intervention et plus généralement un « réarmement » de l’Europe (« Libye, Ukraine, Moyen-Orient : Européens, réveillez-vous ») :
« Faut-il réintervenir en Libye, trois ans après y avoir renversé le régime du colonel Kadhafi  ? La réponse est sans doute “oui”. Aujourd’hui, il y a urgence, la menace se rapproche dangereusement de l’Europe et nous ne pouvons nous permettre d’échouer à nouveau dans notre tentative de concilier volonté de changement et désir d’ordre et de stabilité. »
Avant de se précipiter, la fleur au fusil, dans une nouvelle guerre du désert, plongeons dans les données de ce conflit un temps sorti de nos écrans radar, mais qui prend désormais des proportions inquiétantes à nos portes.

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Qui se bat en Libye ?
Souvenez-vous : c’était en 2011, après la Tunisie et l’Egypte, le souffle du Printemps arabe gagnait la Libye. A Benghazi, la deuxième ville de la Jamahiriya, les insurgés anti-Kadhafi étaient sur le point d’être écrasés par l’armée de Kadhafi, quand surgit ... Bernard-Henri Lévy !
Il l’a raconté lui-même dans un livre épique, « La Guerre sans l’aimer » (Grasset, 2011), dans lequel il s’attribue sans hésiter la responsabilité d’avoir entraîné Nicolas Sarkozy, alors président de la République, et dans la foulée les pays de l’Otan, dans l’aventure libyenne.
Un voyage auprès de rebelles dont il ne sait rien, un coup de fil sur une ligne pourrie à l’Elysée du hall d’un hôtel de Benghazi, un coup de dé déclenché en moins de temps qu’il ne faut pour le dire, entre un Président qui a « raté » la Tunisie et veut se refaire, et un intellectuel en quête permanente d’une place dans l’Histoire...
Dans son livre, dès 2011 donc, BHL s’exonérait par avance de toute responsabilité sur ce qui pouvait tourner mal – et ça a mal tourné. Il écrivait dans son prologue :
« J’ignore [...] si la Libye de demain tiendra toutes les promesses de son printemps.
Je ne suis, pas plus que quiconque, capable de prédire avec certitude qui l’emportera des révolutionnaires et des libéraux de Benghazi, adeptes d’un islam paisible, fidèle à l’esprit des Lumières, ami du droit et des droits de l’homme – ou de cette poignée de radicaux que j’ai aussi rencontrés [...].
Ce dont je suis certain, c’est que l’ordre ancien des choses ne laissait pas le choix [...]. Aujourd’hui, l’Histoire recommence. Le peuple libyen, et, au-delà de lui, les peuples arabes, réapprennent les mille et une façons que l’on a de soupirer, de dire son tourment, d’y remédier.
Un débat s’instaure, brouillon, discordant, tumulte de paroles gelées et qui fondent au soleil de la révolte – joyeuse, parfois inquiétante, mais le plus souvent féconde discorde d’où le pire peut sortir mais aussi, et pour l’heure, un espoir raisonnable. »
En 2011, l’heure était à la fête, aux « merci la France », « merci Sarkozy », d’une Libye débarrassée de son tyran.
Le « puzzle » libyen
Mais « l’espoir raisonnable » dont parlait BHL a laissé la place au cauchemar, pour les Libyens d’abord, tandis que l’intérêt du reste du monde s’estompait pour laisser la place à une grande indifférence. BHL lui-même, devenu persona non grata à Tripoli, a cessé de s’exprimer sur le pays qu’il avait contribué à « libérer ».
Des acteurs de la révolution de 2011, il n’en reste plus beaucoup, cédant la place au règne des milices, de la division, de la guerre.
Après trois ans de conflit, et bien plus de victimes que n’en avait faites la guerre pour se débarrasser de Kadhafi, la Libye a pris l’allure d’un puzzle, partagée en zones d’influence rivales.
Accrochez-vous : la Libye est divisée principalement entre :
·       un gouvernement et un Parlement basés près de Tobrouk, dans l’est du pays, depuis qu’ils ont été chassés de la capitale. Ils sont issus des dernières élections légales et bénéficient de la reconnaissance internationale ;
·       un gouvernement basé à Tripoli, la capitale, soutenu par la coalition de milices islamistes Aube de la Libye ;
·       une zone dans le sud du pays, contrôlée les miliciens toubous ;
·       une zone dans le sud-ouest du pays, contrôlée par les miliciens touaregs.
Et, désormais, les combattants affiliés à l’Etat islamique autoproclamé, principalement implantés à Derna, fief djihadiste dans l’est de la Libye, mais désormais aussi présents à Benghazi et plus à l’ouest, à Syrte.
Les zones d’influence en Libye, selon une carte de la BBC (BBC)

Patrick Haimzadeh, ancien diplomate français à Tripoli, auteur de l’ouvrage « Au cœur de la Libye de Kadhafi », qui porte un jugement sévère sur l’intervention occidentale de 2011, fait le diagnostic suivant dans L’Express :
« Aujourd’hui, la Libye est un pays fracturé, où les habitants se replient sur leur identité primaire, le village, la tribu. On est dans une spirale autodestructrice, celle de la guerre de tous contre tous. Daech a réussi à s’inscrire dans ce désordre, même s’il n’est qu’une petite fraction de la multitude de groupes locaux. »
Dans ce jeu d’alliances tribales et politiques, l’émissaire des Nations unies, Bernardino Leon, tente de rapprocher les deux gouvernements rivaux, premier pas vers une stabilisation de la situation. Un espoir mince à ce stade.

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Qui veut intervenir ?
Une fois leur Kadhafi renversé, en 2011, les Occidentaux, qui ne disposaient pas de troupes au sol contrairement à l’Irak ou à l’Afghanistan, ont vite disparu, laissant les Libyens se débrouiller avec l’héritage de 40 ans de non-Etat révolutionnaire.
Les ingérences étrangères n’ont pas manqué, en particulier des pays du Golfe, Qatar, Emirats arabes unis, Arabie saoudite, qui ont des intérêts idéologiques et religieux importants – et divergents.
L’entrée en lice des djihadistes de l’EI ont fait monter les enchères. Aujourd’hui, c’est l’Egypte du maréchal-président Sissi qui se trouve en première ligne parmi les pays qui veulent aller « pacifier » la Libye, surtout depuis le brutal assassinat de chrétiens coptes égyptiens par les djihadistes.
L’armée de l’air égyptienne a mené une première série de raids sur le fief djihadiste de Derna, dans l’est de la Libye – le jour même où Jean-Yves Le Drian signait au Caire le contrat de vente de 24 Rafale français à l’Egypte.
Cette initiative égyptienne a été critiquée pour son manque de coordination avec la Ligue arabe, et se heurte à l’opposition des deux voisins de l’autre côté de la Libye, la Tunisie et surtout la l’Algérie, qui voient ces interventions militaires d’un mauvais œil.
Le conflit libyen peut-il s’internationaliser avec l’émergence de djihadistes ralliés au drapeau noir de l’Etat islamique ?
Ces derniers ont eux-mêmes choisi de défier l’Europe, et en particulier l’Italie, le territoire européen le plus proche de la Libye, et aussi son ancienne puissance coloniale.
« Nous arrivons, ô Rome »
Dans un texte lyrique publié la semaine dernière sur une plateforme djihadiste, un partisan de l’EI s’en est pris directement à l’Italie et, au passage, à François Hollande, qualifié d’« idiot » :
« Sachez que nous arrivons, ô Rome. Il n’y a rien entre nous et vous, hormis cette mer étroite. Notre Prophète nous a promis que nous conquerrons Rome, avec l’aide d’Allah. Alors maintenant, il ne vous reste qu’à attendre votre destin inexorable. […]
Méfiez-vous de l’idiot appelé [François] Hollande, de peur qu’il ne vous séduise et vous entraîne dans une guerre sur notre sol. Ne te laisse pas entraîner, Italie, car le sol de la Libye est fait de sables mouvants et nous vous noierons dans ses déserts, ô adorateurs de la croix. »
Ce texte, ainsi que le hashtag (mot-clé) créé sur Twitter #We-Are-Coming-O-Rome, ont été tournés en dérision par les internautes italiens, mettant en avant les embouteillages aux alentours de la capitale italienne...
Pour autant, les menaces sont prises au sérieux, en particulier parce que le chaos libyen provoque un afflux de demandeurs d’asile à Lampedusa, que l’Italie a conservé d’importants liens économiques avec son ancienne colonie, en particulier l’ENI, la compagnie pétrolière nationale, et que l’Italie redoute des attentats sur son sol.
 « L’Italie est prête à guider en Libye »                                                                                                                                                
A la mi-février, la ministre italienne de la Défense, Roberta Pinotti, a déclaré que son pays était prêt à fournir plusieurs milliers d’hommes à une intervention au sol en Italie, et ajoutait :
« L’Italie est prête à guider en Libye une coalition de pays de la région, européens et de l’Afrique du Nord, pour arrêter la progression du califat qui est parvenu à 350 km de nos côtes. »
Mais elle s’est fait « recadrer » par le Premier ministre, Matteo Renzi, beaucoup plus prudent. Pour Marc Lazar, spécialiste de l’Italie et professeur à Sciences-Po :
« Renzi est beaucoup plus hésitant. Il sait que c’est une opération très complexe et risquée. »
Marc Lazar rappelle que l’Italie avait été furieuse de l’initiative de Sarkozy en Libye en 2011, estimant avoir une « expertise » sur ce pays que les autres n’ont pas. La suite lui a plutôt donné raison.
Aujourd’hui, ajoute-t-il, l’Italie se sent « plutôt seule » en Europe alors que la menace se rapproche de ses côtes, de la même manière que la France se plaint régulièrement d’être « seule » à intervenir en Afrique.
« Conflit de civilisation »
Pour autant, l’Italie n’a pas l’intervention militaire aussi facile que la France, ne serait-ce qu’à cause du poids de l’histoire, de l’Ethiopie à la Seconde Guerre mondiale. « Il y a une retenue comparable à celle de l’Allemagne », selon Marc Lazar.
Néanmoins, le chaos libyen ne peut laisser l’Italie indifférente, pas plus que les menaces de l’EI qui alimentent le courant de l’opinion italienne sensible au concept de « conflit de civilisation ».
Entre l’Egypte qui est prête à en découdre, et l’Italie qui débat d’une intervention, la guerre en Libye est-elle devenue « obligée » comme le titre le magazine Panorama ?

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Quelle solution pour la Libye ?
Faire la guerre en Libye, mais avec quel objectif ? Le bilan des interventions occidentales dans le monde arabo-musulman depuis bientôt deux décennies est tellement désastreux qu’il vaut mieux se poser la question avant de faire chauffer les Rafale...
Certes, la menace djihadiste est croissante, et la perspective d’avoir une « filiale » du Califat de l’émir Bagdadi de l’autre côté de la Méditerranée n’est pas une perspective attirante. A voir l’attrait pour le djihad en Syrie, on imagine ce que représenterait son pouvoir d’attraction si près de l’Europe...
Mais l’expérience de 2011 montre que l’absence de réflexion sur l’après-Kadhafi a généré un chaos encore plus meurtrier, plus déstabilisant dans toute la région (la guerre au Mali en est un « produit dérivé »).
Qu’elle soit régionale avec l’Egypte en tête, ou internationale avec l’Italie et un mandat de l’ONU, une guerre en Libye ne règlerait aucun des problèmes actuels de ce pays. Même la restauration de l’autorité du gouvernement reconnu par la communauté internationale, celui de Tobrouk, ne règlerait rien : sa légitimité est mince...
Certains rêvent de voir le général Khalifa Haftar, un vieil officier un temps compagnon de Kadhafi, qui mène actuellement le combat au nom d’une armée qui n’a de régulière que le nom, devenir le nouvel homme fort de la Libye, une sorte de « Sissi libyen » qui rétablirait un régime à poigne et calmerait les ardeurs centrifuges.
Reste les efforts de l’émissaire onusien pour réconcilier les factions et les amener à travailler ensemble...
Pour Patrick Haimzadeh, l’ancien diplomate français à Tripoli, une intervention militaire n’est pas la solution. Elle ne servirait qu’à « rendre encore plus complexe la situation » :
« Une intervention militaire, surtout aérienne, ne permettra pas de freiner Daech. L’instauration de sanctions ou des opérations militaires ponctuelles ne seront que des coups d’épée dans l’eau. Non seulement elles ne freineront pas l’implantation de Daech, mais au contraire, elles serviront sa propagande, justifieront ses appels à la mobilisation, renforceront l’attrait de la Libye pour les djihadistes étrangers.
Des frappes aériennes ne serviront qu’à faire obstacle à la voie du dialogue amorcée par le représentant de l’ONU pour la Libye, Bernardino Leon. Il faudrait des centaines de milliers d’hommes pour arriver à reprendre le contrôle de la Libye. Au début du XXe siècle, l’Italie a mis vingt ans à contrôler le pays (1912-1932), dans un contexte beaucoup moins complexe qu’aujourd’hui ! On va répéter l’erreur de 2011. »
L’histoire, les djihadistes la connaissent. Dans leur diatribe contre les « croisés de Rome », ils la rappellent cruellement :
« Vous avez déjà connu le djihad [mené] par nos ancêtres. Et si, dans le passé, nous avions Omar Moukhtar, aujourd’hui, nous en avons des milliers comme lui. Les combattants étrangers d’aujourd’hui sont des lions, et les combattants locaux sont coriaces. Nous jurons que nous vous frotterons le nez dans la poussière, même si cela doit prendre un certain temps… »
Omar Moukhtar, c’est l’épouvantail agité devant les Italiens pour les faire réfléchir... Pas sûr que ça change grand-chose à l’équation géopolitique, même si le souvenir du « lion du désert » a de quoi faire hésiter avant d’envoyer les troupes de l’autre côté de la Méditerranée.

Né le 8 avril 1953 à Tunis (Tunisie) Diplômé du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), Paris, 1974. -Journaliste à l'Agence France-Presse à partir de 1974. -1976-1980 : correspondant permanent de l'Agence France-Presse en Afrique du Sud. -1981: journaliste à Libération, chargé de la rubrique Afrique. -1988-1993 : journaliste à Libération, chargé de la rubrique diploma

lundi 23 février 2015

L’animal est une personne comme les autres


Franz-Olivier Giesbert

Le combat pour les bêtes commence ici et maintenant 

Fondation 30 Millions d’Amis : Vous avez grandi au milieu des animaux de ferme. Quel regard portiez-vous sur ces compagnons lorsque vous étiez enfant ?

Franz-Olivier Giesbert : Mes parents, des « bobos » bios avant l’heure, avaient acheté une ferme en Normandie, sur le plateau du Roumois. J’ai donc vécu mon enfance puis mon adolescence au milieu des bœufs, des vaches, des chèvres, des chats, des poules, des canards, des pintades... A mes yeux, ils étaient tous des membres de ma famille que j’agrandissais même aux veaux et aux porcs qu’élevaient nos voisins. C’est là que j’ai commencé à avoir un rapport particulier avec les animaux, à leur parler, à les aimer, à les comprendre. C’est là aussi que je suis devenu de plus en plus végétarien, m’interdisant d’abord de manger du porc que je sentais si proche de nous, avec sa façon de stresser, puis du veau ou du bovin en général, une espèce tellement sage et patiente, que je la qualifie de philosophique dans mon ouvrage.

F30MA : L’adulte que vous êtes devenu a conservé cette compassion envers les animaux. Continuerez-vous à mettre votre notoriété à leur service ? 

F.-O.G. : Oui, bien sûr. C’est une cause que je sers depuis longtemps, dans mon travail de journaliste et jusque dans mes romans. Parallèlement à mon essai sur les animaux, je publie d’ailleurs un « Manifeste »** auquel ont collaboré Michel Onfray, Boris Cyrulnik ou Elisabeth de Fontenay. Et ce n’est qu’un début. Plus ça va, plus je deviens militant. Pour une raison toute simple : s’il y a eu des avancées en matière de bien-être pour des animaux de compagnie, pour les bêtes à viande, j’observe d’affreuses, d’abominables régressions, dans les élevages comme dans les abattoirs. Ces dérives sont d’autant plus inexcusables qu’elles se produisent à un moment où, comme je le raconte dans mon essai, la science nous apprend que nos sœurs et nos frères les bêtes sont beaucoup plus proches de nous qu’on pouvait le penser. Qu’elles rient, qu’elles sont capables d’empathie ou qu’elles ont, comme nous, la conscience de soi, tel le cochon qui se regarde dans le miroir.

F30MA : Votre ouvrage est un véritable cri contre la souffrance animale. Comment est née l’idée de cet essai ?

F.-O.G : Pour paraphraser George Bernard Shaw, les animaux sont mes amis et je n’ai aucune raison de laisser souffrir mes amis. « L’animal est une personne » est un constat objectif doublé d’un cri d’amour et de colère. Ma femme m’a poussé à l’écrire, à force de m’entendre enrager devant notre passivité face à l’impardonnable. Je ne supporte plus d’entendre les mêmes fadaises quand on évoque les souffrances qu’on fait subir aux bêtes à viande : « Est-ce qu’il n’y a pas des choses plus importantes à faire pour les humains avant de s’occuper des animaux ? » Pour moi, la compassion ne se divise pas. J’observe par ailleurs que ceux qui sont engagés dans la cause animale, sont souvent très actifs contre les guerres ou les injustices sociales. Quand on a du cœur, c’est pour tout le monde !

F30MA : La modification du statut juridique de l’animal dans le Code civil, actuellement en débat à l’Assemblée nationale, et dont la Fondation 30 Millions d’Amis est à l’initiative, s’inscrit-elle dans votre démarche ? 

F.-O.G. : Bien sûr, bravo à vous ! C‘est une belle victoire à laquelle j’applaudis. Mais il ne faut pas s’arrêter là. Nous devons tous travailler à changer les mentalités et faire prendre conscience à tous les animaux humains que les animaux non-humains ont aussi droit au respect. C’est la raison d’être de mes deux livres.

F30MA : Vous connaissez bien les dérives de l’élevage industriel aux Etats-Unis. Comment empêcher ces pratiques atroces de se développer ?

F.-O.G : Ce qui se passe dans les élevages industriels américains, n’est certes pas reluisant et souvent même à vomir mais, de grâce, balayons aussi devant notre porte ! Une pensée pour nos poules qui, pondant au rythme démentiel de 300 œufs par an, ne peuvent plus tenir sur leurs pattes. Une autre pour nos veaux en batterie, gavés d’antibiotiques, qui n’arrivent plus à marcher et qu’il faut traîner au poste d’abattage. Une troisième pour les porcs traités comme des machines à faire de la viande. Où est l’humanité là-dedans ? Et je passe sur les conditions d’abattage... Le combat pour les bêtes commence ici et maintenant.

F30MA : Vous définissez le chien comme « un compagnon des bons et des mauvais jours ». Vivez-vous toujours entouré d’animaux ? 

F.-O.G : Tout au long de ma vie, j’ai eu des amis chiens, chats, chèvres, perroquets, bœufs, vaches, canards, dindes... Ces dernières années, mon nomadisme compulsif m’a interdit provisoirement de vivre avec des animaux de compagnie, que je ne voudrais pas laisser seuls, abandonnés. Mais je reste entouré d’animaux comme pendant ma jeunesse dans la campagne entourant mon mas dans le Vaucluse. Des animaux sauvages, notamment des chevreuils, des écureuils et des sangliers.
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" Giesbert dérange. Il attaque bille en tête les monothéismes, coupables d’avoir séparé hommes et animaux dans la conscience commune.
" L’affaire est aussi philosophique. Descartes pensait que l’animal était une machine animée, sans jugement ni sensibilité. La science l’a démenti. Les animaux, à des degrés divers, raisonnent, aiment, s’amusent ou s’effraient, comme les hommes, même si l’homme maîtrise mieux - en général - les outils de la parole et de l’intellect. Et surtout, ils souffrent.
" Les hommes sont des animaux comme les autres, même s’ils sont en moyenne plus dangereux. Il est temps qu'ils en prennent conscience.


Un extrait du livre de Franz-Olivier Giesbert : " L'animal est une personne "

Dieu contre les animaux
Si l’animal a des ennemis sur cette terre, ce sont bien les trois religions monothéistes. Quant elles ne l’ont pas oublié, elles l’ont mis au service de l’homme, élevé par elles au rang de sous-Dieu avec le droit de ne faire qu’une bouchée de toute la création.

L'un de mes livres cultes est le Dictionnaire de la Bible d’André-Marie Gérard, l’œuvre monumentale d’un immense érudit : elle permet d’entrer dans les Saintes écritures comme on veut, c’est comme  un passe-partout doublé d’une clef à molette.
Or, deux occurrences manquent cruellement dans le dictionnaire; bêtes et animaux. C’est logique si l’on songe que nos frères et sœurs inférieurs  ne comptent pour rien dans la Bible. Dieu les a en effet crées pour les humains. Ils sont là pour leur remplir la panse et c’est à peu prés tout.

Gare aux caricatures : les religions du Livre sont cependant d’accord pour considérer qu’il faut bien traiter les animaux. Chez les Juifs, les lois dictées par Dieu à Noé prescrivent au paysan de donner à manger à ses bêtes de trait avant de se nourrir lui-même. Quant à la Genèse, elle lui demande de les soulager de leurs fardeaux excessifs et de les mettre au repos le 7 éme jour de la semaine.
Les monothéistes sont des humanistes : si les animaux ne sont à peine plus que des choses, ce n’est pas une raison pour les martyriser.

Arrivé sur terre quelques siècles plus tard, le Coran reste dans la filiation du Judaïsme et du Christianisme. Dans la sourate des abeilles, l’Islam nous a raconté que la Genèse après avoir inventé pour nous la nuit, le jour, le soleil et la lune, Allah nous a donné les bêtes pour assurer notre subsistance. Pour que nous en retirions aussi des « vêtements chauds ». Pour qu’ils portent nos fardeaux.
Mais Mohamed nuance ensuite son propos dans la sourate des troupeaux, quand il nous dit sur le mode bouddhiste : « il n’y a pas de bêtes sur terre, il n'y a pas d’oiseaux volants de leurs ailes, qui ne forment comme vous des communautés. »

Pour l’Islam, l’humanité, au sens de compassion est censée s’étendre aux animaux. Toute sa vie Mohamed s’est insurgé contre la souffrance animale. Les textes abondent qui l’attestent. Il interdisait notamment d’égorger une bête devant une autre ou encore de marquer aux fers les animaux sur la tête. Sans oublier d’exhorter le sacrificateur de toujours bien aiguiser son couteau. Apparemment la plupart des ses injonctions sont restées lettres mortes chez les salafistes et les intégristes.
Qui a vécu le fête de l’Aïd en terre d’islam ou pas sait que les moutons passent, ce jour là, un sale moment. Il n’y est plus question de respect, encore moins de miséricorde. Après avoir été transportées sans ménagement et en surnombre, les bêtes sont souvent jetées du haut des camions d’où elles atterrissent avec les pattes cassées, avant d’être égorgées le lendemain, en dépit du bon sens, dans les contrées ou les baignoires. S’il revenait sur terre, gageons que Mohamed serait horrifié par ce spectacle lamentable. Nous y reviendrons.

Je suis conscient que la maréchaussée du bien-penser, toujours sur le qui-vive, est déjà en passe de m’interpeller pour islamophobie, aiguë. J’aimerai en rester là pour le plaisir de la voir débouler mais je dois ajouter, ce qui la rassurera que, sur la question animale, le monde musulman n’a rien à envier au christianisme qui a attendu Saint François d’Assise (1182-1226) pour découvrir enfin que les animaux étaient nos frères et nos sœurs, réconciliant ainsi l’Asie et l’Occident.
Porté par le souffle des religions orientales, Saint François d’Assise avait des siècles d’avance sur son époque. Dynamiteur et transgresseur, c’est un visionnaire qui a remis les animaux à leur place. Ni au dessus ni au dessous de nous mais à côté, au cœur du monde.
Grâce à lui, la régénérescence du christianisme a pu commencer, mais à petit pas à peine visible, jusqu’à la consécration finale avec l’avènement en 2013 d’un Pape prénommé François, jésuite converti au franciscanisme. 

A terme les monothéismes n’ont pas d’autre solution que de se réconcilier avec le cosmos. D’accepter l’évolution au lieu de la nier. De faire voler en éclat les barrières de pacotille entre la religion et l’univers. Les créationnistes forment une espèce nuisible qui, hélas, prolifère encore dans les trois religions. Ce sont eux qui ont veillé et qui veillent  toujours à couper l’homme de l’animal. Ils supportent d’autant moins celui-ci que sa seule existence, ses mimiques et ses amours ridiculisent leurs fadaises en leur rappelant d’où ils viennent.

La grande méprise des monothéismes sur l’animal a finalement ses racines dans les premières lignes de l’Ancien Testament où, après avoir créé l’homme à son image, puis la femme, Dieu les bénit et leur dit, dans la traduction d’Augustin Crampon, chanoine de la Cathédrale d’Amiens au XIX° siècle : « Soyez fécond, multipliez, remplissez la terre et soumettez là, dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se meut sur la  terre. »
Une exhortation qui, aujourd’hui, apparaît dépassée, absurde, à rebours de tout ce que la terre n’a cessé, depuis de nous apprendre.








samedi 21 février 2015

Le wahhabisme prend ses marques en France

Les pétromonarques doivent jubiler : leur wahhabisme* exporté en France, prospère et s'installe dans la société française ... jusqu'à la prochaine étape : imposer la chariâa !
Les Français peuvent remercier leurs dirigeants, pour leur vigilance !!

En tout cas, Manuel Valls qui semble vouloir prendre le problème de l'islamisme à bras le corps, il lui faut s'attaquer à la racine du mal en luttant contre cette doctrine obscurantiste par tous les moyens ... 
A commencer par mettre un terme à l’ingérence des pétromonarques qui financent et diffusent leur wahhabisme en France aussi bien sur le terrain que par satellites via une multitude de chaînes de TV où officient des pseudo imams prosélytes qui font l'apologie de la violence contre tous ceux qui refusent la conversion au wahhabisme.

Et pour commencer, Mr Valls doit revoir l'UOIF, un nid à Frères musulmans, dont le wahhabisme fonde la doctrine. 
R.B

NB : * Le Wahhabisme, est une obédience qui connaît un regain expansionniste grâce aux pétrodollars mais aussi pour avoir été soutenue par les américains
Il fonde le salafisme dit islam rigoriste, mais aussi l'islamisme des Frères musulmans, de Boko haram, d'al Qaïda, de Daech ...  
Christophe Cornevin
Poussée radicale dans les mosquées françaises
Les salafistes, adeptes d'un islam rigoriste, multiplient les offensives pour déstabiliser les salles de prière modérées en France. Selon un dernier bilan du ministère de l'Intérieur, 89 lieux de culte sont déjà sous influence et 41 font l'objet d'entrisme.

Le spectre d'une véritable contagion radicale plane sur les mosquées de France. Aiguillonnés par une profonde abhorration de l'islam institutionnel volontiers qualifié comme la «religion des judéo-croisés» et vomissant les imams des mosquées qu'ils désignent comme des traîtres et des «impies» dès lors qu'ils prônent une pratique modérée de l'islam, des groupes salafistes ont lancé une vaste offensive souterraine pour tenter d'étendre leur emprise sur les lieux de culte les plus fragiles. Selon un dernier état des lieux, le nombre des mosquées et salles de prière passés aux mains des fondamentalistes a plus que doublé en quatre ans, passant de 44 à 89 entre 2010 et l'année dernière. Si ce bilan semble s'être stabilisé, du moins en apparence et de manière provisoire, les analystes ne cachent guère leur inquiétude.
En effet, selon des données des services de renseignements portés à la connaissance du Figaro, pas moins de 41 autres lieux de culte sont aujourd'hui déstabilisés par ce que les experts appellent les «attaques salafistes». De plus en plus virulents dans leur prosélytisme, ces religieux d'inspiration quiétiste ont mis sur pied une stratégie assez redoutable, en tout point analogue à celle du «coucou». En général assez jeunes, bien structurés et parfois conseillés par des avocats, ils installent d'abord une petite salle de prière ou créent une école ultra-orthodoxe juste à côté du lieu de culte ciblé, en général de taille modeste sachant que 72 % des 2 502 mosquées et salles de prière musulmanes, gérées en associations de type 1901, accueillent moins de 150 fidèles en moyenne. «Ensuite, ils laissent infuser leurs thèses radicales qui plaisent aux jeunes et alimentent de rumeurs sur la prétendue mauvaise administration du lieu de culte en exigeant la convocation d'une assemblée générale, décrypte un expert. Lorsque les imams en place, souvent de vieux chibanis ayant une gestion à l'ancienne, se trouvent dépassés, les salafistes exigent la convocation d'une assemblée générale avant de prendre le contrôle du bureau qui gère l'association cultuelle…»

Viviers de combattants
Même si les salafistes se déclarent hostiles au djihad, les lieux de culte qu'ils noyautent représentent de véritables viviers, pour ne pas dire des «couveuses» pour les futurs combattants volontaires vers les zones de combat. «En effet, ils y prônent un retrait du monde et une rupture quasi totale avec les non-musulmans afin de se consacrer à la religion, rappelle un expert du bureau des cultes du ministère de l'Intérieur dans un compte rendu porté à la connaissance du Figaro. Cette vision exclusive considère toute soumission aux lois de la République, dans le cadre d'une convocation au commissariat ou au tribunal, comme illicite car revenant à cautionner un ordre impie.» Par ailleurs, son discours, qualifié de même source comme «victimaire et complotiste sur les événements touchant les musulmans en France et dans le monde», fait mouche auprès des esprits les plus faibles et des jeunes de banlieue en perte de repères. L'embrigadement de type sectaire est d'autant plus efficace qu'il cherche à codifier les comportements du quotidien pour trier ce qui est «licite», le «halal», de ce qui ne l'est pas, c'est-à-dire le «haram». «Les quiétistes offrent un cadre, des codes vestimentaires et alimentaires. Ils prônent un modèle de vie plus attrayant, confie un officier de renseignement. On y parle d'abord de lumière, de groupes d'amis pour ceux qui sont isolés, de maris et d'épouses pures pour celles et ceux désireux de fonder un foyer, puis arrivent les cours coraniques et la prise en main radicale.» Chantres du repli identitaire, les salafistes phagocytent les esprits au point d'inquiéter au sommet de l'État. Ainsi, Manuel Valls est monté le 9 février au créneau avec véhémence, appelant à «combattre le discours des Frères musulmans dans notre pays, combattre les groupes salafistes dans les quartiers». «Par la loi, par la police, par les services de renseignement, beaucoup de choses sont faites», a insisté le premier ministre, pour qui «une religion ne peut pas imposer son discours dans nos cités».

Affaibli par des querelles intestines et une présidence devenue à peine audible, le Conseil français du culte musulman ne semble plus en mesure de contrecarrer cette offensive des radicaux. Aussi, même si nombre d'imams des mosquées menacées sont encore rétifs à alerter les services spécialisés et à appeler l'État à la rescousse, certains responsables religieux plus avisés commencent à s'entourer de conseils extérieurs pour éloigner les velléités des «putschistes» fondamentalistes. Ils renforcent notamment leurs statuts associatifs en imposant des bulletins d'adhésion nominatifs et signés, des règles d'ancienneté pour devenir électeurs, des verrous pour les votes par procuration ou encore des clauses spécifiques en cas d'empêchement ou de décès d'un responsable. Ces garde-fous, bien que trop parcellaires encore, sont les seuls garants d'un islam modéré compatible avec les valeurs de la République.


vendredi 20 février 2015

Jihad/croisades : le christianisme est-il plus pacifique que l’islam?

L’histoire permet d’en douter !


Les religions sont nécessairement totalitaires car elles détiennent leur Vérité de Dieu ! Leur diffusion parmi les peuples se sont souvent faites par la violence.
Actuellement ce sont les pétromonarques qui à coup de milliards de pétrodollars, veulent diffuser leur wahhabisme dans le monde entier ... surfant sur des ambitions impérialistes des américains qui croyaient instrumentaliser cette obédience obscurantiste ... au mépris des ambitions des bédouins d'Arabie !
R.B


Partout dans le Coran, la guerre, la violence. Toujours dans les Évangiles, l’amour, le pardon aux offenses, la paix. La comparaison est ravageuse.
Godefroi de Bouillon (1058-1100), premier souverain chrétien de Jérusalem (Gravure du XIXème siècle).  (©ABECASIS/SIPA)
Godefroi de Bouillon (1058-1100), 
premier souverain chrétien de Jérusalem 
On se souvient de la polémique née du discours de Benoît XVI à Ratisbonne en 2006: il l’avait fondé sur les propos d’un empereur byzantin du XIVe siècle qui, déjà, reprochait à la religion de Mohamed son goût de la violence. Les attentats de janvier, les exactions de Daech ne cessent de raviver le procès. Sur le papier, il est joué d’avance. Il a pourtant tout de l’évidence trompeuse.
Le christianisme est pacifique dans son principe. La christianisation n’a pas toujours été faite avec la plus grande douceur évangélique. Les méthodes avec lesquelles Charlemagne a converti les Saxons – ou les conquistadores, les Indiens d’Amérique – relèveraient aujourd’hui du Tribunal pénal international.
En revanche, si nombre de pays aujourd’hui musulmans le sont devenus après les conquêtes lancées par les Arabes, la plupart du temps les vainqueurs n’ont pas cherché à imposer leur religion nouvelle aux chrétiens et aux juifs qu’ils venaient de soumettre. Il a fallu des siècles pour que les populations se convertissent, bien souvent pour des raisons fiscales d’ailleurs: devenir musulman permettait de ne plus payer l’impôt réclamé aux minorités.
Théologiquement, c’est vrai, le message du Christ est porteur d’une rupture spectaculaire. Le Dieu du monde dont il est issu, celui de l’Ancien Testament, le Dieu des juifs, est jaloux, colérique. Il n’hésite pas à promettre la destruction totale des ennemis au peuple qui lutte en son nom, et la Bible regorge d’épouvantables massacres.
Le Dieu de Jésus prêche, lui, la paix. Dans les premiers temps, le christianisme qui s’en réclame en reste là. Les premiers martyrs meurent sans se défendre, avec la prière pour seule arme. Mais les pères de l’Eglise ne tardent pas à tordre le message pour l’adapter aux nécessités des temps.


Béni soit qui "malicide" ?

Au Ve siècle, alors que son Afrique du Nord est attaquée par les Vandales, saint Augustin théorise déjà la «guerre juste», celle qui est licite, si elle est défensive. Six siècles plus tard, au moment des croisades, l’argumentaire monte d’un cran. Les guerres entre chevaliers chrétiens sont toujours un péché, mais celle menée contre les infidèles, pour aller délivrer le tombeau du Christ à Jérusalem devient une «guerre sainte».
Lors de la deuxième croisade, la polémique enfle à propos des Templiers et autres ­Hospitaliers, ces ordres religieux militaires qui guerroient en Palestine: comment peut-on être moine et porter les armes? Saint Bernard de Clairvaux trouve la parade. Il invente le concept de «malicide»: celui qui tue un infidèle n’est pas pécheur, puisqu’il élimine le «mal».
Nombre de pieux exégètes réussiront sans doute à démontrer que tout cela, pour autant, n’a rien à voir avec le «jihad». On s’en approche de très près quand même. 

lundi 16 février 2015

L’époque où la CIA préparait ses mercenaires locaux à la déstabilisation de la Tunisie

LA « DEMOCRATISATION » DU MONDE ARABE ! Telle que la concevait l'administration Bush, et poursuivie par celle de Barak Obama.
Et à laquelle des "démocrates" et "progressistes" tunisiens avaient prété main forte, faisant le jeu des Frères musulmans.
R.B
Abdelaziz Barrouhi, notre confrère de Jeune Afrique

Abdelaziz Barrouhi

Un proconsul nommé Robert Godec

Jeune Afrique du 13 novembre 2007





















Cet article de Jeune Afrique est une perle rare qui permet de comprendre comment et grâce à qui les Américains ont pu déstabiliser la Tunisie pour confier son destin aux islamistes. Sous le titre « Un Proconsul nommé Robert Godec », cet article a été publié le 13 novembre 2007. Son auteur, le correspondant de Jeune Afrique à Tunis, Abdelaziz Barrouhi.
Il y est question de l’activisme de l’ex-ambassadeur américain Robert Godec, du plan néoconservateur de « Grand Moyen-Orient », du Mepi, des bénéficiaires de ce programme de subversion américaine, d’Ahmed-Néjib Chebbi, de Maya Jribi, de Raouf Cheikhrouhou, et de bien d’autres qui ne sont pas cités dans cet article.
Tous ces bourgeois « démocrates » savaient à l’époque qu’ils travaillaient pour les intérêts américains. Mais ils ne savaient pas encore qu’ils travaillaient aussi pour les islamistes, les seuls collabos dont les Américains voulaient en faire les maîtres de la Tunisie.
Article à lire et à archiver… pour l’Histoire.

Ancien membre du staff de Paul Bremer en Irak, l'ambassadeur américain continue de rêver à la « démocratisation » du monde arabe. Telle, du moins, que la conçoit l'administration Bush.
« Je suis ambassadeur auprès du gouvernement tunisien, mais aussi auprès de l'ensemble des Tunisiens. » C'est la réponse faite, le 22 octobre, par Robert F. Godec, l'ambassadeur des États-Unis à Tunis, au quotidien progouvernemental La Presse qui l'interrogeait sur le forcing de l'administration Bush en faveur de réformes politiques dans le monde arabe. Et sur les réactions généralement négatives qu'il suscite, de nombreux gouvernements y voyant une « ingérence inacceptable » de nature à « porter préjudice aux relations » entre les deux parties. 
Les autorités n'ont, à ce jour, pas réagi publiquement, mais la formulation même de la question du journal tunisien n'est pas innocente : sans doute traduit-elle leur embarras, mêlé d'irritation, devant les comportements souvent peu diplomatiques des représentants américains. Et la visite rendue par ce même Godec, le 28 septembre, à Nejib Chebbi et Maya Jribi, deux dirigeants du Parti démocratique progressiste (PDP), un mouvement d'opposition non représenté au Parlement, n'est sûrement pas de nature à détendre l'atmosphère. 

À l'époque, Chebbi et Jribi poursuivaient une grève de la faim visant à faire à annuler la procédure judiciaire engagée contre le PDP, condamné à évacuer l'appartement qui lui sert de siège, à Tunis, après un différend avec le propriétaire des lieux (voir J.A. n° 2440). La visite de Godec, qui a duré quarante minutes, a été interprétée comme une marque de soutien et a certainement influé sur la décision des autorités d'intervenir auprès du propriétaire afin qu'il renonce à faire exécuter la décision d'expulsion et renouvelle le contrat de location. 
L'affaire est désormais close, le PDP ayant retrouvé son local. Et Chebbi, qui, en 2006, s'était rendu à Washington à l'invitation de l'American Enterprise Institute, un think-tank néoconservateur, se retrouve pourvu d'un « parapluie » américain, qui ne compense pas la faiblesse de son implantation sur le terrain et lui vaut de vives critiques jusque dans les rangs des autres formations d'opposition. « Les réformes démocratiques, estime par exemple le Parti de l'unité populaire (PUP), seront obtenues par le dialogue et la concertation, à l'exclusion de toute ingérence étrangère. » 
« Godec se comporte de plus en plus comme un proconsul », regrette pour sa part un ancien diplomate tunisien, qui rappelle qu'en 2003, au lendemain de l'invasion américaine de l'Irak, l'actuel ambassadeur à Tunis fut membre de l'administration provisoire mise en place par Paul Bremer (il était plus spécialement chargé des questions politiques et opérationnelles).
En 2004, le bureau régional du Middle East Parnership (Mepi) a été installé à Tunis (il couvre aussi le Maroc, l'Algérie, l'Égypte et le Liban) dans les locaux de l'ambassade, ce qui a dispensé les autorités tunisiennes de donner leur accord. Le problème est que cet organisme chargé de promouvoir le « Grand Moyen-Orient démocratique » rompt complètement avec les orientations traditionnelles de la coopération américaine - alors que celle-ci marchait pourtant fort bien, et depuis fort longtemps, comme en témoigne le succès de l'American-Mideast Educational and Training Services Inc. (Amideast). 

À l'inverse, les programmes de financement en faveur de la démocratie mis en place par le Mepi sont ouvertement politisés : ils doivent être conformes aux intérêts stratégiques de l'administration Bush. « Je n'ai pas pris conscience tout de suite de cette politisation, raconte un universitaire. Je ne voyais que l'intérêt immédiat que je pouvais retirer des programmes du Mepi. Mais j'ai fini par comprendre : les Américains se foutent complètement que nous devenions ou non démocrates. Leur unique objectif est de nous embrigader, de nous faire cautionner leurs plans injustes pour l'Irak, la Palestine, le Liban ou l'Iran, de nous utiliser comme moyen de pression sur nos gouvernements sur des questions qui n'ont rien à voir avec les réformes. » 
Logiquement, le Mepi cible d'abord les faiseurs d'opinion : journalistes, universitaires, juristes, chefs d'entreprise, membres d'ONG (surtout féminines), militants des droits de l'homme, opposants, etc. Le montant des subventions permanentes qu'il alloue à certains programmes-pilotes avoisine le million de dollars. Mais il existe des subventions ponctuelles d'un montant inférieur (entre 200 000 et 900 000 dollars) et même des mini-subventions (entre 10 000 et 25 000 dollars). Selon ses promoteurs, plusieurs milliers de personnes originaires du Moyen-Orient et d'Afrique du Nord ont, depuis 2003-2004, participé à ces programmes. 
Mais la transparence n'est pas la règle. Le site Web de l'organisme dissimule le plus souvent l'identité des bénéficiaires des subsides et, dans le cas contraire, ne précise pas les montants alloués. En fait, il ne fait plus mention des programmes de financement en cours. En mai 2006, Peter F. Mulrean, le directeur du bureau de Tunis, indiquait que, depuis sa création, 293 millions de dollars avaient été investis dans 350 projets régionaux. 
Le Mepi privilégie évidemment les organisations a priori acquises à la cause des États-Unis, comme la Chambre de commerce tuniso-américaine (TACC), mais pas seulement. L'exemple le plus révélateur est celui de l'Institut de presse et des sciences de l'information (IPSI), qui tient lieu d'école de journalisme au sein de l'université de la Manouba, près de Tunis. Cet établissement collaborant depuis longtemps avec la Bowling Green State University (Ohio), le Mepi a accordé à cette dernière 50 000 dollars pour financer le partenariat, avant de démarcher directement l'IPSI. 
Il a été décidé de doter l'atelier presse écrite d'équipements permettant aux étudiants de fabriquer eux-mêmes leur journal interne. Le professeur Hamida el-Bour a été désignée par la direction de l'institut pour coordonner le projet. Des ordinateurs et un appareil photo numérique ont été achetés. Lorsqu'on s'est aperçu que le nom du journal, Perspective, rappelait fâcheusement une revue d'opposition publiée à Paris dans les années 1960, il a été remplacé par celui de Prospective. Huit numéros du journal ont été réalisés et un voyage aux États-Unis pour cinq étudiants et deux enseignants a été organisé. 
Le Mepi ne s'est pas immiscé dans le contenu du journal, jusqu'à ce qu'un de ses membres découvre incidemment, lors d'une visite, un article hostile à la politique américaine. Sa réaction a été brutale : 
« On ne vous donne pas de l'argent pour critiquer Bush. 
- Mais c'est ça, la liberté d'expression ! » a protesté el-Bour.
À partir de là, il est apparu que ce qui intéressait le Mepi, c'était de pénétrer le milieu des futurs journalistes, ceux qui feront la Tunisie de demain. À la fin de l'année universitaire 2005-2006, lorsqu'il a été question du renouvellement de la subvention du Mepi, l'Ipsi a décidé de mettre un terme à la coopération. « Cela a été un flop, commente el-Bour. Je suis parti d'un objectif terre à terre : équiper mon atelier. Je ne pensais pas du tout au cadre politique et aux objectifs américains. Aujourd'hui, si c'était à refaire, je ne le referais pas. » 

D'autres projets ont rencontré un succès plus probant. En 2006, le Mepi a, par exemple, conclu avec Raouf Cheikhrouhou, patron du Groupe Assabah-Le Temps, le plus influent et le plus ancien de la presse privée tunisienne, un accord de financement, dont le montant n'a pas été rendu public, en vue du lancement d'un hebdomadaire francophone, L'Expression, dont le premier numéro a paru le 19 octobre. L'accord entre le Mepi et Défis SARL, la société éditrice créée pour l'occasion, prévoit la co-organisation de quatre tables rondes sur des thèmes « d'intérêt commun », avec la participation de l'ambassadeur Godec ou de représentants du Mepi. Une initiative qui a fait l'objet de certaines critiques, preuve qu'une partie de l'opinion est de plus en plus remontée contre la politique de l'administration Bush. 
« Ils sont fous ces Tunisiens. Nous leur offrons des dollars et certains trouvent le moyen de faire la fine bouche », commentait récemment, en substance, un journaliste américain de passage à Tunis. 
« Ils sont fous ces Américains. Pour une poignée de dollars, ils croient pouvoir se comporter en pays conquis », lui a-t-on répondu.