« La superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie,
la fille très folle d’une mère très sage ».
Voltaire
« Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée
aux faibles et aux timides ».
Nietzsche
Benjamin Massieu
Historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale,
de l'histoire militaire de la France libre et de la Libération.
Pour comprendre les attentats
de janvier 2015
Pourquoi cet attentat contre
Charlie Hebdo ?
À l’origine se trouve
l’affaire des caricatures de Mahomet qui remonte à 2006 :
Le 2 novembre 2004, le
réalisateur néerlandais Théo Van Gogh est sauvagement assassiné par un
islamiste pour avoir réalisé un court-métrage intitulé Submission.
Plusieurs mois après, le
journaliste danois Kåre Bluitgen, auteur d’une biographie de Mahomet, explique
publiquement qu’il ne trouve pas d’illustrateur pour son ouvrage car tous
craignent pour leur vie depuis l’assassinat de Van Gogh.
En réponse, en septembre
2005, le quotidien danois Jylland Posten réagit et publie 12 caricatures de
Mahomet.
Des islamistes danois le
poursuivent en justice mais sont déboutés. Ils décident alors d’envoyer des
imams au Moyen-Orient sensibiliser les gouvernements et les populations contre
ce journal grâce à des dossiers mensongers. Le rédacteur en chef et les
dessinateurs du Jylland Posten reçoivent de multiples menaces de mort.
Par solidarité, le 1er
février 2006, France Soir publie ces caricatures. Charlie Hebdo fait de même
une semaine plus tard, avec en couverture un fameux dessin de Cabu titré «
Mahomet débordé par les intégristes » et montrant celui-ci pleurant en disant «
C’est dur d’être aimé par des cons ». À l’époque, le journal est victime
d’accusations d’islamophobie et de racisme qui sont foncièrement grotesques :
les auteurs de Charlie étaient des anti-racistes convaincus et défendaient le
droit de pouvoir se moquer de tout et de tout le monde. La justice donne raison
à Charlie Hebdo.
En 2011, l’hebdomadaire
publie un nouveau numéro intitulé Charia Hebdo en réponse à la victoire des
islamistes aux élections tunisiennes. Les locaux du journal sont alors
incendiés au cocktail Molotov.
Les membres de la rédaction
étaient sous haute surveillance car perpétuellement menacés. Ils n’avaient
pourtant jamais renoncé à leur liberté d’expression et continuaient de
brocarder tous les fanatismes, comme tous ceux dont les mots et le comportement
sont risibles d’une manière générale.
L’épilogue, nous le
connaissons malheureusement…
Islamistes et musulmans
Face à de tels événements,
il est évident qu’il y a un risque de renforcer les discours et actes
xénophobes. Il est donc indispensable de rappeler certaines notions de base.
Les musulmans appartiennent
à une religion qui s’appelle l’Islam. « Islam » signifie « soumission », la
soumission à un dieu unique. Leur croyance peut se résumer à leur profession de
foi : « Il n’y a de Dieu qu’Allah et Mohammed est son prophète ».
Les islamistes sont ceux qui
détournent cette religion à des fins politiques (notion expliquée plus loin).
Ne mélangeons pas les deux,
comme nous ne mélangeons pas les autres religions et leurs fanatiques.
Comme l’écrivait Voltaire :
« La superstition est à la religion ce que l’astrologie est à l’astronomie, la
fille très folle d’une mère très sage ».
Rappelons qu’à l’heure
actuelle, la majorité des victimes des islamistes dans le monde sont des
musulmans. Cela peut paraître évident mais nous avons un peu trop tendance à
l’oublier. En témoignent, parmi les morts de ces attentats, le policier Ahmed
Merabet et le correcteur de Charlie Hebdo Mustapha Ourad, ou encore parmi les
militaires lâchement abattus par Merah : Imad Ibn-Ziaten et Mohamed Legouad.
Tous musulmans ou d’origine
musulmane.
Origines et principes de
l’Islam
L’Islam est l’une des trois
principales religions monothéistes avec le judaïsme et le christianisme. Les
musulmans croient dans le même dieu que juifs et chrétiens et qu’ils nomment
Allah. Les musulmans croient en Abraham (Ibrahim) le premier des croyants, en
Moïse (Moussa), David (Daoud), Salomon (Soleyman). Ils croient aussi en Jésus
(Isà), le Messie conçu par le souffle divin et né de la Vierge Marie (Maryam).
La différence avec les chrétiens c’est qu’ils ne le voient pas comme « Dieu
fait homme » ou son fils mais comme un prophète (ce qui était la vision
originelle des premiers chrétiens, la nature divine du Christ n’ayant été
décrétée qu’au moment du concile de Nicée en 325). Ils réfutent sa résurrection
et pensent qu’il est « simplement » mort en martyre sur la croix. Comme pour
les chrétiens, son retour sur terre annoncera la fin des temps et le Jugement
dernier.
Cette mauvaise
interprétation du message divin par les juifs, puis par les chrétiens, cette
déformation, aurait conduit Allah à s’adresser à un nouvel et dernier prophète
: Mohammed. Le message d’Allah à Mohammed a été transmis par l’ange Gabriel
(Jibril), le même qui avait annoncé à Marie sa grossesse. Gabriel a récité la
parole divine à Mohammed qui devait ensuite la transmettre aux hommes. « Coran
» signifie « récitation » en arabe.
Mohammed, qui était un
marchand caravanier et avait eu sa révélation en allant méditer dans une
grotte, dans la montagne, a ensuite prêché ce nouveau monothéisme à La Mecque,
grand carrefour commercial mais aussi grand centre religieux pour les arabes
polythéistes qui venaient y vénérer les idoles présentes dans la Ka’ba.
Les
Mecquois, qui faisaient un juteux commerce des pèlerinages vers les idoles
polythéistes, décidèrent de chasser Mohammed et ses adeptes de la Mecque en
622. C’est le début de l’Hégire, le calendrier musulman.
Mohammed s’installe alors à
Médine où il forme la première communauté de musulmans. Il devient le chef
politique, militaire et religieux de cette communauté, l’oumma.
En 630, il retourne à la
Mecque, chasse les polythéistes et brûle les idoles. Il n’épargne qu’une «
Vierge à l’enfant » qui se trouvait là… Il meurt à Médine en 632, après avoir
conquis un immense empire.
À sa mort, les califes
(khalifa signifie « successeur » en arabe) poursuivent l’extension de «
l’empire musulman ». Ils font ce que l’on appelle le jihad, c’est-à-dire «
l’effort » pour répandre la parole divine à travers le monde et repousser
l’agression de ceux qui condamnent leurs croyances.
Le Coran considère quatre
types de jihad : par le cœur, par la main, par la langue et par l’épée. Le jihad intérieur est le principal : un combat contre soi-même pour devenir un homme
meilleur.
En quelques décennies, ils conquièrent un immense empire qui s’étend
de la Chine aux Pyrénées. En fait de conquêtes, ils sont souvent accueillis à
bras ouverts par les populations jusqu’ici soumises avec violence par les
Byzantins. La tradition musulmane interdit la violence contre les juifs et les
chrétiens qui sont appelés « peuples du Livre ». Si ceux-ci sont fidèles et
vertueux, tout comme les musulmans vertueux, ils « n’auront rien à craindre et
ne seront point affligés » (Coran 2 :38).
Les non musulmans sont ainsi
libres de pratiquer leur religion en dâr al-islâm (le « domaine de l’islam »)
pourvu qu’ils respectent les
lieux de culte musulmans et payent un impôt spécial.
D’après les textes sacrés de
l’islam, la guerre, le fait de tuer, est contraire au message d’Allah :
- « Celui qui a tué un homme
qui n’a commis aucune violence sur terre, ni tué, c’est comme s’il tuait tous
les hommes. Celui qui sauve un seul innocent, c’est comme s’il avait sauvé
l’humanité toute entière » (5 :32)
- « Si Allah l’avait voulu,
il aurait fait de vous une communauté unique. Toutefois il ne l’a pas fait,
afin de vous éprouver en ce qu’il vous a donné. Devancez-vous donc mutuellement
dans les bonnes actions. Vous retournerez tous vers Allah et il vous éclairera
sur le sens de vos différences » (5 :48)
D’une manière générale, le droit
musulman condamne la guerre (harb). L’exception du jihad (« la guerre sainte
») ne vaut que pour rétablir la paix, repousser l’agression. On peut ainsi lire
dans le Coran : « Combattez dans le chemin de Dieu ceux qui vous combattent,
mais n’agressez point. Dieu n’aime pas les agresseurs ».
Même lorsque le combat
est légitime, le Coran interdit la « guerre préventive » et disproportionnée :
« Si vous châtiez, châtiez de la même façon que vous avez été châtiés. Mais
certes, si vous êtes patients, ce sera un bien pour ceux qui auront été
patients. »
Or, ce sont souvent ces sourates qui sont tronquées pour faire
croire à des appels au meurtre. Dans le Coran, comme dans la Bible, certains
passages (comme dans le Deutéronome), non remis dans le contexte, peuvent
apparaître comme d’une violence extrême.
Enfin, il est important de
faire un distinguo : les musulmans ne sont pas des Arabes.
L’islam est une religion,
les Arabes sont un peuple.
Ainsi les Turcs, les Iraniens (Persans), les
Indonésiens, les Berbères, ne sont pas des Arabes mais ils sont majoritairement
musulmans. L’Indonésie est aujourd’hui le plus grand pays musulman. De même, il
existe des Arabes chrétiens. De ces différents peuples qui vénèrent Allah et le
prophète Mohammed sont nés ses différents noms : « Muhammad » est devenu «
Mehmet » en turc (qui a influencé la traduction française en Mahomet), «
Mamadou » en Afrique noire, Mahmoud, etc.
Il existe de multiples
courants parmi les musulmans. Les principaux sont les sunnites et les chiites.
Sans s’attarder sur les origines de ce schisme apparu dès 632 sur la question
de la succession de Mahomet, disons qu’aujourd’hui ils ont une conception de
l’organisation de la société très différente : les sunnites voient l’imam comme
un pasteur, tandis que les chiites le considèrent comme un guide indispensable
et descendant de la famille de Mahomet. L’imam chiite est réputé « infaillible
dans son interprétation du Coran ». Les chiites ont un clergé mais pas les
sunnites. Pour les chiites, l’autorité religieuse doit être séparée de
l’autorité politique exécutive, pas forcément pour les sunnites. Les sunnites
sont ceux qui suivent la sunna (récit de la vie de Mahomet), c’est-à-dire
qu’ils tentent d’imiter les vertus du Prophète au quotidien. Les sunnites
pensent l’histoire prédéterminée. Les chiites croient en la liberté
individuelle.
Il existe d’autres courants
comme les alaouites (qui boivent de l’alcool et considèrent Ali comme
l’incarnation de Dieu sur Terre), les kharidjites, les druzes (dont les rites
sont secrets) ou encore le soufisme (un mysticisme qui prône le détachement des
choses matérielles, la recherche de la vertu et de la sagesse).
Le Coran interdit-il de
représenter Mahomet ?
Il y a trop souvent de
nombreuses idées fausses sur cette question. Rien dans le Coran n’interdit de
représenter Mahomet. Il s’agit là d’une tradition de ne pas représenter le
prophète afin d’éviter l’idolâtrie.
Cette tradition de refuser
les représentations si elles conduisent à l’idolâtrie existe également dans le
judaïsme et le christianisme originel. C’est ce qu’on appelle l’« aniconisme ».
Elle trouve son origine dans le troisième commandement du décalogue (lui-même
conséquence de l’épisode du « veau d’or » lors de l’Exode des Hébreux après la fuite d’Egypte). Si
les Juifs restent relativement fidèles à cette règle, les chrétiens l’ont vite
abandonnée.
Cette tradition est loin de
faire l’unanimité dans le monde musulman à travers les âges. Jusqu’au XVIe
siècle, il était très courant de voir des représentations de Mahomet le visage
découvert. Sa non représentation qui s’est généralisée au point de devenir une
tradition repose sur certains hadiths c’est-à-dire propos de Mahomet et de ses
compagnons (extérieurs au Coran) qui déconseillent de tenter d’imiter Dieu en
reproduisant ses créations. Ceci s’applique donc à tous les êtres vivants et
non spécifiquement à Mahomet.
Les chiites rejettent bien souvent cette idée qui
n’existe pas non plus chez certains Sunnites.
Ainsi en Asie Mineure (chez les
Turcs), en Iran ou encore Asie Centrale), de nombreuses représentations très
anciennes en témoignent.
D’où vient l’islamisme ?
L’islamisme c’est-à-dire
l’instrumentalisation politique de l’islam est né en Egypte en 1928 avec la naissance
du mouvement des Frères musulmans. Le projet de son fondateur, l’instituteur
Hassan Al Banna, était de combattre l’emprise occidentale sur les pays arabes
autour de ce qui en rassemble les populations, à savoir leur identité
religieuse.
Le monde musulman a vu se
succéder de multiples empires millénaires pour finalement s’effondrer et se retrouver
dominé en quelques décennies. Les premiers islamistes voient dans cette
déchéance du monde musulman une conséquence de la « perte des valeurs » de
leurs coreligionnaires.
L’islamisme est donc à
l’origine un mouvement unificateur qui souhaite mettre en avant l’oumma (la communauté
des croyants), en opposition aux nations (watan), considérées comme une source
de divisions.
Cette idéologie est
directement issue du « panislamisme », projet de l’empire ottoman visant à
recréer un seul État musulman uni, comme au temps de Mahomet et des premiers
califes, ainsi que du fondamentalisme wahhabite (qui cherchait à lutter contre
l’expansion saoudienne).
Il est le fruit de multiples réflexions de savants musulmans entamées
au XIXe siècle au sujet de leur place dans un monde dominé par les Européens.
Les premiers islamistes ont
lutté aussi bien contre les occidentaux que contre les dictatures
post-coloniales et étaient pour cela extrêmement populaires. C’était donc un
mouvement politique conservateur mais en aucun cas guerrier et fanatique.
L’accession aux
indépendances et les organisations politiques régionales respectives qui en ont
découlé, ont pourtant fragmenté le monde musulman. Dans les années 60, c’est le
roi Fayçal d’Arabie qui a tenté de reprendre l’idéologie panislamique à son
compte. Il devait alors faire face à un mouvement unificateur rival de par ses
objectifs : le nationalisme arabe.
Parmi les raisons de l’échec de ce projet
d’unification figure notamment la défaite des États arabes face à Israël au
moment de la guerre des Six Jours.
L’islamisme allait connaître
un renouveau dans les années 70-80, un renouveau violent. La scission des
Takfir d’avec les Frères Musulmans était une première étape. Ce mouvement
considère ceux qui ne partagent pas ses idées comme des apostats donc des
ennemis à éliminer. L’islamisme violent a connu son réel essor en Afghanistan,
pays proche de l’URSS lors de la Guerre froide, face au Pakistan soutenu pour
sa part par les USA.
En 1979, après l’assassinat
du président afghan qui souhaitait prendre ses distances avec Moscou, le pays
est envahi par l’URSS. Les USA décident à ce moment d’organiser des unités de
musulmans de tous pays, armés par la CIA pour combattre l’URSS. C’est là qu’est
né l’intégrisme jihadiste, forme fanatisée de l’islamisme.
Tous ces « moujahidins »
revenus dans leurs pays respectifs à la fin de la guerre d'Afghanistan ont
alors décidé de s’en prendre aux régimes en place et notamment en Algérie qui a
connu une sanglante guerre civile entre 1991 et 2002. Il y a aussi eu la guerre
en ex-Yougoslavie qui leur a permis de recruter de nouveaux adeptes et offert
un nouveau théâtre d’opérations.
Ils se sont imaginés seuls
responsables de la chute de l’URSS et se sont pour beaucoup convaincus que cela
n’avait été possible que parce qu’ils avaient l’aide et le soutien d’Allah.
Dans leur esprit n’a donc pas tardé à germer l’idée qu’ils pouvaient désormais
abattre les USA pour imposer leur propre domination.
Le départ des soviétiques de
l’Afghanistan avait laissé ce pays dans un état d’anarchie permettant ainsi la
prise de pouvoir par les Talibans en 1996. L’Afghanistan est alors devenu le
sanctuaire des intégristes, et notamment d’Al-Qaïda, l’organisation d’Oussama
Ben Laden qui y disposait de camps d’entrainement pour mener à bien son projet
de « califat mondial ». Les événements qui suivirent, notamment le 11
septembre, sont connus.
Les différentes
interventions militaires occidentales de ces 15 dernières années dans ces pays
(et surtout en Afghanistan) ont éclaté un système jihadiste très organisé et «
relativement unifié » autour d’Al-Qaïda.
La fragilisation de la
Syrie, puis de l’Irak, leur a permis de retrouver un nouvel élan et a relancé
l’idée d’un Etat islamique, qui ne rassemblerait cette fois que les sunnites.
Nous assistons donc à un
affrontement entre ces fanatiques et les occidentaux mais également un
affrontement entre musulmans (entre les sunnites et les chiites) doublé d’un
affrontement avec les sunnites modérés.
Le jhadisme a changé de
visage, ses attentats aussi. Ce ne sont plus des grosses opérations très organisées
et avec beaucoup de moyens comme le 11 septembre qui sont menées. Ce qui
prévaut désormais ce sont des attaques beaucoup plus modestes, organisées par
de petits groupes qui n’ont qu’à laisser « libre cours à leur imagination ». On
recrute des « paumés » par internet et on leur donne une cause au nom de
laquelle passer à l’action. Ils peuvent être formés ou financés en amont, mais
les modalités du passage à l’acte restent relativement libres. Leur but est de
multiplier les actions et de susciter une terreur permanente sur les populations
occidentales. Celles-ci feront alors (du moins l’espèrent-ils) pression sur
leurs gouvernements pour que nos armées cessent de mener des opérations
militaires contre eux (Daesh, c’est-à-dire le pseudo « Etat Islamique », patine
sérieusement depuis cet été, notamment en raison des frappes de la coalition).
Déclencher des attentats de par le monde est une tentative de desserrer l’étau
qui existe aujourd’hui sur eux au Moyen Orient. Car malgré la poursuite des attentats,
le jihadisme recule partout…
Cette fragmentation de la
mouvance jihadiste suite aux interventions occidentales a abouti à la
naissance de multiples organisations rivales qui s’affrontent (par exemple
Daesh et Al Nosra aujourd’hui). Mais ces groupes sont aujourd’hui dans une
stratégie de surenchère. C’est à celui qui fera le plus parler de lui. C’est
une forme de « guerre de gangs » ou « mafieuse » pour simplifier, qui s’appuie
sur la domination d’un territoire et son extension, sauf que celle-ci est d’une
ampleur bien plus grande. Bien sûr, la plupart des islamistes ne sont que des «
perdus » et leur récupération par un groupe ou par l’autre est souvent le fruit
du hasard. Ils ne sont que les instruments de chefs bien plus ambitieux dont ils
ignorent totalement les desseins (et souvent eux-mêmes financés par des États
de la région pour déstabiliser les États rivaux). Manipulés, ils pensent que la
seule personne qu’ils servent est Allah (et le prophète Mohammed bien sûr).
Pourquoi s’en prendre aux
Juifs ?
Les actes antisémites ont
augmenté de plus de 90% l’an dernier. Sans revenir en détails sur la haine du
Juif à travers les âges et ses différents motifs, disons que le problème actuel
est essentiellement le fruit d’une transposition du conflit israélo-palestinien
qu’ils reprochent à tous les Juifs, où qu’ils soient dans le monde.
Le conflit
israélo-palestinien est très complexe à expliquer. Pour faire simple, Jérusalem
est la ville-sainte des trois monothéismes. La Palestine est revendiquée par
les Juifs comme la « Terre sainte » promise par Dieu aux descendants d’Abraham.
Or, les Juifs ont quitté la Palestine dans leur immense majorité après la
destruction du Temple de Jérusalem par les Romains vers 70. Ils se sont
dispersés à travers le bassin méditerranéen puis le monde. C’est ce qu’on
appelle la « diaspora ».
L’Islam n’existait pas
encore. Jérusalem est pourtant devenue une ville sainte pour les Musulmans car
Mahomet y aurait fait un voyage nocturne puis une ascension. Il y aurait vu les
principaux prophètes qui l’avaient précédé, dont Jésus.
La Syrie-Palestine est l’une
des premières régions à passer sous le contrôle des musulmans immédiatement après
la mort de Mahomet. Les Byzantins sont chassés avec le concours des populations
opprimées par ceux-ci.
Pour les chrétiens, bien
sûr, c’est là que se trouve le tombeau du Christ, d’où les Croisades.
Au XIXe siècle, face aux
persécutions dont ils sont victimes de par le monde, de nombreux Juifs décident
de retourner s’installer en Palestine et d’œuvrer à la fondation d’un État
juif. C’est ce qu’on appelle le « sionisme » (qui est lui aussi sujet à de
nombreuses dérives).
Ce projet de recréer un
État-juif aboutit après la Seconde Guerre mondiale et suite à la Shoah, par la
création d’Israël en 1948. Sur décision de l’ONU, cet État juif est instauré,
sans consultation des populations musulmanes qui vivent sur place depuis des
siècles, d’où plusieurs guerres qui aboutissent à l’extension du territoire israélien.
Depuis, les Palestiniens musulmans se concentrent dans la bande de Gaza et la
Cisjordanie.
Ce sont les combats entre
l’armée israélienne (Tsahal) et les Palestiniens qui révoltent nombre de
personnes en raison des victimes collatérales civiles.
Sans entrer dans un débat
inextricable pour savoir qui a tort ou qui a raison, on peut résumer que c’est
cette situation qui engendre cette haine des Juifs, partout dans le monde.
Certains de ces « défenseurs
de la Palestine » pourraient se plaindre derrière leur écran qu’il n’y a pas
autant de tapage médiatique sur les morts dans cette région du monde. Charlie
Hebdo avait souvent dénoncé la situation à Gaza. Quiconque dénonce la terreur
et les massacres dans une partie du monde, doit le faire partout ailleurs, et il
existe encore nombre de conflits, partout dans le monde, qui se déroulent dans
une indifférence générale.
Où s’arrête la liberté
d’expression ?
Pendant des années, les
pages de Charlie Hebdo ont été ornées de dessins raillant les fanatiques de
tous bords.
Tous les dessinateurs
n’étaient pas sur la même longueur d’onde qu’eux, mais aucun acte (et surtout
pas celui de faire des dessins) ne justifie d’être assassiné !
La liberté d’expression est
l’un des principes fondateurs de la République française.
Ainsi, l’article 11
de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 proclame : « La
libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus
précieux de l’homme ; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer
librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés
par la loi. »
De même, l’article 10
stipule que « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, mêmes religieuses
pourvu que leur manifestation ne trouble par l’ordre public établi par la loi ».
La France est un État de
droit (c’est-à-dire basé sur les lois). Les lois peuvent être débattues et
évoluer.
La liberté n’est pas
illimitée. Elle est bornée par la loi afin de ne pas nuire à autrui.
Lorsqu’il faut trancher une
situation, c’est le tribunal qui s’en charge. Le juge décide, selon le droit,
si les limites (de la liberté d’expression par exemple) ont été franchies, de
façon indépendante (sans céder aux pressions religieuses ou politiques). C’est
pour cette raison que si quelqu’un, sous couvert de l’humour, lance des appels
à la haine (à peine voilés), il peut être condamné voire interdit. Quelqu’un
qui voudrait faire des blagues sur une ethnie ou une religion sans tomber dans
le racisme ou la banalisation du meurtre en a tout à fait le droit.
La France
est un État laïque, c’est-à-dire refusant tout droit de cité à la religion dans
les affaires de la société civile. La notion de blasphème n’existe plus depuis
1789. Le blasphème n’a de sens que pour ceux qui considèrent la religion dans leur
espace de réflexion. Un non croyant a tout à fait le droit de blasphémer. Son action
n’engage que sa personne. Si des propos ou un dessin ne sont pas condamnés par
la justice, c’est qu’ils n’ont pas dépassé les limites de la liberté
d’expression. Un croyant peut donc se sentir légitimement choqué voire blessé
par des dessins autorisés mais rien ne l’oblige à regarder ces images.
La France et les attentats
Les attentats en France – et
en particulier les attentats islamistes – ne sont pas nouveaux. Souvenons-nous
de ceux de 1994-1995… Certes, depuis une vingtaine d’années, les attentats sont
le fait d’islamistes. Dans les années 70-80, ils étaient le fait de
l’ultragauche, dans les années 60 ils étaient le fait de l’OAS et du FLN, auparavant
des anarchistes, etc.
À toutes les époques il y a
des gens qui exploitent la détresse sociale pour en faire combattre d’autres
pour leurs intérêts, et des gens assez faibles/fous pour y croire. Aujourd’hui
c’est l’islam, hier c’était autre chose, demain, ce sera encore autre chose. Il
faut comprendre que tout ceci n’est pas nouveau afin de ne pas céder à la
panique.
Les terroristes actuels sont
des jeunes perdus, ignorants, des esprits faibles et influençables. Il devient
dès lors très facile pour un recruteur, « prédicateur, de leur « retourner la
tête ».
Cela passe par plusieurs étapes :
- Tout d’abord, ils font remarquer à ces
jeunes la misère qui les entoure, qu’ils n’ont pas d’autre issue. À l’aide de vidéos
notamment, ils montrent la misère et la souffrance dans d’autres pays musulmans
en guerre. Dès lors naît chez ces jeunes une interrogation : « Vais-je rester
ici à végéter ou donner un sens à ma vie en combattant pour ces musulmans qui
souffrent et pour l’islam ? ».
- Le basculement s’effectue ensuite à l’aide
d’autres vidéos et discours dans lesquels il leur est dit que le Coran et les
paroles du prophète appellent à ce combat, à tuer les mécréants, car la plupart
d’entre eux n’ont aucune véritable connaissance de l’islam qui leur permette
d’avoir du recul. Les multiples sites internet islamistes accentuent la
radicalisation de ces individus qui vivent derrière un écran (12 à 15 heures
par jour en moyenne selon la DGSI) et mettent du piment dans leurs vies fades
par leurs activités clandestines. Une citation de Nietzsche résume tout ceci :
« Le fanatisme est la seule forme de volonté qui puisse être insufflée aux
faibles et aux timides ».
- La radicalisation peut aussi
se faire – et c’est très souvent le cas – en prison. Entrés pour des délits plus
ou moins importants, ils ressortent radicalisés car y fréquentent des «
prédicateurs » qui savent retourner leur amertume. On touche ici à la
problématique de savoir que faire de ces islamistes incarcérés. Les disperser
dans les prisons et en faire des recruteurs qui retourneront facilement la tête
de condamnés de droit commun ? Les regrouper et donc les mettre en contact
entre eux, leur donner l’opportunité de préparer des actions à leur sortie ? Le
débat est aujourd’hui ouvert pour trouver des solutions à ces questions.
La situation que nous vivons
actuellement n’est pas nouvelle. Il y a un lien direct entre la vague
d’attentats de 1994-1995 orchestrée par le GIA (Groupe islamique armé) algérien
et les récents événements. Chérif Kouachi avait participé à la tentative
d’évasion de Smaïn Ait Ali Belkacem, condamné à perpétuité pour l’attentat à la
station RER Musée d’Orsay en octobre 1995. Autour d’eux gravitent des
personnages comme Farid Benyettou, Peter Chérif ou encore Djamel Beghal, qui
témoignent de ce lien.
Ce sont les mêmes que nous
combattons aujourd’hui, notamment au Mali. En effet, suite à une scission au
sein du GIA en 1998, est né le GSPC (Groupe salafiste pour la prédication et le
combat) qui en 2007 a pris le nom d’AQMI (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) suite
à son allégeance à l’organisation de Ben Laden. Un changement d’appellation ne
doit pas nous aveugler sur une réalité qui reste la même. Frapper la France et
ses valeurs reste encore l’un de leurs objectifs principaux, comme en
1994-1995, d’où l’intervention au Mali afin de les empêcher de prendre le
contrôle de ce pays et de disposer d’une immense base arrière pour former des jihadistes et frapper ensuite les occidentaux.
Conclusion :
Quoi qu’il arrive, que l’on
s’implique dans les affaires du monde ou non, nous serons toujours visés car
nos valeurs (ici la liberté d’expression mais également la démocratie et les
libertés dans leur ensemble et surtout la laïcité) ne leur conviennent pas, et
parce qu’ils espèrent nous voir y renoncer par la terreur. Nous en avons eu un
parfait exemple avec cette atteinte à la liberté d’expression. Trop souvent,
nous avons suivi certains événements comme si tout cela n’était que de banales
affaires de grand-banditisme. Aujourd’hui nous nous réveillons assommés à cause
d’une mémoire un peu trop sélective et du sentiment que nous étions à l’abri de
tout cela, que nous étions en paix. Les récents événements nous rappellent le
prix de cette liberté dont nous jouissons sans en mesurer la valeur.
Être conscient de toutes ces
réalités aidera chacun à les relativiser, à les considérer avec la gravité
nécessaire sans pour autant tomber dans la psychose. L’important est qu’à la
fin il y ait « plus de mal que de peur ».
Dans le cas contraire, ce serait leur
donner la victoire.