Les tunisiens ont été les initiateurs du dégagisme
pour se débarrasser de leurs carcans et du système politique de leurs
dirigeants. Et bien que les Frères musulmans se soient
emparés de leur révolution, ils ont dû lutter à nouveau pour les dégager, en
fondant tous leurs espoirs sur Béji Caïd Essebsi et son nouveau mouvement
politique Nidaa Tounes. Béji Caïd Essebsi leur jurait les débarrasser des Frères musulmans
qui ont mis à mal le pays en les rassurant vouloir rendre son prestige à la
République malmenée par Ghannouchi et ses acolytes Tartour Marzougui & Ben
Jaafar !
Hélas il n'a pas été à la hauteur de leurs
espérances. Pire encore, il s'est allié à ceux qu'il était censé dégager ! Sa traîtrise désespère tous les progressistes qui ont cru en lui et plus particulièrement
les tunisiennes qui ont voté massivement pour lui , certaines qu'il sera leur rempart contre les Frères musulmans et leur obscurantisme.
Or depuis Chirac, puis Sarkozy et enfin Hollande, les français ne croient plus, eux non plus, en leurs hommes politiques et ne savent plus à quel saint se vouer pour reprendre espoir.
Et voilà qu'un miracle se produit ! Un
jeune homme sur lequel personne ou presque n'aurait misé un sou, sort du rang
et accomplit en un an et avec brio, un parcours qui laisse médusés journalistes, observateurs
et hommes politiques du vieux système. Il a tout chamboulé : les vieux repères,
les vieux systèmes ... en proposant du neuf à tous les niveaux !
Et ça marche : son mouvement En Marche est
en train de dégager les vieux briscards de la politique française. Pire encore, Emmanuel Macron
ringardise toute la classe politique et ses vieilles pratiques !
Une révolution ! C'est le printemps
français. Qui plus est, s'est faite sans violence, et sans verser une goutte de sang. Les Français soufflent et l’espoir revient. En quelques jours, la France
a retrouvé son prestige et le monde la regarde à nouveau avec respect et
admiration.
Bonne continuation l’artiste !
R.B
Que l'on aime ou pas Macron, ce qui se
passe est drôle et jouissif
Il se passe depuis quelques jours en
France un bouleversement politique qui remue le « microcosme parisien » et
chacun d’entre nous, ou presque. Ce spectacle inhabituel fait voler en éclats
nos certitudes, mais aussi nos réflexes et nos scepticismes. C’est drôle et, si
l’on parvient à se détacher de toute étiquette partisane, profondément
jouissif.
Un gamin a surgi, qui a cassé nos jeux
et, avec assurance, invente de nouvelles règles. Ou plutôt, l’air de rien,
retrouve la vérité de la Ve République, d’un président
au-dessus des partis, créant le sien, à sa mesure, pour faire voler en éclats
ce qui lui a précédé.
Depuis longtemps, nous n’avions pas été
à ce point bousculés. N’est-ce pas profondément drôle ? Et même jouissif ?
Peu importe au fond les jugements,
généralement tranchés (à droite ou à gauche ? Libéral ou étatiste ? Profond ou
marketé ?), que chacun peut émettre sur Emmanuel Macron. Qu’il séduise ou
agace, le personnage tranche radicalement avec ce à quoi la politique nous a
habitués. Une ascension fulgurante, beaucoup de chance et autant de talent, pas
de chapelle identifiée, un projet plus qu’un programme : en quelques jours, le
monde politique a pris un coup de vieux ahurissant, sourire insolent du
président en bonus. Dents écartées, on n’ose écrire dents de lait, tant il
paraît poupin au regard de ses prédécesseurs.
Une République insaisissable
A droite comme à gauche, dans les rouages des partis,
vieux briscards et jeunes ambitieux ne savent comment réagir, voyant tout leur
échapper : les discours convenus, les oppositions irréductibles, les postes, le
pouvoir. Leur vie.
Pour se protéger, sauver ce qui peut
l’être, ils recourent à la panoplie habituelle : langue de bois, exclusions, appels au rassemblement, créations
de mouvements au nom procrastinatoire. Rien de tout
cela aujourd’hui ne peut être audible. Ce n’est pas ce que réclame l’instant,
qui est au grand chambardement. Les ors de la République ne sont plus donnés en
héritage aux patients et retors, par alternances et accords plus ou moins
secrets.
On dirait que les vieux partis ont vécu.
Et ce, même jusqu'aux extrêmes où l'on s’époumone en lendemains amers, rancœurs
de mauvais joueur pour l’un, grisaille de la défaite médiocre pour l’autre. Le
risque d’éclatement guette, à droite, à gauche, à l’extrême-droite, à
l’extrême-gauche. Qui l’eût cru ?
Sigmund Macron
Mais ce bouleversement ne serait rien
s’il n’ébranlait les électeurs. La France, du moins ce que j’en lis et entends,
s’est couchée sur le divan collectif de la psychanalyse politique. Spectacle
étrange qui montre que nous ne valons pas mieux que nos (anciens)
représentants. À force de nous morfondre dans notre pays immobile, le mouvement
nous fait peur, nous séduit, nous agace, nous perturbe, nous charme ou nous
écœure. Nous prenons la nouveauté en pleine gueule. Violence de nous découvrir
vieux quel que soit notre âge.
On résiste. Chacun s’accroche à ses
certitudes. Au jugement confortable des convictions jamais questionnées.
Droite ou gauche, ou UMPS, ou ultra-libéralisme : les grilles de lecture sont
là, connues, utiles pour refuser une forme d’inconnu. Nos
attachements idéologiques sont profondément ancrés, viscéraux, les repas de
famille en témoignent. Y renoncer est douloureux et c’est pourtant ce qui nous
est proposé imposé.
Je vous l’avais bien dit, ça ne marchera
pas
Le scepticisme bien sûr, est là, qui
cherche des rapprochements historiques, des précédents, d’autres grilles de
lectures, plus érudites mais aussi vaines. Le scepticisme encore qui prédit déjà
l’échec d’un gouvernement le jour où il s’installe. Comme des parents observant
chez leurs enfants leurs enthousiasmes d’autrefois, depuis longtemps taris.
Entre les traîtres à leur camp, les «La société civile, ça n’a jamais marché» ou
la majorité indécise de la future Assemblée, les prétextes ne manquent pas à
qui se veut Cassandre. L’échec serait une satisfaction. On vous l’avait bien
dit. La citation de Lampedusa est bien pratique,
toujours d’actualité bien sûr, qui pare de vernis intellectuel une pensée
figée.
Et puis, les arguments, plus ou moins
fondés, les petits cris de rage. On déterre des tweets, les déclarations d'avant, intempestives, comme
preuve de la duplicité des ministres, de leur mépris, d'un dessein secret, on exhume
livres machistes ou casse-gueule. Et, pêle-mêle, avec cette machine de guerre, tout est en péril
: droits des travailleurs, laïcité, écologie, école, croissance… Il manque des ministères, drame. On déplore le poids
de l’énarchie, l’âge des ministres, la parité dévoyée, le diktat de Bruxelles ou
d’Angela Merkel… Déjà, un sondage, bonheur du rassurant sondage !, prédit la fin de l'état de grâce. Retour à la
normale, tout est écrit, forcément.
Rien n’est écrit de manière prévisible
Mais rien, justement, n'est écrit.
Incrédules, nous regardons ce spectacle avec une forme de sidération
agacée. Pour notre ventricule droit ou notre ventricule gauche, ce curieux
assemblage d'inconnus et de « prises de guerre » n'est-il pas voué à l'échec
? La vérité est que le pays, dans sa représentation, bouge, et vite. Il ne
s’agit pas que d’une simple passation de pouvoirs, qui nous rassurerait, en
supporters comblés ou déçus. Nous perdons nos repères, et l’assurance du
président revêt une forme d’insolence. Il sait où il va. Il semble savoir où il
va. Que sait-il ? Nous ne le savons guère. Pour notre pays, nous voulons qu’il
réussisse, pour notre confort, il faudrait qu’il échoue. Terrible paradoxe de
la France d'aujourd'hui.
Selon les jours et les décisions, nous
oscillerons sans doute entre craintes et espoirs. Nous sommes secoués, comme
l’action EDF, qui grimpe de 7% lorsque le Premier ministre, ancien salarié
d’Areva, est nommé, puis perd 7% le lendemain, lorsqu'arrive Nicolas
Hulot.
On prend du recul et on rigole (de
nous-mêmes)
Avant de m’accuser de macronisme bêlant,
essayez, lecteurs, de vous abstraire de vos préjugés politiques. Reculez-vous,
prenez la hauteur nécessaire, fumez un joint. Puis, détendus, oubliez la
droite, la gauche, le capital, le travail, vos haines et vos enthousiasmes...
Regardez le spectacle qui nous est donné. Un personnel politique prié de
prendre la porte et qui s’y refuse, sans mesurer l'ampleur du « dégagisme ».
Des électeurs qui refont le match, s’accrochent à des slogans devenus
désuets, contemplant sans l'accepter la bourrasque que leurs votes, multiples,
ont provoquée. En nous, le « dégagisme » n'a pas encore produit ses derniers
effets. Comme des poulets à qui on vient de couper la tête, nous courons
en tous sens pour en trouver une autre de rechange.
Bien sûr, l’exercice du pouvoir effacera
cette séduction des premiers instants, la beauté du possible. Il y aura des
couacs, des échecs, nul n’est infaillible. La presse s’extasiera bientôt d’un
président avec un ordinateur sur son bureau. Puis elle s’en détachera, lorsque
surviendront les orages. Mais ces premiers jours auront eu le mérite de mettre
en valeur nos crispations, montrant notre difficulté à penser la France et
le monde en dehors du cercle confortable de nos préjugés.
Ne serait-ce que pour cela, on a déjà envie de lui dire : Manu, merci pour
ce moment !