jeudi 17 janvier 2019

L'Europe est-elle encore chrétienne ?



  


L'activisme des Frères musulmans en Europe, porte ses fruits ; puisque les européens sont bousculés dans leur certitude jusqu'à craindre pour leur "identité chrétienne", et les populistes surfent sur l'islamisme pour raviver les débats identitaires et les guerres de religions ! Ce qui fait le beurre des extrémistes et des islamophobes comme Éric Zemmour, l'algérien de confession juive, qui craint que la France soit un jour présidée par un musulman ; puisque son père craignait déjà que les algériens musulmans dominent l'assemblée nationale, à cause de leur natalité galopante, quand l'Algérie était encore française ; jouant le rôle de l'idiot utile pour le FN à l'antisémitisme bien affiché.

R.B

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Reformatage du religieux, défense identitaire, tentation populiste... Dans un essai percutant, Olivier Roy interroge les non-dits du débat sur l'islam. Quelle est la place de la religion et du christianisme dans nos sociétés sécularisées ? Entretien exclusif, dans sa version intégrale.

Marie Lemonnier pour l'Obs : Dans le prolongement de vos travaux sur la déculturation de la religion entamés avec «la Sainte Ignorance » (2008), votre nouvel essai, « L'Europe est-elle chrétienne ?» (Seuil), affronte un débat virulent et récurrent ces dernières années. On se souvient des controverses sur l'inscription des racines chrétiennes dans la constitution européenne de 2004 ou des discours enflammés de Nicolas Sarkozy sur l'identité. Quelle était votre démarche ?

Olivier Roy : Dans ce livre, je reprends les questions que je traite depuis longtemps, mais à l'envers en quelque sorte : on dit que l'islam n'est pas compatible avec les valeurs européennes. Mais de quelles valeurs parle-t-on ? Qu'opposons-nous à l'islam ?
On avance en général deux formes d'incompatibilités. La première revient à opposer l'islam aux valeurs libérales (sécularisme, féminisme et droits des LGBT). La deuxième consiste à lui objecter « l'identité chrétienne » de l'Europe. Or, les valeurs défendues par l'Eglise catholique sont à l'opposé des valeurs libérales. Sur ces questions importantes que sont la liberté d'expression et le blasphème, l'égalité entre les sexes, le genre..., les chrétiens croyants sont finalement beaucoup plus proches des musulmans. De plus, ce ne sont pas les musulmans qui sont descendus dans la rue pour combattre le mariage pour tous. Comment donc défendre une identité chrétienne en ignorant superbement le conflit entre valeurs chrétiennes et valeurs européennes libérales ?

Marie Lemonnier : Après un stimulant retour historique sur la formation politique de l'Europe chrétienne, vous datez l'origine de ce clivage non pas aux Lumières, comme on le fait souvent, mais aux années 1960.

Olivier Roy : Les Lumières sont importantes bien sûr, mais pas pour ce que l'on croit. Avec les Lumières, on change de modèle métaphysique, et même de modèle ontologique, car c'est une autre manière de fonder la vérité, mais on ne change pas de système moral. Jusqu'aux années 1960, la laïcité, c'est du christianisme sécularisé ; tant les valeurs que la vision anthropologique de la famille sont partagées. Quand les pères fondateurs de l'Europe, Robert Schuman, De Gasperi ou Adenauer lancent leur entreprise, il est évident pour eux que la culture européenne était un christianisme sécularisé ; l'inscrire aurait été une redondance à leurs yeux. (Et si on veut aujourd'hui rappeler une évidence, c'est justement qu'il n'y a plus d'évidence...)
En revanche, les années 1960 marquent une rupture fondamentale. Non seulement on rejette les valeurs traditionnelles mais on change véritablement de modèle anthropologique (la famille, la sexualité, la femme). C’est un tournant comparable à l’impact de la Réforme au XVIème siècle.
Avec 68, la liberté de la personne l'emporte désormais sur toutes les normes transcendantes ; il n'y a plus de morale naturelle partagée. Les nouvelles valeurs fondées sur l'individu désirant ne sont plus des valeurs chrétiennes sécularisées, elles sont même explicitement rejetées par l'Eglise, dès juillet 1968, avec la parution de l'encyclique « Humanae Vitae » de Paul VI, qui défend une position maximaliste interdisant toute pratique sexuelle non destinée à la procréation. N'étant plus ni communes ni comprises, les valeurs chrétiennes reviennent alors sous forme de normes explicites – l'implicite n'est plus possible. A partir de ce moment-là, la « zone grise », c'est-à-dire la gamme de chrétiens situés entre croyants purs et durs et athées, disparaît. La déchristianisation succède à la sécularisation.
La crispation de l'Eglise se fixe alors sur la question de ce qu'elle appelle la « vie » : elle va systématiquement s'opposer à la contraception, à l'avortement, au mariage homosexuel, à la procréation assistée..., alors que ces sujets sont petit à petit entérinés par la société civile d’abord et le droit ensuite. Dans toute l'Europe, qu'elle soit protestante ou catholique, les valeurs de 68 progressent. A partir de Jean-Paul II, l'Eglise le dit elle-même clairement : la culture dominante en Europe est une culture « païenne ». Le problème, c'est que fait-on quand ces mêmes païens disent « je suis chrétien » ?

Marie Lemonnier : Que signifie le fait de se revendiquer ainsi « chrétien » ou d'affirmer « l'identité chrétienne » de l'Europe quand même l'Eglise ne la reconnaît plus comme telle ?

Olivier Roy : Mettre en avant « l'identité chrétienne » sans les valeurs chrétiennes a pour seul objectif de rejeter l'islam. D'abord l'islam de l'intérieur, qui surgit à la fin des années 1980 avec l'affaire du voile en France, quand l'immigré devient un musulman. Et puis l'islam de l'extérieur, avec la candidature de la Turquie à l'Union européenne en 1987, qui, bien qu'elle n'ait jamais eu la moindre chance, constitue un beau repoussoir fantasmatique. Si une partie des députés européens proposèrent de mentionner les racines chrétiennes de l'Europe dans la Constitution, ce fut précisément pour exclure la Turquie, qui pourtant, à l'époque, était la Turquie kémaliste laïque qui avait interdit le voile à l'université.
Aujourd'hui, la plupart des gens qui se déclarent « chrétiens » dans les sondages non seulement ne pratiquent pas mais très souvent ne partagent pas les éléments essentiels de la religion. (Question 1 : « Etes-vous chrétien ? Oui. » Question 2 : « Croyez-vous en Dieu ? Non. »). C'est une référence purement identitaire.

"Les populistes sont pour l'identité, pas pour la religion"

Marie Lemonnier : On sait que les réseaux évangéliques ont permis l'élection de Trump aux Etats-Unis ou de Bolsonaro au Brésil. En Europe, la tentation populiste gagne aussi les rangs des chrétiens. En France, on a vu la digue de l'Eglise catholique contre l'extrême droite commencer à céder aux élections de 2015. Dans ce livre, vous les mettez en garde : la religion est toujours perdante à l'alliance avec les populistes, dites-vous.

Olivier Roy : Oui, parce que si les populistes défendent « l'identité chrétienne » dans leur discours, leurs valeurs n'ont rien de chrétien. Ce ne sont surtout pas des puritains ou des partisans d'un retour de l'ordre moral, on fait souvent l'erreur. Prenez par exemple Renaud Camus, figure d'une certaine extrême droite conservatrice qui tient des conférences sur le « grand remplacement » où les catholiques accourent, c'est un pur produit du narcissisme esthète et jouisseur des années 1960 ; quand il explique son islamophobie par sa déception envers ses amants maghrébins : on est loin de la comtesse de Ségur. L'iconographie de Matteo Salvini, le ministre de l'intérieur italien, est très sexualisée : il apparaît toujours flanqué d'une belle blonde qui n'est pas sa femme, si possible en maillot de bain.
Le grand malentendu, c'est que les populistes sont pour l'identité, pas pour la religion. Ils parlent d'Europe chrétienne comme un code pour dire qu'elle n'est pas musulmane, sans être capable de lui donner beaucoup de contenu au-delà du pique-nique saucisson-vin rouge. « L'identité chrétienne » est bien en cela la caricature du christianisme.
Une partie de l'Eglise espère néanmoins que les populistes mettront en place des lois qui ramèneront la religion et ses normes. C'est un très mauvais calcul. Car les gens votent populiste contre les élites, Bruxelles et l'islam, pas pour le retour à la famille traditionnelle. Mais en plus, on ne ramène pas une religion par des lois : l'esprit ne suit pas la loi, il précède la loi. Vouloir l'imposer par la norme, c'est casser le mouvement spirituel. On constate déjà une baisse de fréquentation des églises évangéliques américaines, conséquence à mon sens de leur hyper-politisation. De même qu'en Pologne, qui compte le plus grand taux de catholiques messalisants en Europe et où le parti ultra-conservateur du PiS fait 31%, le nombre de séminaristes commence à fléchir.
Il faut par ailleurs noter que, contrairement aux Etats-Unis où les populistes sont chrétiens (ce sont effectivement les communautés de foi pures et dures qui ont fait élire Trump), les partis populistes européens ne sont pratiquement plus chrétiens. Autrement dit, si la locomotive populiste américaine est chrétienne, en France elle ne l'est pas, les chrétiens peuvent juste raccrocher un wagon. Les populistes sont donc les seuls bénéficiaires de ces alliances.

Marie Lemonnier : Vous consacrez un chapitre important au traitement réservé à la religion en Europe par le biais des lois et des tribunaux. Et vous observez que toutes les actions menées ces dernières années, le plus souvent dans l'intention de séculariser l'islam, aboutissent à remettre en cause la place du religieux en général et à accélérer la déchristianisation de l'Europe. Par quel processus ?

Il y a deux manières de traiter le religieux. La première consiste en effet à prendre des mesures contre l'islam qui s'appliquent finalement à toutes les religions : c'est l'exclusion du signe religieux, qui correspond à la vision laïque à la française. L'interdiction du voile s'étend à la kippa et à la soutane, celle du hallal au casher... Marine Le Pen le dit très bien : « Je dis à nos amis juifs et catholiques, si, pour empêcher le voile, vous devez renoncer à vos propres signes religieux, faites-le. » Pour lutter contre l'islam, on accentue la sécularisation.
La deuxième approche, plus propre à l'Allemagne et à l'Italie, consiste à se référer à la tradition et à l'histoire pour dire qu'il n'y a pas symétrie entre les religions : au regard du passé européen, le signe chrétien bénéficie d'un droit de présence que n'a pas le signe musulman. Sauf que là aussi, on sécularise le signe religieux, puisque chaque fois que l'inégalité de traitement en faveur du christianisme est défendue par la Cour européenne des Droits de l'homme, c'est toujours en réduisant le signe chrétien à un pur marqueur culturel.

Marie Lemonnier : Vous parlez même d'une « éviscération du spirituel ».

L'exemple type c'est la croix. La présence de crucifix dans les salles de classe italiennes a été validée par la Cour mais en tant que signe purement culturel dénué de prosélytisme. L'Etat italien a donc gagné, mais les évêques ont de bonnes raisons de s'inquiéter de cette assimilation d'un symbole religieux à une sorte de gadget culturel. Le cardinal Marx, archevêque de Munich, a d'ailleurs rappelé au gouvernement bavarois qui vient d'imposer le crucifix à l'entrée des bâtiments publics, que «la croix n'est pas un signe culturel mais un signe de foi ».
Donc les deux grandes tendances actuelles en Europe sont l'exclusion du religieux de l'espace public par l’évolution du sécularisme vers une laïcité idéologique et la folklorisation du christianisme sous le nom d’« identité chrétienne». En France, cette folklorisation est à son apogée à Béziers, avec Robert Ménard, qui fait installer des crèches dans la mairie et bénir les corridas.

Marie Lemonnier : Comment comprendre le ralliement de certains intellectuels catholiques, comme Pierre Manent ou Rémi Brague, à la tendance identitaire de l'Eglise ? Vous dites qu'ils confondent « culture » et « religion ».

Parce qu'ils sont pour un retour à l'affirmation culturelle du religieux. Et en ce sens, ils sont favorables aux populistes qui agitent des crucifix comme des signes identitaires. Ce qui est totalement suicidaire. Ils le justifient par deux arguments. D'abord, pour eux, un signe peut être à la fois culturel et religieux, ce n'est pas contradictoire, et je suis tout à fait d'accord... sauf quand il se réfère à deux systèmes de valeurs différents. Si la raison pour laquelle on met le crucifix n'a plus rien à voir avec les valeurs de l'Eglise, comme dans les chasses anti-migrants, c'est contradictoire. Le ministre-président de Bavière, qui est croyant, sait très bien qu'il ne peut pas dire qu'il impose le crucifix dans les bâtiments publics pour rappeler l'amour du prochain puisqu'il présente une loi anti-immigrés en même temps. Donc il dit : « C'est le symbole de notre histoire et des normes de notre société. » La religion est ainsi déculturée. De plus, une fois que le pape Benoît XVI a lui-même déclaré que « la culture de l'Europe est païenne », le raisonnement de la religion référence ne marche plus. Elle ne peut pas être « païenne » et « chrétienne » en même temps.
Leur deuxième argument est pascalien : si on vit dans un bain de culture chrétienne, on finira pas être chrétien. Seulement, cela ne marche pas comme cela, on a vécu 1.500 ans dedans et on est sorti du christianisme !

Marie Lemonnier : Vous écrivez, du reste, qu’ « on ne revient jamais en arrière dans la déchristianisation». Cette idée d'opérer un « Mai-68 à l'envers » ou « une contre-révolution conservatrice », brandie par une jeune garde catholique de droite, tiendrait-elle de la chimère selon vous ?

Ces jeunes néo-réacs, plutôt brillants mais passablement sophistes, écrivent dans « Causeur » ou sur FigaroVox sur le thème de la critique des droits de l'homme, du retour de la vérité et donc de la religion... Ils occupent les médias avec le fantasme qu'à force, leurs idées finiront par descendre dans le peuple. Seulement ce n'est pas parce qu'ils peuvent parfois rencontrer une audience sur le thème de l'anti-islam que les gens vont adhérer au conservatisme anthropologique et à leur définition de la famille. Le modèle de la famille traditionnelle a complètement éclaté aujourd'hui. A cet égard, ils n'ont aucune influence. C'est très parisien comme phénomène, on s'intéresse à des débats intellectuels artificiels et pas aux mouvements sociaux : on se focalise sur quelques néoréacs qui ont mal lu Gramsci ou sur un groupuscule d'agitateurs décoloniaux sans aucun poids, et on loupe les « gilets jaunes » !

"L'Europe n'est plus vouée à être chrétienne"

Marie Lemonnier : La montée des nouvelles communautés charismatiques, influencées par le protestantisme américain, a autorisé l'idée d'un « retour du religieux ». Pourquoi contestez-vous l'expression ?

Il n'y a pas de retour du religieux, il y a un reformatage du religieux comme minoritaire qui le rend, de fait, plus visible. Le croyant occasionnel de la zone grise ayant disparu, il ne reste plus que les croyants les plus fervents qui se mobilisent autour d'une réaffirmation de la norme.
Mais la pratique religieuse est partout en baisse. En Europe en premier lieu où les chrétiens pratiquants ne sont plus que 5% à 10% (sauf en Pologne), mais aussi aux Etats-Unis, où les sans-religion déclarés (les nones) sont passés de 6% à 14% en dix ans. Et ma thèse, qui fait évidemment hurler certains, c'est que c'est aussi le cas dans le monde musulman – c'est très net en Iran, voire en Turquie et en Tunisie. Pourquoi, sinon, le président égyptien Al-Sissi a-t-il récemment décidé de criminaliser l'athéisme ?
Il ne faut pas non plus occulter que si notre attention est captée par la montée des conversions à l'évangélisme ou au charismatisme, il s'agit d'un religieux très fragile parce que déculturé, hors-sol. Il est beaucoup plus difficile de transmettre une foi personnelle de born again qu'une foi ancrée culturellement.

Marie Lemonnier : Comment s'est réalisée cette « reformulation du religieux » dans le monde chrétien ?

Pour Jean-Paul II et Benoît XVI, il ne saurait y avoir d'identité sans respect des « principes non négociables de l'Eglise » (la « vie », la famille traditionnelle). Ils tournent le dos à une culture dominante totalement sécularisée devenue, à leurs yeux, une « culture de mort ». Partant du constat du divorce, les chrétiens pratiquants s'organisent de plus en « communautés de foi » au lieu des paroisses traditionnelles et s'installent dans une contre-culture. Depuis les années 1960, du côté des mouvements cléricaux, sont ainsi apparues des communautés ultra-conservatrices comme Saint-Martin, Christ Roi, Opus Dei, Légion du Christ. C'est dans ce vivier que puisera Jean-Paul II, puis Benoît XVI, pour transformer l'épiscopat en profondeur. Mais on a aussi vu naître des communautés charismatiques laïques, comme Sant'Egidio, Communion et Libération, les Focolari, toutes fondées sur l'idée du témoignage de la foi vécue.
Ces communautés ont deux options. La première, c'est la forteresse ou « l'option bénédictine », d'après le titre d'un livre à succès chez les catholiques conservateurs, « The Benedict Option » de Rod Dreher : puisque la société est païenne et qu'on n'a rien à dire à l'islam, il faut relever le pont-levis et vivre dans des monastères spirituels en attendant que le Saint-Esprit revienne sur terre.
La deuxième option, c'est le revivalisme spirituel, dont le pape François est un très bon exemple. Il s'agit d'aller à la reconquête spirituelle. Seulement ces communautés, en étant directement rattachées au pape et non aux évêques, contribuent elles-aussi à déterritorialiser le catholicisme.

Marie Lemonnier : L'Europe est-elle, finalement, encore chrétienne ?

Elle l'a été, ça a laissé des traces, mais elle n'est plus vouée à l'être. L'Eglise traverse une grave crise morale, dont la pédophilie et la corruption sont les signes les plus visibles, elle a donc perdu sa légitimité pour incarner un magistère spirituel.
Dans tous les cas, la sécularisation a gagné. Soit l’on assiste à la rupture des derniers liens existants entre l’Eglise et l’Etat dans les pays catholiques (la droite espagnole a voté le mariage homosexuel). Soit le religieux s’auto-sécularise en essayant de se « translater » (selon l’expression d’Habermas) en termes laïques : c’est, par exemple, Vatican II qui édulcore le rituel et fait disparaître l’enfer, ou bien, cas typique, les parlements des pays scandinaves qui obligent les églises luthériennes à célébrer religieusement les unions homosexuelles.
D'autant que le christianisme identitaire, qui revient à s'allier avec les populistes pour faire passer des normes, est le stade suprême de la sécularisation du religieux. Savoir si le christianisme n'est plus que « pour mémoire » ou bien s'il a quelque chose à dire sur le sens de la vie collective relève de la responsabilité des chrétiens et de leurs actions à venir.
Peuvent-ils reconstruire de la religion en-dehors du christianisme identitaire ? En France, je vois surtout la Manif pour tous, c’est-à-dire du dogmatisme et de l’entre-soi. Le catholicisme français est communautaire.

"Metoo s’inscrit dans la continuité de mai 68, mais veut y mettre de la norme"

Marie Lemonnier : Dans un contexte de sécularisation irréversible, le christianisme revient donc sous cette forme identitaire et normative. Dans la conclusion de votre livre, vous allez encore plus loin en affirmant que ce sont les valeurs en général qui font leur retour sous forme de normes. «De son côté, la culture séculière qui se réclame de la liberté et des droits achève sa course dans une explosion de normativité», écrivez-vous.

Nous avons un problème de rapport à la valeur, parce que le concept de valeur a subi une sorte de discrédit, après avoir été sans doute trop manipulé par les églises et les hommes politiques. (On ne parle quasiment plus des « droits de l’homme » aujourd’hui, alors qu’on vient de célébrer les 70 ans de leur Déclaration !) Mais la valeur suppose aussi une projection dans le futur. Or, les gens ont peur de l’avenir. Tous les concepts qu’on utilise actuellement l’illustrent : guerre civile, déclassement, effondrement…
Ensuite, la « guerre des valeurs » se fait entre des groupes antagonistes qui partent de « principes non négociables » et refusent le consensus (le séculier ne pas faire de concession, même à la marge, au religieux).
Faute de valeurs partagées, l’Europe est ainsi devenue le champ d’une extension des systèmes de normativité : normativité religieuse, sous la forme du fondamentalisme ou de l’intégrisme, et normativité séculière, sous la forme de la laïcité à la française qui traque le religieux dans l’espace public sans arriver pour autant à redonner du « sens » ; la laïcité républicaine n’est plus un système de valeurs: elle ne s’impose que par l’interdit.
Seulement, l’extension de la normativité dans tous les domaines, sans justification – morale, culturelle ou spirituelle – partagée, suscite des formes de révoltes atypiques, comme les Gilets Jaunes. Je vous donne des exemples disparates : la réduction de la vitesse à 80 km/h, l’interdiction des fromages non pasteurisés ou le contrôle de la longueur des jupes dans les collèges sont certes mis en œuvre au nom d’un « bien » (l’écologie, la santé, la laïcité), mais ce n’est pas compris comme cela. Le décalage entre le coût de la norme et la faiblesse de sa justification, voire son hypocrisie (la laïcité présentée comme tolérance alors qu’elle est contrainte), fait qu’on se révolte autant contre la normativité elle-même que pour obtenir quelque chose de précis.

Marie Lemonnier : Vous incluez le mouvement Metoo dans ce champ étendu de la normativité ?

Oui, parce que Metoo s’inscrit dans la continuité de mai 68, mais veut y mettre de la norme. Metoo, c’est au fond l’Humanae Vitae des laïques qui découvrent avec cinquante de retard que le sexe demande une norme !
Ce n’est pas du tout un mouvement « puritain », dans le sens où il ne revient pas à une vision chrétienne du XIXème siècle. Il est d’ailleurs très intéressant de voir que beaucoup de catholiques sont très opposés à Metoo (comme Christine Boutin), soulignant par là-même leur décalage. Car Metoo n’est pas une mode, c’est un tournant.
Mais c’est un mouvement de réaction contre le fait que la libération sexuelle a accentué la relation de pouvoir en faveur des hommes – ce qui, en réalité, était évident depuis 68 : la liberté sexuelle est dissymétrique.
Longtemps, on a attribué le patriarcat à la culture et considéré qu’il y avait des cultures plus machistes que d’autres, telles que l’Islam, et des cultures plus féministes, telles que la nôtre. D’où les réflexions qui ont suivi les événements du nouvel an 2016 à Cologne : « ce sont les musulmans qui violent », etc. Et puis, un an après, éclate l’affaire Weinstein qui révèle qu’à différents degrés, toutes les cultures sont machistes, et qu’il y a donc ici un invariant : le problème n’est plus la culture, mais l’animalité – dont l’expression Balancetonporc est symptomatique.
Le traitement que propose Metoo pour cet invariant, c’est du normatif, l’appel à la loi.  Seulement l’Etat ne produit à son tour que de la norme, pas de la valeur. Cela peut même générer des backlash, et les populistes surfent déjà sur ce qu’on appelle à présent «la crise du mâle ». Regardez les élections en Andalousie de début décembre, à l’issue desquelles le parti d’extrême-droite Vox a fait une entrée en force au Parlement régional en obtenant douze sièges : pour la première fois, on a vu un parti qui s’affichait en même temps contre les immigrés et contre les femmes. Le problème, c’est d’ancrer ces nouveaux systèmes normatifs dans une culture partagée.

Marie Lemonnier : Seulement, vous le relevez vous-même, la culture est en crise.

Le système normatif finit par tout englober, parce qu’on n’a non seulement plus de base culturelle – c’est la déculturation liée à la mondialisation que j’ai développée dans mes travaux jusqu’ici –, mais plus de « base naturelle » non plus, puisque l’être humain est en train de perdre sa place entre l’animal réévalué et l’ange froid de l’algorithme, la fameuse Intelligence Artificielle.
C’est un changement anthropologique majeur qui se dessine aujourd’hui : d’un côté, on a différents mouvements, qui vont du véganisme à la « deep ecology » ou « écologie profonde » en passant par l’éthologie, qui remettent en cause la frontière entre l’homme et l’animal sur laquelle s’est fondée toute l’anthropologie occidentale ; et de l’autre, il y a le développement de l’intelligence artificielle. Et nous, où sommes-nous ? Car les deux « bouts » reposent sur des formes de déterminisme (biologique ou statistique) qui ignorent complètement le sens et la valeur au profit d’une extension de la normativité.  Ce sera l’objet de mon prochain livre.

"L'obsession de l'islam rend bête"

Marie Lemonnier : Dans ces dernières interventions, le politologue Gilles Kepel parle de vous comme du « gourou » des autorités françaises à l'origine de ce qu'il estime être une politique de « déni » vis-à-vis de l'islamisme. Cela fait plusieurs années, à présent, qu'on vous oppose l'un à l'autre sur le thème de « l’islamisation de la radicalité » contre «la radicalisation de l'islam ». Regrettez-vous cette polémique tenace ?

Oui et non. De façon ironique, cette fixation de la part de Kepel m'a fait beaucoup de publicité ; alors que j'ai pour habitude de très peu apparaître dans les médias, il a sans arrêt parlé de moi.
Ce que je regrette profondément en revanche, c'est que cela nous enferme dans un paradigme intellectuel très pauvre. J'essaie de penser de manière complexe des sujets complexes, alors quand on ramène cela à une formule Twitter, je ne me reconnais pas du tout dans une opposition de concepts aussi caricaturale. Il faut lire les livres. On a prétendu par exemple que par « islamisation », je parlais d'un vernis, alors que j'ai toujours écrit que, quand un de ces jeunes passe à l'islam, il est totalement dedans, il est convaincu qu'il ira au paradis. Seulement ce ne sont pas des itinéraires provoqués par une « incubation salafiste ».
Je laisse tomber les autres élucubrations de Kepel : nous ne sommes pas du tout dans un nouveau modèle stratégique qui aurait été inventé en 2005 par Al-Souri et découvert par Gilles Kepel, et les émeutes de 2005 n'ont rien d'islamique, comme toutes les émeutes issues d'incidents entre jeunes et police etc.
Il y a par ailleurs une profonde continuité depuis les attentats de 1995. Chérif Chekatt, l'auteur de l'attentat de Strasbourg, a un profil très semblable à Khaled Kelkal, responsable des attentats de 1995 : seconde génération issue de l'immigration (comment se fait-il que depuis vingt-trois ans on ne voit pas apparaître la troisième génération ?), délinquance, terrorisme et suicide par procuration (on attend d'être tué par la police). Le salafisme pose certes un problème de société, mais ces jeunes se sont radicalisés en prison, pas dans des mosquées salafistes.
L'obsession de l'islam rend bête. Dernier exemple : les « gilets jaunes ». Ils surgissent en dehors de toute problématique liée à l'islam ou à l’immigration ; mais on voit toute une partie de la droite tenter, avec Kepel, de les y ramener, en en faisant le prélude d'une guerre civile de bandes dessinées, où l'on ne sait pas trop si « djihad djeune » et « djilets djaunes » sont alliés ou ennemis. Il faut arrêter cette géostratégie de pacotille et replacer la question de l'islam dans une réflexion plus large sur la place et le rôle du religieux dans l'Europe d'aujourd'hui.


samedi 12 janvier 2019

NON AUX POLITICIENS SANS CONVICTION ET SANS HONNEUR !

2019 : Une année cruciale pour les Tunisiens; puisqu'en octobre, ils seront appelés aux urnes pour les élections présidentielles et législatives pour en finir avec les politiques de l'échec ou continuer à régresser avec les Frères musulmans !
Et déjà des articles et des commentaires sur les réseaux sociaux prédisent que beaucoup de jeunes et de femmes n’ont pas l’intention de voter; ou que ceux qui voteront, se livreront au dégagisme. Est-ce étonnant ? Absolument pas. 

Les partis tout comme les candidats, commencent à se mettre en ordre de bataille, avec les inévitables changement de partis et la valse des étiquettes politiques pour certains, à donner le tournis aux tunisiens.

Déjà Béji Caïd Essebsi brigue un nouveau mandat malgré son âge et sa trahisonQuant à son allié Ghannouchi, il semble à nouveau rechigner à se porter candidat de peur d'un échec qui signera la fin des Frères musulmans, en tous cas en Tunisie; préférant, plus confortable pour lui, se choisir une marionnette dont il tirera les ficelles comme il l'a fait avec Béji Caïd Essebsi et son prédécesseur tartour * alias Moncef Marzougui, en faisant porter le chapeau des résolutions impopulaires aux partis de ses alliés qu'il finit par tuer comme il l'avait fait avec le CPR, Ettakatol et dernièrement avec Nidaa Tounes. 
Stratégie payante pour les Frères musulmans en attendant de s'implanter encore mieux et profondément dans la société tunisienne, pour ne pas prendre de risque tant qu'ils se savent impopulaires. 
Il semble qu'en perspective des prochaines élections, Ghannouchi ait jeté cette fois-ci son dévolu sur Youssef Chahed pour en faire sa nouvelle marionnette dont le nouveau parti fera certainement les frais, comme bien d'autres avant lui. 

Les jeunes ont déjà voté en s’exilant massivement, notamment beaucoup de jeunes diplômés, médecins, ingénieurs et autres qui étaient l’avenir du pays. Ces jeunes ont dit clairement et fortement qu’ils n’avaient plus confiance dans l’avenir de ce pays livré aux obscurantistes islamistes et aux politiciens nuls et sans honneur.

En effet, qui peut dire aujourd’hui : voilà le parti ou la personnalité en qui nous avons confiance et qui nous proposent sans démagogie, un avenir meilleur ? Personne. Car tous les politiciens, sans exception, se sont compromis, se sont couchés devant les Frères musulmans. Même ceux qui les condamnaient et condamnaient leur projet de régression, ont cru devoir leur laisser une place sous le prétexte fallacieux qu’ils existaient et qu’il était nécessaire d’en tenir compte, comme s’il avait fallu tenir compte du nazisme, du fascisme ou du communisme, au lieu de les combattre !

Alors à quoi va-t-on assister ?  D’abord au retournement sans vergogne et sans honneur de nombreux partis et personnalités qui, en vue des élections, vont avoir des mots très durs contre les islamistes et vont jurer (mais qui de sérieux pourra encore les croire ?) qu’ils ne s’associeront jamais, au grand jamais, avec les obscurantistes ; et qu’ils leur feront la guerre !

Là, se pose en effet, un problème très sérieux de crédibilité en la parole politique. La trahison de Béji Caïd Essebsi a fait beaucoup de mal au pays sur tous les plans (économique, social, sécuritaire) mais a eu surtout pour résultat, de faire que le peuple Tunisien ne croit plus en la parole politique. Et c’est là, sans doute, sa plus grande faute devant l’histoire : avoir discrédité la démocratie et la parole politique. Sans doute il n'est pas seul responsable mais le fait est que la démocratie est un échec. Ce que traverse le pays résulte essentiellement du laxisme et de l’absence de vision sur le moyen et long terme. La classe politique toute entière se retrouve décrédibilisée.

On va voir aussi les petites mains des partis s’agiter pour nous dire qu’il faut tout de même voter pour éviter la victoire d’Ennahdha ! Qu’il faut, en somme, réitérer le « vote utile » qui a tant coûté au pays. Et que devant le pire, il faut accepter le moindre mal. Eh bien non !

Il faut que la politique retrouve ses lettres de noblesse. Pour cela, il faut une sanction sévère face à la trahison, à la violation éhontée des promesses, aux tromperies et aux petites ambitions. Il faut que ceux qui ont trompé le monde, soient punis. Il faut ne plus voter pour eux car ce serait trop facile : on ment, on trahit ; et parce que l’on jure de ne pas recommencer, on est pardonné.

Faut-il pour autant s’abstenir et prôner l’abstention ? Ceux qui feront ce choix, doivent savoir que d’autres décideront pour eux à leur place. Or voter, c’est un devoir de citoyen. 
Pour les plus déçus, l’unique choix serait d’écarter ceux qui se sont compromis en flirtant avec les islamistes. 

Refuser le vote et les partis politiques, c'est se comporter comme les "gilets jaunes" ce mouvement dont on voit mal comment il pourrait arriver à quelque chose. Ce mouvement produit des réseaux sociaux et qui a pris une ampleur inouïe, que nous apprend-il ? On y trouve du bon comme du mauvais. Les réseaux sociaux ont pris de l'importance jusqu'à faire et défaire les présidents. C'est un peu la faute aux politiques. 

Les Tunisiens leur doivent leur révolution et d'avoir dégagé leur dictateur. 
Le premier qui en a bénéficié, fut Barak Obama. Au bout de ses deux mandats, il y a eu beaucoup de déception chez ceux qui ont cru en lui aussi bien au niveau national qu'international. L'élection de Donald Trump, n'est que la conséquence de tous ses manquements. 
En France, le premier à en avoir bénéficié, est Emmanuel Macron. Mais lui laisse-t-on le temps de mettre en œuvre son programme, lui qui a le courage de s'attaquer aux réformes indispensables que ses prédécesseurs n'ont pas eu ? Non ! L'impatience des internautes ne le permet plus. Au bout de 18 mois de présidence, les voilà qu'ils demandent sa démission ! Que lui reproche-t-on ? De vouloir appliquer le programme pour lequel il a était élu. Et qui sont ses détracteurs ? Les mauvais perdants, ceux qui veulent rejouer les élections présidentielles de 2017 (FN & France Insoumise) ou pire, ceux qui se sont abstenus !

Ce mouvement qui se voulait apolitique, se heurte à la réalité de la vie politique ; et certains commencent à comprendre qu'il faille le transformer en parti politique pour être crédible et transformer les revendications en programme politique. Et ils ont raison car en démocratie, l'organisation de la politique requiert des formations politiques pour que les électeurs aient le choix. Et ce n'est que par les urnes que les responsables de ces partis seront élus, reconduits ou dégagés ! C'est ça la démocratie représentative, la seule qui vaille chez les peuples qui n'ont pas l'expérience de la démocratie et du débat.

Pour cela, il faut que les citoyens utilisent leur droit de vote, en VOTANT !

Il faut que ce vote, même s’il doit aboutir à l’arrivée des islamistes en Tunisie, soit un coup de semonce et une leçon pour l’avenir. Il faut que le peuple « dégage » ceux qui se sont mal comportés et n'ont pas été capables de tenir clairement et fortement une ligne de rejet absolu des islamistes. Il faut que ce scrutin dise clairement que les accommodements, le consensus, avec les obscurantistes ne sont pas acceptables car ils ruinent le pays, désespèrent sa jeunesse et vont faire régresser ce pays, parmi les premiers du « monde arabe ». Il faut que les Tunisiens progressistes disent clairement qu’ils ne veulent pas de compromis avec Ennahdha, ce parti qui les a volés et qui recourt à la violence chaque fois qu’il se retrouve dans une impasse politique ne reculant pas devant l'assassinat politique comme celui de Chokri Belaid; et dont le programme est celui de l’échec. Ce dont les Tunisiens ont pu se rendre compte, depuis qu’ils se sont accaparées leur révolution et le pouvoir.

Alors dira-t-on, ce n’est pas en préconisant le boycott des partis qui se sont compromis avec les islamistes que l’on arrivera à les écarter. Le vote servira à faire émerger de nouveaux partis qui affichent clairement leur opposition à l’islamisme et confirmera la mort des partis qui se sont compromis en s'alliant à Ennahdha. Comme ce fut le cas pour Ettakattol et le CPR lors des élections de 2014; et dont les chefs, pour le premier le groggy du perchoir Mustapha Ben Jaafar, a totalement disparu des radars; quant à son acolyte tartour alias Moncef Marzougui, devenu fou, qui tente d'exister à travers un activisme populiste qui fait sourire les tunisiens s'il ne leur faisait pas peur par sa dangerosité; puisqu'il est prêt à mettre le pays à feu et à sang par dépit !

Si on cherche vraiment qui pourrait sauver ce qui peut l'être, il n'y aurait que Abir Moussi. Elle est la seule qui avec clarté et fermeté s'oppose aux islamistes et ne veut, en aucun cas, collaborer d'une manière ou d'une autre avec eux, puisqu'elle appelle à interdire tout parti politique qui instrumentalise la religion. Or c'est la question essentielle, celle qui détermine tout le reste. 
Elle est également très clair sur le fait que le mode électoral doit changer pour permette de dégager une réelle majorité de gouvernement, pour permettre qu'un véritable projet et un véritable plan de redressement puissent être conçus et mis en pratique. Elle remplit donc les deux conditions qui n'ont cessé d'être rappelées pour que ce pays s'en sorte.
Ses détracteurs nous disent qu'elle a été mêlée à l'ancien pouvoir de Ben Ali. Est-elle la seule ? On pourrait en citer des centaines. N'a-t-elle pas pu changer et tirer des leçons du passé ?
On nous dit aussi qu'elle est contre l'égalité dans l'héritage. C'est indiscutablement une faute pour l'avenir mais n'est-ce pas aussi une position tactique pour, tout en combattant les islamistes rétrogrades, ne pas heurter les musulmans conservateurs sans être islamistes, dans une société qui est assez conservatrice dans l'ensemble ? Et puis même, préfère-t-on les islamistes qui veulent revenir sur les droit des femmes acquises depuis l'indépendance ?
Enfin, le fait qu'elle soit une femme, peut être un handicap comme il peut être un atout si les progressistes se mobilisent pour que la Tunisie devienne le premier pays à avoir élu une femme au poste suprême. Ce serait là encore une belle leçon au monde entier.

Si, malgré tout, les islamistes emportaient la mise lors des élections à venir, au moins les choses seront claires : ils seront au pouvoir et l’on pourra leur opposer très vite leur échec ; alors qu'aujourd’hui, ils s’abritent derrière des alliés prétendument progressistes dont ils tirent les ficelles, se développent dans la société sans être officiellement responsables de la politique menée. Ce qui est mille fois plus dangereux car on les laisse pourrir la société sans réagir.

Enfin, même au pouvoir, le danger sera limité car aujourd’hui les islamistes sont menacés. Ils ont perdu de leur superbe et leur corruption dépasse de loin celle de Ben Ali et sa famille. Par ailleurs l’environnement international ne leur est plus favorable. 
Alors laissons-les montrer ce qu’ils savent faire : c’est-à-dire rien ; et sanctionnons les politiciens sans conviction et sans honneur. Il sera toujours temps de se ressaisir. 
Cela ne pourra pas être plus grave que la situation actuelle.

Rachid Barnat

* Zakaria Bouker

tartour (adj) origine arabe :
1 personnage insignifiant, de décor.
2 se dit d'un président sans prérogatives
● le terme a été introduit par l'agence AFP pour designer un président sans prérogatives



mercredi 2 janvier 2019

De la nécessité de lutter contre les islamistes et de ne pas les croire

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2019 : ANNÉE CRUCIALE POUR LES TUNISIENS !
Déjà en 2012, Kamel Daoud mettait en garde les Tunisiens contre les Frères musulmans. Il sait de quoi il parle, lui l'ex-Frère musulman qui voit l'impact négatif de cette secte sur la société algérienne : une bigoterie galopante et une élite exterminée ou contrainte à l'exil ... lui-même menacé de mort !
Ce qu'il en disait, les Tunisiens ont pu le vérifier au quotidien depuis que Ghannouchi et ses Frères se sont emparés de leur révolution. En sont-ils pour autant vaccinés ?
On le saura en 2019, année cruciale pour eux ; puisqu'il seront appelés aux urnes : maintenir Ghannouchi ou le dégager, telle est la grande question vitale pour la Tunisie.

R.B
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Les islamistes peuvent-ils jouer le jeu de la démocratie ? Non. Il ne faut pas se raconter des histoires, ni les écouter. Les islamistes peuvent épouser la démocratie mais dans le cadre polygame de leurs croyances : elle sera assise à côté du féodalisme, du salafisme et du totalitarisme. Ils peuvent l'utiliser mais comme une chamelle pas comme une favorite. Il ne s'agit pas d'une hypocrisie mais d'un fondement : l'islamisme est un totalitarisme. Il vise la fin de l'histoire, le Califat universel, l'utopie et l'utopie est la seconde raison, après la religion, qui a tué le plus d'humains, par des humains. 
Au Pouvoir depuis à peine quelques mois, les gens d'Ennahdha en Tunisie montrent déjà leur nature : contrôle, abus, vision hégémonique, tendance au contrôle total, refus de l'autre et gentillesse avec les émirats minuscules des salafistes dans les villages et les quartiers.
Les islamistes sont le dernier colis piégé laissé par nos dictateurs en débandade : formés aux écoles des régimes conservateurs, choyés, combattus et donc légitimés, séduits, associés. Et quand le dictateur tombe, ils sont les premiers à se relever pour lui succéder. Les dictateurs, comme l'a écrit le chroniqueur, ne laissent pas après eux des citoyens mais des croyants en colère.
Un combat s'annonce donc : celui contre ces voleurs de printemps. Ils n'ont pas raison, ne parlent pas à Dieu à la place de chacun de nous et ne peuvent pas gouverner au nom de la vérité tant qu'ils sont aussi mortels que nous. Il s'agit de rappeler partout que les mosquées ne sont pas des usines, que la terre est pour le travail et pas pour les ablutions et qu'aucun homme n'a la procuration de Dieu pour gouverner en son nom. Il s'agit d'expliquer partout, autour de soi, que les islamistes mangent, vont aux toilettes, ont des désirs et des envies et des tentations et des faiblesses comme chacun. Il s'agit de sauver nos enfants de leurs écoles et d'expliquer, patiemment, la liberté et la souveraineté de l'individu et de ne jamais se sentir coupable sous leurs yeux et leurs fatwas et leurs hurlements, ni reculer devant leur insolence et leurs interprétations.
- Les islamistes ne croient pas à l'alternance au pouvoir, car ils estiment avoir raison. Ils ne jugent pas les autres sur leurs programmes mais sur le critère de la « Vérité ». Les islamistes ne lâcheront jamais le Pouvoir, car ils estiment que c'est Dieu qui le leur a donné.
- Les islamistes n'admettent pas l'opposition, car ils la voient à travers le filtre de l'Absolu : tout opposant est un opposant aux volontés de Dieu.
- Les islamistes ne peuvent pas résoudre les problèmes économiques : leur vision est morale, émotionnelle, visant un logement pour tous, le gazon pour tous, les bananes pour tous et la richesse pour tous mais après la mort. Au paradis. Pas ici.
- Les islamistes ne peuvent pas admettre leurs torts, car c'est Dieu qui agit par eux, selon eux.
- Ils ne peuvent pas respecter la liberté, car c'est une femme non voilée.
- Les islamistes sont populistes et le populisme est un plat qui ne se mange ni froid ni chaud, car c'est une assiette vide avec une bouche pleine.
- Les islamistes ne visent pas l'histoire mais sa fin. Ce sont des messianiques : leur but c'est la fin, pas le début.
Ce qu'il faut faire c'est donc constamment rappeler qu'il ne s'agit que d'hommes comme nous tous. Le rappeler dans les villages et les quartiers et les familles et les cafés. Aux chômeurs comme aux attristés et aux femmes qui ont peur de leurs propres corps. Ce qu'il faut c'est ne pas culpabiliser, ni baisser les yeux, ni se cacher, ni changer ses mœurs pour plaire à leur fatwa, ni reculer, pas d'un seul centimètre et sur le plus petit détail de sa vie quotidienne. Ni se sentir amoindri dans son humanité et sa nationalité par leur masse morte et leur nombre. Car s'ils étaient aussi forts, ils auraient fabriqué le printemps arabe au lieu de le voler sur les étalages.