Article publié dans : Le Grand Soir
Par Salah HORCHANI
I - Remarque préliminaire : La Troïka pour les non-initiés
Lors
des élections du 23 octobre 2011 pour l’Assemblée Nationale Constituante (ANC),
organisées neuf mois après la chute du Régime Ben Ali, le Parti Islamiste
Tunisien Ennahdha fut le premier vainqueur, mais sans obtenir la majorité
absolue. Pour pouvoir former un Gouvernement de coalition majoritaire (i.e.
jouissant d’une majorité absolue de sièges à l’ANC), il s’est allié à deux
formations dont le positionnement idéologique se situait, initialement, au
centre gauche. Ces deux formations sont le Congrès pour la République (CPR) et le
Forum Démocratique pour les Libertés et le Travail (FDLT), ce dernier mieux
connu sous le nom d’Ettakatol. Ce qui a conduit à une
Coalition majoritaire constituée de 89 Constituants appartenant à Ennahdha, 29
au CPR et 16 à l’Ettakatol (sur un total de 217 Constituants) et au Gouvernement Provisoire, dit de la Troïka, dominé par Ennahdha, qui a raflé tous
les postes de souveraineté, présidé par son Secrétaire Général, Hamadi Djebali,
le véritable chef de l’Exécutif Tunisien, et dont les principales
décisions sont dictées, en réalité, par le Parti Islamiste : le CPR
et l’Ettakatol, y apparaissent, globalement, de plus en pus, comme étant son
"Complémentaire", ses "auxiliaires", ses "supplétifs" !
Heureusement que parmi les Constituants du CPR et d’Ettakatol, il y
a, encore, un certain nombre qui est resté fidèle à ses Fondamentaux et qui
essaye, contre vents et marées, de résister à l’hégémonie d’Ennahdha, alors que
d’autres se sont rapprochés de certaines de ses thèses, reniant ainsi leur
idéologie de centre gauche initiale (le Pouvoir corrompt, dit-on !).
II - Les données
1. L'Article 6 du Décret n° 2011-1086 du 3 Août
2011 portant convocation des électeurs d'élire les membres de l'Assemblée
Nationale Constituante " stipule
que :
"L'assemblée nationale constituante se réunit, après la
proclamation des résultats définitifs du scrutin par la commission centrale de
l'instance supérieure indépendante des élections, et se charge d'élaborer une
constitution dans un délai maximum d'un an à compter de la date de son
élection"
2. Onze Partis politiques,
dont Ennahdha, ont signé le 15 septembre 2011 un document intitulé " Déclaration du Processus Transitoire " dont " l'objectif est de garantir la réussite
de l'échéance électorale et du processus de transition démocratique en
Tunisie". Cette" Déclaration prévoit que la durée du mandat de l’Assemblée
Constituante [qui a
été élue, par la suite, le 23 octobre 2011, comme il est rappelé
ci-dessus] n’excède pas une année au maximum afin que le
pays puisse se consacrer aux questions fondamentales impérieuses, notamment aux
niveaux social et économique".
III - Position d’Ennahdha relativement à la durée du
Mandat de l'Assemblée Nationale Constituante et du Gouvernement
Pour
Ennahdha, ses Dirigeants et ténors ont déclaré, plus d’une fois, que le Décret
n° 2011-1086 du 3 août 2011, dont il est question ci-dessus, est "nul et non avenu
" ; alors
que, comme son Titre l’indique [Décret(…) portant convocation
des électeurs d'élire les membres de l'Assemblée Nationale Constituante],
c’est ce Décret qui est la raison d’être et d’exister aussi bien de
l'ANC que du Cabinet Hamadi Djebali.
Quant
à ce dernier, qui est, rappelons-le, le réel Président de
l’Exécutif Tunisien, il a déclaré, le lundi 24
septembre 2012, lors d’une interview accordée à la chaîne Qatarie Al
Jazeera :
“A tous ceux qui disent que la légitimité [de l’Assemblée Nationale
Constituante, et par suite] du Gouvernement prend fin le 23
octobre [2012], je leur demande comment ont-ils eu cette information ?” (sic).
tout
en reconnaissant, dans cette même interview, qu’il existe des obligations " morales et éthiques " qui imposent la fin des travaux de l’Assemblée Nationale
Constituante et du Gouvernement dans un délai d’un an (i.e. au 23 octobre
2012).
Par la suite, il a
confirmé, implicitement, cette position, lors d’une interview accordée, le
vendredi 28 septembre 2012, à la chaîne « Wattania 1 »,
l’équivalent, en Tunisie, de France 2.
IV - Monsieur le
Président Provisoire de l’Exécutif, de grâce, ne vous mettez pas hors-la-Loi et
respectez vos engagements !
Non !
Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif Tunisien, si les
obligations de la "Déclaration du Processus
Transitoire" dont
il est question ci-dessus sont, peut-être, d’ordres “morale et éthique “,
comme vous l’avez affirmé, permettez-moi de prendre la liberté de vous dire que
vous vous trompez en croyant que les obligations du Décret
Présidentiel dont il est question ci-dessus sont, aussi, d’ordres “ morale et éthique “. Non ! Monsieur le Président
Provisoire de l’Exécutif Tunisien, c’est la Loi. Et , quiconque
transgresse la Loi
se met, de fait, hors-la-Loi !
Monsieur
le Président Provisoire de l’Exécutif et
Secrétaire-Général-d’Ennahdha, permettez-moi, aussi, de prendre la
liberté de vous rappeler que dans la Déclaration Finale
du 9 éme congres de votre Parti, qui
s’est tenu à Tunis du 12 au 16 juillet 2012, il est spécifié dans sa page
7 que le Congrès a arrêté que le Projet de Société pour lequel doit
œuvrer Ennahdha doit avoir comme base les Fondamentaux et
les Préceptes (!) de l’Islam. D’ailleurs, cet arrêt est au diapason de la présence,
parmi les invités d’honneur à ce Congrès, des grandes figures de
l’Internationale Islamiste. Cet arrêt est, aussi, au diapason des chants qui
ont ouvert les travaux du Congrès, le 12 juillet : ce n’est pas l'Hymne National, comme c’est,
généralement, le cas lors des Congrès de nos Partis Républicains, mais, ce
furent des chants religieux, dont certains glorifient le Voile (Hijab).
Il est vrai que si vous
aviez chanté notre Hymne National, vous auriez été contraints de répéter son
refrain, qui est, aussi, sa strophe finale, refrain qui n’est pas du goût de
plusieurs Dirigeants de votre Parti, dont certains sont hautement placés, Dirigeants
qui sont allés jusqu’à demander le changement de notre Hymne National, du moins
de l’amputer de ladite strophe, sous prétexte que son contenu est contraire au
dogme du Prédéterminisme, dogme qui est , d’après eux, un dogme islamique
fondamental inaliénable. Ce qui est faux, puisque la faculté que possède
le croyant d’être libre dans ses actes, d’être libre de se déterminer, et
par lui tout seul, à penser, à agir,… est l’un des Concepts les plus
omniprésents à travers tout le Coran ; Concept qui a conduit
d’ailleurs à celui du libre arbitre de l'être humain adopté par l’Islam
des Lumières. Mentionnons, à l’attention du lecteur non averti, la strophe
incriminée :
Lorsque le peuple un jour veut
la vie
Le destin se doit de répondre
Aux ténèbres de se dissiper
Aux chaînes de se briser
Et
rappelons, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, toujours à
l’attention du lecteur non averti, mais, aussi, à l’attention des partisans de
tous grades de votre Parti, depuis le sympathisant lambda jusqu’à Rached
Ghannouchi, votre Guide Suprême, qui ont vécu notre Révolution en
spectateur (autrement dit, la quasi-totalité) que ce Quatrain qu’ils ne
daignent pas chanter, Quatrain dont l’auteur est Abou el Kacem Chebbi [mon
oncle maternel de lait, soit dit en passant], fut le chant le plus scandé,
quand le pays était à feu et à sang, dans les Manifestations qui ont
conduit à ce qu’on appelle, aujourd’hui, " le Printemps Tunisien" , Printemps-berceau de tous les
Printemps Arabes. Sachez, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, que,
pendant que les Brigades antiémeutes du Dictateur déchu essayaient
d’écraser notre soulèvement à coups de pieds, de matraques, avec des bombes
lacrymogènes et même des balles réelles, nous alternions ce chant avec les
slogans de Dignité, de Liberté, de Démocratie et de Justice Sociale,
slogans vecteurs-porteurs des valeurs fondamentales, aussi bien de notre
Révolution que du Projet de Société auquel nous aspirons, nous-autres
Modernistes, qui pouvons être Musulmans sans être "commerçants de religion ", Modèle de Société pour lequel nous
nous sommes battus et pour lequel nous nous déclarons prêt à nous battre encore
et encore. Et peu importe que ce Modèle soit, occidental, oriental ou
autre,…, venu de Sirius, de Mars, de Vénus ou de nulle
part ! D’ailleurs, vous savez certainement, Monsieur le Président
Provisoire de l’Exécutif, même sans y avoir participé, que tout
au long de notre soulèvement, il n’y a eu aucun slogan, ni aucune
banderole faisant référence à l’Occident ou à l’Orient, à l’Islam ou à
toute autre Religion.
À
ce stade, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, vous êtes en droit de
vous demander pourquoi je vous rappelle, dans ce contexte, cette décision du 9 ème Congrès
de votre Parti, quant au Projet de Société pour lequel il va œuvrer,
Projet ayant, rappelons-le, comme base les Fondamentaux et les
Préceptes de l’Islam. La réponse est simple, elle est en relation avec le
Verset 1 de la Sourate
5 et des Versets 32 et 35 de la Sourate 70 de notre Saint Coran reproduits
ci-dessous :
5.1.يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ أَوْفُواْ
بِالْعُقُودِ
5.1. Ô croyants ! Respectez vos engagements !
70.32.وَالَّذِينَ هُمْ لِأَمَانَاتِهِمْ
وَعَهْدِهِمْ رَاعُونَ
70.32. Ceux qui gardent les dépôts,
qui leur sont confiés, fidèlement
Et respectent leurs
engagements.
70.35.أُوْلَئِكَ فِي جَنَّاتٍ مُّكْرَمُونَ
70.35. Ceux-là seront dans les jardins
traités honorablement.
Or, Monsieur le
Président Provisoire de l’Exécutif, ces Versets montrent, sans aucune
ambiguïté, que le Respect des Engagements est l’un des Préceptes
fondamentaux de l’Islam, Précepte inscrit, au moins, à deux reprises dans
le Coran.
Aussi,
Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, permettez-moi de conclure en
vous disant que le Projet de Société décidé par votre Parti et les
Préceptes Fondamentaux de l’Islam, joints à l’Article 6 du Décret
n° 2011-1086 du 3 Août 2011 et
au contenu de la " Déclaration
du Processus Transitoire", rappelés
ci-dessus, vous invitent à présenter, à l’Assemblée Nationale
Constituante, la démission du Gouvernement que vous présidez, et ce au plus
tard le mardi 23 octobre 2012.
Ainsi, Monsieur le
Président Provisoire de l’Exécutif, vous rentrerez dans l’Histoire comme étant
le premier Homme d’ État Islamiste Républicain.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire