Entretien
avec Jacques-Marie Bourget, auteur (avec Nicolas Beau) de l'ouvrage ''Le Vilain
Petit Qatar – Cet ami qui nous veut du mal'' *, un minuscule État tribal,
obscurantiste et richissime qui impose partout sa lecture intégriste du Coran.
Propos
recueillis par Majed
Nehmé
Afrique-Asie
: Qu'est-ce qui vous a amenés à consacrer un livre au Qatar?
Jacques-Marie
Bourget : Le hasard puis la nécessité. J'ai plusieurs fois visité ce
pays et en suis revenu frappé par la vacuité qui se dégage à Doha. L'on y a
l'impression de séjourner dans un pays virtuel, une sorte de console vidéo
planétaire. Il devenait intéressant de comprendre comment un État aussi
minuscule et artificiel pouvait prendre, grâce aux dollars et à la religion,
une telle place dans l'histoire que nous vivons.
D'autre
part, à l'autre bout de la chaîne, l'enquête dans les banlieues françaises
faite par mon coauteur Nicolas Beau nous a immédiatement convaincus qu'il y
avait une stratégie de la part du Qatar enfin de maîtriser l'islam aussi bien
en France que dans tout le Moyen-Orient et en Afrique. D'imposer sa lecture du
Coran qui est le wahhabisme, donc d'essence salafiste, une interprétation
intégriste des écrits du Prophète.
Cette
sous-traitance de l'enseignement religieux des
musulmans de France à des
imams adoubés par le Qatar nous a semblé incompatible avec l'idée et les
principes de la République.
Imaginez
que le Vatican, devenant soudain producteur de gaz, profite de ses milliards
pour figer le monde catholique dans les idées intégristes de Monseigneur
Lefebvre, celles des groupuscules intégristes qui manifestent violemment en
France contre le «mariage
pour tous». Notre société deviendrait invivable, l'obscurantisme et
l'intégrisme sont les meilleurs ennemis de la liberté.
Sur ce
petit pays, nous sommes d'abord partis pour publier un dossier dans un
magazine. Mais nous avons vite changé de format pour passer à celui du livre.
Le paradoxe du Qatar, qui prêche la démocratie sans en appliquer une seule once
pour son propre compte, nous a crevé les yeux. Notre livre sera certainement
qualifié de pamphlet animé par la mauvaise foi, de Qatar bashing... C'est faux.
Dans cette
entreprise nous n'avons, nous, ni commande, ni amis ou sponsors à satisfaire.
Pour mener à bien ce travail, il suffisait de savoir lire et observer. Pour
voir le Qatar tel qu'il est : un micro-empire tenu par un potentat, une
dictature avec le sourire aux lèvres.
Depuis
quelques années, ce petit émirat gazier et pétrolier insignifiant géo-politiquement est
devenu, du moins médiatiquement, un acteur politique voulant jouer dans la cour
des grands et influer sur le cours de l'Histoire dans le monde musulman. Est-ce
la folie des grandeurs? Où le Qatar sert-il un projet qui le dépasse?
Il existe
une folie des grandeurs. Elle est encouragée par des conseillers et flagorneurs
qui ont réussi à convaincre l'émir qu'il est à la fois un tsar et un commandeur
des croyants. Mais c'est marginal.
L'autre
vérité est qu'il faut, par peur de son puissant voisin et ennemi saoudien, que
la grenouille se gonfle. Faute d'occuper des centaines de milliers de
kilomètres carrés dans le Golfe, le Qatar occupe ailleurs une surface
politico-médiatique, un empire en papier. Doha estime que cette expansion est
un moyen de protection et de survie.
Enfin, il
y a la religion. Un profond rêve messianique pousse Doha vers la conquête des
âmes et des territoires. Ici, on peut reprendre la comparaison avec le
minuscule Vatican, celui du XIXe siècle qui envoyait ses missionnaires sur tous
les continents. L'émir est convaincu qu'il peut nourrir et faire fructifier une
renaissance de la oumma, la communauté des croyants.
Cette
stratégie a son revers, celui d'un possible crash, l'ambition emportant les
rêves du Qatar bien trop loin de la réalité. N'oublions pas aussi que Doha occupe
une place vide, celle libérée un temps par l'Arabie Saoudite impliquée dans les
attentats du 11-Septembre et contrainte de se faire plus discrète en matière de
jihad et de wahhabisme.
Le
scandaleux passe-droit dont a bénéficié le Qatar pour adhérer à la Francophonie
participe à cet objectif de «wahhabisation»:
en Afrique, sponsoriser les institutions qui enseignent la langue française
permet de les transformer en écoles islamiques, Voltaire et Hugo étant
remplacés par le Coran.
Cette
mégalomanie peut-elle se retourner contre l'émir actuel? Surtout si l'on
regarde la brève histoire de cet émirat, créé en 1970 par les Britanniques,
rythmée par des coups d'État et des révolutions de palais.
La
mégalomanie et l'ambition de l'émir Al-Thani sont, c'est vrai, discrètement
critiquées par de «vieux
amis» du Qatar.
Certains,
avançant que le souverain est un roi malade, poussent la montée vers le trône
de son fils désigné comme héritier, le prince Tamim. Une fois au pouvoir, le
nouveau maître réduirait la voilure, notamment dans le soutien accordé par Doha
aux djihadistes, comme c'est le cas en Libye, au Mali et en Syrie.
Cette
option est même bien vue par des diplomates américains inquiets de cette nouvelle
radicalité islamiste dans le monde. Alors, faut-il le rappeler, le Qatar est
d'abord un instrument de la politique de Washington avec lequel il est lié par
un pacte d'acier.
Cela dit,
promouvoir Tamim n'est pas simple puisque l'émir, qui a débarqué son propre
père par un coup d'État en 1995, n'a pas annoncé sa retraite.
Par
ailleurs le premier ministre Jassim, cousin de l'émir, le tout-puissant et
richissime Hamad bin Jasim bin Jabr Al Thani (HBJ), n'a pas l'intention de
laisser un pouce de son pouvoir. Mieux : en cas de nécessité, les États-Unis
sont prêts à sacrifier et l'émir et son fils pour mettre en place un «HBJ»
dévoué corps et âme à Washington et à Israël.
En dépit
de l'opulence affichée, l'émirat n'est pas si stable qu'il y paraît. Sur le plan
économique, le Qatar est endetté à des taux «européens» et l'exploitation de gaz de schiste
est en rude concurrence, à commencer aux États-Unis.
La
présence de la plus grande base américaine en dehors des États-Unis sur le sol
qatari peut-elle être considérée comme un contrat d'assurance pour la survie du
régime ou au contraire comme une épée de Damoclès fatale à plus ou moins brève
échéance?
La
présence de l'immense base Al-Udaï est, dans l'immédiat, une assurance vie pour
Doha. L'Amérique a ici un lieu idéal pour surveiller, protéger ou attaquer à
son gré dans la région. Protéger l'Arabie Saoudite et Israël, attaquer l'Iran.
La Mecque a connu ses révoltes, la dernière réprimée par le capitaine Barril et
la logistique française. Mais Doha pourrait connaître à son tour une révolte
conduite par des fous d'Allah mécontents de la présence du «grand Satan» en
terre wahhabite.
Ce
régime, moderne d'apparence, est en réalité fondamentalement tribal et
obscurantiste. Pourquoi si peu d'informations sur sa vraie nature?
Au risque
de radoter, il faut que le public sache enfin que le Qatar est le champion du
monde du double standard: celui du mensonge et de la dissimulation comme
philosophie politique. Par exemple, des avions partent de Doha pour bombarder
les taliban en Afghanistan alors que ces mêmes guerriers religieux ont un
bureau de coordination installé à Doha, à quelques kilomètres de la base d'où
décollent les chasseurs partis pour les tuer. Il en va ainsi dans tous les
domaines, et c'est le cas de la politique intérieure de ce petit pays.
Regardons
ce qui se passe dans ce coin de désert. Les libertés y sont absentes, on y
pratique les châtiments corporels, la lettre de cachet, c'est-à-dire
l'incarcération sans motif, est une pratique courante. Le vote n'existe que
pour nommer une partie des conseillers municipaux, à ceci près que les
associations et partis politiques sont interdits, tout comme la presse
indépendante... Une Constitution qui a été élaborée par l'émir et son clan
n'est même pas appliquée dans tous ses articles. Le million et demi de
travailleurs étrangers engagés au Qatar s'échinent sous le régime de ce que des
associations des droits de l'homme qualifient d'«esclavage». Ces malheureux, privés de leurs
passeports et payés une misère, survivent dans les camps détestables sans avoir
le droit de quitter le pays. Nombre d'entre eux, accrochés au béton des tours
qu'ils construisent, meurent d'accidents cardiaques ou de chutes (plusieurs
centaines de victimes par an).
La «justice», à Doha,
est directement rendue au palais de l'émir, par l'intermédiaire de juges qui le
plus souvent sont des magistrats mercenaires venus du Soudan. Ce sont eux qui
ont condamné le poète Al-Ajami à la prison à perpétuité parce qu'il a publié
sur Internet une plaisanterie sur Al-Thani! Observons une indignation à deux
vitesses : parce que cet homme de plume n'est pas Soljenitsyne, personne n'a
songé à défiler dans Paris pour défendre ce martyr de la liberté. Une anecdote
: cette année, parce que son enseignement n'était pas «islamique», un
lycée français de Doha a tout simplement été retiré de la liste des
institutions gérées par Paris.
Arrêtons
là car la situation du droit au Qatar est un attentat permanent aux libertés.
Pourtant,
et l'on retombe sur le fameux paradoxe, Doha n'hésite pas, hors de son
territoire, à prêcher la démocratie. Mieux, chaque année un forum se tient sur
ce thème dans la capitale. Son titre, «New
or restaured democracy» alors qu'au Qatar il n'existe de
démocratie ni «new» ni «restaured»...
Selon le
classement de ''The Economist'',
justement en matière de démocratie, le Qatar est 136e sur 157e États, classé
derrière le Bélarusse. Bizarrement, alors que toutes les bonnes âmes fuient le
dictateur moustachu Loukachenko, personne n'éprouve honte ou colère à serrer la
main d'Al-Thani. Et le Qatar, qui est aussi un enfer, n'empêche pas de grands
défenseurs des droits de l'homme, notamment français, de venir bronzer, invités
par Doha, de Ségolène Royal à Najat Vallaud-Belkacem, de Dominique de Villepin
à Bertrand Delanoë.
Comment
un pays qui est par essence antidémocratique se présente-t-il comme le
promoteur des printemps arabes et de la liberté d'expression?
Au regard
des «printemps arabes»,
où le Qatar joue un rôle essentiel, il faut observer deux phases. Dans un
premier temps, Doha hurle avec les peuples justement révoltés. On parle alors
de«démocratie et de liberté».
Les dictateurs mis à terre, le relais est pris par les Frères musulmans, qui
sont les vrais alliés de Doha. Et on oublie les slogans d'hier. Comme on le dit
dans les grandes surfaces, «liberté
et démocratie» n'étaient que des produits d'appel, rien que de
la «com».
Si
l'implication du Qatar dans les «printemps» est
apparue comme une surprise, c'est que la stratégie de Doha a été discrète.
Depuis
des années l'émirat entretient des relations très étroites avec des militants
islamistes pourchassés par les potentats arabes, mais aussi avec des groupes de
jeunes blogueurs et internautes auxquels il a offert des stages de «révolte par le Net».
La politique de l'émir était un fusil à deux coups. D'abord on a envoyé au «front» la
jeunesse avec son Facebook et ses blogueurs, mains nues face aux fusils des
policiers et militaires. Ceux-ci défaits, le terrain déblayé, l'heure est venue
de mettre en poste ces islamistes tenus bien au chaud en réserve, héros
sacralisés, magnifiés en sagas par Al-Jazira.
Comment
expliquez-vous l'implication directe du Qatar d'abord en Tunisie et en Libye,
et actuellement en Égypte, dans le Sahel et en Syrie?
En Libye,
nous le montrons dans notre livre, l'objectif était à la fois de restaurer le
royaume islamiste d'Idriss tout en essayant de prendre le contrôle de 165
milliards, le montant des économies dissimulées par Kadhafi.
Dans le
cas de la Tunisie et de l'Égypte, il s'agit de l'application d'une stratégie
froide du type «redessinons le Moyen-Orient», digne des «néocons» américains.
Mais, une fois encore, ce n'est pas le seul Qatar qui a fait tomber Ben Ali et
Moubarak ; leur chute a d'abord été le résultat de leur corruption et de leur
politique tyrannique et aveugle.
Au Sahel,
les missionnaires qataris sont en place depuis cinq ans. Réseaux de mosquées,
application habile de la zaqat, la charité selon l'islam, le Qatar s'est
taillé, du Niger au Sénégal, un territoire d'obligés suspendus aux mamelles
dorées de Doha. Plus que cela, dans ce Niger comme dans d'autres pays pauvres
de la planète le Qatar a acheté des centaines de milliers d'hectares
transformant ainsi des malheureux affamés en «paysans sans terre». À la fin de 2012, quand les
jihadistes ont pris le contrôle du Nord-Mali, on a noté que des membres du
Croissant-Rouge qatari sont alors venus à Gao prêter une main charitable aux
terribles assassins du Mujao...
La Syrie
n'est qu'une extension du domaine de la lutte avec, en plus, une surenchère :
se montrer à la hauteur de la concurrence de l'ennemi saoudien dans son aide au
djihad.
Ici, on a
du mal à lire clairement le dessein politique des deux meilleurs amis du Qatar,
les États-Unis et Israël, puisque Doha semble jouer avec le feu de l'islamisme
radical...
Le
Fatah accuse le Qatar de semer la zizanie et la division entre les Palestiniens
en soutenant à fond le Hamas, qui appartient à la nébuleuse des Frères
musulmans. Pour beaucoup d'observateurs, cette stratégie ne profite qu'à
Israël. Partagez-vous cette analyse?
Quand on
veut évoquer la politique du Qatar face aux Palestiniens, il faut s'en tenir à
des images. Tzipi Livni, qui fut avec Ehud Barak la cheville ouvrière, en 2009,
de l'opération Plomb durci sur Gaza – 1 500 morts – fait régulièrement ses
courses dans les malls de Doha. Elle profite du voyage pour dire un petit
bonjour à l'émir. Un souverain qui, lors d'une visite discrète, s'est rendu à
Jérusalem pour y visiter la dame Livni... Souvenons-nous du pacte signé d'un
côté par HBJ et le souverain Al-Thani et de l'autre les États-Unis : la priorité
est d'assister la politique d'Israël. Quand le «roi» de Doha débarque à Gaza en promettant des
millions, c'est un moyen d'enferrer le Hamas dans le clan des Frères
musulmans pour mieux casser
l'unité palestinienne. C'est une politique pitoyable.
Désormais,
Mechaâl, réélu patron du Hamas, vit à Doha dans le creux de la main de l'émir.
Le rêve de ce dernier – le Hamas ayant abandonné toute idée de lutte – est de
placer Mechaâl à la tête d'une Palestine qui se situerait en Jordanie, le roi
Abdallah étant déboulonné. Israël pourrait alors s'étendre en Cisjordanie.
Intéressante politique-fiction.
Le
Qatar a-t-il «acheté» l'organisation de la Coupe du monde football en 2022?
Un grand
et très vieil ami du Qatar m'a dit : «Le
drame avec eux, c'est qu'ils s'arrangent toujours pour que l'on dise ''cette
fois encore, ils ont payé!''» Bien sûr, il y a des soupçons.
Remarquons que les fédérations sportives sont si sensibles à la corruption que,
avec de l'argent, acheter une compétition est possible. On a connu cela avec
des jeux Olympiques étrangement attribués à des outsiders...
Dans
le conflit frontalier entre le Qatar et le Bahreïn, vous révélez que l'un des
juges de la Cour internationale de justice de La Haye aurait été acheté par le
Qatar. L'affaire peut-elle être rejugée à la lumière de ces révélations?
Un livre
– sérieux celui-là – récemment publié sur le Qatar évoque une manipulation
possible lors du jugement arbitral qui a tranché le conflit frontalier entre le
Qatar et Bahreïn. Les enjeux sont énormes puisque, sous la mer et les îlots, se
trouve du gaz. Un expert m'a déclaré que cette révélation pouvait être utilisée
pour rouvrir le dossier devant la Cour de La Haye...
Les
liaisons dangereuses et troubles entre la France de Sarkozy et le Qatar se
poursuivent avec la France de Hollande. Comment expliquez-vous cette
continuité?
Parler du
Qatar, c'est parler de Sarkozy, et inversement. De 2007 à 2012, les diplomates
et espions français en sont témoins, c'est l'émir qui a réglé la «politique
arabe» de la France.
Il est
amusant de savoir aujourd'hui que Bachar al-Assad a été l'homme qui a introduit
la «sarkozie» auprès de celui qui était alors son meilleur ami, l'émir du
Qatar. Il n'y a pas de bonne comédie sans traîtres. Kadhafi était, lui aussi,
un grand ami d'Al-Thani et c'est l'émir qui a facilité l'amusant séjour du
colonel et de sa tente à Paris. Sans évoquer les affaires incidentes, comme
l'épopée de la libération des infirmières bulgares.
La
relation entre le Qatar et Sarkozy a toujours été sous-tendue par des
perspectives financières. Aujourd'hui Doha promet d'investir 500 millions de
dollars dans le fonds d'investissement que doit lancer l'ancien président
français à Londres. Échange de bons procédés, ce dernier fait de la propagande
ou de la médiation dans les aventures, notamment sportives, du Qatar.
François
Hollande, par rapport au Qatar, s'est transformé en balancier. Un jour le Qatar
est «un partenaire indispensable»,
qui a sauvé dans son fief de Tulle la fabrique de maroquinerie le Tanneur, le
lendemain, il faut prendre garde de ses amis du jihad.
Aucune
politique n'est fermement dessinée et les diplomates du Quai-d'Orsay, nommés
sous Sarkozy, continuent de jouer le jeu d'un Doha qui doit rester l'ami numéro
1. En période de crise, les milliards miroitants d'Al-Thani impliquent aussi
une forme d'amitié au nom d'un slogan faux et ridicule qui veut que le
Qatar «peut sauver l'économie
française»... La réalité est plus plate: tous les investissements
industriels de Doha en France sont des échecs... Reste le placement dans la
pierre, vieux bas de laine de toutes les richesses. Notons là encore un
pathétique grand écart : François Hollande a envoyé son ministre de la Défense
faire la quête à Doha afin de compenser le coût de l'opération militaire
française au Mali, conduite contre des djihadistes très bien vus par l'émir.
(*) ''Le Vilain Petit Qatar – Cet ami qui nous veut du mal'',
Jacques-Marie Bourget et Nicolas Beau, Éd. Fayard.