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Attention, ça ne marchera pas!
Le projet de la nouvelle constitution, supposé pouvoir guider le navire
«Tunisie» sur la voie de la démocratie et de la prospérité, a été adopté en
commission au sein de l’Assemblée Nationale Constituante (ANC) avant de passer
devant l’assemblée plénière. Un consensus semble avoir eu lieu en faveur d’un
système mixte, une sorte de mélange entre le système présidentiel et le système
parlementaire.
Le choix de ce système est dicté par l’histoire de la Tunisie après
l’indépendance et par l’absolutisme qui a souvent marqué le système
présidentiel en vigueur jusqu’au 14 janvier 2011. Le texte proposé aspire à une
répartition des prérogatives du pouvoir exécutif entre le président de la
république et le chef du gouvernement.
Ce système bicéphale, à mi-chemin entre le régime présidentiel et le régime
parlementaire, sera un mauvais système car celui qui dirigera l'exécutif a
besoin de tous les leviers, y compris la défense et les affaires étrangères, prérogatives
faisant partie du « domaine réservé » du chef de l’Etat selon le projet. Et ça
sera un système instable car toutes les semaines, on pourrait avoir un remake
de l'affaire Baghdadi Mahmoudi avec des différends entre les deux têtes de
l'Etat. Des problèmes au quotidien pourraient subvenir: qui représentera le
pays à un sommet économique de chefs d’Etat sachant que l’économie fera partie
des prérogatives du chef du gouvernement ? En cas de problème sécuritaire, qui
tranchera ? Le chef de l’Etat qui est le commandant suprême des forces armées
ou bien le chef du gouvernement qui a la haute main sur la sûreté à
travers le ministère de l’intérieur ? Comment traiter un dossier de coopération
économique avec un pays étranger sachant qu’il y’a à la fois un volet
économique et un volet diplomatique ?, etc. De tels problèmes risquent de se
multiplier à l’infini et risquent de causer une instabilité institutionnelle
permanente.
Ces risques pourraient s’accentuer encore plus quand le président et le
chef du gouvernement ne sont pas du même bord politique. On assistera alors à
une cohabitation comparable à celles qu’a connues la France entre 1986 et 1988,
entre 1993 et 1995 et entre 1997 et 2002 avec deux différences de taille : la
Tunisie n’est pas une vieille démocratie comme la France (qui a pourtant
souffert de ces cohabitations) et, en outre, elle ne peut pas se permettre une
cohabitation permanente.
Par ailleurs, en cas d’échec, les deux têtes du sommet de l’Etat,
chercheraient chacune à faire porter la responsabilité dudit échec à l’autre
partie de l’exécutif.
Le souci des constituants, à travers ce système hybride, est de répartir
les prérogatives entre le président de la république et le chef du
gouvernement. Toutefois, les deux chefs de l’exécutif n’auront pas les coudées
franches pour dérouler une véritable politique cohérente du pays. Les
constituants voudraient corriger les torts du passé par une erreur qui
risquerait de plonger le pays dans une instabilité permanente car le problème,
ce n'est pas d'accaparer les prérogatives, mais plutôt d'avoir de vrais
contre-pouvoirs (justice, parlement, médias, société civile et cour
Constitutionnelle). Un système mixte sans couacs est une utopie. Une paralysie
au sommet de l'Etat sera à craindre tous les jours.
Le mieux serait d’éviter cet « enlisement dans la voie médiane », à cheval
entre le régime présidentiel et le régime parlementaire, en choisissant
carrément l’un ou l’autre, en rappelant, toutefois, que le régime parlementaire
est aussi instable, quoique dans une moindre mesure, que le régime mixte
proposé: il n’y a qu’à voir ce qui s’est passé ces deux derniers mois en
Italie, par exemple, et qui n’est qu’une énième crise parmi tant d’autres qu’a
connues ce pays depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Les Tunisiens ont
aussi connu un aperçu très significatif du régime parlementaire avec
l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), source de tous les pouvoirs en
Tunisie depuis les élections du 23 octobre, avec les performances que l’on
sait. Ce qui donne à penser que nous ne sommes pas prêts aussi pour le régime
parlementaire.
La Tunisie ne peut pas se permettre une instabilité permanente et une crise
institutionnelle en continu à cause du régime mixte ou des blocages durables à
cause du régime parlementaire. En outre, pour le commun des Tunisiens, un
président est un président et beaucoup de nos concitoyens n’ont pas «digéré» le
« peu » de prérogatives accordées par l’Organisation provisoire des pouvoirs
(OPP) au chef de l’Etat dans cette période transitoire. Le mieux, dans ce cas,
serait d’opter pour un vrai régime présidentiel avec un président élu au
suffrage universel mais avec de vrais contre-pouvoirs, constitués par un
parlement comptable des prestations de l’exécutif, une opposition et une société
civile vigilantes, une justice indépendante, une cour constitutionnelle garante
du bon fonctionnement des institutions et des médias indépendants. Un tel
régime serait à même d’assurer une stabilité des institutions, une véritable
démocratisation du pays et un socle pour sa prospérité.
Et comme dirait la sagesse populaire : « Quand il y a plusieurs capitaines
sur un navire, il risque de couler ». كيف تكثر الرياس تغرق السفينة
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