Pour la troisième fois depuis son accession à l’indépendance, en
1956, la Tunisie demande son concours au Fonds monétaire international (FMI).
La première fois, en 1964, cela s’était traduit par une dévaluation du dinar de
20 %, un prêt de 14 millions de dollars et un engagement jamais
tenu : « la suppression du déficit des finances ».
La seconde fois, en septembre 1986, ce fut plus grave. Le dinar fut à nouveau
dévalué de 20 % et un plan d’ajustement structurel imposé à l’économie
tunisienne. Le marché était alors appelé à remplacer le plan et le secteur
privé à supplanter les entreprises publiques, condamnées à disparaître ou à
être privatisées. Ce faisant, l’encouragement de l’investissement étranger
devenait la règle.
La
troisième fois ressemble aux deux premières en plus dramatique : la
Tunisie révolutionnaire fait face à nouveau à une crise de ses finances
extérieures. En décembre 2012, les réserves officielles sont tombées à
l’équivalent de 94 jours d’importation et la signature tunisienne, très
dévaluée sur les marchés financiers internationaux, ne lui permet plus d’y
« sortir », c’est-à-dire d’y lancer des emprunts obligataires, comme
c’était possible avant janvier 2011. Les deux seuls emprunts réalisés en
2012 n’ont été possibles qu’avec la garantie officielle des trésors américain
et japonais.
2013
s’annonce encore plus difficile : « Les marges de manœuvre
budgétaire et monétaire de l’Etat sont épuisées », affirme
l’ancien gouverneur de la Banque centrale, Mustapha Kamel Nabli. De
plus, « à titre de précaution », Tunis demande au FMI un
prêt d’environ 1,4 milliard d’euros sur deux ans. En contrepartie, il
lui faut s’engager à un certain nombre de réformes structurelles qui ne
manqueront pas de soulever de vives résistances dans la société, dans la mesure
où elles toucheront des acteurs sociaux à qui la révolution de
janvier 2011 a donné les moyens de se défendre.
Premier
groupe touché, les fonctionnaires et les salariés des entreprises publiques,
qui représentent au moins le tiers du salariat. La hausse des traitements et
des embauches a fait grimper de plus de 40 % en deux ans la masse
salariale. Le poste représente plus de 51 % des dépenses de fonctionnement
de l’Etat et la réduction du déficit budgétaire (7,1 % du PIB en
2021) doit se faire pour une bonne part sur le dos des fonctionnaires tunisiens
(modération salariale, gel des embauches, adoption rapide d’une loi de finances
rectificative pour 2013...).
Seconde
cible, les consommateurs et les usagers. L’Etat subventionne le pain, l’huile,
les carburants, le gaz, l’électricité, l’eau, les transports scolaires, le
train... C’est le second poste du budget (7,3 % du PIB) et le plus
sensible politiquement. En 1984, le président Habib Bourguiba avait failli être
emporté à cause d’une hausse intempestive du prix du pain. Cette fois, il n’est
pas question d’y toucher mais de porter l’effort d’abord sur les carburants, au
motif que les automobilistes sont des nantis, puis sur les tarifs publics,
puisque le relèvement du prix de l’eau en mars 2013 en pleine crise
politique est passé inaperçu. A terme, la réforme pourrait être radicale, dans
l’esprit d’un courant qui se développe dans le monde entier et qui vise à
remplacer les subventions par un transfert direct et nominal d’argent aux plus
nécessiteux. En attendant, alors que l’inflation atteint déjà 6,5 % et
lamine les revenus des Tunisiens, ces mesures ne peuvent qu’accélérer la hausse
des prix surtout si, comme prévu, le gouvernement procède à un relèvement de la
TVA.
Le
troisième groupe visé par l’accord de confirmation est constitué par les
débiteurs des banques. Le système bancaire tunisien est malade, et l’agence de
notation américaine Moody’s vient de dégrader, le 13 mars dernier, la note
des cinq principales banques, dont trois appartiennent à l’Etat. Traditionnellement,
les gros emprunteurs, notamment des propriétaires de grands hôtels de tourisme,
« oubliaient » de rembourser leurs dettes, forts de leurs appuis
politiques. Rien n’a changé sur ce plan depuis deux ans. L’accord prévoit donc
la mise sur pied d’une société de gestion des actifs dans le secteur
touristique qui saisirait les biens des débiteurs récalcitrants et procéderait
à leur vente aux enchères afin de rembourser les banques. Ici, les
« victimes » ne tablent pas sur leur nombre mais sur leur poids
social et politique pour sauvegarder leurs intérêts.
Le
nouveau gouvernement pourra-t-il à la fois, comme il s’y est engagé le 14 mars
2013 devant l’Assemblée nationale constituante, tenir des élections
législatives avant la fin de l’année 2013 et appliquer l’accord avec le
FMI ? Sur le papier, c’est possible. Le programme d’action économique et
sociale du gouvernement, adopté le 4 avril 2012 par la majorité de
l’Assemblée nationale, comprend déjà toutes ces mesures. Sur le terrain, cela
l’est moins, sauf si le FMI, comme en 2012 la Banque mondiale pour un prêt de
500 millions de dollars, accepte finalement que « la réforme
des subventions alimentaires et du carburant ne soit pas appliquée avant les
élections ». Son Conseil d’administration doit se réunir pour
approuver l’accord en mai prochain.
Je ne sais pas si le FMI a décidé ou non de patienter mais la réforme de la fonction publique est une bombe en puissance. C'est clair, voir cela aussi ici
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