L'émir du Qatar s'en va :
L'Emir Tamim du Qatar, succède à son père
Sauf retournement de dernière minute, le dégagement politique de l’Emir du
Qatar, par voie de l’évacuation sanitaire, a été programmé, contraignant le
souverain à céder son trône, en pleine gloire, en pleine force de l’âge, à son
fils cadet, le prince Tamim, une transmission de pouvoir inédite dans les
annales des pétromonarchies gérontocratiques du Golfe.
L’Emir, né en 1952, a réuni lundi 24 juin
2013 la famille régnante au lendemain de la «conférence des amis de la Syrie»,
en compagnie des «sages» de la principauté, pour une mise au point final du
dispositif d’abdication.
Présentée par ses nombreux communicants comme répondant au souci du
souverain de procéder à un rajeunissement du pouvoir dans les gérontocraties du
Golfe, cette transition inhabituelle du pouvoir au Qatar, dans un pays théâtre
de deux coups d’états dynastiques au cours de ses 40 ans d’indépendance,
devrait, dans la foulée du «printemps arabe», servir d’exemple pour les
générations futures en matière de transfert de pouvoir dans les monarchies
arabes.
Une destitution comparable à celle décrétée par les Anglais dans la
décennie 1950 à l’encontre du Roi Talal de Jordanie, en faveur de son fils
Hussein, plus sensible aux intérêts de la couronne britannique; comparable à
celle décrétée par les Anglais en 1970 à l’encontre du Sultan Saïd d’Oman oncle
du Sultan Qabous.
Une opération d’exfiltration perçue dans
de larges couches de l’opinion internationale, quoiqu’on en dise, comme un
dommage collatéral majeur du conflit de Syrie. Plus précisément, la sanction de
l’échec d’un trublion qui aura plus que quiconque assuré la promotion du
djihadisme erratique, exacerbé l’antagonisme religieux inter musulman
(sunnite-chiite), accentué la défragmentation du Monde arabe et sa soumission à
l’impérium atlantiste, tout en plaçant le monde au bord d‘une conflagration
régionale.
Au même titre que l’Arabie saoudite, sauf que la dynastie wahhabite dispose
d’un coupe-feu absolu, La Mecque et Médine, à valeur dissuasive absolue qui
explique le fait que l’Irak, -et non le royaume saoudien-, a payé le prix de la
participation de quinze saoudiens au raid contre l’hyperpuissance américaine,
le 11 septembre 2011.
Selon les indiscrétions de la presse
arabe, l’éviction de l’Emir constituerait la sanction de ses trop graves dérives
tant en ce qui concerne son ferme soutien au djihadisme que sa boulimie
affairiste dans ses investissements occidentaux. Le souverain se serait en
effet vu notifier son ordre d’évacuation du pouvoir par un haut responsable de
la CIA, dépêché spécialement par Barack Obama pour lui signifier l’ordre
présidentiel américain après la découverte dans la cache d’Oussama Ben Laden de
documents attestant que le financier du chef d’Al Qaida serait un citoyen du
Qatar, cousin du ministre de la culture, Hamad Al Kawari (1).
Sous la plume de son directeur Oussama Fawzi, ancien haut fonctionnaire du
ministère de l’information du Qatar, Arab Times en date du 24 juin, précise que
«la cellule qataritote proche de Ben Laden était composée de Salim Hassan
Khalifa Rached al Kawari, qui a déjà été livré aux Américains, ainsi que du
koweitien Hasan Ali Ajami, un djihadiste combattant en Syrie, du syrien Ezzdine
Abdel Aziz Khalil ainsi que d’Omid Mohamad Abdallah. Les transferts d’argent se
faisaient via des institutions financières qatariotes. Les soupçons sur le
Qatar pesaient depuis l’invasion de l’Irak au point que le président Georges
Bush jr n’a pas hésité à bombarder le siège d’Al Jazira à Bagdad et s’apprêtait
à en faire de même sur le siège central de la chaine transfrontière arabe à
Doha».
L’Oukaze américain, «non négociable», aurait prescrit un dégagement
simultané de l’Emir et de son premier ministre, Hamad Ben Jassem. Le processus
de transition devrait commencer l’été 2013 de manière à coïncider avec le début
de la période du jeûne du mois de Ramadan et s’achever fin Août, date de la
reprise des activités du calendrier diplomatique international. Selon la
version de la presse arabe, le délégué de la CIA aurait offert le choix suivant
à l‘Emir, soit le gel des avoirs financiers de l’Emirat dans le monde, soit sa
destitution. Autrement dit, la mort financière de l’Emirat ou la mort politique
de l’Emir, motivant cette sanction par le fait que le tandem avait «outrepassé
son rôle en Syrie et dans son soutien au djihadisme», de même que son soutien
tonitruant aux néo islamistes au pouvoir en Tunisie et en Egypte.
Sans surprise, la manœuvre d’étranglement de l’Emir avait été engagée, dès
l’été 2012, avec les indiscrétions fuitées dans la presse française sur le rôle
déstabilisateur du Qatar dans le pré carré africain de la France,
particulièrement le Mali, via la filière caritative du djihadisme qatariote
«Ansar Eddine», contraignant Paris, en pleine tourmente financière, à engager
une couteuse opération de reconquête du septentrion malien en janvier 2013. Qui
explique l’absence de visite officielle de François Hollande au Qatar, pendant
la première année de sa mandature, en dépit du volumineux portefeuille
financier qatariote en France.
Le président français a programmé sa visite
pour coïncider avec la conférence des «amis de la Syrie», en un pâle remake de
la cérémonie d’adieu de Fontainebleau, sauf que le «Field and Air Marshall» du
Qatar ne dispose pas, loin s’en faut, du génie militaire du vainqueur
d’Austerlitz et de son prestige. Un enterrement en grande pompe, un égard que
l’Otan réserve généralement à ses plus fidèles serviteurs (2).
Groupant onze membres, dont les trois membres permanents occidentaux du
conseil de sécurité (Etats-Unis, Royaume Uni, France) et l’Allemagne, les six
pétromonarchies du golfe (Arabie saoudite, Bahreïn, Emirats Arabes Unis,
Koweït, Qatar et Oman) ainsi que les puissances régionales sunnites, la
conférence a annoncé avoir décidé « une aide urgente en matériel et en
équipements » à la rébellion afin de lui permettre de faire face aux
« attaques brutales du régime, indiquant que « toute aide militaire
sera canalisée » par le Haut Conseil militaire syrien relevant de l’Armée
syrienne libre (ASL), principale faction de l’opposition armée. Selon l’AFP, le
chef de la diplomatie du Qatar, Cheikh Hamad Ben Jassem Al-Thani, soutenant
activement l’opposition, a en outre affirmé que les participants avaient pris
« des décisions secrètes » pour renverser l’équilibre sur le terrain.
En d’autres termes, remettre en selle
l’opposition syrienne après ses revers militaires et la propulser à une posture
crédible en prévision d’éventuelles négociations de paix. Quoi qu’il en soit,
selon toute vraisemblance, le chef de la diplomatie qatariote ne serait plus en
poste «le jour de gloire arrivé».
Par sa présence au Qatar, le 22 juin 2013,
François Hollande aura ainsi scellé, dans l’ordre symbolique, un discret
passage de témoin entre l’Emir et son fils, au cours d’un diner privé dont il
espère, à terme, des retombées en matière commerciale à l’effet de compenser
les coûts de l’opération Serval au Mali.
Le coup de semonce contre le duo du Qatar
avait précédé ces péripéties protocolaires destinées à sauver la face.
Intervenu très exactement, en avril 2013, en plein débat de l’opposition
syrienne atlantiste en Turquie, visant à la constitution d’une délégation
commune de l’opposition à la conférence de Genève II. Ulcérée par la cacophonie
qui régnait au sein des diverses factions de l’opposition, l’Arabie Saoudite,
chef de file de la confédération des pétromonarchies arabes, se serait livrée à
une action d’éclat contre les opposants islamistes émargeant sur le budget du
Qatar, en les plaçant sous la coupe du grand wahhabite.
Un acte d’autorité qui est apparu comme un
geste d’exaspération à l’égard des turbulences qatariotes et de l’impuissance
de l’opposition pro atlantiste. Il s’est accompagné d’une surprenante
déclaration du prédicateur de l’Otan, le milliardaire égypto-qatariote, Youssef
al Qaradawi, sur la chaîne saoudienne «Al Arabyia» reconnaissant la prééminence
de la hiérarchie cléricale saoudienne, dans une démarche qui a retenti comme
une forme d’allégeance déguisée.
Une reprise en main accompagnée de l’annonce de la fourniture par l’Arabie
saoudite de missiles anti aériens à l’opposition islamiste syrienne; une
annonce faite le 18 juin en plein sommet des G8 en Irlande consacré à la
possibilité d’instaurer une zone d’exclusion aérienne à la Syrie.
Le coup de grâce a été porté en juin avec la succession des fuites dans la
presse occidentale et arabe. Arab Times, le plus important site arabophone
d’Amérique du Nord, de même que le journal libanais As Safir, le 11 juin 2013,
révélaient dans les détails la démarche américaine.
Son successeur, Cheikh Tamim Bin Hamad Al
Thani, né en 1980, prince héritier depuis 2003, soit depuis dix ans, est
diplômé de Sandhurst (1997-1998), la célèbre académie militaire britannique qui
compte parmi ses prestigieux pensionnaires le Roi Abdallah II de Jordanie, le
prince William, 2me dans l’ordre de succession au trône britannique, et son
frère le prince Harry ou encore le chanteur James Blunt. Le prince de 33 ans
est crédité d’une maitrise parfaite de l’anglais, de l’allemand et du français.
Tennisman à ses heures perdues, commandant en chef des forces armées du Qatar,
Président du Fonds d’investissement du Qatar et président du Comité Olympique,
Tamim passe pour être proche des Frères Musulmans.
Son frère puiné, Jouhane, qui signifie l’affamé en arabe, est, quant à lui,
diplômé de l’Ecole militaire française de Saint Cyr, avec comme interface
l’islamologue Mathieu Guidère, le tunisien.
Jouhane s’est signalé à l’attention de
l’opinion mondiale dans la rubrique des gazettes mondaines en s’offrant une
luxueuse voiture d’une valeur de 3,4 millions de dollars avec des diamants
sertis sur les phares et de l’or dans l’habitacle,
Pour la voiture du prince Jouhane (l’affamé) de Qatar, cliquez sur ce lien
: http://oumma.com/15996/fils-de-lemir-qatar-soffre-voiture-plus-chere-monde
Evacuation sanitaire ou
purge politique?
Certes, une lourde pathologie peut entraver le libre exercice du pouvoir.
Diabétique, l’Emir l’est depuis longtemps qui explique partiellement son
embonpoint. Son désir de départ pourrait se justifier dans ce contexte. Mais
pourquoi alors avoir demandé le dégagement du tandem responsable des campagnes
atlantistes de Libye et de Syrie? Pourquoi ne pas avoir maintenu en poste le
premier ministre durant une période intermédiaire, permettant la transition en
douceur du pouvoir? L’évacuation sanitaire masque-t-elle une purge politique?
Le premier ministre HBJ qui siège au sein
de la Brookings Institution, aux côtés de Tzipi Livni, ancien agent du Mossad
et ministre des Affaires étrangères au moment de l’offensive israélienne contre
Gaza (décembre 2008), a tenté de faire de la résistance arguant de ses
sympathies pro israéliennes.
Mais l’homme le plus riche du Qatar, le
célèbre HBJ de sinistre mémoire, qui en pleine crise de mégalocéphalite aigue,
avait menacé l’Algérie de connaitre le même sort que la Syrie pour son
opposition à l’exclusion de la Ligue arabe de cet ultime pays du champ de la
bataille face à Israël, ne parait pas avoir trouvé grâce auprès de son Maître
américain. Sa destination finale devrait être Londres, l’ancien tuteur de son
pays du temps où le Qatar relevait de la côte des pirates.
Ce dégagement sans ménagement constitue une claire démonstration du statut
mineur des souverains du Golfe par rapport à leur tuteur américain. Par
ricochet, il parait devoir constituer un signal adressé à la dynastie wahhabite
lui enjoignant implicitement d’emprunter le chemin de son cadet du Qatar et
d’opter pour un saut générationnel dans la transition du pouvoir aux petits
fils du fondateur du Royaume.
L’élection d’un modéré à la tête de l’Iran, Hassan Rohani, le 15 juin,
tranchant avec l’hermétisme des pétro monarchies, a constitué un camouflet
majeur au camp atlantiste en ce que la désignation d’un dirigeant par voie
électorale dans un pays théocratique, a frappé d’obsolescence le discours
occidental sur son combat pour l’avènement de la démocratie dans le Monde
arabe, le contraignant à reconsidérer ses positions. Une modulation sur fond de
contestation populaire Place Taqsim du premier ministre turc Reccep Tayyeb
Erdogan, des dérives mortifères du djihadisme en Syrie à coups de cannibalisme
et de prédation sexuelle des pubères syriennes, enfin des incertitudes
politiques au Maghreb avec la convalescence prolongée de l’algérien Abdel Aziz
Bouteflika et du Roi de Maroc.
Bête noire d’une bonne fraction de la
communauté diplomatique internationale pour sa morgue et sa suffisance, le
leadership du Qatar a pu servir de fusible en guise de solde de tout compte
pour un épisode peu glorieux de la diplomatie occidentale en ce que son
alliance avec la frange la plus obscurantiste de l’Islam contre des républiques
à régime séculier a révélé au grand jour, aux yeux de l’opinion internationale,
sa duplicité en même temps que son opportunisme.
Le fusible Qatar pourrait ainsi apparaitre rétrospectivement comme un geste
de bonne volonté à l’égard des autres protagonistes du conflit syrien,
particulièrement le groupe BRICS, avec lequel le camp atlantiste se doit
impérativement de procéder à une redistribution des cartes sur la scène
internationale en vue de sa stabilisation, alors que les Etats-Unis opèrent un
redéploiement vers le Pacifique, leur terrain de compétition majeur du XXI me
siècle, avec leur grand rival chinois. Avec l’espoir de demander à la Russie un
geste équivalent concernant le président syrien. Un renvoi dos à dos Khalifa-Bachar,
un jeu à somme nulle… en somme, sauf pour ses victimes de ce jeu de massacre
transrégional.
Quoiqu’il en soit, force est de constater
qu’un claquement de doigt américain a mis un terme à la lévitation du «Air and
Field Marshall du Monde arabe», l’incubateur des prédicateurs islamistes,
l’égyptien Youssef Al Qaradawi et le tunisien Rached Ghanouchi, le prescripteur
d’Al Jazira.
Renvoyé dans ses pénates, le «Deus ex
Machina» de la révolution arabe est désormais réduit au rôle de Pater familias
d’une Smalla de trois épouses et de vingt-quatre enfants, dont 11 garçons et 13
filles (4), premier Haroun Poussah du Monde arabe à bénéficier des joies de la
RTT (réduction du temps de travail) et de la civilisation des loisirs,
subissant à son tour les effets corrosifs du mot d’ordre du soulèvement
populaire arabe «Erhal, dégage», qu’il a détourné des rives inflammables du
Golfe (Bahreïn, Yémen) vers le versant républicain et séculier de la
Méditerranée (Libye, Syrie).
So long Hamad et ses qatarologues de circonstance,
ses intellectuels médiatiques et ses universitaires cathodiques, toute cette
cohorte d’orientalistes de pacotille et de ses arabes de service, orphelins
d’une courte euphorie, orphelins de sa manne financière, en ce que la
destitution de l’Emir du Qatar devrait sonner le glas des expéditions post
coloniales occidentales en terre arabe, dont la bataille de Syrie aura marqué
la fin de l’unilatéralisme atlantiste dans la détermination de la politique
internationale.
Particulièrement la France, dont les contre-performances en Libye avec la
talibanisation du Nord Mali et en Syrie, avec sa mise sur pied d'un attelage
claudicant de bi-nationaux franco syriens à la tête d’une opposition off-shore,
auront marqué le début du compte à rebours de son déclassement dans l’ordre des
puissances planétaires.
LE QATAR RESTE AU SERVICE DES AMÉRICAINS !
RépondreSupprimer- le père a soutenu les islamistes avec la bénédictions américaine,
- le fils la suspend sur ordre des américains !
http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les-dossiers-de-la-redaction/Qatar/p-25962-Qatar-Le-nouvel-emir-veut-rentrer-dans-le-rang-.htm
Lundi 24 juin, l'émir du Qatar, Hamad Ben Khalifa Al-Thani, 61 ans, a cédé le pouvoir à son fils Tamim, 33 ans. Cette transition surprise, qui rompt avec l'habitude qu'ont les monarques arabes de s'accrocher à leur trône jusqu'à leur dernier souffle, s'est déroulée en trois actes, parfaitement exécutés.
RépondreSupprimerActe I : les rumeurs ou comment préparer la société qatarie et la communauté internationale à une décision impensable il y a encore quelques mois.
Acte II : le message d'abdication du patriarche ou comment faire passer pour un geste d'ouverture politique une succession dans le plus pur style absolutiste, puisque la maison Al-Thani conserve le pouvoir suprême qui est sa propriété depuis cent quatre-vingt-huit ans.
Acte III : le discours d'intronisation du nouvel émir, plein de formules passe-partout, ou comment ne pas découvrir son jeu et se donner le temps d'asseoir son pouvoir en interne comme sur la scène régionale.
Après cela, rideau.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/07/02/une-ombre-dans-la-mise-en-scene-qatarie_3440530_3218.html