Article paru dans :
Le doyen Habib Kazdaghli
Le doyen Habib Kazdaghli était en France le 31 mai en tant
qu'invité principal
à la manifestation du " Printemps des libertés en Tunisie ", organisée par trois associations
tunisiennes de Bordeaux " l'Association
des Tunisiens en France d'Aquitaine, " (ATF Aquitaine), " l'Association les Amis de la
République en Aquitaine " (LARA) et
" l'Association du Lien Interculturel Familial et Social " (ALIFS), pour une conférence-débat avec des universitaires bordelais et des journalistes.
" l'Association du Lien Interculturel Familial et Social " (ALIFS), pour une conférence-débat avec des universitaires bordelais et des journalistes.
L'affaire de l'université de
Mannouba a défrayé la chronique, que ce soit sur les réseaux sociaux ou dans
les médias. Beaucoup de tunisiens se souviennent des péripéties de cette
affaire qui a débuté dés le printemps 2012 et les a tenus en haleine des mois
durant tant elle les scandalisait; comme ils se souviennent de
l’attitude ferme et courageuse du doyen Habib Kazdaghli face à ses
détracteurs.
Le doyen nous projeté un petit film
"étudiantes contre salafistes" relatant les faits dont un passage a été réalisé par les jeunes salafistes eux mêmes, fiers de leurs "exploits" et mis sur les réseaux sociaux ... qui montre la
violence de la situation quand quelques énergumènes ont osé s'en prendre
physiquement au doyen ... et que la police présente sur les lieux, laissait
faire, car telles étaient les instructions du pouvoir. Ce qui décidera le doyen à refuser de remettre
les pieds dans l'université tant que les autorités n'auront pas mis dehors les
pseudo étudiants sit-inneurs, préférant assurer ses fonctions administratives
depuis sa voiture stationnée à l'extérieur de la Faculté !
Lors d'une conférence de presse devant la Faculté,
où les salafistes "abusaient" les médias pour mieux médiatiser leur
combat, leur chef présumé Abou Yadh en avait profité pour durcir le ton en
exigeant des autorités qu'elles délogent le doyen contre la promesse de leur
livrer le profanateur du drapeau national !
Le doyen a expliqué à l’auditoire
composé moitié-moitié de tunisiens et de français, la façon dont il avait
géré cette pénible crise.
Au lieu de se fermer et de s’énerver
contre ces jeunes dits "salafistes" qui faisaient, de toute évidence,
de la provocation politique; il a eu l’intelligence de maintenir le dialogue de
façon admirable, là où d'autres probablement auraient perdu patience, pour
discuter avec ceux qui sont à l'évidence hermétiques à tout dialogue et qui
ne sont que des fanatiques imbéciles.
Il s'étonnera que sa hiérarchie
ne l'ait pas soutenu, comme il s'étonne des réponses laconiques de son ministre
de tutelle Moncef Ben Salem, ministre de l'enseignement supérieur ... qui ne
s'expliqueraient que par la présence de son fils en tant que meneur de la
fronde contre le doyen !
Il a ensuite placé le débat sur
un plan technique et purement technique celui des libertés académiques et
des règles universelles de la pédagogie, en
se refusant d’entrer dans le débat politique.
En se référant, tout d’abord,
aux libertés académiques, il a signifié clairement que la gestion de
l’Université ne dépendait pas et ne pouvait en aucun cas dépendre du pouvoir
politique.
Puisque, c’est aux universitaires
qu’il incombe de fixer les programmes et la façon de les enseigner !
D'ailleurs, le Tribunal
Administratif lui a donné raison par deux fois sur ce plan là : la
première, sur l’action des jeunes niqabées qui ont vu leurs prétentions
rejetées d'assister au cours visage caché sous leur niqab; et la seconde, dans
l’avis donné par le même Tribunal Administratif à la demande du Ministre.
Cette juridiction a clairement
indiqué que c’est à l’Université et à elle seule de prendre les règles concernant
son fonctionnement.
Le doyen Kazdaghli a eu soin, par
ailleurs de toujours mettre son action sous le contrôle de ses collègues qui
lui ont renouvelé, à plusieurs reprises, leur confiance, manifestant ainsi que
l’Université ne devait pas s’incliner devant les obscurantistes.
En dehors de la défense des
libertés académiques, il a aussi placé le débat sur un plan technique, celui
des règles universelles de la pédagogie en soulignant que l’enseignement était
avant tout un échange entre un maître et un élève; et que pour que cet échange
puisse avoir lieu, il fallait que le maître puisse rencontrer le visage et le
regard de l’élève. Cela semble évident à toute personne censée et de bonne foi
mais, il lui a fallu batailler pour faire admettre cette vérité
élémentaire !
C’était la bonne méthode de
résistance choisie par le doyen Kazdaghli aux salafistes et à ceux qui les
soutiennent aussi bien au gouvernement que parmi les constituants. Il déplore
tout de même la perte de temps et d'énergie qu'il aurait préféré consacrer à
ses étudiants et au savoir !
Mais si elle a finalement
conduit à l’expulsion des fauteurs de trouble, non sans mal, après occupation
durant un mois du bureau du doyen transformé en salle de prière et de dortoir;
les deux jeunes filles qui s'obstinent à porter le niqab en classe, ont déposé
une plainte contre lui pour violence physique !
Plainte soutenue par le Ministère
public, faut-il le rappeler.
Il s’en est suivi une procédure
longue et pénible qui relève du harcèlement par le pouvoir
en place qui, à l'évidence, instrumentalise la justice; puisqu'après 7
comparutions, elle a abouti à la relaxe du doyen.
Croyez-vous que le pouvoir s’est
incliné devant cette décision judiciaire ? Non, puisque le Parquet a
fait appel de cette décision.
Une nouvelle lutte s’engage pour
le doyen Kazdaghli et il faudra que la société civile se mobilise et le soutienne,
à nouveau, alors qu'il ne fait que son travail en refusant le port du niqab en
classe !
Voilà ce qu'a dit en substance le
doyen auquel il faut rendre hommage pour son courage, sa modération et sa
modestie mais aussi à son obstination à faire respecter la loi et les
institutions.
Si le doyen s'est senti lâché par
son ministre de tutelle, appartenant au parti d'Ennahdha, il pouvait espérer un
soutien des chefs des deux autres partis composant la troïka qui gouverne.
Or ni le président provisoire Moncef
Marzougui du CPR, ni Mustapha Ben Jaâfar président de la constituante, du parti
Etakattol, n'ont mouillé leur chemise pour le soutenir. Alors que nous avons
entendu Marzougui lui promettre pendant la campagne électorale de mettre fin aux
harcèlements des "salafistes" et de "régler" leur problème
!
Une promesse de plus non tenue
par tartour !
Si cette affaire est devenue
emblématique, c'est qu'elle est indéniablement politique, même si le doyen
Kazdaghli se garde bien de s'embarquer dans cette voie ! Ce qui est tout à son
honneur de vouloir respecter la neutralité de sa fonction comme celle de
l'université.
Mais s'il refuse de mêler la
politique à cette affaire, il est évident qu'il la subit de la part du parti
qui domine la troïka au pouvoir, c'est à dire Ennahdha qui veut imposer sa doctrine islamiste à un Etat auquel pourtant Ghannouchi promettait durant la
campagne électorale de lui conserver son statut civil et de ne pas toucher
au Code du Statut Personnel qui le caractérise !
Ce n'est pas un hasard que les
"salafistes", que nous savons être la base armée d'Ennahdha (puisque
Ghannouchi lui-même dit qu'ils sont ses enfants et que leur violence lui
rappelle avec émotion la sienne à leur âge) se soient attaqués à la faculté de
Mannouba et à d’autres facultés de Lettres !
Le wahhabisme dont se nourrit leur islamisme, rejette le savoir qui initie au
sens critique et à la dialectique, "armes redoutables" selon cette
doctrine, qui pourraient remettre en question la chariâa que les salafistes
croient immuable et aussi sacrée que le coran; comme il rejette la mixité, la
femme étant source de tous les maux d'une société selon Mohamed
Abdelwahhab, le fondateur de cette
obédience !
Si les islamistes ont accaparé la
scène publique, médiatique et politique avec l'identité ethnique et religieuse,
c'est pour mieux planter le décor de l'islamisme auquel ils veulent convertir
les tunisiens ! Et dire que l'opposition est tombée dans leur piège; puisqu'elle
s'est laissée entraîner sur le terrain "identitaire" comme si les
tunisiens en faisant leur révolution avaient un problème avec leur identité !
Ainsi sous le prétexte fallacieux
de leur faire recouvrer leur identité "arabo musulmane" qu'ils
auraient perdue, Ghannouchi et ses hommes veulent inculquer aux tunisiens le
modèle sociétal Saoudien en guise d'identité "arabe" et son corollaire,
le wahhabisme, en guise d'identité "religieuse" !
Le comble c'est que les
salafistes utilisent leur pires ennemies que sont les femmes, pour
mieux asseoir leur pouvoir ! Car si pour certains le niqab n’est
qu’un chiffon, pour eux il est avant tout un drapeau et un emblème purement
politique ...
Par la violence psychique,
physique ils tenteront de l'imposer aux femmes; puisque l'essentiel pour eux
est de donner plus de visibilité à leur combat politique ! Ce qu'ils font aussi
bien dans les pays dits "arabo musulmans", qu'en Occident !
Or le débat avec le doyen
Kazdaghli n'a tourné qu'autour du niqab : faut-il l'accepter ou l'interdire !
Prouvant une nouvelle fois que beaucoup de personnes tombent encore dans le
piège des islamistes qui s'abritent derrière ce bout de tissu qu'ils agitent tel un
chiffon rouge pour faire réagir le public ... et finir par imposer leur vision
plus global d'un monde "wahhabisé" !
D'ailleurs le doyen reconnaît
effectivement que l'université théologique de la Zitouna, haut lieu du
malékisme en Afrique du nord, est en passe d'être wahhabisée, malgré des résistances
un peu tardives de certains imams !
Ce que les tunisiens voient se
développer de jour en jour par le nombre de femmes niqabées et par les actes de
violences, l'autre caractéristique de cette obédience, que les pétro monarques
veulent diffuser en Tunisie grâce à leur serviteur Ghannouchi; prélude pour eux
d'un nouveau type de colonialisme : politico religieux celui-là !
Ils le rejetteront à nouveau,
refusant, une nouvelle fois l'obscurantisme ... et le colonialisme qu'il véhicule !
Rachid Barnat
ouvrage
de Habib Mellakh,
préfacé par
Habib Kazdaghli.
Editions Cérès
L'INTERVIW DU DOYEN :
RépondreSupprimer« On a voulu mettre l’université au pas »
Doyen de la faculté de la Manouba, à Tunis, Habib Kazdaghli est l’un des hérauts de la résistance à l’ordre islamique qui tente de se frayer un chemin.
Porte-drapeau d’une société qui se voit un avenir laïc, l’universitaire tunisien Habib Kazdaghli était vendredi de passage à Bordeaux, invité par l’Association des Tunisiens en France d’Aquitaine (ATF Aquitaine), l’Association les amis de la République en Aquitaine (Lara) et l’Association du lien interculturel, familial et social (Alifs). Historien, doyen de l’université de la Manouba à Tunis, Habib Kazdaghli s’est rendu célèbre en s’opposant aux menées des salafistes sur son campus. Deux étudiantes en niqab avaient saccagé son bureau en mars 2012. L’une d’elles l’avait accusé de l’avoir giflé, ce qui a entraîné des poursuites contre Habib Kazdaghli. Il a finalement été relaxé le 2 mai dernier, mais le parquet tunisien a fait appel.
« Sud Ouest ». Quel regard portez-vous sur cette affaire ?
Habib Kazdaghli. Il s’agit, de la part du pouvoir, d’une tentative grotesque d’instrumentalisation de la justice. À preuve la requalification juridique des faits qui m’étaient reprochés. De « violences légères », on est passé à « abus de pouvoir de la part d’un fonctionnaire », un délit passible de cinq ans de prison ! Mon procès, qui a consisté en sept audiences étalées sur une durée de dix mois, est devenu emblématique pour la société civile. Un baromètre du rapport de forces entre un pouvoir tenu par les islamistes et les forces modernistes de la société tunisienne. Ennahda (NDLR : le parti religieux au pouvoir) avait feint de nous renvoyer dos à dos, comme s’il s’agissait d’une querelle entre moi, le « fondamentaliste laïc », et les salafistes. Cette thèse a volé en éclats.
Comment expliquez-vous que le parquet ait interjeté appel de votre relaxe ?
Tout part d’une volonté politique de contester la victoire judiciaire de l’université. Car il ne s’agit pas de ma victoire. On a voulu mettre l’université au pas et on n’y est pas parvenu. Son autonomie a été préservée, la valeur du règlement édicté par son Conseil scientifique consacrée : on ne doit pas venir en cours en niqab. Ça, le parti politico-religieux au pouvoir ne le supporte pas.
Les récents affrontements entre la police et les salafistes ne marquent-ils pas un changement de cap du pouvoir ?
Pas forcément. Rappelons-nous que le procès des assaillants de l’ambassade des États-Unis à Tunis a débouché sur des condamnations de deux ans d’emprisonnement avec sursis. Sur les 20 accusés, 11 comparaissaient libres. Le jugement est très clément, et les États-Unis ne s’y sont d’ailleurs pas trompés. Le pouvoir est tenté de banaliser les violences salafistes, qu’il s’agisse de la découverte d’armes de guerre dans la banlieue de Tunis ou des exactions sur le mont Chaambi (NDLR : des salafistes ont déposé des mines artisanales qui ont grièvement blessé des militaires). En même temps, on peut penser que les lignes bougent.
La situation est-elle normalisée sur le campus de la Manouba ?
Normalisée mais précaire. Notre première session d’examens s’est tenue sans incident entre le 6 et le 11 mai. Aucune étudiante ne s’est présentée en niqab.
http://www.sudouest.fr/2013/06/03/on-a-voulu-mettre-l-universite-au-pas-1072535-2780.php?fb_action_ids=586157461418347&fb_action_types=og.likes&fb_source=timeline_og&action_object_map=%7B%22586157461418347%22%3A634830869878615%7D&action_type_map=%7B%22586157461418347%22%3A%22og.likes%22%7D&action_ref_map=[]
Le doyen de la Faculté des lettres de la Manouba récompensé à Amsterdam pour son "courage"
RépondreSupprimerhttp://www.huffpostmaghreb.com/2014/04/10/doyen-de-la-faculte-manouba_n_5126864.html?ref=topbar
L'allocution de Habib KAZDAGHLI, à l’issue de sa consécration "Doyen Courage" :
RépondreSupprimerhttp://blogs.mediapart.fr/blog/salah-horchani/120414/cmla-texte-integral-de-l-allocution-de-habib-kazdaghli-l-issue-de-sa-consecration-doyen-courage