pseudonyme commun de Bahgat El Nadi et Adel Rifaat.
Depuis plus de mille ans, les guides de la pensée musulmane
s'enorgueillissent d'être les gardiens d'un dogme qui se veut imparable, celui
de l'imprescriptibilité du Coran. Selon ce dogme, le Coran étant la Parole de
Dieu, ses versets sont formulés pour embrasser, éternellement, tous les
contextes possibles.
Le croyant est alors confronté au syllogisme suivant: est musulman
celui qui croit que le Coran est la Parole de Dieu. Celui qui doute de la
validité absolue de tous ses versets doute, nécessairement, du fait que le
Coran est la Parole de Dieu. Il n'est donc plus musulman.
Ce dogme offre aux chefs religieux un formidable atout : celui
de pouvoir faire, parmi les versets, un choix qui épouse leurs préférences
idéologiques ou politiques, tout en l'imposant au public comme étant le seul
valable. Le choix paraît d'autant plus indiscutable, qu'il est émis par une
autorité reconnue, s'appuyant sur des versets qui ont, de toute façon, une
validité absolue....
Or, ce dogme, qui se veut une évidence, n'est qu'un trompe-l'œil.
Il repose sur un sophisme. Le sophisme selon lequel la Parole de Dieu doit être
de même nature que Dieu Lui-même. Dieu étant éternel, chacune de Ses Paroles ne
pourrait être qu'éternelle comme Lui.
Or, le
Coran ne dit pas cela.
Il dit le
contraire de cela.
Mais pour le savoir, il faut fausser compagnie aux guides
attitrés. Il faut, consentant à un effort de recherche personnelle, replacer le
texte dans son contexte. En reliant les versets du Coran aux circonstances dans
lesquelles ils ont été révélés au Prophète.
Alors on découvre ce que le dogme de l'imprescriptibilité du Coran
a pour fonction de nous cacher.
On est frappé par une évidence, aveuglante, indiscutable. Le Coran
se présente comme la Parole de Dieu, mais Dieu et Sa parole n'y ont pas le même
statut. Ils ne sont pas situés sur le même plan. Dieu transcende le temps, Sa
Parole est inscrite dans le temps.
A aucun moment, dans le Coran, il n'est permis de confondre Dieu
et Sa Parole. A aucun moment, il n'est permis de déduire, de l'éternité de
Dieu, l'éternité de Sa Parole.
Tout au contraire, une lecture qui replace le texte dans son
contexte, conduit à faire trois constatations fondamentales.
- La première : Dans le Coran, la Parole de Dieu épouse un
langage, une culture, des questionnements, qui sont ceux de l'Arabie du VIIe
siècle.
- La deuxième : Dans le Coran, la Parole de Dieu ne se présente
pas comme un monologue, mais comme un échange entre Ciel et terre. Dieu
dialogue en temps réel, par l'intermédiaire du Prophète, avec la communauté des
premiers musulmans.
- La troisième : Dieu n'a pas donné à tous les moments de Sa
Parole la même portée. Le Coran prononce des vérités d'ordres différents,
entrelaçant l'absolu et le relatif, le général et le particulier, le perpétuel
et le circonstanciel. Cela est si vrai, qu'il arrive à Dieu de remplacer
certaines vérités par d'autres, de décréter l'abrogation de certains versets,
par des versets révélés ultérieurement.
D'où ce constat crucial : le Coran ne peut
pas être lu comme si tous ses versets avaient la même portée. Car cela revient
à trahir la Parole de Dieu, en attribuant une portée absolue et perpétuelle, à
ceux de ses versets que Dieu a voulus circonstanciels.
Il ne s'agit pas, pour nous, de décréter que les versets
circonstanciels perdent toute portée, une fois que les circonstances ont changé.
Le croyant peut toujours y trouver une leçon à méditer, une inspiration à
suivre, une réflexion à déployer. Simplement, et cela change tout, il n'a pas à
leur prêter une portée obligatoire, en tout temps et en tout lieu.
Le croyant découvre ainsi qu'il n'est pas tenu de suivre, telles
quelles, des prescriptions que Dieu a destinées à une période désormais
révolue. Il retrouve sa liberté intérieure. Et avec elle, la nécessité de
choisir, dans le secret de sa conscience, entre les versets qui l'obligent et
ceux qui ne le concernent plus.
Il est alors disponible pour l'aventure personnelle, spirituelle
et humaine, à laquelle le Coran le convie.
Le Coran, qui cesse de lui apparaître comme un ensemble de
commandements et d'interdits, à suivre partout et toujours. Qui redevient ce
qu'il fut, durant vingt deux ans, pour le Prophète et ses compagnons. Une
guidance ouverte sur un monde à refaire. Une incitation à penser et à agir en
pleine responsabilité. Une chance offerte, à chacun, de retrouver la voie de Dieu
sur les chemins de la vie.
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