Lettre parue dans Kapitalis
Monsieur
le président,
Vous-même
et votre parti et tous ceux qui vous supportent allaient mener prochainement,
nous l’espérons tous, un combat pour l’alternance politique dans ce pays après
des mois et des mois de difficultés, de régression et de doutes.
La
première chose que je voudrai faire est de vous féliciter, vous et beaucoup des
tunisiens qui vous ont soutenu pour avoir gardé votre sang froid et, ainsi,
avoir évité au pays des désordres et des drames encore plus nombreux et plus
graves que ceux que nous avons connus. Je mets tout cela non
seulement sur le compte de votre sagesse mais aussi de celle des tunisiens qui
ont montré que grâce au Président Bourguiba ils constituaient un peuple sage,
instruit et informé.
Mais ce
moment est aussi un moment crucial, qui va être très difficile car les
événements que nous venons de vivre ont mis en évidence la division
de ce peuple et ont mis aussi au premier plan en évidence beaucoup de
problèmes qui, s'ils ne sont pas pris à bras le corps et réglés,
continueront d’empoisonner la vie de ce pays.
Vous ne
pouvez pas vous contenter d’un vote par défaut, d'un vote contre les
islamistes et leur gouvernance calamiteuse. Il vous faut proposer un projet à
ce pays et à ce peuple.
Ma lettre
est donc une modeste tentative de cerner les problèmes qui se posent et de vous
inviter à entrer dans l'histoire en continuant et en parachevant
l’œuvre politique du président Bourguiba en offrant au peuple tunisien un but.
La
première priorité est de rétablir la sécurité dans ce pays car
rien ne peut se faire sans sécurité, ni investissement, ni progrès social, ni
développement. La période que nous avons vécue a montré deux choses
essentielles sur ce point :
- La
première est que la police n’était pas suffisamment républicaine, pas
suffisamment respectueuse de l’état de droit. Elle doit être fermement reprise
en mains après les tentatives d’infiltrations qu'elle a connues. Il
est possible d'avoir une police à la fois très ferme et républicaine;
c'est-à-dire n’obéissant qu’à l’Etat et appliquant ses instructions avec
fermeté mais dans le strict respect des lois. Beaucoup existe déjà. Il suffit
que cette police soit bien dirigée, qu’elle sache qu'elle sera
soutenue et pour cela, elle doit respecter la loi et elle doit être au service
des citoyens.
- La
seconde c’est que malheureusement on a maintenu la justice dans sa culture de
sujétion au pouvoir et on a suffisamment constaté le spectacle désolant qu'elle
a quelquefois donné. Le pouvoir actuel a instrumentalisé la justice à
plusieurs reprises et la justice s'est discréditée en se couchant face au
pouvoir. Il y a là un domaine essentiel : assurer une réelle indépendance
de la Justice dans les textes mais aussi dans sa culture.
Lorsque
le socle de la sécurité sera bien établi alors vous devez, me semble-t-il,
avoir un projet politique qui soit le prolongement de ce qu’avait fait le
Président Bourguiba. Vous devez remettre l’éducation au premier
plan et lui donner les moyens budgétaires nécessaires. Ben Ali avait
détruit en partie l’éducation nationale car il avait favorisé le privé et
laissé se développer la corruption même dans ce domaine. Il en était résulté un
affaiblissement considérable de l'enseignement public et une
régression de la formation. C’est très grave car il n'y aura pas de progrès
véritable sans un peuple largement instruit et bien formé. Vous devez
faire de l’éducation nationale une priorité, comme le fit feu Habib Bourguiba.
- Mais ce qui sera votre apport, c’est le développement dans notre pays de la démocratie et de l’état de droit. Je dirai d'ailleurs que vous n'avez pas le choix. Les Tunisiens ont compris la démocratie et ont montré, au travers l’action de la société civile qu'ils n’auraient plus jamais peur, qu'ils ne se tairaient plus, qu'ils veulent participer au développement de leur pays et qu'ils sont mûrs pour le faire.
Il vous
faut donc asseoir les institutions démocratiques de ce pays non seulement à
l’échelon de l'Etat mais dans toutes les collectivités territoriales.
C’est un chantier important mais vital. Vous le devez à cette société civile
qui va vous permettre, j’en suis sûr, de l'emporter.
Lié a
cela, il vous faut faire de la lutte contre la corruption,
hélas encore beaucoup trop présente et que le pouvoir actuel a encore
accentuée, une exigence; et être à cet égard sans merci. Il y va du
développement économique et des investissements. Qui peut investir dans
un Etat ou le droit est variable en fonction de qui paie ? !
Enfin la
période qui vient de s’écouler a montré les injustices qui ont divisé la
Tunisie au niveau des régions et au niveau des hommes. Il vous faudra, sans
idéologie inutile mais avec pragmatisme et détermination œuvrer pour une
meilleure justice sociale et entre les territoires.
Vaste
challenge que ce programme ! Il faut que ces priorités soient au-delà des
mots et que votre détermination soit sans faille car le combat sera difficile
tant les mauvaises habitudes sont difficiles à perdre. Mais si ce combat est
mené, vous aurez, en surcroît, le développement économique qui
pourra prospérer dans un pays sûr, juste et qui sera aidé de toutes parts par
de nombreux Etats amis qui verront votre succès avec bonheur... d'autant que
tous vous apprécient déjà et ont salué votre travail en tant que premier
ministre dans une phase très délicate.
Les
Tunisiens, avec la maturité qu'ils ont montrée, sont, j’en suis sûr,
prêts à accepter ce programme et à participer chacun à son niveau à sa mise en
œuvre; et je crois qu'un tel programme peut aisément réunir tous les
partis et tous les hommes politiques qui vous soutiennent. Si vous faites cela,
alors, vous entrerez dans l’histoire comme le digne successeur du Président
Bourguiba et la Tunisie sera, une nouvelle fois, un modèle pour de nombreux
pays.
Est-ce le
moment de vous demander cela, n’est-ce pas prématuré ? Je pense exactement
le contraire car je sens dans la société civile une lassitude, la lassitude de
toujours s'opposer aux islamistes, de toujours discuter de la
légitimité ou non de ce pouvoir, de discuter de la façon d'être musulman; sans
avoir un projet positif, un rêve, un objectif sérieux pour l'avenir de ses
enfants.
C’est le
moment. Chacun sait que les islamistes ont perdu toute
crédibilité qu'ils vont peu à peu disparaître, d'une façon ou d'une
autre, du paysage politique. Ils disparaîtront d’autant plus
et d'autant plus rapidement que le peuple tunisien adhérera le plus
possible à un difficile mais beau projet.
Donnez à
votre peuple qui le mérite une belle ambition.
Rachid
Barnat
Beau programme. En réalité absolument nécessaire. Mais il faut aussi que ce leader évite les erreurs et ils vient d'en commettre une importante en nommant son fils a la direction du mouvement. Sans doute cette personne est compétente et ce sera plus facile pour lui mais c'est tout de même une grave erreur car Nida Tounes avait critiqué , a juste titre le népotisme de Nadha, et cet acte va dans le même sens. Décidément certains politiques ne comprendront jamais rien a rien. On peut soutenir cet homme, c'est mon ca, mais il faut dire haut et fort ses erreurs.
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