Pierre Hillard,
Docteur en science politique et essayiste.
L’objectif des élites mondialistes est d’aboutir à une gouvernance mondiale, en jouant sur deux tableaux :
Docteur en science politique et essayiste.
L’objectif des élites mondialistes est d’aboutir à une gouvernance mondiale, en jouant sur deux tableaux :
- Soit les pays musulmans adoptent et se coulent dans la foi mondialiste, alors c’est un acquis pour les tenants du nouvel ordre mondial ;
- soit ces pays musulmans résistent et par réaction instaurent des régimes politiques s’inspirant plus profondément encore de l’Islam (charia, …) et c’est ce qui est en court à différents degrés, depuis 2011, en Egypte, en Libye, en Tunisie, etc ...
Alors, les grands prêtres de l’ordre mondialiste pourront justifier de nouvelles mesures coercitives ou d’actions militaires pour combattre selon eux l’obscurantisme.
Pour le mondialisme, l’ennemi est utile : Il permet l’instauration de mesures liberticides dans son propre camp au nom de la lutte contre le terrorisme, tout en permettant l’élaboration d’une politique extérieure plus vigoureuse au nom de la démocratie et des droits de l’homme. C’est sans fin et surtout d’une perversité totale.
Le mondialisme en liaison avec son enfant-monstre, le sionisme, fait tout pour souffler sur les braises et favoriser le fameux choc des civilisations.
Ne nous voilons pas la face : Les différences civilisationnelles existent et parfois sont incompatibles entre elles …. et les élites mondialistes le savent fort bien.
Pour court-circuiter l’élite mondialiste et ennemie du genre humain, la sagesse serait de la part des dirigeants des communautés extra-européennes vivant en Europe de ne pas tomber dans le piège tendu par les tenants d’un monde unifié ayant pour capitale Jérusalem, comme le proclame officiellement Jacques Attali, en se radicalisant et en voulant imposer leurs modes de vie étranger à la civilisation européenne.
Dans le prolongement du mondialisme, le sionisme s’active largement pour imposer ses vues.
Cependant, il existe des intellectuels et religieux juifs farouchement opposés à cette vision messianique défendue par le sionisme.
En fait, il s’agirait de trouver un accord entre ces groupes permettant de stériliser l’action dévastatrice des agents du mondialisme qui ne cherchent qu’à attiser la haine entre ces différents mondes afin d’aboutir au fameux « Choc des civilisations ».
Les distinctions réelles caractérisant les différents groupes de civilisation (européen, musulman, …) n’obligent quand même pas, pardonnez-moi cette expression, « à se foutre sur la gueule ».
Même si les différences existent et n’autorisent pas les mélanges, il est possible de maintenir un minimum de paix à condition d’avoir un comportement obéissant à la morale naturelle.
En face, nos ennemis prospèrent sur notre désunion :
Quand un Bernard-Henri Lévy proclame :
- que « c’est en tant que juif » qu’il a « participé à l’aventure politique en Libye » lors de la première convention nationale organisée par le Conseil représentatif des organisations juives de France (CRIF) ;
- que « j’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël » ;
- précisant au sujet de son soutien à la guerre en Libye : « C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure politique,
- que j’ai constitué à définir des fronts militants,
- que j’ai contribué à élaborer pour mon pays et pour un autre pays une stratégie et des tactiques (…).
- Je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas été juif » !
Cela révèle l’ampleur des ambitions de ces élites qui peuvent mettre un pays à feu et à sang comme la Libye au nom d’une idéologie en attendant le tour de la Syrie, de l'Algérie et de l’Iran.
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Première partie
Au lendemain de la Première guerre mondiale, le monde musulman est contrôlé par deux pays colonisateurs : la France et la Grande-Bretagne. On peut toutefois relever que l’Arabie Saoudite échappe à leur contrôle au grand désespoir du Parlement de Westminster qui se rend compte qu’il a laissé échapper un territoire véritable éponge à pétrole pour le plus grand profit des compagnies pétrolières américaines.
Au lendemain du choc de la Seconde guerre mondiale, une ère nouvelle s’ouvre en faveur de l’indépendance du monde musulman. Du Maroc jusqu’au Pakistan, des Etats semblent échapper à leurs anciens colonisateurs. Il n’empêche que certains d’entre eux sont restés dans le viseur des intérêts anglo-américains en raison d’intérêts pétroliers et de la mainmise de certaines matières premières. On peut dater cette collusion à la rencontre entre le président Roosevelt et le représentant saoudien Ibn Saoud en février 1945 conduisant au « Pacte de Quincy ». De ce pacte, il est décidé que les Etats-Unis accorderont une totale protection à l’Arabie Saoudite contre toute menace. Inversement, Ryad garantit l’approvisionnement en pétrole aux Etats-Unis. Outre ce point, des éléments concernant le partenariat économique et financier sont venus se greffer à l’accord énergétique.
L’intérêt anglo-saxon aux zones pétrolifères ne se dément pas avec l’Iran de Mossadegh. Par le biais de l’Anglo-Iranian Oil Company (AIOC), la Grande-Bretagne pesait dans la vie politique et économique de l’Iran. Les Britanniques bénéficiaient du contrôle des territoires Sud iraniens riches en pétrole. Les profits dégagés allaient droit dans les caisses de cette compagnie anglaise détenue à 53% par le gouvernement de Londres. Seuls 8 % des profits nets allaient directement au gouvernement iranien qui, face à un tel déséquilibre, demanda une remise à niveau d’au moins 50-50 entre les partis[1]. Cette proposition déplût fortement à la compagnie pétrolière qui, soutenue en sous-main par le gouvernement anglais, affichait un refus complet de modifier la donne en faveur des Iraniens ou du moins d’établir une meilleure répartition des profits. Cependant, la situation change avec Mohamed Mossadegh. Fort d’une longue activité dans la politique, il est fin 1949 à la tête de la commission parlementaire chargée des affaires pétrolières prônant la nationalisation du pétrole tout en dédommageant l’AIOC. Il garantit à la Grande-Bretagne le même niveau d’approvisionnement tout en conservant le personnel britannique de la compagnie. La nationalisation de la compagnie pétrolière fut effective le 28 avril 1951 par un vote du parlement iranien. Ce vote se fit la veille de l’arrivée au poste de Premier ministre de Mossadegh. Les tentatives anglo-saxonnes pour l’obliger à faire marche arrière se multiplient en particulier quand le gouvernement britannique présente l’affaire à la Cour mondiale d’arbitrage[2]. Ayant une formation de juriste, Mossadegh plaide directement la cause iranienne et remporte la mise. L’Angleterre ne pouvait pas laisser passer cet affront. En août 1953, les services spéciaux britanniques en liaison avec la CIA décidèrent de renverser Mossadegh dans le cadre de l’opération AJAX. Ce fut un succès complet. Mossadegh fut renversé, le Shah d’Iran rétabli dans ses prérogatives avec la bénédiction anglo-américaine jusqu’en 1979 et les privilèges de l’AIOC rétablis …. Rule Britannia. En tout cas, l’intervention des Anglo-Saxons fut reconnue officiellement par la Secrétaire d’Etat Madeleine Albright qui, le 17 mars 2000, rappela l’action déterminante de l’administration Eisenhower dans cette affaire[3].
Le rappel des initiatives anglo-saxonnes dans cette région est nécessaire pour mieux saisir les objectifs profonds animant ces élites en liaison avec Israël. Dans cette affaire, le grand « manitou » oeuvrant en faveur d’une refonte généralisée du monde musulman s’appelle Bernard Lewis. Ce Juif anglais naturalisé américain est un grand spécialiste du monde musulman. Ayant servi dans les services secrets britanniques, cet islamologue de réputation mondiale et professeur honoraire à l’université de Princeton a influencé les néo-conservateurs américains. C’est lui qui est à l’origine de l’expression « choc des civilisations » (clash of civilizations) en 1957[4]. Selon lui, les musulmans sont eux seuls responsables de leur déclin. Le renouveau ne peut venir que d’eux en intégrant les valeurs occidentales. Son action s’est développée en liaison avec Zbigniew Brzezinski (conseiller du président Obama) en particulier dans l’élaboration du principe de « l’arc de crise » en partant de la corne de l’Afrique jusqu’au continent indien (crescent of crisis). Les deux compères ont élaboré le principe de balkanisation du monde musulman afin de constituer une zone d’instabilité aux frontières et dans les zones musulmanes de l’Union soviétique. Le projet fut officiellement présenté par la revue américaine Time le 15 janvier 1979[5]. Il s’agissait d’instrumentaliser l’Islam pour l’opposer au communisme soviétique. Ces mesures inspirées par Bernard Lewis furent présentées en 1979 lors de la réunion du Bilderberg en Autriche. Elles soulignaient la nécessité de favoriser la balkanisation du monde musulman en une multitude d’entités religieuses et ethniques (kurdes, arméniennes, maronites, etc)[6]. Sa passion en faveur d’une fragmentation généralisée du monde musulman s’est poursuivie au lendemain de la chute du mur de Berlin et du bloc soviétique afin de s’adapter à la nouvelle donne du nouvel ordre mondial lancée par le président Bush senior le 11 septembre 1990. En 1992, dans la revue duCouncil on Foreign Relations (CFR), Foreign Affairs, il rappela dans un article intitulé « repenser le Proche-Orient », que ces pays ne bénéficiant pas d’autorité politique solide et d’une réelle identité nationale seraient modelables grâce au principe de la « libanisation » (lebanonization)[7].
Les liens et les influences entre Bernard Lewis et les néo-conservateurs sont multiples. Ainsi, cet islamologue sut promouvoir son idéal du « choc des civilisations » en soutenant les théories de Samuel Huntington. Ce dernier a repris à son compte les théories de son maître en publiant en 1993 un article intitulé « Le choc des civilisations » dans la revue Foreign Affairs[8]. Rappelant l’évolution de l’Occident avant 1789, de 1789 à 1918 puis de 1918 à 1989, il estime qu’une nouvelle étape est franchie depuis la chute de l’Union soviétique avec la prise de conscience des peuples s’appuyant sur des référents culturels communs pour s’affirmer face à d’autres groupes. Subdivisant le monde d’une manière très (trop) schématique en huit grandes civilisations, il théorise le principe de la loi de la jungle en rappelant les menaces qui pèsent sur le monde occidental : les civilisations islamiques et confucéennes. Il est vrai que les rapports entre civilisations ne se règlent pas dans la dentelle. Cependant, dans sa vision, c’est le recul réel de l’Occident qui angoisse Huntington. Pour contrer cette tendance, l’emploi de méthodes coercitives s’avère nécessaire ; c’est-à-dire l’emploi de la guerre à basse intensité voire, selon les cas, la guerre tout court.
On retrouve cette volonté de domination chez d’autres membres de la famille néo-conservatrice. Ainsi, Richard Perle (appelé aussi le « prince des ténèbres ») conseiller politique auprès du secrétaire à la défense sous l’administration Reagan et membre de nombreux think tanks (PNAC, American Enterprise Institute, …) a rédigé en 1996 un rapport pour le Premier ministre Benjamin Netanyahu dans le cadre d’un think tank israélien The Institute for Advanced Strategic and Political Issues. Intitulé “A clean break : a new strategy for securing the realm”[9] (« un changement radical : une nouvelle stratégie pour sécuriser le territoire »), l’auteur encourage d’une certaine manière une « mini-guerre froide pour le Proche-Orient » pour reprendre l’expression du journaliste Jason Vest[10]. Présentant un véritable catalogue de mesures de déstabilisation et de refoulement des ennemis d’Israël, ce document prône pêle-mêle l’abandon de la stratégie « terre contre paix » au profit de « la paix par la force », l’ensemble étant fondé sur le rapport de force ainsi que sur l’instauration du principe de préemption à côté de celui de la punition. Voulant mettre à bas le processus de la paix d’Oslo élaboré au cours de la décennie 1990, le document encourage le changement de régime en Irak (départ de Saddam Hussein), le durcissement de la politique israélienne à l’égard des Palestiniens et élément fort intéressant, l’action de la Turquie et de la Jordanie en faveur des tribus arabes vivant sur le sol syrien et hostile aux élites dirigeantes (les Alaouites), le tout avec le soutien diplomatique et militaire de l’Etat hébreux.
Ce programme de déstabilisation élaboré par les néo-conservateurs et dont on peut constater l’application comme c’est le cas avec la disparition de Saddam Hussein, trouve son incroyable réalisation dans les travaux d’un journaliste et ancien fonctionnaire du ministère des Affaires étrangères israélien Oded Yinon. Dans une publication parue en 1982 dans le cadre de « l’organisation sioniste mondial » (World Zionist Organisation), Oded Yinon présente toute une stratégie pour asseoir l’autorité complète d’Israël sur les pays musulmans du Moyen-Orient. C’est le président de la Ligue israélienne des droits de l’homme, Israël Shahak, qui a permis la connaissance de ce texte publié dans « La revue d’études palestiniennes » et reproduit dans la revue « Confluences méditerranée » (n°61 printemps 2007) sous le titre « Une stratégie persévérante de dislocation du monde arabe »[11]. Israël Shahak rappelle que la politique de l’Etat hébreux repose sur le démantèlement des pays arabes et l’alignement des élites israéliennes sur la pensée des néo-conservateurs américains. Les propos d’Oded Yinon ne laissent aucun doute : « Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle de l’histoire de l’humanité, une ère qualitativement différente des précédentes, de caractère totalement nouveau. C’est pourquoi, il est nécessaire de comprendre les mutations qui caractérisent cette période historique ; et c’est pourquoi aussi, il faut définir une conception du monde et une stratégie concrète en fonction des conditions nouvelles. L’existence, la prospérité, la stabilité de l’Etat juif dépendront de sa capacité de donner un cadre nouveau à ses affaires intérieures et extérieures (…). Le monde arabe islamique n’est pas, on le voit, l’élément majeur dans nos problèmes stratégiques des années 1980, bien qu’il constitue la première menace immédiate contre Israël, en raison de sa puissance militaire croissante. Ce monde islamique, avec ses minorités ethniques, ses divisions, ses crises internes qui le rongent (voir le Liban, l’Iran non arabe et maintenant la Syrie), est incapable de résoudre ses problèmes fondamentaux et par conséquent ne peut être une véritable menace pour Israël à long terme ; il l’est cependant à court terme, en raison de sa puissance militaire. A long terme, le Moyen-Orient ne pourra pas survivre dans ses structures actuelles sans passer par des transformations révolutionnaires ».
Le travail d’Oded Yinon se poursuit par une description minutieuse des composantes ethniques et religieuses constituant les caractéristiques propres du monde musulman du Maroc au Pakistan en passant par la Turquie. L’auteur précise sa pensée en préconisant une politique à l’égard du monde arabe qui, depuis 2003 avec l’invasion de l’Irak et 2011 avec les événements et les conséquences du « Printemps arabe », se révèle être d’une très grande actualité :
« L’Egypte, dans sa configuration intérieure actuelle, est déjà moribonde, et plus encore si nous prenons en compte la rupture entre chrétiens et musulmans qui va croissant. Démanteler l’Egypte, amener sa décomposition en unités géographique séparées : tel est l’objectif politique d’Israël sur son front occidental, dans les années 1980. L’Egypte est effectivement déchirée ; l’autorité n’y est pas une mais multiple. Si l’Egypte se désagrège, des pays tels que la Libye, le Soudan, et même des Etats plus éloignés ne pourront pas survivre sous leur forme actuelle, et accompagneront l’Egypte dans sa chute et sa dissolution. On aura alors un Etat chrétien copte en Haute-Egypte, et un certain nombre d’Etats faibles, au pouvoir très circonscrit, au lieu du gouvernement centralisé actuel ; c’est le développement historique logique et inévitable à long terme, retardé seulement par l’accord de paix de 1979. Le front Ouest, qui à première vue semble poser plus de problèmes, est en fait plus simple que le front Est, théâtre récent des événements les plus retentissants. La décomposition du Liban en cinq provinces préfigure le sort qui attend le monde arabe tout entier, y compris l’Egypte, la Syrie, l’Irak et toute la péninsule arabe ; au Liban, c’est déjà un fait accompli. La désintégration de la Syrie et de l’Irak en provinces ethniquement ou religieusement homogènes, comme au Liban, est l’objectif prioritaire d’Israël, à long terme, sur son front Est ; à court terme, l’objectif est la dissolution militaire de ces Etats. La Syrie va se diviser en plusieurs Etats, suivant les communautés ethniques, de telle sorte que la côte deviendra un Etat alaouite chiite ; la région d’Alep, un Etat sunnite ; à Damas, un autre Etat sunnite hostile à son voisin du Nord ; les Druzes constitueront leur propre Etat, qui s’étendra sur notre Golan peut-être, et en tout cas dans le Haourân et en Jordanie du Nord. Cet Etat garantira la paix et la sécurité dans la région, à long terme ; c’est un objectif qui est dès à présent à notre portée. L’Irak, pays à la fois riche en pétrole, et en proie à de graves dissensions internes, est un terrain de choix pour l’action d’Israël. Le démantèlement de ce pays nous importe plus encore que celui de la Syrie. L’Irak est plus fort que la Syrie ; à court terme, le pouvoir irakien est celui qui menace le plus la sécurité d’Israël. Une guerre entre l’Irak et la Syrie ou entre l’Irak et l’Iran désintégrera l’Etat irakien avant même qu’il ne puisse se préparer à une lutte contre nous. Tout conflit à l’intérieur du monde arabe nous est bénéfique à court terme, et précipite le moment où l’Irak se divisera en fonction de ses communautés religieuses, comme la Syrie et le Liban. En Irak, une distribution en provinces, selon les ethnies et les religions, peut se faire de la même manière qu’en Syrie du temps de la domination ottomane. Trois Etats[12] – ou davantage – se constitueront autour des trois villes principales : Bassorah, Bagdad et Mossoul ; et les régions chiites du Sud se sépareront des sunnites et des Kurdes du Nord (…) ».
Ce long passage datant de 1982 résume à lui seul cette politique de démantèlement poursuivie par les élites politiques américaines et israéliennes. Elle a trouvé sa dernière expression dans la parution d’un article dans une revue militaire américaine Armed Forces Journal (AFJ) en juin 2006 que nous avons traité dans notre livre « La marche irrésistible du nouvel ordre mondial ». Sous la plume d’un lieutenant-colonel américain, Ralph Peters, l’auteur présente des ambitions de parcellisation dignes de son père spirituel Bernard Lewis. Intitulé « Frontières de sang, que faire pour améliorer le Moyen-Orient » (Blood borders, how a better Middle East would look), l’article est accompagné de deux cartes présentant l’ensemble de la région sous deux formes ; d’un côté la situation politique avec ses frontières de 2006 et de l’autre, la recomposition complète de toute cette zone en fonction des critères religieux et ethniques[13]. Au cours de sa présentation, ce militaire rappelle qu’il est un ami de longue date de l’Etat hébreu[14]. Est-il vraiment nécessaire de sa part de le préciser ?
Pareil à ses différents mentors, Ralph Peters part du principe que le remaniement complet des frontières doit suivre au plus près l’emplacement des différents groupes ethniques et religieux même s’il n’est pas possible de coller parfaitement à la multitude des groupes en raison de l’enchevêtrement de ces différentes entités. Il estime nécessaire ce remodelage pour, selon lui, apaiser les rivalités ethno-religieuses : « Nous parlons de difformités énormes faites par les hommes qui n’arrêteront pas de générer la haine et la violence tant qu’elles n’auront pas été corrigées ». Dans son esprit, il s’agit de remettre radicalement en cause les frontières héritées des Accords Sykes-Picot de 1916. Cependant, son analyse va bien au-delà d’un simple charcutage des frontières du Moyen-Orient. Il révèle l’arrière-fond philosophique et religieux animant lui et ses sbires les tenants du nouvel ordre mondial. En effet, il s’agit de créer un « Etat sacré de l’Islam » au sein d’une Arabie Saoudite éclatée permettant de modifier en profondeur les caractéristiques profondes de cette religion. Comme il le précise : « La cause principale de la large stagnation du monde musulman réside dans le traitement réservé à la Mecque et à Médine considérés comme leur fief par la famille royale saoudienne. Les lieux saints de l’Islam soumis au contrôle de la police d’Etat de la part d’un des plus bigots et oppressifs régimes au monde ont permis au Saoud (ndlr : la famille régnante d’Arabie Saoudite) de projeter leur croyance wahhabite à la fois intolérante et disciplinée au-delà de leurs frontières (…). Imaginez comme le monde musulman se sentirait mieux si la Mecque et Médine étaient dirigés par un Conseil représentatif tournant issu des principales écoles et mouvements de l’Islam dans le monde au sein d’un Etat sacré islamique – une sorte de super Vatican musulman – où l’avenir de la foi serait débattu au lieu d’être arbitrairement fixé »[15].
Ces propos sont d’une extrême importance. En effet, l’Islam tel qu’il se présente est incompatible avec les « valeurs » du mondialisme. Matérialisme et hédonisme promus par le nouvel ordre mondial en opposition à une transcendance ne cadrent absolument pas avec l’esprit des musulmans. C’est pourquoi, pour Ralph Peters et ses congénères, il s’agit de favoriser ce que nous appelons un « Islam des Lumières » afin d’adapter cette religion aux exigences des canons du mondialisme. Evoquant la création d’un « Conseil représentatif tournant (…) pareil à un super Vatican musulman », il s’agit de créer une hiérarchie religieuse en mesure de remodeler l’Islam afin de l’adapter aux enjeux de la modernité matérialiste. Nous désignons ces ambitions par l’expression « Vatican II de l’Islam ». En effet, dans le cas du catholicisme, l’Eglise s’est toujours opposée au modernisme sous toutes ses formes (libéralisme, socialisme, maçonnisme, …). Vatican II, concile pastorale, sous l’impulsion de Jean XXIII est une véritable cassure avec la Tradition de l’Eglise. C’est à l’Eglise et à ses fidèles de s’adapter aux contingences du mondialisme. Il n’est donc pas étonnant de lire dans l’encyclique du pape Jean XXIII « Pacem in terris » des passages appelant « un pouvoir supranational ou mondial » où la déclaration des droits de l’homme (l’évangile du mondialisme) est considérée « comme un pas vers l’établissement d’une organisation juridico-politique de la communauté mondiale[16] ». Ces affirmations de l’Eglise doivent se faire en collaboration avec l’ONU dont les principes sont pourtant à l’opposé de ceux défendus depuis saint Pierre. C’est d’ailleurs le même état d’esprit qui anime Benoît XVI dans son encyclique « Veritas in caritate » parue en juillet 2009 où il appelle à la création d’une « autorité politique mondiale » en liaison avec les instances de l’ONU, temple du maçonnisme[17]. C’est le même chemin qui attend l’Islam si les souhaits de Ralph Peters se réalisent. En effet, l’objectif des thuriféraires du mondialisme est d’aboutir à une religion mondiale réunissant en son sein les différents courants religieux afin d’adorer le « porteur de lumière » grâce à l’action des grands princes du mondialisme.
Comme nous pouvons le constater, les volontés de balkanisation du monde musulman sont anciennes. Eclatement des Etats musulmans comme des Etats européens vont de pairs. En fait, ce programme de parcellisation touche la planète entière. Il n’empêche qu’une caractéristique relie le bloc européen et le bloc musulman. Nous avons évoqué au début de cette étude le cas du « Bagdad-Bahn ». Il s’agissait pour le IIè Reich de construire une longue voie ferrée qui, tel un long cordon ombilical, partait de Hambourg pour atteindre l’actuel Koweït. Le contrôle de la production et de l’acheminement du pétrole se faisait au profit de Berlin. Dans cette affaire, la thalassocratie anglaise était la grande perdante. Avant le choc décisif de 1914, toute une série de guerres soutenues en sous main par l’Angleterre secouait les Balkans. La Serbie était le talon d’Achille de l’Allemagne car la jonction du Bagdad-Bahn entre l’Europe et le monde musulman se faisait dans une zone géographique échappant à l’autorité de Berlin. Londres s’appuyait sur cette faiblesse pour bloquer, du moins ralentir, le projet allemand. La guerre de 14-18 fut l’action déterminante permettant à l’Angleterre de mettre à bas le projet allemand.
En mars 1999, l’OTAN attaquait et détruisait la Yougoslavie. Peu de personnes ont compris que nous repassions sur le chemin de Sarajevo de 1914. En effet, au début de la décennie 1990, les entités fédérées yougoslaves slovène et croate proclament leur indépendance avec le soutien de l’Allemagne, en particulier de son ministre des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher. Il est vrai que Berlin soutient ces mouvements séparatistes entre autres les Albanais du Kossovo[18]. La destruction de la Yougoslavie de Milosevic est due au refus de se dernier se plier aux injonctions de l’Union européenne, de l’OTAN et des Etats-Unis afin de favoriser le passage d’oléoducs et de gazoducs en provenance du Proche-Orient et du Caucase (Bakou) avec présence militaire américaine … bref, de rentrer dans le moule. La Serbie yougoslave représente la jointure entre l’Europe et le Proche et Moyen-Orient en matière de connexion des hydrocarbures au même titre que la Serbie de 1914 représentait le point d’accroche permettant au Bagdad-Bahn de relier le Proche et Moyen-Orient aux territoires centraux européens dominés par l’Allemagne de Guillaume II. L’écrasement de la Serbie a permis la réalisation des projets euro-mondialistes avec mise en place d’une énorme base militaire américaine, véritable vigie de surveillance du trafic des oléoducs et gazoducs (corridors énergétiques) et de contrôle de la zone, Bondsteel[19].
L’invasion de l’Irak en mars 2003 par les troupes américaines conduit à des oppositions violentes au sein de la famille mondialiste. On assiste à l’émergence de deux tendances ; d’un côté le couple anglo-américain ralliant à lui les pays d’Europe centrale et, de l’autre, l’axe Paris-Berlin-Moscou. Cette opposition ne doit pas être vue comme celle des « méchants » anglo-américains se passant de l’autorisation de l’ONU et des « gentils » représentants de l’axe Paris-Berlin-Moscou chantres du droit international.
Nous rappelons que le mondialisme n’est pas un bloc monolithique. Deux courants s’opposent. Le premier est le mondialisme anglo-saxon qui cherche à imposer sa loi selon ses propres règles. C’est le cas du duo Bush/Blair. Le deuxième est le mondialisme planétarien cherchant à imposer ses vues sans référence à un Etat ou bloc d’Etats particulier. Dans les deux cas, ils poursuivent le même but ; l’instauration d’une gouvernance mondiale. L’opposition entre ces deux courants s’est manifestée car le mondialisme anglo-saxon marchait sur les plates-bandes du mondialisme planétarien. Le partage du gâteau irakien mais aussi la forme de l’architecture du droit international entraînaient des rivalités internes au sein de ce monde oligarchique. La réalité du terrain et l’interdépendance entre ces deux mondes ont obligé chaque partie à des concessions. Dans le cas allemand, ce fut particulièrement patent.
Durant les années 2002 et 2003, le gouvernement Schröder affichait un engagement complet du côté des Français et des Russes dans son opposition à l’aventure anglo-américaine. Cependant, l’expérience de l’histoire montre que l’Allemagne peu importe son style de régime est capable de duplicité. Avec Gerhard Schröder, on peut dire qu’on a été particulièrement gâté. En effet, le 27 février 2004, le chancelier Schröder s’est rendu à Washington pour signer avec le président Bush un document intitulé « Alliance germano-américaine pour le XXIè siècle »[1]. Ce tournant capital des relations entre les deux pays ne fut pas évoqué dans la grande presse française. En revanche, ce fut largement commenté dans la presse germano-américaine. C’est John Vinocur du Herald Tribune qui a parfaitement résumé la nouvelle donne : « Le moteur de ce changement est l’intérêt mutuel. Le chancelier veut stopper la brouille dans les relations avec les Etats-Unis, brouille qui au-delà de l’Amérique compromet le rôle de l’Allemagne au sein de l’Union européenne et diminue profondément son influence en Europe de l’Est. De son côté, le président des Etats-Unis cherche son aide en Irak et en Afghanistan et plus généralement pour l’élaboration d’un plan à long terme apportant plus de stabilité à ce que les deux hommes appellent désormais le Grand Moyen-Orient »[2]. Cette répartition des tâches entre les deux pays – Gerhard Schröder parle de la division du travail (Arbeitsteilung) – a conduit à la rédaction de cette alliance dont les termes sont lourds de conséquences : « Dans cet esprit, nous nous engageons à ce que nos peuples poursuivent cet objectif ambitieux qui est enraciné par nos valeurs communes et nos expériences réciproques : la promotion de la paix, de la démocratie, de la dignité de l’homme, de l’état de droit, des perspectives économiques et de la sécurité au Proche et Moyen-Orient (…). Nous devons construire un véritable partenariat qui relie l’Europe et l’Amérique aux Etats du Proche et Moyen-Orient (…). Ensemble avec nos amis et alliés en Europe et au Proche et Moyen-Orient, nous accorderons étroitement nos efforts (…). Nous renforçons notre attachement à l’égard de l’OTAN comme point d’ancrage de notre défense commune et comme forum incontournable des consultations transatlantiques (…). Avec un agenda pour une action commune, l’Alliance germano-américaine se révélera tout aussi importante au XXIè siècle pour la promotion de la paix, de la sécurité et du bien-être comme cela avait été déjà le cas dans la deuxième moitié du XXè siècle ». Dans cette affaire, les élites germano-américaines ont su s’entendre (pour le moment) dans le partage du gâteau. Ce fait est à retenir. En effet, ce ne fut pas le cas au cours de la première moitié du XXè siècle où Londres et Washington favorables à l’unité européenne n’ont pas accepté que l’Allemagne soit le moteur de cette unité européenne sans leur patronage. L’Allemagne de Guillaume II et d’Adolf Hitler refusant une autorité supérieure, les deux puissances thalassocratiques ont imposé par la force leur hégémonie. Depuis cette époque, les relations entre l’Europe continentale et les Anglo-américains sont conditionnées à ce rapport hiérarchique. Cependant, rien n’interdit d’imaginer que les élites allemandes cherchent à rompre ce lien au profit du monde russe. La « politique de la balançoire » (die Schaukelpolitik) propre à ce pays situé au cœur de l’Europe consistant à jongler en permanence entre ses intérêts occidentaux et orientaux est une constante de sa politique.
En attendant, cette Alliance n’est que la conséquence de travaux en amont qui ont été présentés, le 7 février 2004, lors de la 40è conférence de Munich sur la politique de sécurité sous l’égide de l’OTAN par le ministre des Affaires étrangères Joschka Fischer[3]. Cet exposé, fruit des travaux des think tanks anglo-germano-américains, est déterminant à comprendre car il résume la politique engagée par les forces mondialistes à l’égard des pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Au début de cette étude, nous avons écrit que la philosophie mondialiste défendue et propagée par le bloc occidental ne peut que provoquer des étincelles au contact des pays musulmans. A la lecture du programme présenté par Fischer en 2004, nous ne pouvons guère nous étonner des conséquences dramatiques qui secouent ces Etats depuis le début de l’année 2011 au vue du programme présenté à Munich. Comme le rapporte le ministre allemand : « La menace commune que représente le terrorisme du Djihad et la déstabilisation possible d’une région qui revêt une importance stratégique pour notre sécurité, nos intérêts communs et le fait de multiplier nos possibilités en collaborant étroitement, voilà autant d’arguments qui doivent amener les Etats-Unis et l’Europe à tirer aujourd’hui les justes conséquences de leurs divergences à propos de la guerre en Irak et à élaborer, de concert avec nos partenaires dans la région, une perspective et une stratégie pour le Proche-Orient élargi, je dis bien une stratégie commune et non une approche boîte à outils ».
Rappelant les fondamentaux du « Processus de Barcelone » de 1995, Joschka Fischer reprend ce texte pour d’une certaine manière l’étoffer : « Que la Méditerranée soit au XXIè siècle une zone de coopération ou d’affrontement revêtira pour notre sécurité commune une importance stratégique. Le dialogue que mène l’OTAN avec les pays méditerranéens, ainsi que le processus de Barcelone de l’Union européenne pourraient se renforcer et se compléter mutuellement grâce à une étroite concertation des travaux en vue de leur regroupement dans le cadre d’un processus méditerranéen UE-OTAN. Il ne s’agit pas de faire fusionner le Processus de Barcelone de l’Union européenne et le dialogue méditerranéen de l’OTAN, mais de faire en sorte qu’ils se complètent sur la base de leurs atouts spécifiques. Le nouveau processus méditerranéen UE-OTAN devrait associer tous les participants du dialogue méditerranéen de l’OTAN ; c’est-à-dire, outre les membres de l’OTAN et de l’UE, les pays du Maghreb, soit l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie, ainsi que l’Egypte, la Jordanie et Israël. Viendraient s’y ajouter tous les participants du Processus de Barcelone ; c’est-à-dire les pays que je viens de mentionner plus les territoires palestiniens, la Syrie et le Liban ».
A partir de cette annonce, le ministre allemand évoque deux phases. La première présente quatre aspects prioritaires à respecter :
- Développer une coopération politique et un partenariat sécuritaire étroits.
- Développer un nouveau partenariat économique autour de la Méditerranée.
- Développer des institutions démocratiques et des médias libres.
- Développer et renforcer en les associant les sociétés civiles ainsi que le secteur des ONG.
- Développer une coopération politique et un partenariat sécuritaire étroits.
- Développer un nouveau partenariat économique autour de la Méditerranée.
- Développer des institutions démocratiques et des médias libres.
- Développer et renforcer en les associant les sociétés civiles ainsi que le secteur des ONG.
La deuxième phase intitulée « Déclaration pour un avenir commun » doit associer outre les pays susmentionnés les pays de la Ligue arabe mais aussi l’Iran. Cette déclaration s’engage à respecter trois points :
- Les Etats signataires doivent proclamer leur attachement à la paix, à la démocratie, à la coopération économique et à un système de sécurité afin de combattre le terrorisme et le totalitarisme.
- Les Etats signataires s’engagent à poursuivre les réformes nécessaires en politique, en économie et dans le domaine social afin de répondre aux exigences du XXIè siècle. Il est même précisé que cela doit aider à « l’intégration de leurs économies ».
- Les Etats signataires s’engagent à « donner libre accès au savoir et à l’éducation à tous, hommes et femmes ».
- Les Etats signataires s’engagent à poursuivre les réformes nécessaires en politique, en économie et dans le domaine social afin de répondre aux exigences du XXIè siècle. Il est même précisé que cela doit aider à « l’intégration de leurs économies ».
- Les Etats signataires s’engagent à « donner libre accès au savoir et à l’éducation à tous, hommes et femmes ».
En conclusion à ce programme, Joschka Fischer ajoute : « Ces réflexions sur une nouvelle initiative transatlantique reposent sur la conviction que la modernisation du Proche-Orient élargi sera décisive pour notre sécurité commune au XXIè siècle. Faire participer les populations du Proche et du Moyen-Orient aux conquêtes de la mondialisation (ndlr : et à la philosophie qui la sous-tend, le mondialisme) est donc dans notre plus grand intérêt (…). Les expériences que nous avons faites depuis cette journée effroyable du 11 septembre 2001 devraient bien nous avoir fait prendre conscience des deux côtés de l’Atlantique que, compte tenu des défis phénoménaux qui nous attendent, le partenariat transatlantique est indispensable au XXIè siècle. Si, face à la menace commune, les pays d’Europe et d’Amérique du Nord réunis au sein de l’Union européenne et de l’OTAN collaborent au plan stratégique en tant que partenaires, et si, aux côtés des pays du Proche et du Moyen-Orient, ils apportent leurs talents et atouts spécifiques dans une nouvelle coopération, nous pouvons, nous, fournir cette contribution essentielle à notre sécurité à tous. Mais si nous nous y refusons ou y renonçons par manque de sagesse, par étroitesse d’esprit ou tout simplement par pusillanimité, alors il nous faudra tous payer le prix fort ».
A la lecture de ce programme, c’est une véritable mutation révolutionnaire qui est proposée par les sbires du mondialisme au monde musulman. L’impact de ces mesures sur la société traditionnelle régie par l’Islam ne peut conduire qu’à des chocs psychologiques et à des tensions dans les esprits musulmans, chose que nous avions dénoncé dans notre livre « La décomposition des nations européennes » en 2004. Comment concilier les mesures prescrites dans les cénacles mondialistes à la métaphysique de l’Islam absolument réfractaire au modèle du nouvel ordre mondial ? Ces contradictions se renforcent en raison du jeu d’Israël dans la construction européenne et de ses liens avec les Etats-Unis. Pour cela, l’étude de la Fondation Bertelsmann est salutaire.
L’action de la Fondation Bertelsmann est essentielle à l’égard d’Israël et du monde musulman. A la fois empire des médias et concepteur de programmes au service du gouvernement allemand, de l’UE et en liaison avec de multiples think tanks anglo-saxons, cette Fondation dirigée par Liz Mohn a développé en 1992 à l’égard d’Israël un programme ambitieux appelé « Dialogue germano-juif » (Deutsch-jüdischer Dialog) sous la direction d’un Juif autrichien ayant fuit dans sa jeunesse son pays en 1938 et désormais naturalisé anglais, Lord George Weidenfeld of Chelsea. Il s’agit de réunir les élites israéliennes dans tous les domaines (politiques, économiques, journalistes, …) en liaison avec les élites européennes de différents pays de l’UE afin d’aplanir des difficultés variés et, ainsi, permettre à l’Etat hébreu de s’ancrer plus largement à l’axe euro-atlantique. Lord Weidenfeld prône en particulier le renforcement d’un « troisième pilier », le pilier juif européen, à côté des piliers juifs américain et israélien[4]. L’ensemble de ces trois piliers doit constituer une architecture complète (politique, économique et militaire) réunissant l’Amérique du Nord, l’Europe et l’ensemble du Proche et Moyen-Orient en un seul tenant. Il va de soi que le monde musulman est dans l’obligation de se transcender pour faire partie intégrante de ce nouveau monde. Pour cette raison, la Fondation Bertelsmann a développé parallèlement au « Dialogue germano-juif » un institut encourageant les autorités musulmanes à s’inspirer du modèle euro-mondialiste. C’est dans le cadre des « Discussions de Kronberg » que cette Fondation organise depuis 1995 de multiples réunions afin d’amener au basculement de ces élites vers l’idéal mondialiste. En tout cas, cette architecture prend de plus en plus forme puisqu’il a été décidé de créer un parlement juif européen composé de 120 membres comme l’a annoncé l’European jewish union à la fin de l’année 2011[5]. La procédure est bien lancée puisque les candidats devant composer ce parlement ont été élus au cours du mois de janvier 2012[6]. Cette évolution cadre parfaitement avec les travaux de la Fondation Bertelsmann.
Ces liens multiples encouragés par les cénacles mondialistes n’empêchent pas des rivalités internes au sein de ces divers groupes. Le cas de l’Union méditerranéenne lancée par Nicolas Sarkozy lors de la campagne électorale de 2007, avec l’appui de son conseiller Henri Guaino, est révélateur des tensions franco-allemandes. Le président Sarkozy souhaitait créer une « Union de la Méditerranée » échappant aux directives du Processus de Barcelone. Il s’agissait dans son esprit de réunir les pays de la rive Sud avec uniquement les pays de l’UE ayant une façade sur la Méditerranée. Bien entendu, dans cette affaire, la France avait un rôle majeur et était en mesure d’instaurer une zone d’influence certaine sur tout le monde méditerranéen. L’objectif caché était de s’assurer une zone d’influence faisant le pendant à la zone d’influence allemande en Europe de l’Est. La réaction de la chancelière Merkel avec en arrière fond le soutien de la Fondation Bertelsmann ne s’est pas fait attendre. Lors d’un discours tenu le 5 décembre 2007, la chancelière s’est insurgée face aux tentatives françaises de mettre sur pied un pré carré personnel : « Si par exemple, nous construisons une Union de la Méditerranée qui verrait uniquement la participation des Etats riverains de la Méditerranée disposant des instruments financiers de l’Union européenne, je le dis tout net ; d’autres diront : nus devons mettre sur pied une Union de l’Europe de l’Est avec, par exemple, l’Ukraine (…). Alors, il se passera quelque chose que je tiens pour très dangereux. Il se pourrait que l’Allemagne se sente plus concernée de son côté par les pays d’Europe centrale et orientale tandis que la France, elle, se tourne du côté de la Méditerranée. Cela réveillerait des tensions à l’intérieur de l’Europe que je ne veux pas. C’est pourquoi, il faut être clair : la responsabilité à l’égard de la Méditerranée est aussi l’affaire d’un Européen du Nord au même titre que l’avenir des frontières de la Russie et de l’Ukraine est l’affaire de ceux originaires de la Méditerranée. Si nous n’arrivons pas à arrêter ce mouvement, alors l’Union européenne à mon sens retournerait à son stade primitif (…) »[7]. La réaction de Nicolas Sarkozy fut de procéder à un savant rétropédalage qui conduisit à une reddition complète du projet français. A Hanovre, le 3 mars 2008, le président français rendit les armes à la chancelière. Désormais, le financement du projet méditerranéen est l’affaire des 27 Etats de l’UE sous la direction bienveillante de la Commission européenne. La France n’a pas pu instaurer sa propre zone d’influence en Méditerranée. En revanche, l’Allemagne conserve les coudées franches pour renforcer ses liens avec tous les pays de l’Europe de l’Est. C’est avec une grande satisfaction que la Fondation Bertelsmann a noté la reculade française en ajoutant que la nouvelle mouture baptisée « Processus de Barcelone : Union pour la Méditerranée » doit fusionner avec la « Politique européenne de voisinage » (PEV) afin d’être plus efficace[8]. Cette fusion permet aussi de renforcer l’emprise euro-mondialiste sur tous les projets Sud-méditerranéens interdisant ainsi toute politique du « cavalier seul » de la part d’un Etat européen.
Conclusion
Au cours de cette étude, nous pouvons constater l’engagement des élites anglo-germano-américaines en terre d’Islam. La création de l’Etat d’Israël en 1948 a considérablement renforcé l’imbrication et les liens entre ces deux mondes. Une étape décisive a été franchie à partir des années 1990 avec le lancement de programme du style « Processus de Barcelone » appelant à une refonte totale des structures des Etats musulmans. Comme nous l’avons souligné, une complète opposition spirituelle et philosophique oppose l’Islam aux tenants du mondialisme. Cependant, les dirigeants de ces pays musulmans sont loin d’avoir été des modèles de droiture et de probité. Une corruption généralisée de la part de ces élites pactisant souvent avec les représentants du mondialisme ont permis à ces derniers d’enfoncer le clou. Pots de vin, malversation en tout genre, accaparement des richesses au profit d’une élite au détriment des peuples ont produit un ressentiment profond au sein des populations musulmanes qui, connaissant le niveau de vie des occidentaux, ont été dépitées de se voir larguées par le train de l’histoire. Le souvenir d’un passé glorieux et d’une civilisation musulmane brillante sur plusieurs siècles laisse un goût amère aux jeunes générations qui balancent entre la tentation matérialiste présentée par l’Occident et le retour à une foi la plus pure défendue par certains courants islamistes. Les élites mondialistes jouent aussi avec ces contradictions. Ce fameux « Printemps arabe » même s’il s’appuie sur des réalités économiques et sociologiques bien réelles (pauvreté, corruption, …) est largement nourri par l’action des élites mondialistes ravies de passer à la vitesse supérieure en mettant le feu dans toute cette zone. L’engagement de l’Egyptien Wael Ghonim qui, via les réseaux sociaux, a su enflammer la jeunesse pour renverser le régime d’Hosni Moubarak ne doit pas être vu comme celui d’un preux chevalier au service d’une noble cause. En fait, cet homme est le responsable de google pour l’Afrique du Nord et le Proche-Orient[9]. Autant dire que les services de renseignements comme la CIA ou le Mossad ne sont pas très loin. En fait, la décision consistant à déstabiliser ces pays musulmans est officielle. Les propos francs et directs du général Wesley Clarke tenus en mars 2007, (ancien patron de l’OTAN et membre des Young Leaders de la Fondation franco-américaine … entre autres), montrent que les Etats-Unis ont élaboré tout un programme de déstabilisation et de conquête dans un mémo datant de septembre 2001. Les pays cités sont : l’Irak, la Syrie, le Liban, la Libye, la Somalie, le Soudan et l’Iran[10]. En ce qui concerne le dernier pays, la revue du Council on Foreign Affairs (CFR) think tank au service de la politique étrangère américaine, Foreign Affairs, n’hésite plus à affirmer la nécessité de frapper l’Iran (Time to attack Iran) dans son numéro de janvier/février 2012[11]. Les attaques programmées venant de l’oligarchie se multiplient puisque le think tank anglais, la Henry Jackson Society, vient de présenter en décembre 2011 un programme d’invasion et de contrôle de la Syrie réunissant les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, la France et la Turquie[12]. Face à de tels bouleversements, la Russie et la Chine ne resteront pas les bras croisés.
L’objectif étant d’aboutir à une gouvernance mondiale, ces élites jouent sur deux tableaux. Soit ces pays musulmans adoptent et se coulent dans la foi mondialiste, alors c’est un acquis pour les tenants du nouvel ordre mondial[13] ; soit ces pays musulmans résistent et par réaction instaurent des régimes politiques s’inspirant plus profondément encore de l’Islam (charia, …) et c’est ce qui est en court à différents degrés, depuis 2011, en Egypte, en Libye, en Tunisie, etc ; alors, les grands prêtres de l’ordre mondialiste pourront justifier de nouvelles mesures coercitives ou d’actions militaires pour combattre selon eux l’obscurantisme. Pour le mondialisme, l’ennemi est utile. Il permet l’instauration de mesures liberticides dans son propre camp au nom de la lutte contre le terrorisme[14] tout en permettant l’élaboration d’une politique extérieure plus vigoureuse au nom de la démocratie et des droits de l’homme. C’est sans fin et surtout d’une perversité totale. Que faire ?
L’immigration organisée en haut lieu pour amener en Europe des populations d’origines arabes, sub-sahariennes et asiatiques a eu pour effet de mettre en contact étroit des peuples aux civilisations profondément différentes qui, à l’origine, n’auraient pas dû cohabiter ensemble. Cette volonté de mélange rentre dans cette philosophie mondialiste du « glocal » (contraction de « local » et « global ») qui consiste à présenter un échantillon complet de l’humanité (global) avec toutes ses diversités (religieuses, ethniques, …) sur un territoire limité, ville ou village, (local). La répétition à l’infini de ces échantillons bigarrés doit constituer la nouvelle humanité nomade et déracinée. Ce déracinement, mal du siècle, a été dénoncé avec justesse par la philosophe Simone Weil[15]. Le mondialisme en liaison avec son enfant-monstre, le sionisme, fait tout pour souffler sur les braises et favoriser ce fameux choc des civilisations. Ne nous voilons pas la face. Les différences civilisationnelles existent et parfois sont incompatibles entre elles …. et les élites mondialistes le savent fort bien. Au même titre qu’on ne se marie pas avec n’importe qui, dans la même suite logique et à une échelle plus large, on ne marie pas ou on ne fusionne pas certains peuples aux origines culturelles et psychologiques éloignées. Si ces élites mondialistes sont si efficaces ; c’est parce qu’elles connaissent réellement la diversité du genre humain et en jouent. Inévitablement, les esprits de ces différentes communautés vivant sur le même territoire – et c’est le cas des pays européens – s’échauffent et se regardent selon l’expression consacrée en « chiens de faïence ». Pour court-circuiter l’élite mondialiste et ennemie du genre humain, la sagesse serait de la part des dirigeants des communautés extra-européennes vivant en Europe de ne pas tomber dans le piège tendu par les tenants d’un monde unifié ayant pour capitale Jérusalem, comme le proclame officiellement Jacques Attali, en se radicalisant et en voulant imposer leurs modes de vie étranger à la civilisation européenne. C’est, si nous pouvons dire, du pain béni pour les partisans du « Choc des civilisations » qui peuvent s’appuyer sur les tensions multiples pour justifier ce fameux choc et encourager des mesures de rétorsions en tout genre. Inversement, c’est aussi aux différents peuples européens de se reprendre. Que reste-t-il de la civilisation des différents pays européens … quasiment plus rien. Les peuples européens ne peuvent pas en imposer et inspirer respect et considération alors qu’ils ont tout renié des traditions civilisationnelles qui ont fait la gloire de l’Europe. Que reste-t-il de l’honnête homme français, italien, espagnol, … représentant d’un certain art de vivre propre au génie européen ? Rien. Et ce n’est pas une console de jeu et une barre de shit qui vont relever le niveau. Il est vrai aussi que tout est fait pour rabaisser et amollir l’âme des Européens. L’ouvrage incisif de Pascal Bernardin, « Machiavel pédagogue », le prouve largement. Dans le prolongement du mondialisme, le sionisme s’active largement pour imposer ses vues. Cependant, il existe des intellectuels et religieux juifs farouchement opposés à cette vision messianique défendue par le sionisme. Ce monde n’est pas monolithique. Au sein de ces milieux juifs, des courants contradictoires ne partageant pas les « idéaux » de certains se font une guerre farouche entre eux. Dans ce cas, ne serait-il pas possible de nouer entre représentants des différentes communautés extra-européennes, des défenseurs de la conservation des peuples européens de souche et des représentants juifs s’opposant au mondialisme/sionisme une sorte de modus vivendi. En fait, il s’agirait de trouver un accord entre ces groupes permettant de stériliser l’action dévastatrice des agents du mondialisme qui ne cherchent qu’à attiser la haine entre ces différents mondes afin d’aboutir au fameux « Choc des civilisations ». Les distinctions réelles caractérisant les différents groupes de civilisation (européen, musulman, …) n’obligent quand même pas, pardonnez-moi cette expression, « à se foutre sur la gueule ». Même si les différences existent et n’autorisent pas les mélanges, il est possible de maintenir un minimum de paix à condition d’avoir un comportement obéissant à la morale naturelle. En face, nos ennemis prospèrent sur notre désunion. Quand un Bernard-Henri Lévy proclame que « c’est en tant que juif » qu’il a « participé à l’aventure politique en Libye » lors de la première convention nationale organisé par le Conseil représentatif des organisations juives de France (CRIF) ; que « j’ai porté en étendard ma fidélité à mon nom et ma fidélité au sionisme et à Israël » ; précisant plus loin au sujet de son soutien à la guerre en Libye : « C’est en tant que juif que j’ai participé à cette aventure politique, que j’ai constitué à définir des fronts militants, que j’ai contribué à élaborer pour mon pays et pour un autre pays une stratégie et des tactiques(…). Je ne l’aurais pas fait si je n’avais pas été juif »[16] ; cela révèle l’ampleur des ambitions de ces élites qui peuvent mettre un pays à feu et à sang comme la Libye au nom d’une idéologie en attendant le tour de la Syrie et de l’Iran. Cependant, ce souhait de vouloir se hisser par-delà les différences pour présenter un front commun face aux représentants du mondialisme risque de rester un vœu pieux. En effet, nous évoquions ci-dessus le mot sagesse pour tenter de trouver une parade aux maux actuels. Au vu de l’expérience de l’histoire et de la psychologie des peuples, nous pouvons constater que cette « sagesse » est la chose la moins partagée par le genre humain. Alors …
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