Article paru dans : Kapitalis
Par Mohamed Hafayedh,
Après l’assassinat de Mohammed Brahmi et la grande
mobilisation qui l'a suivie durant l’été 2013, un coup de théâtre
politico-médiatique d’une main de maître se reproduisit sur la scène politique
tunisienne, qui consiste à dire que la solution de la crise politique passera
par le rapprochement des deux grands partis
NAHDHA-NIDA.
Les dés étaient jetés par Nabil Karoui patron de NESSMA TV,
avec la complicité du journaliste Sofiane Ben Hmida, relayé par le journal
électronique Leaders. L’idée fait mouche ! Son bourdonnement fait vibrer les
portes closes des hôtels parisiens, où se tenaient des pourparlers insolites,
parrainés au grand jour par le « grand frère algérien », au nez et à la barbe
du quartet qui peine à trouver une solution non partisane.
S’il est vrai que des sondages plaçaient les deux
partis au-devant de la scène, la donne a changé depuis l’assassinat de Mohamed
Brahmi sonnant l’heure de vérité pour les acteurs politiques.
L’heure n’est plus aux enchères démocratiques mais
au croisement de fer entre patriotes et ceux qui prétendent l'être.
En l’état, personne ne peut garantir l’issue de la
compétition entre l'opposition et NAHDHA, dans un pays où la guerre civile est
devenue une réelle psychose, avec des cargaisons d’armes supplantent les urnes.
La théorie de l’hyper puissance des deux partis
politiques devient surréaliste après la mobilisation populaire de l’été 2013
contre le terrorisme ! Le parti NAHDHA aux abois, craignant plus la chasse à
l’homme que son maintien au pouvoir, jette l’éponge; contraignant Ghannouchi à
accepter l’arbitrage de son principal ennemi, historique et idéologique; seul
capable de lui barrer la route du Califat, à savoir l’UGTT.
Quant à NIDA, au moment même où une cohorte de
journalistes homériques se dressent pour couvrir les entretiens de Béji Caïd
Essebsi avec Rached Ghannouchi; est traversé par des divisions de leaderships
au niveau national ; sans parler du niveau régional, qui le moment venu, seront
plus évidentes !
Car NIDA n’a pas encore subi l’épreuve des urnes.
Il lui faut d’abord réussir ses primaires et montrer sa capacité à former des
listes électorales parmi les partis le composant, pour prouver l’union de ce
mouvement ! Ce qui est loin d’être évident.
Au jour d’aujourd’hui, aucune évaluation de la
popularité des partis n’est fiable, tant que l’épreuve du terrorisme dans lequel
le parti NAHDHA est impliqué, ne serait-ce que politiquement, n'est pas
surmontée.
Les candidats pour un rapprochement avec NHADHA ne
sortiront pas indemnes.
Les élections ne seront pas pour demain ! Même si
NAHDHA finira par "lâcher" sur la présidence du gouvernement, elle se
réservera dans une guerre de tranchée dont elle est coutumière, les rouages de
l'Etat où les islamistes ont fortifié des lignes dans tous les ministères et
dans tous les secteurs publics.
La lutte pour se libérer de la nébuleuse
islamiste, sera menée comme toujours par la société civile non assujettie aux
accords partisans, car les partis politiques hésiteront à s'y engager toujours
pour des petits calculs de boutiquiers.
D’ici les prochaines élections, d'autres sondages
viendront confirmer la mort d'un bon nombre de partis.
Cette supercherie d’hyper puissance des partis
NAHDHA-NIDA médiatisée, n'est qu'un brouillage entretenu par le
"Hiwar watani" (dialogue national), qui n’aura servi que les intérêts de Ghannouchi, qui du statut d’ennemi public
numéro un de la Tunisie hérité de Bourguiba, devient une représentation
nationale de poids, un interlocuteur privilégié, reçu comme un leaders national
tunisien par le Président Bouteflika, le grand frère algérien « soucieux de la
sécurité de la Tunisie » !
N’en déplaise aux angéliques et aux romantiques
des fraternités à la gomme arabique, même si les affinités entre les deux
peuples sont indéniables, l’Algérie est avant tout un Etat avec un pouvoir à sa
tête, qui détermine sa position en fonction des intérêts des algériens, de ses
problèmes intérieurs et du pouvoir des généraux en place.
L'Algérie se préoccupe avant tout de la paix à ses
frontières et craint la contagion de la "révolution" tunisienne !
C'est pourquoi les algériens préfèrent avoir des relations d’Etat avec les
islamistes tunisiens, plutôt que de les voir dans le maquis formant une base
arrière pour les islamistes algériens.
La démocratie, les acquis de la modernité, la
justice sociale, resteront toujours des affaires internes à la Tunisie ! Ils ne
concerneront ni les algériens et encore moins les français et les américains.
Béji Caïd Essebsi a été plébiscité par une majorité de
tunisiens quand il avait lancé NIDA TOUNES, pour sauver la Tunisie moderne et
l’œuvre bourguibienne menacée par les hordes salafistes. Œuvre pour laquelle,
au prix d’un autoritarisme affirmé et revendiqué, Bourguiba n’avait jamais fait
de concessions à l’obscurantisme ni avait accepté de partager le pouvoir avec
les religieux.
Il a fait sortir les lieux communs, l’espace
public de l’emprise du religieux tout en améliorant les conditions de la
pratique religieuse.
Sa conviction sincèrement patriotique ne pourra
être mise en cause puisqu'il a généralisé l’éducation, garantit la santé
publique et libéré la femme.
Bourguiba avait créé les forces sociales qui
composent aujourd’hui cette belle société civile tunisienne qui a fait la
révolution et qui est encore capable de la défendre sans attendre de mot
d’ordre de quelque parti politique que ce soit !
Beaucoup de destouriens prétendent à la succession
de Bourguiba, mais rares ceux qui ont compris que la révolution du 14 janvier
2011 est le produit historique de l’œuvre de Bourguiba grâce à l'éducation et à
l'instruction qu'il a généralisé pour tout un peuple !
C'est lui qui a créé une société civile capable de
construire la nouvelle Tunisie démocratique et de montrer le chemin à ses
voisins puisque la Tunisie est devenue un exemple pour beaucoup de pays du
monde dit "arabo musulmans" et du Tiers-monde ... tout en ayant des
avancées par rapport à son partenaire historique, la France, et ce dans bon
nombre de questions sociétales (vote des femmes, avortement, contraception ...
) !
Il est grand temps de faire le tri entre « le bon
grain et l’ivraie » chez NIDA, entre les vrais disciples et les courtisans, car
n’est pas Bourguiba qui veut.
PS : Article revu et corrigé par Rachid Barnat, avec l'accord de son auteur.
PS : Article revu et corrigé par Rachid Barnat, avec l'accord de son auteur.
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