samedi 9 août 2014

Quand les fous de dieu mènent la danse ... macabre !

Les guerres de religions ont repris de plus belle, d'autant qu'elles sont menées par des fous de dieu : les uns rêvant à la reconstitution du royaume de David et les autres au Califat ! 

Deux lubies qui mettent le monde à feu et à sang !!

R.B


Le Proche-Orient et ses funestes bifurcations idéologiques

Dans le fatras des immeubles écrasés et les rues devenues des champs de tirs, la Bande de Gaza ne cesse de compter les victimes d'une armée israélienne sans retenue. Plus silencieux est l'exil forcé des chrétiens de Mossoul par les barbares de l'Etat islamique de l'Irak et du Levant (devenu Etat islamique).
Si le sort tragique des Palestiniens de Gaza trouve un écho en France -à juste titre tant il est bouleversant-, celui des chrétiens de Mossoul ne mobilise pas autant. A ce sujet, Régis Debray écrivit voilà quelques années que "Les chrétiens d'Orient sont trop Arabes pour les Occidentaux bon teint et trop chrétiens pour les progressistes bon teint." Alors que les médias semblent s'en être aussi un peu détournés, comment oublier aussi le conflit syrien avec ses millions de réfugiés et ses 200.000 morts, à la fois victimes d'un pouvoir brutal et de certains groupes jihadistes voulant remplacer une dictature nationaliste par une dictature islamiste.
Le sujet ici n'est pas la différence de traitements entre trois actualités. Car les trois destinées dont nous parlons sont rattrapées par une même violence. Qu'ils soient Palestiniens interdits d'accès aux droits les plus fondamentaux par Israël, Syriens écrasés parce qu'ils veulent sortir d'un régime autoritaire et corrompu sans pour autant embrasser les normes d'un islamisme rétrograde, ou qu'ils soient Irakiens, chrétiens ou musulmans, persécutés par les jihadistes barbares de l'Etat islamique, c'est une même violence qui s'abat sur eux: celle qui recourt à la force pour nier l'Autre dans sa différence mais surtout dans son aspiration universelle à la dignité.
En prenant un peu de surplomb historique par rapport à ces trois actualités - avouons-le, l'exercice est difficile tant l'émotion est forte - on ne peut que faire le constat d'une lente dérive de trois idéologies qui se voulaient libératrices à leur début : le sionisme, le nationalisme arabe et l'islam politique.
- Le sionisme avait notamment pour visée d'éloigner les Juifs du Vieux continent du climat d'antijudaïsme de plus en plus prégnant. Quoique contesté à ses origines par les Juifs d'Europe, il finit par l'emporter, aidé en cela par les calculs stratégiques britanniques qui fondèrent un foyer national juif en Palestine puis par la terrible montée en puissance de l'antijudaïsme en Allemagne. Dans la famille sioniste, les partisans d'une Palestine binationale accueillant Arabes et Juifs furent marginalisés dès les années 30 avant de disparaître au profit des sionistes intégraux. Au cœur de ce courant, les plus "modérés", d'idéologie travailliste, gouvernèrent jusqu'en 1977 avant de laisser la place aux ultra-sionistes du Likoud aiguillonnés par des religieux en quête de territoires à coloniser.
En dépit de la parenthèse des années 2000 avec le processus d'Oslo, cette mouvance ultra-sioniste n'a plus quitté la scène politique israélienne et c'est elle qui domine désormais, sa base électorale renforcée par des colons étant très solide.
- Se libérer de la tutelle ottomane, tel était l'objectif du nationalisme arabe naissant. Pétris d'idéaux des lumières, les pères fondateurs de ce courant partageaient l'ardent désir de ressusciter la nation arabe et ses attributs : la langue, l'art et les lettres. 

Cependant, une fois libérés de la tutelle ottomane, les pays arabes furent contrôlés par des puissances mandataires (France et Grande-Bretagne) qui domestiquèrent ces élites nationalistes arabes, les décrédibilisant en partie auprès de leurs populations. Après les indépendances, des nationalistes plus révolutionnaires que démocrates prirent donc progressivement le pouvoir en Syrie et en Irak notamment. Et ces pouvoirs connurent la lente dérive autocratique et ploutocrate que l'on connaît sans compter qu'ils perdirent la guerre des Six Jours supposée libérer la Palestine en 1967. Dans ce contexte, c'est une autre idéologie de substitution qui prit le relais : l'islamisme.

- Réformiste à ses débuts, ce courant a lui aussi émergé à la fin de l'Empire ottoman. La pensée de Jamal Eddine al-Afghani (1839-1897) et Mohamed Abduh (1849-1905) se voulait libératrice des Arabes qui devaient revenir à une certaine rationalité islamique. Mais dans une Egypte dominée par l'Angleterre, cette pensée fut supplantée par celle d'Hasan el-Banna, qui fonda les frères musulmans en 1928. 

Plus sectaire que ses prédécesseurs, il fut lui-même dépassé, dans un contexte de violence nassérienne contre les frères musulmans, par l'un de ses héritiers Sayyed Qotb (1906-1966), auquel nombre de jihadistes se réfèrent.
Cette radicalisation progressive de l'islam politique et surtout son succès doivent beaucoup à l'échec social, économique et politique des nationalistes arabes, aux agissements d'Israël, à l'enrichissement de ses parrains du Golfe, puis plus tard, aux dérives américaines sous l'administration de George W. Bush.

Trois courants politiques, trois trajectoires certes différentes mais interagissant entre elles tandis qu'elles sont engagées sur un chemin de bifurcations malheureuses qui les a conduites vers plus de radicalité. Certes le recours à la nation juive ou arabe ou encore à l'islam, comme matrices primordiales et totalisantes, peut être porteur d'exclusion dans la mesure où le facteur d'appartenance rompt avec un certain universalisme : le sionisme annonce la déconsidération de celui qui n'est pas juif, le nationalisme arabe de celui qui n'est pas arabe (par exemple le Kurde), l'islam politique de celui qui n'est pas, selon une vision néo-orthodoxe, dans la lignée spirituelle du Prophète (le chrétien ou le juif).

Mais cette empreinte doctrinale plus ou moins marquée ne saurait expliquer les sauts successifs qui ont conduit ces courants à emprunter toujours plus les artères de la violence. Les vicissitudes historiques (persécution des Juifs en Europe, colonialisme européen puis ingérences américaines, iraniennes et saoudiennes), les violations territoriales en Palestine par Israël et l'impéritie économique et sociale des pouvoirs en exercice dans les pays arabes sont autant de facteurs puissants des mutations idéologiques qui se sont succédées et qui nous conduisent aujourd'hui à ce chaos.

La sortie des violences idéologiques ne saurait donc se faire sans revenir au politique. Autrement dit aux processus diplomatiques justes et engagés, aux systèmes politiques inclusifs basés sur la citoyenneté et aux politiques économiques et sociales qui ensemble ouvriraient une porte de sortie à cette combinaison d'idéologies agressives qui n'a que trop duré.

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