Une bonne analyse politique de la stratégie des Frères musulmans en Tunisie à laquelle, malheureusement, l'opposition n'a pas prévu de stratégie pour lui faire face.
Mais comment Nidaa Tounes pourrait-il s'opposer à leur obscurantisme alors qu'il partage avec eux le pouvoir ?
Et quelle stratégie pourraient avoir les partis progressistes face au diktat des EU & de l'UE qui veulent imposer aux tunisiens les islamistes ??
Et quelle stratégie pourraient avoir les partis progressistes face au diktat des EU & de l'UE qui veulent imposer aux tunisiens les islamistes ??
Il est vraiment temps que la société civile tunisienne et tous les progressistes disent clairement non au venin islamiste.
Tout comme la France et l'UE, dont les responsables politiques doivent cesser d'instrumentaliser l'islamisme à des fins bassement électoralistes ... se souciant peu des dégâts sur le long terme dans leur société, du wahhabisme qui fonde son action politique !
Car l'islamisme "modéré" des Frères musulmans jugé bon pour les tunisiens, est entrain de leur revenir comme un boomerang et gagne de jour en jour du terrain chez eux.
Car l'islamisme "modéré" des Frères musulmans jugé bon pour les tunisiens, est entrain de leur revenir comme un boomerang et gagne de jour en jour du terrain chez eux.
R.B
Une guerre de choc des interprétations à l’intérieur de l’islam, une tentative totalitaire de conquérir le monde
La tragédie de Sousse ne m’étonne nullement; seule me surprend la dimension de l’horreur. L’attaque elle-même est dans le fil des choses, d’un islam obscurantiste, rétrograde pour qui l’exemple tunisien est le scandale dont il faut se débarrasser au plus vite. Le camp totalitaire a une stratégie et elle est claire, alors qu’en face, en Tunisie, il n’y a pas de stratégie.
Le fait que la tragédie se produise avec cette horreur et cette ampleur oblige à ce qu’on ouvre les yeux de façon exceptionnelle. Revoir la conception de l’Etat et de ses mécanismes de gouvernance à la lumière de cette tentative de les faire disparaître est un impératif des plus urgents. La démarche doit s’organiser à court, moyen et long termes.
A court terme, il faut un certain nombre de gestes forts pour communiquer avec les Tunisiens et la communauté internationale, pour exprimer la ferme volonté de la Tunisie de rester dans le camp de la démocratie, de la liberté, et de la modernité.
Je suis d’accord avec le Premier ministre français Manuel Valls lorsqu’il souligne que la bataille se joue aussi au sein de l’islam, entre un islam humaniste et un islam obscurantiste, totalitaire. C’est là le cœur du problème. On a mal interprété Samuel Huntington quand il a parlé du «choc des civilisations». A la fin de sa vie, il a admis que ce qu’il visait, ce n’est pas la civilisation de l’islam en tant que telle, mais une certaine interprétation de l’islam.
Je n’ai cessé pour ma part, avec Abdelmajid Charfi, Mohamed Talbi, feu Mohamed Charfi et feu mon grand ami Mohamed Arkoun et d’autres à travers le monde musulman, d’attirer l’attention sur le cancer qui ronge la civilisation musulmane depuis sa naissance, et qui renaît aujourd’hui avec toute la puissance du pétrodollar : un islam littéraliste, rétrograde, coupé du reste du monde et de l’histoire du progrès de l’humanité.
Nous sommes dans une guerre de choc des interprétations à l’intérieur de l’islam. Il ne faut pas se leurrer sur la stratégie de l’islam obscurantiste et de son but ultime qui n’est autre que de conquérir le monde et de le soumettre par la violence à cette hégémonie rétrograde, en s’attaquant aux points les plus faibles des maillons de la modernité. Il a commencé évidemment par la Syrie qui en est la grande victime. Et le voilà, cherchant à s’en servir comme tremplin pour élargir le champ de bataille et s’attaquer aussi à la Tunisie.
Tant que les gouvernants tunisiens n’ont pas compris le fonctionnement de cette stratégie et ne se sont pas préparés à une guerre complexe et de longue haleine, c’est l’avenir même du pays qui est mis en jeu.
Les actions prioritaires à court terme sont nombreuses. Je recommande que le président Caïd Essebsi déclare une journée de deuil national pour honorer la mémoire de ces hôtes de la Tunisie venus innocemment passer leurs vacances dans le pays. Et, dans le prolongement, organiser un service religieux solennel à la Cathédrale de Tunis en présence de hauts dirigeants, des représentants officiels des pays des victimes et des familles de ces derniers, et de Tunisiens pour exprimer à travers cet hommage posthume la symbolique d’une fraternité universelle qui lie la Tunisie au monde moderne.
Il est également important que le chef de l’Etat s’adresse à la nation pour expliquer cette stratégie d’annihilation qui menace le pays et demander au peuple d’en être conscient et de s’en sentir personnellement concerné.
A moyen terme, il s’agit de revoir tous les outils de gouvernance, surtout l’appareil sécuritaire. La Tunisie ne dispose pas d’un appareil moderne et efficace de renseignement, capable d’aller puiser l’information là où elle se trouve, utilisant tous les moyens, y compris l’infiltration, voire d’autres moyens plus radicaux.
Seule, elle ne pourra pas le faire. Il est temps que les pays européens les plus proches, la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, la Belgique et autres comprennent aujourd’hui que la bataille les concerne tous. Ils ont payé par le sang cette communauté de destin. Il n’est plus acceptable que trois mois après la tragédie du Bardo, on en est encore du côté européen qu’aux mots et aux promesses.
Il est également utile et important de renforcer les liens avec l’Algérie, car les Algériens ont l’expérience et les moyens. La Tunisie a été leur terre d’accueil lors de la lutte nationale, puis de la guerre contre le terrorisme. La fraternité entre les deux peuples n’a de sens que si elle est réciproque.
Il est temps d’autre part que la France comprenne la signification de ce que la Tunisie vient de décider en s’attaquant à l’appareil de propagande du terrorisme salafiste et à l’instar de la Tunisie ferme toutes ces mosquées de la haine qui pullulent en France et qui ont couvé depuis des décennies un cancer nourri par l’obscurantisme et irrigué par le discours mortel de prédicateurs dépêchés par les pays du Golfe et sur lesquels les autorités ont longtemps fermé les yeux.
Pour le long terme, il s’agit pour la Tunisie de résoudre une grande question: comment éduquer le peuple à cette idée d’insertion nécessaire dans la modernité du XXIe siècle et comprendre que revenir en arrière, au premier siècle de l’hégire, à la littéralité et l’obscurantisme ne fera pas nourrir leurs enfants ni ne leur garantira la dignité nécessaire pour compter comme citoyens dans le monde civilisé d’aujourd’hui, compter comme des gens rationnels et honorables qui contribuent au progrès de l’humanité dans la science, les arts, la culture et la civilité !
Une éducation moderne, nourrie aux sources plurielles de l’identité méditerranéenne de la Tunisie, ouverte sur le monde et les cultures les plus diverses, est fondamentale. Revoir le système éducatif, le nettoyer de façon à développer l’esprit critique, s’impose. Le collège Sadiki et son éducation ont produit le modèle de la modernité tunisienne. Au lieu de généraliser l’excellence, comme l’avait fait Sadiki, avec son enseignement bilingue de grande qualité, on veut généraliser la médiocrité de l’arabisation à l’école primaire... Cela est suicidaire pour la Tunisie, inacceptable.
Il ne faut pas hésiter à mettre sur la table du débat toutes les cartes concernant l’identité tunisienne et sa place dans l’histoire universelle. Cette identité n’est pas uniquement arabo-musulmane, mais aussi méditerranéenne depuis des milliers d’années. Les réductionnistes islamistes de tous bords ne veulent retenir que ce qu’ils appellent l’identité "arabo musulmane" de la Tunisie, parce que ça leur sert d’instrument pour conquérir le pouvoir.
Si les élites modernistes tunisiennes tombent dans le piège du chantage que leur tendent les islamistes, le chantage de l’identité arabo-musulmane, la Tunisie ne s’en sortira pas, ne sortira pas du sous-développement et de la pauvreté et régressera inexorablement dans les archaïsmes les plus destructeurs.
Il faut parler vrai à cette heure si grave et ne pas avoir peur d’aborder le débat sur la vision qu’on se fait de la place de la Tunisie dans l’histoire universelle.
RépondreSupprimerJean-Pierre Ryf :
Voilà un article qui se place à un niveau politique essentiel et qui dit clairement quels sont les enjeux .
Si le pouvoir croit pouvoir rester dans les demi mesure en espérant contenter tout le monde il se trompe gravement.
Il est vraiment temps que la société civile tunisienne et tous les progressistes disent clairement non au venin islamiste.