L'Etat comme propriété privée de la famille de celui qui est au pouvoir : certains hommes politiques continuent à croire que cela est normal, comme si les tunisiens n'avaient pas dit stop au népotisme en dégageant ZABA et sa famille.
Faut-il rappeler la visite de Hafedh Caïd Essebsi à Erdogan auquel il a fait allégeance pour avoir la bénédiction de Ghannouchi ? C'est dire qu'il est le cheval de Troie des Frères musulmans pour détruire de l'intérieur Nidaa Tounes .... et la Tunisie si par malheur il héritait du trône de son père !
R.B
Par Yassine Essid*
Caïd Essebsi, le pouvoir et la «vie de famille»
Pour
Caïd Essebsi, comme pour ses prédécesseurs Bourguiba et Ben Ali, le népotisme
est un bien vilain mot pour désigner la «vie de famille».
Deux époques de l’histoire de ce pays furent marquées
par des vices qui étaient inhérents aux modes de gouvernement des chefs d’Etats
des pays nouvellement indépendants: le népotisme, abandonné en grande partie
aux considérations régionalistes, le paternalisme traditionnel, qui empêchait
tout dialogue, le droit de tutelle relatif à la liberté d’expression, l’abus
constant de l’autorité, l’absence d’opposition politique, la domination
effrénée de la famille et des proches du président, le règne d’une kleptocratie
attirée par les gains faciles et illégaux. Enfin, la patrimonialisation d’un
État en partie géré comme une propriété privée de la famille au pouvoir. Autant
de dérives qui, partout dans le tiers-monde, étaient érigées au rang de mode de
gouvernement.
Un pouvoir bien trop modeste
L’avènement d’une nouvelle pratique d’exercice du
pouvoir établie autour de la figure présidentielle, devait singulièrement
affaiblir et grandement frustrer un politicien tel que Béji Caïd Essebsi (BCE),
aussi bien par le déficit d’image de l’activité présidentielle dans les médias,
que par la disparition de la propagande habituellement orchestrée par le parti
unique.
La nouvelle constitution avait en effet lourdement
accentué la logique de dé-présidentialisation du système politique en
dépossédant le nouveau chef de l’Etat de la plupart des fonctions
traditionnelles dont bénéficiaient ses prédécesseurs et désormais rognées et
transférées – du moins en théorie et dans le texte – au parlement et au Premier
ministre.
BCE avait d’ailleurs vite fait de se rendre compte
que l’ascendant exercé habituellement par le détenteur du pouvoir suprême sur
le peuple était devenu du coup bien trop modeste et, partant, inadmissible au
vu de son attachement au contenu des formes politiques instituées par
Bourguiba autant que par Ben Ali. Les idées de l’éternité politique, n’ayant
plus celles de la pure durée du gouvernement de droit divin, BCE devait se
contenter, sentiment insoutenable pour un politicien formée à la vieille école,
de n’être qu’un élément accessoire et un recours subsidiaire auquel on
accorde le droit de faire prévaloir ses vues uniquement dans certains
domaines définis par la loi. Toutes ces privations devaient se greffer en plus
sur une société traversée par de permanentes tensions, sans parler de
l’arrière-plan économique désastreux qui n’autorise nulle prébende.
Le palais de Carthage, longtemps convoité, lui parut
subitement trop grand pour la fonction qu’il occupait : une cuisine modeste,
des serviteurs peu nombreux, quelques scribes en guise de conseillers que
n’épargne pas la rivalité bureaucratique. Mais il lui restait cependant la
famille, les valeurs qui soutiennent le patriarcat et la subordination des
femmes et des enfants au pouvoir du père.
Pas de crise chez les Caïd Essebsi
Contrairement à la désorganisation du monde politique
et au mauvais fonctionnement du gouvernement, il n’y avait pas de crise chez
les Caïd Essebsi: une femme aimante et dévouée, la place privilégiée
qu’occupent les enfants aux yeux de leurs parents et un entourage proche à la
fois fidèle et solidaire. En somme, une famille bien soudée, adhérant
solidement aux valeurs de la cellule sociale. A partir de là vont se mêler des
rapports douteux entre le statut politique et le mode d’échange familial où la
relation affective est devenue la norme principale de fonctionnement de l’Etat
au détriment du mérite et de l’équité. Quoi qu’il prétende, sa ligne de
conduite politique est principalement dictée par son entourage : tenir certains
à l’écart du pouvoir et rapprocher d’autres.
Bien que fondateur d’un mouvement politique puissant
en même temps que chef de l’Etat, BCE s’est montré étonnamment faible et
complaisant pour son entourage au point qu’aujourd’hui l’idée de népotisme
semble attachée à son nom comme une macule indélébile. Or, de ce népotisme, BCE
en fait au contraire une vertu: l’amour naturel et légitime que l’on doit à ses
proches.
Ainsi, pour caser l'un de ses fils, peu entreprenant
en affaires, qui lui avait causé par le passé bien des déconvenues, le
père s’est acharné à le faire participer aux activités de Nidaa Tounes et, par
une suite d’avancements accélérés, il arriva à le hisser à un poste important
dans le parti. Avec l’unique force de ses ambitions, le fils, soutenu dès lors
par le plus fidèle des fidèles, s’est mis à rêver de confisquer purement et
simplement l’organisation politique non sans l’accord tacite du père qui, pourtant,
resta de marbre devant les reproches, les critiques et l’indignation des
militants. BCE s’obstinait à décliner la responsabilité de ses propres actes
en avouant ingénument ne pas être concerné. Une habileté cousue de fil
blanc puisqu’il s’efforça dans le silence de liquider le mouvement en
s’opposant à tous ceux qui, odieusement, avaient cherché à brimer son
enfant pour avoir légitimement prétendu à la direction du parti. Il ne manquera
d’ailleurs pas de recourir aux redoutables procédés de chantage envers certains
membres dirigeants fermement opposés à des stratagèmes d’usurpation du pouvoir
allant jusqu’à les menacer d’excommunication. Ce fut de sa part une démarche
maladroite en contradiction avec l’appel au rassemblement qui sera à l’origine
de longues luttes fécondes en violences et source de graves désordres.
Petit népotisme deviendra grand
Dans certains cas, cependant, les doutes sur le
népotisme de BCE peuvent être levés. Il suffit de mentionner l’insigne
privilège accordé récemment au cousin de sa belle-fille promu chef de
cabinet de la présidence. Le chef de l’Etat s’estime dans cette affaire moins
coupable, car à ses yeux la faveur va à la chose et non à la personne, à la
charge et non à l’individu qui les représente, les assume ou les exerce. Bref,
plus à l’institution qu’au desservant.
De même que rien n’empêche que son gendre soit
celui-là même qui est affecté à son service comme médecin officiel, ou qu’il
invite sa fille à l’accompagner lors d’un voyage officiel à l’étranger. Un
geste qui fait polémique mais qui n’a rien d’extraordinaire ou d’insolite et
n’ajoute strictement rien au coût de l’affrètement de l’avion présidentiel
qu’il a tendance à considérer un peu comme faisant partie du patrimoine
familial.
Le népotisme n’est pas strictement limité aux membres de la
famille. A cet ensemble de faveurs familiales, il convient d’ajouter certaines
distinctions honorifiques destinées à rehausser le prestige de certains de ses
collaborateurs. Tel ce titre de Grand officier de l’ordre de la République,
première classe, décernée à son plus proche conseiller Mohsen Marzouk. La chose
n’est révélée qu’incidemment à l’occasion de certaines libéralités, mais cela
suffit pour démontrer qu’elle fut considérée comme une marque de faveur
exceptionnelle, tam
gratuita et insigni, hors de proportion avec les faits d’armes de
l’heureux récipiendaire.
Ainsi, cette pénible question qui touche au fonctionnement des
plus hautes instances de l’Etat, c’est-à-dire à l’essence même de son gouvernement,
a survécu. Sauf qu’on est passé du «grand
népotisme» au «petit népotisme».
Mais un népotisme qui demeure tout de même sauvage, sans frein ni mesure, au
moyen duquel le président de la république n’a pas craint de tailler pour son
fils, son gendre ou le gendre du fils, des fiefs à même le parti et l’Etat «démocratique».
* Historien, professeur à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.
* Historien, professeur à la Faculté des sciences humaines et sociales de Tunis.
UNE DYNASTIE CHASSE L'AUTRE ...
RépondreSupprimerLes Tunisiens ont dégagé la dynastie des ZABA, que leur préparait Leila à travers son gendre ...
Et voilà que deux autres dynasties veulent la remplacer :
- BCE se veut pour héritier au trône, son fils HCE !
- Ghannouchi semble lui aussi préparer son fils Mouedh à sa propre succession à la tête du parti mais aussi du pays !!
Avoir fait la révolution pour en arriver là !
Est-ce cela que veulent les Tunisiens ?
Sont-ils condamnés au népotisme ??
UN CONSENSUS NATIONAL POUR QUE HCE SE RETIRE !
RépondreSupprimerAbdellatif Ghorbal :
Force est de constater aujourd'hui que Hafedh Caïd Essebsi a grandement réussi à créer un consensus national sur sa personne, le désignant comme le premier responsable de la destruction de Nidaa Tounes et lui demandant de se retirer du monde politique, qui n'est pas le sien.
Le retrait de HCE de Nidaa Tounes ne signifie nécessairement pas la fin de la crise au sein du parti des Nidaïstes, mais son maintien ne fera qu'en accentuer la gravité, et les dégâts sur le plan interne et sur le pays ne seront que plus grands.