Ma découverte de Oum Kalthoum était d'abord musicale. C'est l'orchestration
moderne de "Enta Omri" qui attira en premier mon attention. Chanson
que lui avait composée Mohamed Abdel Wahab qui eut l'idée de
"moderniser" son répertoire en incorporant la guitare électrique.
Prêtant l'oreille au texte, il m'a plu aussi. Et depuis, j'ai cherché à
l'écouter à la radio qui la passait souvent ; alors que jusque-là ses rengaines
me rebutaient et la longueur de ses chansons m'agaçait. Et plus je
l'écoutais, plus je l'appréciais. Je découvrais dans ses textes et dans sa
façon de les chanter, toutes les nuances des sentiments qui submergent
l'adolescent que j'étais. Elle chantait
l'amour, le désir, la passion, la révolte, l'espoir; qui par la modulation de
sa voix, faisaient échos à ceux de son auditeur.
Selon l'état émotionnel où j'étais, il m’arrivait et m'arrive encore, de fredonner ses chansons qui correspondent le mieux, pour le décrire.
Petit à petit, j'en suis devenu fan à la recherche de ses disques, de
ses cassettes radio et plus tard de ses CD et
ses vidéos. Adolescent, je guettais son rendez-vous radiophonique mensuel,
celui du fameux premier jeudi du mois, au point que mes proches m'avaient
surnommé Abou Kalthoum.
Lors de sa venue en Tunisie en 1968, invitée par le Président Bourguiba, elle a donné un concert à la coupole d'el Menzah, transmis en direct par la TV nationale tunisienne. Mon père qui n'autorisait ses enfants à regarder la TV que parcimonieusement le samedi soir après leurs devoirs pour ne pas perturber leur scolarité, m'avait fait le cadeau de m'autoriser à regarder son spectacle lors duquel elle avait chanté « Fakarouni », « El Atlal » et « Enta Omri », qui restent des hymnes à l'amour, rarement égalés. C'était la première fois que je la voyais chanter. Sa prestation m'avait subjuguée à la fois par la voix mais aussi par sa bonne tenue, toute en retenue ... son unique jeu scénique étant son légendaire foulard dont elle se sert entre autre comme d'une baguette de chef d'orchestre.
Oum Kalthoum - أم كلثوم, née Fatima Ibrahim Sayed Baltagi, فاطمة إبراهيم السيد البلتاجي -
dite « Kawkab Echarq - كوكب
الشرق / Étoile
de l'Orient », était connue pour sa capacité vocale
extraordinaire et son style, qui en faisaient l'une des plus grands chanteurs
et des plus influents du 20e siècle. Elle a vendu plus de 80 millions de
disques dans le monde entier. Elle est considérée comme une icône
nationale dans son Egypte natal. Elle est surnommée « La Voix de
l'Egypte », « La quatrième pyramide
égyptienne » et « El-Sitt », l'autre nom de la déesse Isis. Elle
reste encore, et longtemps après sa disparition, la plus grande
chanteuse; aussi bien en Egypte que dans tout le monde arabophone.
Oum Kalthoum est née dans le village
de Tamay Zahayira, aux environs de la ville de Senbellawein, gouvernorat de
Dakahlia, dans le delta du Nil. Sa date de naissance est imprécise,
l'enregistrement des naissances n'étant pas pratiqué en Egypte à cette époque.
Certaines sources affirment qu'elle serait née le 18 décembre 1898, d’autres
avancent le 4 mai 1904.
Elle est née dans une famille pauvre, de
trois enfants. Sa sœur aînée Sayda est alors âgée de dix ans et son frère
Khalid d'un an. Sa mère, Fatma Maaliji, est femme au foyer et son père, le
cheikh Ibrahim Saïd Baltaji, est imam. Afin d'améliorer les revenus de la
famille, il interprète régulièrement des chants religieux (anachid) lors
de mariages et autres cérémonies dans son village et aux alentours.
C'est en écoutant son père enseigner le
chant et l’art de psalmodier le coran à son frère aîné qu'Oum Kalthoum apprit à
chanter et retint ces chants savants par cœur. Lorsque son père se rendit
compte de la puissance de sa voix, il lui demanda de se joindre aux leçons
qu'il donnait à son frère. Très jeune, la petite fille montra des talents de
chanteuse exceptionnels, au point qu'à dix ans, son père la fit entrer -
déguisée en garçon - dans la petite troupe de cheikhs (chanteurs du répertoire
religieux musulman) qu'il dirigeait pour y chanter durant les Mawlid (anniversaire du
Prophète et des saints locaux) et d'autres fêtes religieuses.
À l'âge de 16 ans, elle est remarquée par
le cheikh Abou el-Ala Mohamed, un chanteur célèbre,
qui lui a enseigné le répertoire arabe classique. Quelques années plus tard,
elle a rencontré le célèbre compositeur et oud-iste, Zakariya Ahmad, qui l'a invitée à venir au Caire.
Même si elle a fait plusieurs séjours au Caire au début des années 1920, elle a
attendu 1923 pour s'y installer définitivement. Elle commença à se
produire - toujours habillée en garçon - dans de petits théâtres, fuyant
soigneusement toute mondanité. Elle a été invitée à plusieurs reprises à
la maison d'Amin Mahdi, qui lui a appris à jouer du oud. Elle a
développé une relation étroite avec Rawheya Mahdi, la fille d'Amin, et est
devenue son amie proche. Oum Kalthoum a même assisté au mariage de la fille de
Rawheya, bien qu'elle préfère normalement éviter d'apparaître en public (en
dehors de la scène).
Amin Mahdi lui a fait découvrir les
milieux culturels du Caire, où elle a soigneusement évité de succomber aux
attraits de la vie de bohème. Tout au long de sa vie, elle était
fière de ses origines modestes et des valeurs traditionnelles inculquées par
son père. Elle en a fait une force qui a sans doute joué dans son image
publique.
À ce stade de sa carrière, Oum Kalthoum
a été présentée au célèbre poète Ahmad Rami, qui lui a écrit 137 chansons. Rami va
l’initier aussi à la littérature française, qu'il admirait tant
depuis ses études à la Sorbonne à Paris. Il finit par devenir
son mentor.
Elle a été introduite auprès du
célèbre et virtuose oud-iste, le compositeur Mohamed Qasabgi, qui l'a présentée au « Palais de
Théâtre arabe », où elle connaîtra son premier vrai succès public. En
1932, sa renommée en tant que chanteuse a augmenté grâce à la vente de ses
disques, au point d’entreprendre une grande tournée du Moyen-Orient et
d’Afrique du Nord, se produisant dans d'importantes villes, comme Damas, Bagdad, Beyrouth, Rabat, Tunis et Tripoli en Libye.
La place d'Oum Kalthoum dans le milieu
artistique égyptien
La place d'Oum Kalthoum comme l'une des
plus célèbres et populaires chanteurs du monde arabophone, est due à plusieurs
facteurs. Au cours de ses premières années de carrière, elle a dû faire face à
la concurrence farouche de deux chanteuses de premier plan : Mounira Mahdiya et Fathiya Ahmad, qui avaient des voix similaires à
la sienne. Cependant, Mounira avait un mauvais contrôle de sa voix et manquait
à Fathiya l'impact vocal émotif qu’avait la voix d'Oum Kalthoum. La présence de
toutes ces caractéristiques vocales, attirait de nombreux compositeurs,
musiciens et paroliers qui voulaient tous travailler avec Oum Kalthoum.
Au milieu des années 1920, Mohammad
Qasabgi, lui-même joueur de oud et compositeur, a formé son
petit orchestre (takht), composé des plus virtuoses
instrumentistes. En outre, contrairement à la plupart de ses contemporains
artistes qui ont tenu des concerts privés, ceux d'Oum Kalthoum étaient ouverts
au grand public, ce qui a contribué à la transition de la chanson classique
souvent élitiste, à la musique arabe populaire.
En 1934, Oum Kalthoum a chanté pour la
première émission de Radio Le Caire, la station de l'Etat. Au cours de la
seconde moitié des années 1930, deux initiatives ont scellé le sort d'Oum
Kalthoum comme la plus populaire et célèbre chanteuse du monde arabophone pour
deux raisons : ses apparitions dans des films musicaux et la diffusion en
direct de ses concerts tous les premiers jeudis de chaque mois durant sa saison
musicale d’octobre à Juin. Son influence ne cesse de croître et de s'étendre
au-delà de la scène artistique puisque la famille régnante royale, lui
demandait des concerts privés et assistait même à ses représentations
publiques.
En 1944, le roi Farouk Ier d'Égypte lui
décerne la plus haute distinction « nishan el kamal » (Insignes de la
perfection), une décoration réservée exclusivement aux membres de la famille
royale et aux politiciens. En dépit de cette reconnaissance, la famille royale
s’était fermement opposée à son mariage avec l'oncle du roi. Un rejet qui a
profondément blessé son orgueil et l'a amenée à prendre ses distances avec la
famille royale et à embrasser les causes du peuple, comme sa réponse à la
demande de la légion égyptienne piégée dans Faluja en 1948 pendant la guerre
israélo-arabe, de chanter une chanson pour les soldats. Parmi les hommes de l'armée
pris au piège, des chefs qui allaient mener la révolution sans effusion de
sang, celle du 23 Juillet 1952, en bonne place figurait Gamal Abdel Nasser, qui sans doute était
fan de Oum Kalthoum et qui deviendra plus tard le président de l'Egypte.
Peu de temps après la révolution, l’Union des musiciens égyptiens dont
elle est devenue membre, l'avait exclue parce qu'elle avait chanté pour le roi
Farouk qui vient d’être déchu. Quand Nasser a découvert que ses chansons
étaient interdites de diffusion par Radio le Caire, il aurait dit aux
responsables : « Vous êtes devenus fous ? Voulez-vous que l'Egypte se
retourne contre nous ? ». Et depuis, la guilde des musiciens a accepté
qu’elle réintègre sa place. Oum Kalthoum assurera la présidence de
l’Union des musiciens pendant sept ans.
De plus, Oum Kalthoum était une patriote
depuis l'époque du roi Farouk. Certains prétendent que la popularité de Oum
Kalthoum a aidé l'agenda politique de Nasser. Par exemple, les discours de
Nasser et autres messages du gouvernement, ont souvent été diffusés
immédiatement après les concerts radiophoniques mensuels d’Oum Kalthoum. Elle a
chanté beaucoup de chansons pour soutenir Nasser, pour qui elle avait une
grande amitié. L'une de ses chansons associées au pan-arabiste Nasser, fut «Wallahi zaman, ya silahi » (Par dieu, il est temps de prendre mon arme), chanson
guerrière appelant à la mort des juifs sionistes, qui a été adoptée comme
hymne national égyptien de 1960-1979. Le président Anouar al-Sadate va
l'abandonner en raison des négociations de la paix avec Israël et la remplacer
par la moins guerrière « Biladi, biladi, biladi » (Mon
pays, ma patrie), qui continue aujourd'hui d'être l’hymne national de
l'Égypte.
Oum Kalthoum était également connue pour
ses contributions continues aux œuvres en soutien pour les efforts militaires
égyptiens. Ses concerts mensuels du premier jeudi de chaque mois, sont réputés
pour leur capacité à désengorger les rues de certaines villes les plus peuplées
du monde arabophone, quand les gens se précipitent à la maison pour les écouter.
Ses chansons traitent principalement les
thèmes universels de l'amour, du désir et de la perte de l’être aimé. Ils n’ont
rien d'épique, d’une durée qui se mesure en heures plutôt qu'en minutes. Un
concert typique d'Oum Kalthoum se composait de deux ou trois chansons d’une
durée de trois à quatre heures. Dans les années 1960, en raison de son âge et
de l’affaiblissement de ses capacités vocales, elle a commencé à réduire ses
concerts à deux chansons durant deux ans et demi, à trois heures seulement. Ces
concerts s’inspirent de l’opéra, composés de passages vocaux longs, reliés par
des interludes plus courts. Cependant, Oum Kalthoum n'a pas été stylistiquement
influencée par l'opéra. Elle a chanté en solo une grande partie de sa carrière.
Au cours des années trente, son répertoire était
novateur dans plusieurs directions stylistiques. Ses chansons étaient virtuoses
grâce à ses capacités vocales, au romantisme de ses textes et à la modernité du
style musical, nourries des courants dominants de la culture populaire
égyptienne de cette époque. Elle a beaucoup travaillé sur des textes du poète
romantique Ahmad Rami et sur les musiques du compositeur Mohammad Qasabgi, qui a introduit les
instruments européens, tels que le violoncelle et
la contrebasse ainsi que l'harmonie.
Elle éclipse ses rivales, s'habille à
l'occidentale, une française lui confectionnant ses tenues de scène. Elle
élargit son répertoire avec des chansons sentimentales avec une voix intense,
vibrante et fragile dans l'intonation, à la technique parfaite. Sa voix a une
étendue horizontale et verticale inouïe. Son public se compose de toutes les
classes sociales, touchant aussi bien les masses populaires que les élites et
les intellectuels.
Parallèlement à sa carrière de
chanteuse, elle s'essaie au cinéma en jouant le rôle principal des films Widad en 1936
de de Fritz Kramb et Gamal Madhkour, d'après un conte des Mille
et une nuits; Le chant de l'espoir en 1937 ; Dananir
en 1940 ; Aïda en 1942 d'Ahmed
Badrakhan, Sallama de Togo Mizrah en 1945; et Fatma
en 1947 d'Ahmed Badrakhan. Mais elle délaisse assez vite le septième
art, ses yeux atteints de glaucome ne supportant pas l’éclairage des
plateaux.
En 1953, elle épouse son médecin, Hassen Hafnaoui, tout en incluant une
clause lui permettant de prendre l’initiative du divorce, le cas échéant.
Sa carrière musicale s'étendant du
milieu des années vingt au début des années soixante-dix, illustre la
modernisation de la musique orientale dont elle est certainement la représentante la plus importante du XXe
siècle. Ayant débuté dans le registre savant moyen-oriental avec des
compositions de Zakaria Ahmed, ou du Cheikh Abou el-Ala Mohamed, son style a évolué au fur et à mesure des
transformations, modernisations (voire acculturation) du discours musical
égyptien entre les années quarante et le début des années soixante-dix. Son
ensemble musical (takht) des années trente s’étoffe et se transforme
graduellement en orchestre oriental, multipliant les cordes frottées, et
introduisant graduellement des percussions empruntées à la musique populaire (tabla, darbouka) et des instruments tirés de traditions
exogènes tels que guitare, piano, accordéon, saxophone, orgue ... dès les
années soixante.
La transformation du discours mélodique
est d’abord discrète avec les créations du compositeur Riadh Sambati, qui monopolise presque la chanteuse
entre 1954 et le tournant des années 1960 ; puis, Baligh Hamdi, Mohammed Mougui, ou Mohammed Abdel Wahab, artisans majeurs de
ce processus.
Cette modernisation opérée autour de la
personnalité d'Oum Kalthoum a donné naissance à un genre musical oriental
nouveau qui a par la suite été largement imité : la chanson longue ou
fleuve, en plusieurs parties; dont la structure s'inspire en partie de la wasla classique arabe (suite
de chants savants) mais également des opéras ou poèmes
symphoniques occidentaux.
Dans de nombreux concerts, ces œuvres
offraient de larges plages d'improvisations bouleversantes qui ont largement
participé à fonder le mythe Oum Kalthoum.
Certains musicologues considèrent ces œuvres comme une nouvelle étape
dans l'histoire de la musique savante arabe; d'autres les opposant à
l'héritage khédival (Turc), les considèrent plutôt comme
appartenant à un genre hybride, intermédiaire entre le registre
savant et la variété populaire, les qualifiant ainsi de
"genre classicisant".
Concernant ses textes, alors que la poésie
traditionnelle regorgeait de « gazelles » et de « regard perçant, tel
une flèche », Oum Kalthoum a inventé, en collaboration avec ses auteurs
attitrés Ahmad Rami, Ahmad Chafiq Kamel et Bayrem Tounsi (le tunisien) principalement, une nouvelle rhétorique révolutionnant
l’expression de l’amour dans la littérature arabophone populaire : les
longues plaintes classiques ont peu à peu cédé la place à ce qu’on a appelé des
« monologues » – œuvres à l’intérieur desquelles l’instance amoureuse
explore les nuances de la perception de ses propres sentiments, exprime ses
doutes et ses états d’âmes contradictoires. Il n’y a plus du tout un
homme et une femme, mais un être et son amour,
invoqué par l’éternel vocatif habibi, dont la voyelle intérieure se prête
aux multiples modulations permettant d’exprimer les nuances des sentiments
éprouvés. Sans compter le fameux ya (équivalent du Ô français)
qui le précède habituellement, et qui permet à la chanteuse d’explorer les
nuances de son ethos.
L’être aimé est désigné par des
substantifs qui peuvent être considérés comme neutres du point de vue du
sexe : rouhak (ton esprit), hawak (ta
passion), bo’dak (ton éloignement), ’orbak (ta
proximité), ’albak (ton cœur), redhak (ta
satisfaction). Plus de références physiques bornant l’identification, mais de
pures abstractions sentimentales, de purs blocs de désir qui
peuvent être investis et accaparés par toutes et tous. Des situations, des
épreuves, des réflexions appropriées à tout ce qui compose un monde, offertes à
tous ceux et toutes celles qui veulent s’en saisir.
L’être social Oum Kalthoum, est une femme
subversive, assumant parfaitement son rôle dominant dans la scène musicale
orientale : véritable patronne de l’orchestre et chef de l’entreprise artistique
et culturelle qu’elle mène, véritable leader de cette équipe
d’hommes qui ont travaillé pour elle, elle assume aussi le fait de dire des
sentiments amoureux et d’exprimer des opinions politiques devant des millions
d’auditeurs fascinés, hurlant, dénonçant et criant ses révoltes, chuchotant ou
susurrant ses doutes et ses secrets les plus intimes. Le caractère subversif
d’Oum Kalthoum réside aussi dans le fait qu’elle représente poétiquement, avec
sa voix mais aussi son corps sur scène, les aspirations d’hommes et de femmes
dans le cadre d’un imaginaire transgenre.
Principalement et largement consacrée au
thème de l'amour, son œuvre a également abordé à la marge d'autres
thématiques comme la religion ou la politique. Le genre patriotique en
effet, à l'époque des décolonisations généralement et du nationalisme
arabe (panarabisme) particulièrement, s'est essentiellement illustré dans
des chants dénonçant l'oppression coloniale et glorifiant les peuples
"arabes".
Multipliant les concerts internationaux, elle
effectue sa première prestation dans un pays occidental en France à
l'Olympia pour deux prestations devenues mythiques : les 13
et 15 novembre 1967, juste après la défaite de la guerre des 6
jours pour aider Nasser. Elle a été pour le directeur Bruno Coquatrix, l'artiste la mieux payée à se
produire à l'Olympia. Elle fera don de son cachet au gouvernement
égyptien. Bruno Coquatrix croyait avoir affaire à une danseuse du ventre, pour se rattraper et dire qu'elle est descendante du prophète Mohammed, que tout bon musulman qui va à la Mecque se doit d'écouter Oum Kalthoum; pour dire son ignorance
totale du phénomène Oum Kalthoum et du monde dit "arabo-musulman" ! Quand elle lui a proposé d'interpréter
deux chansons, il lui a dit que cela ne fait pas un spectacle, habitué aux
chansons de 6 minutes tout au plus !
Revendiquant ses propres origines paysannes, la chanteuse a toujours vécu sans ostentation, souhaitant rester proche de la majorité de ses compatriotes. Sur scène elle était d’une bonne tenue à la fois vestimentaire et comportementale. Bien que son public touche à l’extase par ses variations, elle reste toujours digne et ne tombe jamais dans la familiarité ni dans la vulgarité pour le séduire. Ce qui lui vaut l’amour dans le respect de la part de son public.
L'apogée d'Oum Kalthoum
Les directions musicales des années
quarante jusqu’au début des années cinquante et le style d'interprétation
mature d’Oum Kalthoum, ont fait de cette période son « âge d'or ». Conformément
à l'évolution des goûts populaires, ainsi que ses propres penchants
artistiques, au début des années quarante, elle a demandé des chansons au
compositeur Zakariya Ahmad et au poète Mahmoud Bayram Tounsi qui puisait dans des styles
typiquement égyptiens. Cela représente le début des chansons romantiques
modernistes.
Oum Kalthoum n’a plus chanté la musique
de Mohammad Qasabgi depuis le début des années 1940. Leur dernière
collaboration étant « Raq el Habib » (Mon bien aimé,
redevient tendre) en 1941, l'une de ses plus populaires chansons, de
grand niveau de virtuosité. La raison de leur séparation n’est pas claire.
On dit que cela était dû en partie à l'échec populaire du film Aida,
où Oum Kalthoum chante la plupart des compositions de Qasabgi, y compris la
première partie de l'opéra. Qasabgi expérimentait la musique orientale, avec
des influences de la musique classique européenne et composait aussi beaucoup
pour Asmahan, une chanteuse syrienne qui a émigré en
Egypte, unique concurrente sérieuse pour Oum Kalthoum et qui va mourir dans un
accident de voiture en 1944.
Dans le même temps, Oum Kalthoum a
commencé à collaborer avec un compositeur plus jeune qui a rejoint son équipe
artistique quelques années plus tôt : Riadh Sambati. Alors que Sambati
était influencé par Qasabgi dans ces premières années, les lignes mélodiques
qu'il composa étaient plus lyriques; et en plus, répondent mieux aux attentes
du public d'Oum Kalthoum.
Résultat de ses collaborations avec Rami
/ Sambati et Tounsi / Ahmad : un répertoire populaire au succès durable
pour le public égyptien.
En 1946, contre toute attente, Oum
Kalthoum chante un poème religieux en arabe classique au cours de l'un de ses
concerts mensuels, « Salou qalbi » (Interrogez mon
cœur), écrit par Ahmed Chawki et composé par Riadh Sambati. Le succès
est immédiat. Il a reconnecté Oum Kalthoum avec ses débuts ; et le style
unique de Riadh Sambati dans la composition, fera de lui le meilleur
compositeur pour les poèmes en arabe classique, dépassant Mohammed Abdel Wahab. Des poèmes
semblables écrits par Chawki ont ensuite été composées par Sambati et chantés par
Oum Kalthoum, y compris « Woulida el Houda » (1949) (Il
est né le Guide), dans lequel elle a fait sourciller les royalistes en
chantant un verset qui décrit le prophète Mohammad comme « l'imam des socialistes ».
Au sommet de sa carrière, en 1950, Oum
Kalthoum a chanté une composition de Riadh Sambati à partir d'extraits, de ce
que Ahmad Rami considérait comme l'accomplissement de sa carrière : la
traduction du persan à l'arabe classique, des quatrains d'Omar Khayyam, « Roubayiat el Khayyam ». Une chanson qui
mêle épicurisme et rédemption.
Composée en 1966 par Riadh Sambati sur un
poème en arabe classique de Ibrahim Naji, « El-Atlal » (Les Ruines) est
la chanson d’amour la plus célèbre d’Oum Kalthoum. Une allégorie
politique selon certains : une évocation de la défaite égyptienne. « Quand, en
1982, Yasser Arafat quitta Beyrouth assiégé, il s'écria: « D'un pas
assuré, je marche tel un roi », un vers emprunté à El Atlal !
Cette mélopée immortalisée par Oum Kalthoum, dure une heure et
demie.
Bien que cela soit discutable, les
capacités vocales d'Oum Kalthoum ayant considérablement baissé, la chanson peut
être considérée comme le dernier exemple de la musique authentique arabe à un
moment où même Oum Kalthoum a commencé à faire des compromis en chantant des
morceaux d'influence occidentale, composés par son ancien rival, Mohammed Abdel
Wahab.
La durée des chansons de Oum Kalthoum lors
de ses concerts publics, n'est pas fixe. Elle variait en fonction du niveau
d'interaction émotionnelle de la chanteuse avec son public et de sa propre
inspiration créative. La technique d’improvisation typique du vieux chant arabe
classique, elle l’a pratiquée aussi longtemps qu'elle pouvait le faire ;
limitée toute fois par la baisse de ses qualités vocales due à l’âge mais aussi
à l'occidentalisation accrue de la musique orientale, devenue un obstacle à cet
art.
Elle répétait parfois un ver ou
plusieurs, en modifiant subtilement l'accent et l'intensité émotionnelle en
explorant une ou plusieurs échelles modales musicales (maqâm) entraînant son public dans un état
extatique, dit « tarab / طرب ». Par exemple, la durée
live disponibles de « Ya Zalemni » (Tu es injuste avec moi),
une de ses chansons des plus populaires, est d’environ 30 minutes, durée qui
passe à 45 voire 90 minutes, selon son humeur créative pour des improvisations et selon la
demande de son public pour d’avantage de reprises. Ce qui illustre la dynamique
relationnelle entre la chanteuse et son public et alimente l'énergie
émotionnelle de l'un et de l’autre.
La créativité spontanée d'Oum Kalthoum en tant
que chanteuse, est impressionnante quand on écoute ses nombreuses
interprétations d’une même chanson sur une période de cinq ans (1954-1959).
L'auditeur se voit offrir une interprétation tout à fait unique et différente
chaque fois. Cette relation personnalisée entre lui et la chanteuse, est sans
aucun doute l'une des raisons de l’immense succès d'Oum Kalthoum en tant
qu'artiste. A noter cependant, que la durée d'un récital, ne reflète pas
nécessairement la qualité d'improvisatrice d’Oum Kalthoum. Certaines de ses
meilleures performances duraient 25-45 minutes, comme les trois interprétations
disponibles, y compris la version commerciale de mars 1955, d' « El awila fil gharam » (La
première chose en amour) et de « Ana fi intizarak » (Je suis dans ton
attente). D'autre part, ses chansons du milieu des années soixante, se
prolongeaient parfois d’une durée de deux heures, comme lors de la première
de « Enta Omri » (Tu es ma vie), « Enta el Hob » (Tu es l'Amour),
etc. Cependant, les répétitions, la plupart du temps exécutées à la demande du
public, étaient souvent dépourvues d'improvisations musicales. Elles se
limitaient aux variations colorées vocales d’Oum Kalthoum, sur une syllabe, une
lettre ou un mot.
Oum Kalthoum et ses musiciens en studio sous la direction du compositeur Baligh Hamdi – 1964.
Oum Kalthoum avait l'habitude lors de ses récitals de tenir un foulard dont elle se servait pour s'éponger le front mais dont elle se servait aussi comme d'une baguette de chef d'orchestre pour demander au chef de sa troupe de moduler en fonction de son interprétation et de ses improvisations, ou de reprendre un couplet ou tout un passage en fonction de la réaction de son public.
Longtemps, ce ne fut qu'une voix. Une voix prenante. Une voix de plaintes et d'envolées, de soupirs et d'arrachements. Une voix d'entrain et d'ensorcellement. Une voix d'avant les voix : une voix "première". Une voix de sable et d'air lourd, de terre et de lumière, une voix d'éclat, une voix de joie et de tristesse, une voix toujours pleine et grave y compris dans l'enthousiasme.
Oui, au plus profond de cette voix, il y a comme le parfum de l'histoire des hommes. Mais un parfum entêtant et déchirant. Car cette voix offre à ses auditeurs une mélopée en rupture permanente, en soubresauts savants, en retenues singulières. Une voix sûre d'elle-même, courant son risque, sévère, rugueuse, sans artifice. Ce n'est pas ici une question de timbre, de vibration. Ce n'est pas non plus une question d'intonation, de silences ou de technique. Non, c'est un précipité de tout cela, une combinaison unique, une alchimie.
Quand elle se lève, un foulard de mousseline à la main, son collier de perles autour du cou, sa voix subjugue d'entrée. Elle s'aide parfois de l'avant-bras au terme d'une envolée. C'est tout. Oum Kalthoum chante; et la ferveur se lit sur les visages. Le respect et l'extase aussi quand elle improvise avec maestria. Des mots d'amour, souvent. Des complaintes pudiques où l'on s'aime et où l'on se quitte, où l'on espère et où l'on se torture. Des mots qui convoquent le destin et Dieu tout-puissant. Des mots qui puisent encore dans le nationalisme le plus réaliste pour ne pas parler de réalisme socialiste. Et pourtant, la magie reste entière. L'intensité intacte. Sa voix emporte tout.
Vers 1965, Oum Kalthoum a commencé à
collaborer avec le compositeur Mohammed Abdel Wahab après que le raïs
Gamel Abdel Nasser les ait rapprochés pour porter encore plus haut la chanson
"arabe". Pour le pan-arabiste qu'il était, on peut dire que c'était
sa seule réussite, le panarabisme ayant échoué partout, aussi bien en
Iraq, en Syrie qu'au Soudan et en Libye ... faute d'un
chef unique pour la "Oumma el-arabiya" (le monde
arabe) que ces pays prétendaient former; en faisant de ces deux monuments
égyptiens les rois de la chanson orientale à travers tout le monde arabophone.
La première chanson composée par Abdel Wahab, « Enta Omri », était considérée comme la «
réunion au sommet » des deux monuments de la chanson orientale. Plusieurs
belles chansons composées par Abdel Wahab ont suivi, comme « Amal hayati » (Espoir de ma vie),
« Fakkarouni » (Ils m'ont ravivé
ton souvenir), et bien d'autres.
En mai 1967, juste avant la guerre des Six jours, on l’entendait chanter à
la radio du Caire et à la radio de Damas « L'abattage, l'abattage,
l'abattage et sans pitié ... » condamnant le sionisme israélien.
Plusieurs autres chants guerriers ont été créés pour elle à cette époque. En
1969, elle a chanté « Indi boundoukiya » (J'ai un fusil).
Ses chansons ont pris plus d'âme et de
recherche de qualité en 1967, après la défaite de l'Egypte pendant la guerre
des Six Jours. « Hadith el rouh » (Dialogue de
l'âme), une traduction du poète de Mohamad Iqbal qui a mis en place un ton
incitant à la réflexion. Des généraux dans le public, auraient été en larmes.
Oum Kalthoum a également chanté pour les
compositeurs Mouhamad Mougui, Sayed Mekawi et Baligh Hamdi.
Décès d'Oum
Kalthoum
Oum Kalthoum décède le 3 Février 1975, à
l'âge de 76 ans d'une insuffisance rénale. Son cortège funèbre est devenu un
événement national, avec environ 4 millions d'Égyptiens éplorés le long des
rues pour apercevoir son cortège passer. On dit que ses funérailles avaient
attiré un public plus grand que celui du défunt Nasser.
Texte repris et complété par Rachid Barnat
رياض السنباطي - ام كلثوم - فريد الأطرش - زكريا أحمد - محمد القصبجي
Titre | Traduction du titre | Auteur | Compositeur | Premier concert |
سلوا كؤوي الطلا | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1937 | |
افرح يا قلبي | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1937 | |
فاكر لما كنت جنبي | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1937 | |
كيف مرت على هواك القلوب | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1938 | |
أتعجل العمر | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1938 | |
مقادير من جفنيك حولن حالي | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1938? | |
يا قلبي بكرة السفر | Ahmed Rami | Mohamad Qasabji | 1938 | |
اذكريني | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1939 | |
يا طول عذابي | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1940 | |
يا ليلة العيد | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 22-09-44 | |
هلت ليالي القمر | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1940, | |
الأمل | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1940 (1946?) | |
رق الحبيب | Aḥmad Raai | Mohamad Qasabji | 1940 | |
غنى الربيع | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1943? | |
حبيبي يسعد أوقاته | Bayrem Tounsi | Zakariya Aḥmad | 1940 | |
الآهات | Bayrem Tounsi | Zakariya Aḥmad | 1940 (1943?) | |
أنا في انتظارك | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1940 (1943?) | |
أهل الهوى | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1940 (1944?) | |
الأولة في الغرام | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1944? 1945? | |
عيني يا عيني | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1945-1946 | |
غنيلي شوي | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1945-1946 | |
سلوا قلبي | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1945-1946 | |
غلبت أصالح في روحي | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1946? | |
Bayrem Tounsi | 01-01-53 | |||
حلم | Bayrem Tounsi | Zakaria Aḥmad | 1947? | |
نهج البردة | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 1949? | |
سهران لوحدي | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1949-1950 | |
ولد الهدى | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | nov-49 | |
ياللي كان يشجيك أنيني | Ahmed Rami | Riadh Sambati | saison 1950-1951? | |
رباعيات الخيام | Omar Khayyam, traduction et adaptation, Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1950? | |
جددت حبك ليه | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 03-01-52 | |
إلى عرفات الله | Ahmed Chawki | Riadh Sambati | 06-12-51 | |
يا ظالمني | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 1951-1952? | |
ذكريات | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 03-02-1955 | |
شمس الأصيل | Bayrem Tounsi | Riadh Sambati | 05-05-1955 | |
دليلي احتار | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 01-12-55 | |
أغار من نسمة الجنوب | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 17-01-57 | |
عودت عيني على رؤياك | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 05-12-57 | |
قصة الأمس | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 06-02-58 | |
بعد الصبر ما طال | Bayrem Tounsi | Riadh Sambati | 06-03-58 | |
ثورة الشك | Prince Abdallah Fayçal | Riadh Sambati | 04-12-58 | |
أروح لمين | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 04-12-58 | |
هجرتك | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 05-12-59 | |
الحب كده | Bayrem Tounsi | Riadh Sambati | 05-11-59 | |
لسه فاكر | Abdel Fatah Mustapha | Riadh Sambati | 07-01-60 | |
Mohamed Abdel Wahab | Baligh Hamdi | 01-12-60 | ||
هو صحيح الهوى غلاب | Bayrem Tounsi | Zakaria Ahmed | ||
حيرت قلبي معاك | Ahmed Rami | Riadh Sambati | 07-12-61 | |
أنساك ده كلام مش ممكن أبدا | Maamoun Chenawi | Baligh Hamdi (refrain Zakaria Aḥmad) | 07-12-61 | |
ليلي ونهاري لا يا حبيبي | Abdel Fatah Moustapha | Riadh Sambati | 01-03-62 | |
ح اسيبك للزمن | Mohamed Abdel Wahab | Riadh Sambati | 06-12-62 | |
ظلمنا الحب | Mohamed Abdel Wahab | Baligh Hamdi | 06-12-62 | |
أقولك إيه | Abdel Fatah Moustapha | Riadh Sambati | 05-12-63 | |
كل ليلة وكل يوم بتفكر في مين | Maamoun Chenawi | Baligh Hamdi | 05-12-63 | |
للصبر حدود | Mohamed Abdel Wahab | Moḥamed Mawgi | 02-01-64 | |
إنت عمري | Aḥmad Chafik Kamel | Mohamed Abdel Wahab | 06-02-64 | |
سيرة الحب | Morsi Gamil Aziz | Baligh Hamdi | 03-12-64 | |
أراك اعصي لدمع | Abou Firas Ḥamdani | Riadh Sambati | 03-12-64 | |
إنت الحب | Ahmed Rami | Mohamed Abdel Wahab | 04-03-65 | |
يا حبنا الكبير | Abdel Fatah Moustapha | Riadh Sambati | 23-07-65 | |
Baligh Hamdi | 23-07-65 | |||
أمل حياتي | Aḥmad Chafiq Kamel | Mohamed Abdel Wahab | 02-12-65 | |
الأطلال | Ibrahim Nagui | Riadh Sambati | 07-04-66 | |
فكروني | Mohamed Abdel Wahab | Mohamed Abdel Wahab | 01-12-66 | |
فات المعاد | Morsi Gamil Aziz | Baligh Hamdi | 02-02-67 | |
حديث الروح | Mouḥammad Iqbal | Riadh Sambati | 04-05-67 | |
هذه ليلتي | Georges Jardaq | Mohamed Abdel Wahab | 05-12-68 | |
ألف ليلة وليلة | Mursi Gamil Aziz | Baligh Hamdi | 06-02-69 | |
أقبل الليل | Ahmed Rami | Riadh Sambaṭi | 04-12-69 | |
إسأل روحك | Mohamed Abdel Wahab | Muḥammad al-Mawgī | 01-01-70 | |
Maamoun Chenawi | Mohamed Abdel Wahab | 05-03-70 | ||
الحب كله | Aḥmad Chafik Kamel | Baligh Hamdi | 07-01-71 | |
القلب يعشق كل جميل | Bayrem Tounsi | Riadh Sambati | 04-02-71 | |
أغداً ألقاك | Hadi Adam | Mohamed Abdel Wahab | 06-05-71 | |
من أجل عينيك | Prince Abdallah Fayçal | Riadh Sambati | 06-01-72 | |
يا مسهرني | Ahmed Rami | Sayyid Makawi | 06-04-72 | |
ليلة حب | Aḥmad Chafiq Kamel | Mohamed Abdel Wahab | 07-12-72 |