L'émir du Qatar utilise l'organisation internationale des Frères musulmans, comme cheval de Troie pour asseoir son pouvoir de grenouille qui se prend pour un bœuf !
Et pour pénétrer les pays sur lesquels l'émir jette son dévolue, les Frères musulmans ne cessent de ruser et de jouer des concepts occidentaux; puisqu'un parti politique frériste en Europe, se présente comme celui des "Démocrates musulmans" ...
Et pour justifier leur islamisme compatible avec la démocratie, ils ne reculent devant rien. Ils invoquent les partis des " démocrates-chrétiens " d'Occident, auxquels ils se comparent. Drôle de parallèle !
Si les démocrates-chrétiens
en appellent aux chrétiens, c'est pour mieux les intégrer dans la République et
leur faire admettre les valeurs républicaines et la primauté du droit civil sur
le droit religieux depuis la loi de 1905 de séparation de l'Etat de l'Eglise ! Ce qui n'est absolument pas le cas des Frères musulmans,
qui instrumentalisent ce concept comme tant d'autres, pour mieux
leurrer leurs opposants ... et l'Occident !
Leur dernière
trouvaille, étant l' "islam de gauche" que vend aux Tunisiens,
Naoufal Saïed frère de l'autre, président de la Tunisie.
Or nous savons que
leur programme est la chariaa et le coran et que leur action politique est de
convertir le monde entier au wahhabisme et à défaut à lui imposer leur modèle
sociétal, celui de la péninsule Arabique, berceau du wahhabisme ! Les Frères
musulmans étant de tous les islamistes les mieux organisés et maitrisant aussi
bien les cultures des Occidentaux que leur Lois ... savent comment faire pour
les pénétrer et s'y pérenniser, leur objectif étant de parvenir au pouvoir en
ces pays aussi ! Leur chance, c'est l'ignorance des Occidentaux sinon leur naïveté
ou pire la connivence de leurs responsables politiques avec cette organisation
criminelle !
R.B
Les Frères musulmans :
un mouvement en quête d’un nouveau souffle ?
Alicia Piveteau : Quelle est
l’origine du mouvement des Frères musulmans ? Quelle idéologie
prônent-ils ?
Fabrice Balanche : L’instituteur
égyptien Hassan el-Banna crée les Frères musulmans en 1928 dans un
contexte de développement du foyer sioniste en Palestine et dans une époque où
la colonisation offrait aux Britanniques la mainmise sur le canal de Suez. Ces
facteurs amènent Hassan el-Banna à imaginer un mouvement religieux
qui pourrait s’opposer à la colonisation et à la domination du monde
arabo-musulman par les Occidentaux. Selon ce penseur, il fallait retrouver la
voie de l’islam pour chasser les colonisateurs car les musulmans, en perdant
leur foi, avaient permis la domination occidentale. C’est le cœur de la
doctrine des Frères musulmans, qui se retrouve aussi à Gaza avec la
branche palestinienne des Frères musulmans, le Hamas. Dans un premier temps, ce
groupe refusait de participer aux combats aux côtés de l’OLP - Organisation
pour la libération de la Palestine -, car il fallait d’abord « ré-islamiser »
la société palestinienne avant d’affronter Israël. Pour les Frères musulmans,
ce mouvement de « réislamisation » des sociétés doit se réaliser au
sein du monde musulman mais également à l’extérieur, notamment en Europe
où se trouvent des foyers de populations musulmanes. Le corpus des Frères
musulmans s’articule, à l’origine, autour de la pensée de Ibn Taymiyya, un théologien sunnite
du XIIIème siècle, confronté aux tentatives de conquête des
Occidentaux pendant les croisades. Ce dernier tenait également une position
radicale à l’égard des chiites et des chrétiens locaux. À ses yeux,
la seconde obligation pour un fidèle, après la foi, est la défense des terres
musulmanes.
Les Frères musulmans n’hésitent donc pas
à utiliser la violence. Prenons leur emblème : deux sabres sont croisés et
un appel au combat est fait avec l’injonction
« Préparez-vous ! ». Ils le prouvent lorsqu’ils fomentent
l’assassinat du Premier ministre égyptien Mahmoud an-Nukrashi Pasha en
1948, lorsqu’ils tentent d’assassiner le président égyptien Nasser en 1954, ou
enfin, lors du meurtre du président Anouar el-Sadate en 1981, perpétré par
un groupe islamiste radical issu de la mouvance frériste. Autre exemple,
l’actuel numéro un d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, a débuté son
parcours chez les Frères musulmans. Le penseur égyptien Sayyid Qutb, mis
en prison puis exécuté sous Nasser, prônait également la lutte armée et la
violence comme moyen d’action pour parvenir à ses fins. Il est une source
d’inspiration à la fois pour les salafistes et pour les Frères musulmans.
Pourtant, la tendance veut que les salafistes soient considérés comme des
radicaux et les Frères musulmans comme des modérés. En réalité, la frontière
est très poreuse entre ces deux groupes, qui partagent un corpus idéologique similaire. Les Frères
musulmans se distinguent par une stratégie plus moderne en participant aux
élections et en recrutant dans des cercles d’intellectuels, là où les
salafistes s’intéressent surtout aux classes les plus populaires.
Outre cette violence, leur dogme
consiste à imposer la charia et à considérer la connaissance ou le
pouvoir politique comme des dons de dieu qui ne peuvent s’exercer qu’à travers
le Coran. Pour donner corps à ce mouvement et organiser sa structure,
Hassan el-Banna s’est inspiré du nazisme et du fascisme italien ; dans les
années 1940, il écrivait : « Hitler et Mussolini ont conduit leur
pays vers l’unité, la discipline, le progrès et le pouvoir ». En
effet, les Frères musulmans reprennent la stratégie du « one man, one
vote, one time » - « un homme, une voix, une seule fois ».
Ainsi, une fois le pouvoir atteint grâce aux élections, il est conservé et
sanctuarisé. Le jeu démocratique est accepté uniquement pour arriver au
pouvoir, mais une fois acquis, seules les lois de Dieu peuvent s’appliquer.
Alicia Piveteau : Comment se
diffuse l’idéologie des Frères musulmans ?
Fabrice Balanche : Leur
projet initial est de refuser l’État séculier et de s’opposer
à l’intégration des musulmans au sein des républiques. Ils défendent ainsi
un système politique où le pouvoir politique et religieux est incarné dans une
seule personne, le Calife. La confrérie des Frères musulmans est donc comparable
à une secte : les membres sont tenus de se consacrer
presque exclusivement à leur mouvement religieux et ne peuvent pas adhérer
à un autre parti politique. Ils possèdent leurs propres associations
fréristes d’étudiants, de médecins, de travailleurs, ou ont leur propre banque,
et même leur propre média. Afin de convaincre les populations, les sphères de
l’éducation et du social sont massivement investies. Dans les pays arabes où le
modèle de développement a échoué, où des carences médicales et éducatives
sont visibles, les Frères ont créé les structures nécessaires pour supplanter
les services publics.
En raison de la proximité géographique,
les Frères musulmans se sont d’abord diffusés au Proche-Orient - comme en
Syrie ou en Palestine - puis au Maghreb. Après la série d’indépendances, la
Tunisie, le Maroc et l’Algérie ont voulu arabiser l’enseignement dans leurs
écoles. Toutefois, ces pays souffraient d’un déficit de personnel pour
dispenser ces cours. Des coopérants égyptiens, dont la plupart étaient des
Frères musulmans, sont donc venus répondre à ce besoin d’enseignement et
ont contribué au développement de l’islamisme au Maghreb. Si les Frères
musulmans ont soutenu le coup d’État de Nasser en 1952 pour des motivations
nationalistes et pragmatiques, leur objectif, qui était de se débarrasser
ensuite du raïs égyptien pour prendre le pouvoir, a échoué. Nasser
a en effet initié une répression à leur égard qui les a poussés
à fuir l’Égypte et à se répandre dans le monde arabe, notamment là où
un besoin éducatif se faisait sentir. Les pétromonarchies du Golfe en ont
beaucoup accueilli et les ont soutenus politiquement tant que l’Égypte
nationaliste arabe représentait une menace pour eux.
Alicia Piveteau : En 2012,
les Frères musulmans remportent l’élection présidentielle en Égypte avec
la victoire de Mohamed Morsi. À peine un an plus tard, il est écarté
du pouvoir. Comment expliquer cette situation et cet échec ? Que
reste-t-il du mouvement en Égypte ?
Fabrice Balanche : Lorsque les
manifestations débutent en Égypte en décembre 2010, les Frères musulmans sont
en première ligne. Pourtant, leur rôle a longtemps été minimisé par les
journalistes et les analystes, qui pensaient qu’il s’agissait d’un mouvement
totalement spontané. Sous le mandat du président Moubarak, la confrérie était
surtout implantée dans les associations caritatives, puis progressivement le
droit de participer aux élections leur a été concédé. En parallèle, sur la
scène internationale, les États-Unis ont commencé à voir dans les Frères
musulmans une solution aux problèmes de gouvernance en Égypte. Finalement, ils
remportent les élections législatives en janvier 2012, puis quelques mois plus
tard, les élections présidentielles. Mohamed Morsi est élu avec peu de
marge et les résultats seront contestés pendant plus d’une semaine. L’armée
égyptienne refusait le résultat du scrutin mais sous la pression des
Américains, la victoire du président frériste a été acceptée. Une fois au
pouvoir et en reprenant les méthodes des partis fascistes, les Frères musulmans
ont commencé à verrouiller le système et à placer leurs partisans aux
postes stratégiques.
En novembre 2012, lors du traditionnel défilé en
souvenir de la guerre du Kippour de 1973, des anciens membres de la Gamaa
al-Islamiya (1) sont placés à côté du président Morsi dans la
tribune d’honneur, bien que ce groupe soit à l’origine de l’attentat qui
causa le décès du président Anouar el-Sadate. Pour l’armée égyptienne, cet
acte n’est pas acceptable. Cela constitue le signal qu’il faut lancer un coup
d’État et l’armée peut compter sur le soutien de l’Arabie saoudite et des
Émirats arabes unis, qui voient d’un très mauvais œil l’accession au pouvoir de
la confrérie en Égypte. En juillet 2013, quand l’armée reprend la tête de
l’État, Morsi est emprisonné, la constitution de 2012 est suspendue et les
Frères musulmans sont éjectés du pouvoir puis réprimés. Depuis, la présidence
du maréchal Al-Sissi marque le retour de l’armée au pouvoir en Égypte et de la
clandestinité pour les Frères musulmans.
Alicia Piveteau : Pourquoi le Qatar
a-t-il décidé de soutenir les Frères musulmans ? Quels sont les
enjeux pour Doha ?
Fabrice Balanche : Chassés
d’Égypte sous Nasser, les Frères musulmans ont trouvé refuge dans les États du
Golfe. L’Arabie saoudite, en mauvais termes avec Nasser, finance et utilise la
confrérie contre son ennemi et plus globalement contre tous les partisans
nationalistes et séculiers. La fissure entre le royaume saoudien et les Frères
a néanmoins lieu en 1990, lors de l’invasion du Koweït par
Saddam Hussein. En effet, l’opération est soutenue par les Frères, alors
que Riyad s’y oppose.
C’est au Qatar qu’ils trouvent un nouveau
refuge, au moment où le prince héritier Hamad ben Khalifa Al Thani écarte son
père du pouvoir tandis que ce dernier était en Europe. Le nouveau leader prend
la tête de l’État en 1995 et voit dans les Frères musulmans des cadres utiles
au développement qatari. Dans une confrontation quasi-constante avec son voisin
saoudien, le Qatar utilise les Frères musulmans comme un pion stratégique et
les considère comme un moyen d’étendre son influence régionale et
internationale. Cette stratégie est particulièrement visible lors des printemps
arabes. La confrérie soutient les partis fréristes - Ennahdha en Tunisie, le
Parti de la justice et du développement au Maroc ou le Conseil national dominé
par les Frères musulmans en Syrie. L’argent du Qatar s’allie à ce réseau
pour renverser les régimes autoritaires et permettre ainsi à Doha de
devenir le phare du monde arabo-musulman.
Autre exemple d’influence : Tariq Ramadan, petit-fils du fondateur
Hassan el-Banna, est envoyé au Caire pour faire des études religieuses
puis obtient une chaire à l’Université d’Oxford financée par le Qatar. En
effet, pour que Tariq Ramadan obtienne le titre prestigieux de professeur
à Oxford, le Qatar a réalisé un don de plusieurs dizaines de millions
d’euros à l’université britannique. Ainsi, de 2012 à 2017 (2),
Tariq Ramadan reçoit-il 35 000 euros mensuels du Qatar pour
occuper la chaire d’islamologie d’Oxford et diffuser la pensée frériste.
Alicia Piveteau : Après une période
de relations exécrables, Ankara et Le Caire se rapprochent à nouveau.
Cela augure-t-il d’un changement d’attitude de la part de la Turquie qui est,
avec le Qatar, l’un des principaux soutiens des Frères musulmans ? Quelles
pourraient en être les conséquences ?
Fabrice Balanche : L’AKP, le
Parti de la justice et du développement, est proche idéologiquement des Frères
musulmans sans pour autant en être une filière officielle. En 2008, lorsque
Barack Obama arrive à la Maison-Blanche, il a pour ambition de
rétablir les liens avec le monde musulman et de réparer les années Bush. Il
défend l’idée du « regime change », c’est-à-dire de la nécessité
de changer les régimes autoritaires en des régimes plus démocratiques.
Entretemps, et toujours grâce aux financements qataris, les Frères musulmans se
sont propagés en Occident et ont su convaincre les administrations européennes,
américaines et françaises, qu’ils étaient la solution au « regime
change ». Ils expliquaient pouvoir incarner l’alternative modérée,
capable de répondre aux aspirations musulmanes des populations, de respecter
les constitutions et le droit des femmes, sans être des dictateurs. Le modèle
islamo-démocrate de la Turquie servait d’exemple et de preuve. Recep Tayyip Erdoğan a pris
le pouvoir en 2002, et pendant dix ans, son pays fut cité comme un modèle de
réussite : les militaires sont écartés du pouvoir, les traditions sont
respectées et les règles démocratiques sont appliquées. Le président Erdoğan
rêvait de reprendre de l’influence dans le monde arabe et a pleinement
joué la carte de l’alternative aux dictatures.
Lorsque Ben Ali tombe en Tunisie en
2011 pendant les printemps arabes, Erdoğan se rend sur place avec l’objectif
d’exporter le modèle turc et d’apporter son soutien aux Frères musulmans. Dans
son projet global, Ankara se voulait être le centre de l’islam d’Europe
occidentale, et notamment de l’islam de France. En s’appuyant sur le tissu
associatif frériste, il voulait fédérer les communautés turques dans un premier
temps, puis le reste des musulmans. Coopérer avec les Frères musulmans, déjà
installés en Europe, permettait donc à Erdoğan de disposer de leviers
stratégiques et politiques en Occident. Toutefois, depuis la répression du coup
d’État manqué de 2016, le regard sur la Turquie a radicalement changé, et
la méfiance des pays européens à son égard s’est considérablement
renforcée.
En réislamisant Sainte-Sophie, et plus
largement, en visant la domination du monde sunnite, la Turquie est rentrée
dans un conflit avec l’Arabie saoudite. Ankara n’a alors pu compter que sur le
seul soutien de son allié qatari. Ce dernier a signé un accord militaire
avec la Turquie en 2016, qui a abouti notamment à la construction
d’une base turque à Doha abritant 3000 hommes et assurant ainsi au
Qatar une protection au plus fort de la crise avec l’Arabie saoudite et les
Émirats arabes unis. C’est donc naturellement que le Qatar est devenu en
seulement cinq ans le deuxième investisseur du pays et qu’il finance
généreusement l’expansionnisme de la Turquie en Libye, Syrie, Somalie, Afrique
sub-saharienne, etc; et à travers les réseaux fréristes. Les pays arabes
voient, à l’exception du Qatar, d’un mauvais œil le retour de
l’ottomanisme. Mais depuis le printemps 2021, la Turquie commence
à changer de stratégie. Le pays connaît des difficultés économiques et
doit faire face à un isolement régional. Pour obtenir un modus
vivendi avec l’Égypte et l’Arabie saoudite, Ankara a demandé, en
avril dernier, aux Frères musulmans de stopper les programmes trop incendiaires
de leurs chaines de télévision, comme El-Sharq, Mekameleen et Watan, basées sur
son sol et diffusées au Moyen-Orient. Il ne s’agit pas d’une rupture entre la
Turquie et les Frères musulmans, mais pour l’instant d’une prise de distance
à l’égard d’un allié affaibli et qui pourrait se révéler à terme
encombrant.
En cas de rupture entre la Turquie et
les Frères musulmans, ces derniers perdraient l’une des rares terres d’accueil
où ils peuvent prospérer sur le plan de la communication et de leur
organisation. Il reste le Qatar, éloigné de l’Europe, alors que c’est
précisément vers l’Europe occidentale, vers les pays démocratiques, où se
trouve une population musulmane en quête d’identité, qu’ils mènent désormais
leur combat.
Alicia Piveteau : Outre le cas de
la Turquie, les Frères musulmans semblent aujourd’hui perdre en influence,
comme l’illustrent les situations politiques au Maroc et en Tunisie. Où
sont-ils implantés et influents aujourd’hui ?
Fabrice Balanche : En effet,
les Frères musulmans sont en perte de vitesse au Maroc, où, suite aux dernières
élections de septembre 2021, ils sont passés de 125 à 12 députés,
perdant plus de 80 % de leurs électeurs. En Tunisie également, alors que
le président Kaïs Saïed a pris les pleins pouvoirs, marginalisant
l’Assemblée dans laquelle ils détenaient la majorité relative. C’est aussi le
cas au Yémen, où leur parti, al-Islah, est marginalisé, ou encore au Soudan, où
le gouvernement de transition qui a chassé Omar el-Bechir
a interdit les Frères musulmans en 2020, car durant les trente années de
sa dictature, son administration et les Frères musulmans ne faisaient qu’un.
Finalement, leur sphère d’influence est aujourd’hui davantage en Europe
occidentale puisque dans les pays arabes, leur influence politique
a nettement diminué et les pouvoirs en place les combattent avec
efficacité.
Alicia Piveteau : Selon certains
observateurs, l’Europe serait une terre d’influence des Frères musulmans, et
pour Mohamed Sifaoui, la France serait trop passive à leur égard
alors que ces derniers œuvrent insidieusement à peser sur les décisions
politiques (3). Quel est concrètement l’état de l’influence et de
l’implantation des Frères musulmans en Europe ?
Fabrice Balanche : Lorsque
Donald Trump remporte la présidence des États-Unis en 2016, il arrive avec
la volonté de classifier les Frères musulmans comme une organisation
terroriste. Tout d’abord, une partie des Républicains, comme l’influent
sénateur du Texas, Ted Cruz, considèrent les Frères musulmans comme une
organisation professant « une idéologie islamiste violente » et
s’étant donné « la mission de détruire l’Occident ». D’autre part, Donald Trump
veut appuyer les décisions de l’Égypte, de l’Arabie saoudite et des Émirats
arabes unis, de considérer les Frères musulmans comme une organisation
terroriste. Cela permettra de sanctionner toutes les personnes et organisations
qui les financent.
Pour l’Europe, la question ne s’est pas
posée, jusqu’à ce que l’Autriche interdise la confrérie en juillet 2021, grâce
à sa nouvelle loi antiterroriste. Ce retard s’explique sans doute par la
naïveté durable des Européens à leur égard et pour la France, par une
stratégie géopolitique. En 2012, la France partageait le constat des
États-Unis, qui voyaient à travers les Frères musulmans une solution pour
stabiliser la région. Des diplomates au Quai d’Orsay, notamment dans la cellule
« Afrique du Nord/Moyen-Orient », influencés par des universitaires
« frérophiles », furent convaincus par la promesse des Frères de
respecter la « laïcité » et la « démocratie » une fois
arrivés au pouvoir. Quelques années plus tard, en 2015, dans le contexte des
attentats en France, l’attention s’est focalisée sur les membres de groupes
terroristes, à savoir de Daech ou d’Al-Qaïda. À cette période et en
comparaison avec les salafistes, les Frères musulmans ont su conserver leur
image de groupe modéré. Habiles sur le plan politique, ils ont réussi
à toucher des subventions publiques, notamment dans le cadre de la
« politique de la ville », et à s’installer durablement dans le
tissu associatif, éducatif et politique. Depuis peu, politiques et chercheurs
commencent à s’interroger sur le danger potentiel qu’ils représentent.
Gilles Kepel les inclut dans ce qu’il nomme le « jihadisme
d’atmosphère » (4), autrement dit dans l’écosystème islamiste
qui mène une stratégie de conquête du pouvoir et de rupture avec la république
en bloquant l’insertion des habitants français d’origine musulmane.
Dans les universités, le courant
frériste se dissimule derrière le mouvement décolonialiste et la culture
« woke » (5). Bernard Rougier (6)
a enquêté sur leur emprise dans la banlieue parisienne ; Christian Chesnot
et Georges Malbrunot (7) ont quant à eux montré comment
le financement de la mosquée An-Nour de Mulhouse provenait en très grande
partie de la Qatar Charity. Pour les Frères musulmans qui sont derrière ce
projet, il s’agit d’enraciner et de développer l’islam politique en Europe,
dans des mosquées qui sont des centres de vie. On n’est pas dans l’illégalité,
ni dans le financement direct du terrorisme. En revanche, il s’agit bien du
soutien à une idéologie qui génère un jihadisme d’atmosphère et accentue
le communautarisme. Les autres pays européens sont aussi victimes de cette
offensive frériste soutenue par le Qatar et la Turquie. L’ensemble de l’Europe
occidentale est concerné. En premier lieu le Royaume-Uni, où les Frères
musulmans exilés politiques se sont installés très tôt, et profitant de la
tolérance à l’égard du communautarisme, ont développé leurs institutions
sociales et politiques. En Allemagne, les services de renseignement
s’inquiètent de la progression exponentielle d’organisations et de mosquées
fréristes qui gagnent en popularité. Après l’attentat contre la synagogue
Stadttempel de Vienne, le 2 novembre 2020, l’Autriche a décidé de
combattre fermement ce jihadisme d’atmosphère que les Frères musulmans
contribuent à propager, en interdisant la confrérie. La question se pose
clairement aujourd’hui au niveau de l’Union européenne.
* Maître de conférences en géographie à
l’Université Lyon 2
(1) Gamaa al-Islamiya est un mouvement sunnite
égyptien islamiste considéré comme une organisation terroriste par les
États-Unis et l’Union européenne.
(2) L’Université d’Oxford le suspend en
2017 en raison des accusations de viol à son égard. Il n’a pas été
réintégré depuis.
(3)
https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mohamed-sifaoui-les-freres-musulmans-veulent-fracturer-la-societe-20190924
(4) Gilles Kepel, Le prophète et la pandémie,
Paris, Gallimard, 2021.
(5) « Woke » se réfère au verbe
« to wake », traduit en français par « se réveiller ». Les
partisans de la culture woke se mobilisent contre les injustices à l’égard
des minorités. Ils se revendiquent comme conscients de toutes les
discriminations subies par les toutes les minorités (ethniques, religieuses,
sexuelles…).
(6) Bernard Rougier, Les territoires conquis de
l’islamisme, Paris, PUF, 2021.
(7) Christian Chesnot et Georges Malbrunot,
Qatar Papers : comment l’émirat finance l’islam de France et d’Europe,
Paris, Michel Lafon, 2019.
Légende de la photo en première page : Le
signe de Rabia, symbole de ralliement des Frères musulmans. En perte de vitesse
au Moyen-Orient et au Maghreb, la sphère d’influence des Frères musulmans se
tourne aujourd’hui vers l’Europe occidentale. Face à ce développement que
certains jugent inquiétant, l’Autriche est devenue le 8 juillet 2021 le
premier pays européen à interdire la confrérie islamiste qui avait notamment
centralisé dans ce pays, à Graz, le « trésor de guerre »
auparavant situé dans leur ancien fief financier : le Royaume-Uni.
L’arrivée massive de mouvements de fonds vers Graz a éveillé les soupçons
des enquêteurs autrichiens qui, au terme d’une enquête tentaculaire comprenant
21 000 heures d’écoutes, ont révélé la puissante emprise des Frères
musulmans dans le pays. L’Autriche était devenue un pays-refuge pour les
Frères, étant le seul de l’UE à accorder un statut officiel à l’Islam
(celui de collectivité de droit public).