En faisant du prosélytisme religieux, l'Europe piétine ce qui fonde son identité
«La beauté est dans la diversité, comme la liberté est dans le hijab», voilà dans quels termes l'Europe a choisi de promouvoir le port du voile. Si elle a depuis été retirée, cette campagne, financée par l'Union européenne et diffusée par le Conseil de l'Europe au nom de la «célébration de la diversité et du respect du foulard islamique» pose un problème politique majeur : elle piétine les fondamentaux qui constituent les piliers de la culture européenne.
On est en effet ici bien loin des valeurs d'égalité
et d'émancipation censées être aux sources de l'Union européenne. Celle-ci
n'est pas simplement censée regrouper des pays dont les intérêts commerciaux et
industriels seraient convergents, elle ne se résume pas à un simple marché
commun, mais elle puise sa légitimité dans l'idée qu'elle s'appuie sur la
reconnaissance des liens civilisationnels qui font de l'Europe une entité
définie par le partage de principes et d'idéaux communs. En faisant du
prosélytisme religieux, le tout sous l'influence d'associations islamistes
liées aux Frères musulmans, une secte obscurantiste qui fut proche des nazis,
l'Europe piétine ce qu'elle est censée défendre. Pire même elle le fait en
inversant toutes ses valeurs. Ainsi elle valorise un signe religieux en faisant
semblant de ne pas connaître sa signification, alors que celui-ci prône
l'infériorisation de la femme, lui refuse l'égalité en droit et fait de son
corps et de ses cheveux, un marqueur d'indécence. Elle pousse même le déni jusqu'à
présenter ce refus d'accorder l'égalité en droit aux femmes au nom de leur
impureté, comme la définition même de la liberté.
Le problème est que cette affaire est loin d'être anecdotique,
car si le Conseil de l'Europe est un organisme faible, dépourvu de toute
légitimité démocratique, son rôle est pourtant d'être «le gardien de la sécurité
démocratique, fondée sur les droits de l'homme, la démocratie et l'état de
droit» selon le Sommet de Vienne de 1993. De lui émane la CEDH
(Cour européenne des droits de l'homme), dont les arrêts, s'ils sont censés
avoir un caractère déclaratoire, influent énormément sur les cours de justice
de certains pays dans les faits. Si la Turquie ne fait que ce qui l'arrange et
ne leur accorde aucun crédit, la justice française, elle, par un arrêt de la
cour de cassation du 15 avril 2011 reconnaît la nécessité pour les états de
respecter la jurisprudence de la CEDH sans attendre d'avoir même modifié leur
législation.
C'est dire la gravité de l'influence d'organismes
violents, antidémocratiques et qui prônent le refus des valeurs universelles,
parce que présentées comme «occidentales» au regard du rôle absurdement confié
à un conseil, qui veille sur la démocratie en en étant l'antithèse. Il n'est
donc pas si étonnant que des émanations de l'organisation des Frères musulmans
ou de la fameuse Open Society (que l'on retrouve dans nombre d'affaires prônant
le port du voile ou attaquant la France pour sa législation ferme sur le port
du voile intégral) en font une porte d'entrée pour imposer sur le sol européen,
des signes à la fois religieux et politiques, profondément opposés à notre
civilité et à notre culture.
Le problème n'est pas tant la stratégie de ces organisations,
même si elles défendent un système de valeur qui est en rupture avec les
notions d'égalité et de liberté qui fondent nos sociétés politiques. Le
problème est l'influence grandissante qu'elles ont au sein des instances
internationales, qu'elles utilisent comme des chevaux de Troie.
L'influence d'organisations non démocratiques à la
manœuvre dans cette affaire parle de l'incapacité de nombre de dirigeants
européens à comprendre ce qui est en jeu et d'une naïveté abyssale en ce qui
concerne les associations dont elle ne paraît pas voir le rôle de lobby
politico-religieux que jouent certaines des plus influentes. Parmi celles-ci,
la FEMYSO (Forum of European Muslim Youth and Student Organisation),
association proche de l'Union des Organismes Islamiques en Europe (UOIE) et
liée aux Frères musulmans se vante d'être un partenaire incontournable de
l'Union Européenne. Elle a été étroitement associée à la définition de cette
scandaleuse campagne. Pareil pour l'European Forum of Muslim Women (EFMW) qui
est, selon Lorenzo Vidino, directeur d'un programme sur l'extrémisme à l'université
Georges Washington, l'émanation féminine de cette même UOIE.
Selon Florence Bergeaud Blackler, anthropologue et spécialiste
de ces questions, le FEMYSO est l'un des trente membres du Conseil consultatif
de la jeunesse auprès du Conseil de l'Europe. Imaginez un peu si ce même
conseil avait inclus une organisation néonazie ou une organisation de jeunesse
d'extrême-droite, comme Génération Identitaire, dans un conseil consultatif,
les cris d'orfraies qui auraient été poussés, à raison d'ailleurs, par les gouvernements
qui auraient rapidement mis fin à cette dérive. Là, cela passe crème alors que
ces organisations ne valent pas mieux.
En attendant dans cette histoire, la France semble
être la seule à s'indigner de cette campagne et à oser affirmer l'importance de
défendre l'égalité en droit des femmes et de lutter contre le prosélytisme
islamiste. Au moment où le voile est à la fois utilisé comme un moyen
d'attaquer l'idéal égalitaire de l'occident et de dénoncer comme de
l'islamophobie le refus de faire passer la charia avant la loi, l'Union
européenne choisit d'abandonner la cause des femmes et reprend la propagande
des frères musulmans, pour qui la bonne musulmane se résume à la femme voilée
qui consent à son infériorisation.
La France n'a pas été dupe de cette dérive prosélyte, qui s'en prend à l'égalité des femmes, en prétendant défendre la liberté. Elle a réagi par la voix de Sarah El Haïry, secrétaire d'État chargée de la jeunesse et de l'engagement : « Cette vidéo m'a profondément choquée (…) C'est absolument l'opposé de nos valeurs, des valeurs que la France défend ». La voix de la France n'est pas tout à fait restée sans écho, mais si le Conseil de l'Europe a prétendu suspendre sa campagne, cela s'est résumé à un retrait des visuels sur les réseaux sociaux. La prise de conscience de ce qui est en train de se jouer n'a toujours pas eu lieu et la puissance des réseaux islamistes, elle, a été démontrée.
Même quand la France dénonce la campagne, elle en reste aux conséquences et ne se mobilise pas sur les causes. Pour l'instant force est de constater que nul ne se dresse explicitement pour combattre l'influence islamiste qui grandit en Europe.
*Ancienne élue locale, Céline Pina est essayiste
et militante. Elle est la fondatrice de «Viv(r)e la République», elle a
également publié Silence coupable (Kero,
2016) et Ces biens essentiels (Bouquins,
2021).
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