vendredi 2 septembre 2022

Saliha, la Piaf Tunisienne

Une voix puissante, très vite remarquée jusqu'à entrer à La Rachidia où les plus grands compositeurs, paroliers et poètes ont composé pour elle et dont les chansons font partie du patrimoine nationale Tunisien. 

Chansons que reprendra dans son répertoire Choubeila Rached la fille de Saliha, qui elle aussi rejoindra La Rachidia et dont la voix rappelle celle de la mèrepour le grand bonheur des Tunisiens qui l'apprécient. 

R.B

Saliha (صليحة), de son vrai nom Salouha Ben Ibrahim Ben Abdelhafidh, née en 1914 à Nebeur et morte le  à Tunis, est une chanteuse tunisienne.

Artiste passionnée et authentique, elle demeure à travers ses chansons attachée à son terroir et à ses origines campagnardes.

Jeunesse 

La recherche d'un travail oblige son père Ibrahim, originaire de Souk Ahras en Algérie, et sa mère à quitter leur région pour Mateur avant de gagner la capitale Tunis. Saliha et sa sœur aînée Eljia sont alors placées comme filles au pair dans une famille bourgeoise, celle de Mohamed Bey (frère de Moncef Bey) dont la maison reçoit alors les grands artistes et où les princesses apprennent à chanter et jouer aux différents instruments.

En côtoyant cet environnement artistique, Saliha commence à développer ses capacités en imitant les chants des princesses avec une note bédouine. Son contact avec le milieu artistique continue lorsqu'elle part travailler en 1927 dans la maison d'une chanteuse professionnelle, dénommée Badria, rue El Bacha à Tunis ; son don au chant y est découvert pour la première fois par l'avocat Hassouna Ben Ammar. La mort subite de ses deux jeunes frères et le divorce de ses parents sont des épreuves difficiles pour elle. Alors que sa sœur aînée suit son père, Saliha préfère rester avec sa mère. Lorsqu'on la marie très jeune, elle pense se reconstruire et se stabiliser en fondant une famille mais son couple vole en éclats malgré trois maternités dont une seule fille survivra.

Consécration 

C'est alors qu'elle rencontre Béji Sardahi, oudiste et directeur d'un orchestre réunissant notamment Ibrahim Salah au kanoun et Kaddour Srarfi au violon. Il l'intègre dans sa troupe musicale sous le pseudonyme de Soukeina Hanem et lui compose quelques chansons en tunisien. 

C'est en 1938 qu'elle apparaît pour la première fois sur scène. À l'occasion de l'inauguration de Radio Tunis, elle chante au Théâtre municipal de Tunis lors d'un concert retransmis en direct sur les ondes de la radio. 

Puis, elle croise le chemin de Mustapha Sfar, fondateur de La Rachidia, qui lui fait intégrer l'institution marquée alors par la présence de Chafia Rochdi.

Orchestre de La Rachidia

Il est alors convenu qu'elle touche une rémunération mensuelle et bénéficie d'un logement dont le loyer est pris en charge par La Rachidia. En contrepartie, elle s'engage à ne chanter qu'au profit de La Rachidia. 

Les musiciens Khemaïs TarnaneMohamed Triki et Salah El Mahdi la prennent alors sous leurs ailes et lui composent une série de chansons dont les paroles sont écrites par d'illustres poètes appartenant à Taht Essour

Dès le départ, ces chansons sont des succès tels qu'Abdelhamid Ben Aljia déclare : « Saliha et La Rachidia ne font plus qu'un ». Encensée par la critique, elle affronte dans le même temps une succession d'échecs affectifs. Elle déserte finalement La Rachidia pour entreprendre un nouvel itinéraire artistique plus conforme à ses aspirations.

Toutefois, dans sa quête mouvementée, elle reste indifférente aux conseils de ses médecins lui demandant de garder le lit. Fin 1957, elle chante au Kef en compagnie de Ridha Kalaï. En descendant de la scène, elle s'effondre et doit se faire opérer. Elle reste clouée au lit durant trois mois mais, malgré une convalescence inachevée, décide de revenir à la chanson en dépit de l'avis contraire de ses médecins.

Fin de vie 

Usée par la maladie et après des années de gloire, Saliha se produit pour la dernière fois en public le  au Théâtre municipal de Tunis, lors d'un concert qui regroupe des chanteurs des pays du Maghreb. Épuisée et éprouvée par une grave maladie incurable, elle ne peut se tenir debout et s’appuie sur une chaise. Quinze jours plus tard, après une deuxième opération, elle meurt le  à l'âge de 44 ans dans une clinique de Tunis. Sa mort est un événement national : son cortège funèbre, après avoir quitté le domicile de sa fille, la chanteuse Choubeila Rached, se rend entouré d'une foule de près de 20 000 personnes.

Hommage

En 1957, le président Tunisien Habib Bourguiba apprend que l'étoile de la Rachidia est malade, il lui rend hommage en assistant à un de ses concerts et en la félicitant.

La Poste tunisienne émet le  un timbre postal à son effigie dans le cadre d'une série philatélique comprenant aussi Ali Riahi et Kaddour Srarfi.

À l'occasion du centenaire de sa naissance, le chef d'orchestre Amina Srarfi organise le  un spectacle musical au Théâtre municipal de Tunis. Des festivités ont également lieu à l'espace El-Kasbah du Kef à partir du .

Répertoire

TitreNom originalPoète/parolierCompositeur
Aàïoun soudعيون سودMohamed MarzoukiMohamed Triki
Ordhouni zouz sbayaعرضوني زوز صباياinconnuinconnu
Awtari-w-oudiأوتاري و عوديAhmed KheireddineSalah El Mahdi
Bakhnoug
بخنوقinconnuinconnu
Chargi gheda bezzineشرق غدا بالزينinconnuinconnu
Dar el falakدار الفلكAbdelmajid Ben JeddouSalah El Mahdi
Fel ghorba fenani
في الغربة فنانيinconnuinconnu
Ghzali nafarغزالي نفرMohamed MarzoukiKhemaïs Tarnane
Habbitha ma lgit menha manjaحبّيتها ما لقيت منها منجىMohamed MarzoukiSalah El Mahdi
Hajr el Habibهجر الحبيبMustapha AghaKhemaïs Tarnane
Hozt-al-bahaحزت البهاOthmane El GharbiKhemaïs Tarnane
Kif dar kass el hobbكيف دار كاس الحبHédi DhabKhemaïs Tarnane
Màa el àazzabaمع العزّابةinconnuinconnu
Men frag ghzaliمن فراق غزاليinconnuinconnu
Mouhal kelmet ahمحال كلمة آهAhmed KheireddineKhemaïs Tarnane
Mridh faniمريض فانيOthmane El GharbiSalah El Mahdi
Na wejjemel fridaنا والجمال فريدةinconnuinconnu
Nenni ahna mnamننّي أهنى منامHédi LaâbidiKhemaïs Tarnane
Om lahsan ghannat
أم الحسن غنّاتArbi KabadiKhemaïs Tarnane
Rabbi àatani kol chay bekmalouربّي عطاني كل شي بكمالوBelhassen Ben ChedlyKhemaïs Tarnane
Sag najàak (ber-ranna)ساق نجعك - برنّةKaddour SrarfiKaddour Srarfi
Sag najàekساق نجعك 

Touness elyoum bratتونس اليوم براتAhmed KheireddineSalah El Mahdi
Wadaàouniوادعونيinconnuinconnu
Ya khaïnaياخاينةAhmed KheireddineKhemaïs Tarnane
Ya khdoud et-toffahياخدود التفّاحBelhassen Ben ChedlySalah El Mahdi
Ya khil salemيا خيل سالمinconnuinconnu
Ya khlila

ياخليلة

Ali Ameur



Salah El Mahdi



Ya laimi azzineيا لايمي على الزّينJalaleddine NaccacheMohamed Triki
Yalli boodek dhayaà fekriيلّي بعدك ضيّع فكريJalaleddine NaccacheKhemaïs Tarnane



1 commentaire:

  1. Ghariani Najet :

    Saliha est partie un 26 novembre 1958, elle n'avait que 44 ans. Elle a chanté à son dernier gala au théâtre Municipal le 10 novembre, juste 16 jours avant de partir.
    Plus de 20000 personnes ont assisté à ses funérailles de Nahj El kaadine à bab Souika jusqu'au cimetière de Jellaz.
    C'était la diva du peuple, la presse écrite, la radio ont changé de programme pour diffuser les témoignages des artistes, des personnes qui l'ont côtoyée. C'était un jour de deuil mémorable.

    "Bakhnoug bent el M’hamid Aicha", est une chanson connue de Saliha :
    Aicha a bel et bien existé ! Elle était la bien aimée et la femme de Salem.
    Salem, chef de la tribu El M’hamid, héros d'une épopée "خيل سالم" mort dans un combat contre une tribu ennemie installée au sud-est de l'Algérie.

    Aicha portait El bakhnoug : un grand châle berbère, qui nécessite un grand savoir de tissage de laine surtout pour sa broderie / النقيشه.
    2 années ne suffiront pas à le broder / عامين مايكملوش نقيشه, comme il est dit dans la chanson, tellement est compliquée cette broderie.
    Il cache le visage des femmes. Chaque jeune fille devait tisser son propre bakhnoug, pour le jour de son mariage.
    El M’hamid, est une tribu qui vit dans le sud, ses membres sont originaires du sud de L'Égypte.
    Pour se positionner dans ces régions proches de l'Algérie, ils faisaient "la guerre" avec d'autres tribus algériennes.
    Un jour, bien que les forces n'étaient pas équilibrées, Salem, le chef de tribu El M’hamid a foncé sur ses ennemis.
    Tué par ses adversaires, ses amis l'ont porté sur son cheval.
    Refusant la défaite, son père a improvisé ce poème !
    Les M’hamid en tête, sa femme Aicha portant le bakhnoug a poussé des youyous en sortant à la rencontre de son mari mort / زغردت وخرجت; tout le monde a repris en chœur ce poème pour l'accueillir.
    Et c'est ainsi que la défaite fut tournée en éloge pour Salem, chef des M’hamid !
    Deux chansons simultanées, "Bakhnoug Bent El M’hamid Aicha" et "Khil Salem/Le cheval de Salem" chantées par notre grande Saliha dans les années 1940, relatent la vie rude des tribus au sud de la Tunisie.
    Un patrimoine immatériel bien décrit dans le chant et négligé par les historiens.
    Dommage pour les nouvelles générations.

    خيل سالم

    يا خيل باش روحتولي
    باش وجوه تقابلو قلولي
    باش لي جيتو واش قولكم
    في اللي الذي خليتو
    سالم ع العقاب شايع صيته يوم البراز مصفن ع الحولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي
    ماضا ركب من عودة وما
    ضا لحق من شابة خندودة
    تتزعوط الاعراش من باروده كواي في الفرسان بالمفتولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي
    ماضا ركب متعني
    دايم على قرن الجواد يغني
    ما اصعب فراقك يا عزيزي حني مقابيس نارك ما بغوا يطفولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي
    ماضا ركب من ساسة
    يوم البراز ماضا يبيع براسه
    اذا زغرتت مكحول هذب نعاسه تعيط تنادي وينهو مخلولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي
    فيكمشي منهو يركب فيكمشي منه يخفي الستر ناوي
    فيكمشي منهوعلى الصبر يلاوي نصدق عليه محبتي ووصولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي
    ما غاضنيش حالي
    ما غاضنيش فتنو نهار مشالي
    لو كان قتله حر دمه غالي نصدق عله محبتي ووصولي
    يا خيل سالم باش روحتولي
    بانا وجوه تقابلو قولولي

    Poème improvisé dans la douleur au décès de Salem, par son père ; et chanté pendant un siècle au sud-est du Maghreb, puis repris par la célèbre Saliha vers 1930.

    La mère de Saliha a appris par cœur cette chanson. Saliha l'a appris de sa mère qui aimait l'écouter souvent. C'est pourquoi on dit que les paroles, sont de Saliha qui possède tout le poème entendu plusieurs fois de sa mère.

    ***

    Khaled Ben Rabâa :

    Ma mère, jeune mariée en 1943, a habité la même maison que Saliha et sa mère, nehj echtè / rue de la pluie, et sa mère reprenait souvent cette chanson ...

    Mohamed Hédi Echrif :

    Aicha n'était pas seulement l'amoureuse de Salem, mais bel et bien sa femme.
    A son emprisonnement par l'autorité ottomane de Tripoli, Aicha en pris la relève et conduisit la résistance armée des M'hamid contre Tripoli.

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