Est-ce de courir après les réseaux sociaux que de plus en plus des journalistes aussi bien France qu'en Tunisie, en oublient le b.a.-ba de leur déontologie ? Ce faisant, ils font le lit du populisme qui touche de plus en plus les pays démocratiques et affaiblit la démocratie en ces pays.
R.B
DÉONTOLOGIE !
Une idéologie médiatique. Brice Couturier*, ancien journaliste de France Culture dénonce la complaisance de certains de ses confrères dans le traitement de la réforme des retraites, notamment au sujet des violences commises en marge des manifestations.
Avec la réforme des retraites, je suis vraiment surpris – le mot est faible – de la ligne éditoriale adoptée par France Inter. La sympathie de journalistes pour les détracteurs de la réforme peut se comprendre, puisqu’ils sont concernés comme les autres salariés. Que la déontologie journalistique, qui doit équilibrer les opinions, disparaisse au profit d’un parti pris généralisé en faveur des syndicats et/ou manifestants pose question. On a frisé l’intox. » Témoignage d’un auditeur, « sympathisant socialiste depuis toujours », relevé sur le site de la médiatrice de Radio France, jeudi 13 avril.
Rarement l’audiovisuel public aura affiché ses préférences politiques avec aussi peu de discrétion. En novembre 1990, lorsque Michel Rocard arrachait à une Assemblée nationale où il n’avait pas de majorité la création de la CSG grâce au 49.3, n’échappant que de cinq voix à une motion de censure, la rédaction de France Inter ne parlait pas encore de « passage en force ». Aujourd’hui, elle relaie sans vergogne les éléments de langage de la Nupes. « Les Français » sont « en colère », « révoltés » par ce « déni de démocratie ». Du côté des commentateurs, on met en cause la légitimité des élus en lui opposant celle de « la foule » et même celle du Conseil constitutionnel, qui devrait se plier… à la loi des sondages. Heureusement qu’il ne l’a pas fait lorsque lui a été soumise la peine de mort.
Narratif syndical. Nos confrères ont fait preuve, en revanche, d’une grande discrétion pour caractériser les 20 000 amendements déposés par l’opposition afin d’empêcher l’examen du projet de loi : après soixante-dix heures de débat, les députés en étaient encore à l’article 2. Vous avez entendu les mots « blocage », « sabotage » ? Grande discrétion aussi en matière de comparaisons internationales sur l’âge de départ en retraite : ne pas perturber le narratif syndical… Les journalistes ont souvent accusé le gouvernement d’avoir mal expliqué sa réforme. Mais lorsqu’un ministre tentait de le faire, il était interrompu toutes les dix secondes.
Aux JT de France 2 et de France 3, les syndicalistes ont alterné avec les micros-trottoirs. Selon le compte Twitter Médias citoyens, « sur les 34 micros-trottoirs diffusés entre le 10 mars et le 10 avril sur le 13 Heures par France 2, 89 % des avis étaient hostiles à la réforme des retraites, ce taux pouvant atteindre 100 % les jours de grève ». Au JT de France 2, on a fait la promotion des caisses de soutien aux grévistes. Quant aux violences en marge des manifestations, elles sont presque constamment… policières. France Info nous informait samedi que « la loi a été promulguée cette nuit par Emmanuel Macron »… Ce qui a permis à Manon Aubry de déclarer sur BFM TV que « Macron a promulgué le texte en plein milieu de la nuit, comme un voleur, en catimini ». Un niveau de désinformation rarement atteint dans le passé : le Journal officiel est diffusé dans la nuit. Le Monde, de son côté, n’hésite pas à relayer la fake news de la LDH selon laquelle « les forces de l’ordre ont interdit au Samu de se rendre sur le terrain de la manifestation » de Sainte-Soline. Ce qui a été démenti par le Samu lui-même.
Directeurs de conscience. Privé de la primeur de l’information par les réseaux sociaux, notre métier aurait pu évoluer vers des spécialisations (en économie, droit, environnement, histoire, etc.). Cela aurait permis aux journalistes de mettre les événements en perspective, d’aider le public à décrypter le sens des courants profonds par-delà les miroitements de surface. Au lieu de quoi, nombre de confrères se sont reconvertis en directeurs de conscience. Leur nouvelle vocation consistait à redresser les idées erronées et à rappeler à l’ordre les déviants en censurant leurs « dérapages ». Renonçant à dire le vrai, ils prétendaient prononcer le juste.
À présent, il existe, au contraire, une prime à la transgression sur les nouveaux médias audiovisuels d’extrême droite, comme CNews et Sud Radio. Là, comme chez Hanouna, les « dérapages » sont payants. Ils « font le buzz ». Et les journalistes professionnels sont débordés par les vociférateurs de plateaux, les complotistes délirants, les agents d’influence de Poutine.
Le résultat est double. D’une part, le public est en train de perdre confiance dans les médias traditionnels. Selon un récent sondage Viavoice, 70 % des Français estiment que « l’information est trop orientée et pas assez impartiale ». D’autre part, comme aux États-Unis, les médias entretiennent une polarisation qui risque de rendre notre pays ingouvernable.
* Essayiste. Coauteur de « L’Entreprise face aux revendications identitaires » (PUF).
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