Jean Pierre Ryf
« Ce n’est pas la révolte en elle-même qui est noble, mais ce qu’elle exige »
Albert Camus
Dans cette lettre aux
tunisiens, je veux m’adresser à tous les tunisiens, au peuple tunisien. Cette
lettre uniquement adressée à mes amis n’aurait pas eu grande utilité puisque
ceux que je fréquente depuis plus de quarante ans partagent les analyses que je
fais, partagent mes colères et mes espérances.Albert Camus
Je voudrai donc toucher les autres par le cœur et par la raison et mon espoir
est de contribuer, à ma faible mesure, au progrès de ce pays pour
lui-même puisque je n’en attends rien pour moi.
Que je dise d’abord, pour que les choses soient claires, pourquoi je m’intéresse tant à ce pays.
L’explication figure déjà dans le premier livre que j’ai publié en 1999 :
"Algérie, Algérie Que me veux-tu ?" dans lequel je faisais l’histoire
de ma famille paternelle venue de Suisse à Sétif en Algérie dans les premiers
temps de la colonisation et, très vite, au service de la Compagnie genevoise
des Colonies Suisses de Sétif. Ce petit livre avait été l’occasion d’une
réflexion sur l’histoire et aussi de me pencher avec nostalgie sur ma jeunesse
et sur ce pays de ma naissance et de mes premiers pas dans la vie. Ce pays
natal je l’avais quitté à dix huit ans et dans beaucoup de ce que j’ai écrit,
par la suite, il était toujours là. L’ayant quitté en 1962 après qu’il eut
acquis dans les conditions que l’on sait son indépendance, j’avais été partagé
entre le désir de revoir mes lieux d’enfance et je ne sais quel sentiment qui
m’en empêchait.
C’est
alors qu’un ami très proche, tunisien, m’avait accueilli dans son pays et avait
eu cette phrase que j’ai rappelée dans mon livre et par laquelle il m’offrait
son pays, la Tunisie ,
pour, m’avait-il dit, remplacer celui dont il connaissait le manque chez
moi : l’Algérie.
Voilà
pourquoi depuis plus de quarante ans je séjourne une ou deux fois par an
à Tunis, Hammamet ou Djerba et voilà pourquoi le sort de ce pays et de ces
habitants ne m’est pas indifférent.
Ces
quelques séjours et les amitiés que j’ai liées dans ce pays ne me donnent
pourtant aucune autorité particulière pour donner des leçons et précisément ce
ne sont pas des leçons que je veux écrire mais des réflexions, de celles qu’un
ami peut faire face aux problèmes et aux difficultés rencontrées par l’autre.
Ces réflexions pourront être rejetées mais mes lecteurs devront admettre du
moins que je les ai faites avec bonne foi.
Je commencerai cette lettre par dire aux tunisiens, à tous les tunisiens : vous avez fait en décembre 2010 - janvier 2011 une révolution formidable qui a fait lever une espérance dans votre pays bien sûr, mais comme vous le savez, dans le monde.
Après
une période transitoire que je qualifierai de sans faute vous avez laissé
s’installer une sorte de poison dans votre pays et l’histoire humaine est telle
que, hélas, le pire n’est jamais exclu.
Pouvez-vous et voulez-vous vous ressaisir ? Telle est vraiment la question.
Pouvez-vous et voulez-vous vous ressaisir ? Telle est vraiment la question.
Au
moment où j’écris cette lettre tout est encore ouvert mais des choix vont être
faits qui vont engager votre pays non pas pour quelques années mais pour des
décennies. Des générations entières, vos enfants, vont être engagés par ces
choix notamment dans l’éducation pour des années, en réalité pour leur
vie.
C’est dire si vos réflexions, vos actions sont lourdes de conséquences en ce moment de l’histoire et si vous avez un devoir primordial : celui de ne pas céder aux illusions.
C’est dire si vos réflexions, vos actions sont lourdes de conséquences en ce moment de l’histoire et si vous avez un devoir primordial : celui de ne pas céder aux illusions.
Je me suis toujours intéressé aux événements politiques de mon pays et du monde. J’ai donc connu des moments historiques comme la chute du mur de Berlin qui a entièrement modifié le monde, la libération de l’Afrique du Sud après des années d’apartheid et qui s’est trouvé confronté à un des plus grand défi de l’humanité : faire vivre en bonne intelligence les deux peuples qui s’étaient si cruellement affrontés, l’élection aux Etats-Unis de Barak Obama qui a semblé mettre un terme à des siècles de ségrégation et qui a entrainé, dans le monde entier un espoir immense, sans doute trop grand et qui ne pouvait entraîner qu’une déception, la question Palestino-israélienne cancer de notre monde actuel et qui est, selon moi, la source de beaucoup de drames du monde contemporain. Mais tous ces événements je les ai vécus comme un spectateur, de l’extérieur pourrais-je dire. Il ya, à la vérité deux grands événements que j’aurai vécus dans ma vie de l’intérieur : la guerre d’Algérie et la révolution tunisienne parce que dans les deux cas j’ai été d’une certaine façon partie prenante. Cette proximité aurait pu m’entraîner à la passion et à ce qu’elle a de néfaste pour l’analyse objective. Je crois avoir échappé à ce travers et être resté suffisamment clairvoyant. Mes lecteurs me le diront. Ils sont seuls juges.
Et maintenant je voudrai dire les réussites dont les tunisiens
peuvent être fiers, mais j’exprimerai aussi ma colère qui est grande et que
beaucoup de tunisiens partagent en raison des dérives que tolèrent le pouvoir
actuel quand il n’en est pas à l’origine. Mon optimisme naturel aidant,
j’exprimerai mes espérances car les chemins sont encore ouverts et il
appartient aux tunisiens de choisir ceux qui les mèneront vers le progrès. Il
en est encore temps d’éviter ceux qui conduisent à l’échec, à la régression et
au repli sur soi.
DES RAISONS D’ETRE FIERS :
LES RÉUSSITES
Les événements qu’a connu la Tunisie en cette fin d’année
2010 et en 2011 ont été d’une très grande intensité, ils ont bouleversé
beaucoup d’idées reçues et chacun a été conscient qu’une partie importante se
jouait, qui allait conditionner non seulement la vie des tunisiens, leur avenir
mais, ce n’est pas exagéré de le dire, l’avenir d’une partie du monde.
L’intellectuelle tunisoise Héli Béji, dans un article publié
en Tunisie et en Allemagne a clairement montré la portée de cette révolution en
écrivant :
« Un des peuples les plus obéissants de la terre, les plus dociles,
s’est découvert une trempe de révolutionnaire, suivi par d’autres. Personne ne
s’y attendait, lui moins que quiconque. Et contre quoi a-t-il fait sa
révolution ? Est-ce contre la culture occidentale ? Non. Contre l’impérialisme
? Non. Contre le mondialisme ? Non. Contre le sionisme ? Non. Contre les
Infidèles ? Non. Contre les Juifs ? Non. Pour la première fois dans l’histoire,
les décolonisés se sont révoltés contre eux-mêmes. La chute d’un régime est en
soi révolutionnaire, mais ce qui l’est davantage, c’est la nature philosophique
de ce changement. »
Comment dès lors n’aurais-je pas suivi tout cela avec sympathie, angoisse parfois, intérêt toujours. N’aurais-je pas fais de même si j’avais été mêlé aux événements de
Et puis ce moment d’histoire, pour qui réfléchit, pose un
problème captivant même s’il est probablement impossible à résoudre :
Comment une Révolution naît-elle ? A ce moment, plutôt qu’à un
autre ? Il y a toujours mille raisons et l’on y reviendra, mais la
question précise du moment du déclenchement demeure un véritable mystère.
L’ensemble des observateurs a été surpris et les Tunisiens eux-mêmes, pour ceux
que je connais, ne s’attendaient pas au déclenchement de cette révolution fin
décembre 2010 et ils ne s’attendaient surtout pas que cela aille si vite et que
le régime qu’ils contestaient disparaisse en moins d’un mois !
Après plus d’un mois de vacances, j’ai quitté le pays en
septembre et rien, vraiment rien, ne me permettait de penser qu’un mois et demi
plus tard, le régime Ben Ali allait disparaître.
Je dois d’abord faire mon mea culpa. Je ne devrai pas être le
seul à le faire tant ma position était partagée par de nombreux tunisiens et de
nombreux européens, amis de la
Tunisie.
Nous savions tous que Ben Ali était un dictateur et que son
régime était un régime policier. Des organisations de défense des droits de
l’homme avaient alerté l’opinion depuis de nombreuses années, attirant
l’attention sur les détentions arbitraires, sur une justice aux ordres du
pouvoir et même sur l’usage fréquent de la torture. Nous connaissions des
personnes courageuses qui luttaient contre cet état policier et qui en payaient
le prix.
Nous avons su aussi les dérives "mafieuses" de ce
régime, la corruption avérée de la famille du Président et de celle de son
épouse, les Trabelsi. Des « affaires » étaient connues et circulaient
discrètement dans le pays. Les français avaient pu lire l’enquête sur ce
phénomène généralisé de corruption de la famille dans l’enquête de Nicolas
Beau : « Notre ami Ben Ali » paru en France et ayant circulé
sous le manteau en Tunisie.
Mentiraient donc, ceux qui prétendraient qu’ils ignoraient
cela. Je le savais. Et pourtant il m’est arrivé de défendre ce régime.
Pourquoi ?
Pour moi qui séjournais à Hammamet deux mois de l’année, je
constatais, année après année, un développement économique qui me paraissait
évident. La classe moyenne vivait bien en Tunisie et faisaient des affaires.
Quand on circulait dans le pays, le développement de l’immobilier était
spectaculaire, comme était réel aussi le développement des infrastructures
routes et autoroutes.
Il régnait, par ailleurs dans tous le pays une sécurité
absolue sans que, dans le même temps, on soit en présence visible d’une police
omniprésente et de contrôles incessants. J’ai beaucoup circulé sans jamais
subir le moindre contrôle et sans jamais ressentir un quelconque sentiment
d’insécurité.
Dés lors, pour moi, qui n’étais pas engagé dans des activités professionnelles
dans le pays, ce développement économique et cette sécurité, rendaient mes
séjours agréables.
Un de mes amis proche se réjouissait aussi, de son côté, que
ses sœurs, demeurées au pays, puissent vivre en sécurité et que femmes, elles
aient dans ce pays les même droits que les hommes et il lui arrivait, souvent,
dans des discussions avec nos amis de soutenir que la première justification de
son admission résignée au régime Ben Ali, était précisément la vie que
pouvaient mener ses sœurs.
Une chose me choquait, cependant, à chacune de mes visites : la débilité de la presse écrite et mes amis me disaient que c’était la même chose en ce qui concerne
Mais si beaucoup ont passé sur ces dérives et sur cette
dictature c’est, bien sûr, par peur de l’islamisme. Le régime en a évidemment
joué. Combien de fois ne m’est-il pas arrivé de dire à mes
amis : « Voyez ce qui s’est passé en Iran. On a aidé les
Iraniens à lutter contre le Chah au nom de la lutte contre la dictature, la torture
et les droits de l’homme. Pensez vous que l’on a rendu service aux Iraniens qui
se trouvent, et c’est encore vrai aujourd’hui, sous une dictature pire que la
précédente ? »
C’était une argumentation forte et elle était celle de tous
les pays occidentaux; et c’est une argumentation que l’on a vu, quelques fois
apparaître, au fil des discussions, quand le pessimisme sur l’avenir revenait,
dans les mois qui ont suivis la révolution. N’allait-on pas regretter le
tyran ?
On osait à peine formuler cette peur et probablement ceux à
qui elle venait à l’esprit en avaient honte, à juste titre.
Dans le fond pour quelqu’un comme moi, touriste en Tunisie,
il faut reconnaître que la situation avait du bon et ma crainte des islamistes
était réelle. Dans les années 70-80 j’avais constaté, en effet, une
sorte de développement de l’islamisme en Tunisie, femmes voilées plus
nombreuses, barbus dans les rues et je dois dire que j’avais même senti une
hostilité à l’égard de l’Européen que j’étais lors d’un séjour à Kélibia à
cette époque.
Par conséquent le fait que ces islamistes soient mis hors
d’état de nuire ne me gênait pas, tout au contraire et, dans le fond, peu
m’importait la façon dont on les mettait hors d’état de nuire, même si je
m’abritais, un peu hypocritement derrière la célèbre phrase de Saint
Just : « Pas de liberté pour les ennemis de la liberté. »
Dans ce confort égoïste, je n’ai pas vu, je dois le dire,
l’exaspération des jeunes, brimés dans leur désir de liberté, notamment sur
internet censuré sans cesse par le régime avec la fameuse mention « Amar
4 », sur l’exaspération d’une partie du milieu économique victime d’une
corruption généralisée et sans cesse plus gourmande et sur la division du pays
entre la côte avec une population aisée et l’intérieur beaucoup plus pauvre.
Voilà l’ensemble des raisons qui ont fait apparaitre ces
événements comme un coup de tonnerre. N’oublions pas cependant ceux, à la
vérité peu nombreux, mais très courageux qui, avant même ce mois de décembre 2010,
ont lutté contre le régime pour plus de liberté. Ils l’ont fait dans l’ombre,
mettant sinon leur vie du moins leur confort en péril.
Je pense notamment à ces combats dans les blogs, sur internet
dont un exemple intéressant nous est donné par le tout petit livre de Lina ben
Mhenni : « Tunisian Girl : Bloggeuse pour un printemps
arabe » publié en juin 2011 aux éditions indigènes. Cette jeune fille
courageuse a été choisie avec d’autres comme candidate au prix Nobel de la
paix. Ce choix qui, comme tout choix, a été discuté, est, à mon sens un bon
choix : Lina Ben Mhenni représente la jeunesse dont on sait le rôle
essentiel, la femme qui a, elle aussi joué un grand rôle et dont le statut est
en question et elle représente aussi cette génération internet dont on sait
l’importance dans le déclenchement de la révolution. Enfin elle est une
activiste courageuse et déterminée mais son combat est sans violence.
Finalement elle n’aura pas été choisie. Le Comité Nobel a
attribué le Prix à trois femmes qui ont, elles aussi, lutté pour la liberté et
ce choix est respectable. Il récompense des femmes au moment où certains
voudraient les confiner à la maison et les couvrir d’un voile alors qu’elles
donnent au monde entier un bel exemple de courage et de dynamisme.
Je pense, aussi, aux combats de certains avocats qui ont fait honneur à leur profession et qui ont d’ailleurs reçu un prix de leurs confrères européens.
Il faut que je dise un mot maintenant de la méthodologie.
S’il me parait possible de mener ce travail sur les événements tunisiens, c’est
grâce à deux éléments sans lequel mon information eut été beaucoup plus
lacunaire. Je dois l’essentiel de mon information et de ma réflexion à la
présence de quelques amis tunisiens en France et en Tunisie et surtout au réseau social facebook dont chacun sait qu’il a joué un grand rôle dans cette
histoire et qui m’a permis, j’y reviendrai plus longuement, de suivre cette
révolution presque heure par heure. On a dit de la révolution Tunisienne
qu’elle était la première e-Révolution ce qui est vrai et j’ai du mal à penser
ce qu’aurait été ce mouvement sans internet. Sans la chaleur humaine des
manifestations j’ai pu, cependant, voir les événements se dérouler, les
enthousiasmes, les craintes, les découragements se succéder.
Les problèmes de cette révolution ont tous été portés,
discutés sur le réseau social et l’historien y trouvera une mine
impressionnante sur les préoccupations des tunisiens tout au long de cette
période.
Le réseau social n’a pas été seulement l’instrument qui a
permis de lancer des mots d’ordre de manifestations, d’organiser des réunions,
mais il a été un vaste moyen de discussion, d’échange des idées et je peux dire
que j’ai vu les idées des tunisiens évoluer au cours du temps.
De nombreux sites internet ont vu leurs contenus se développer pendant cette période et sont devenus, pour les Tunisiens, avec la presse traditionnelle revenue à sa liberté, une importante source d’information.
Ces sites, Kapitalis, Leader Tunisie, Sentinelle de Tunisie,
Nawaat, Buseness, Ifriqya et bien d’autres encore ont accepté les contributions
des Tunisiens et ils ont ainsi permis aux grands débats de naître. L’importance
d’internet a été telle que certains ont été jusqu’à suggérer que l’on fasse
figurer dans la
Constitution le droit à l’internet ! Et sur certains
murs, de Tunis et d’ailleurs, on a souvent pu lire : « Merci
Facebook ».
Qu’adviendra-t-il de tout cela ? Feu de paille ou évolution irréversible ? C’est l’objet de ce livre d’y réfléchir.
Une chose est absolument certaine : rien ne sera comme
avant, la peur a disparu et rien ne pourra empêcher, désormais, les tunisiens
d’exprimer leurs idées et leurs désirs concernant l’évolution du pays. C’est
quelque chose de déjà considérable dont on n’a pas fini de mesurer les effets
qui seront, à mon sens, positifs et qui empêcheront le pouvoir de se comporter
comme par le passé.
Je ne pense pas que les tunisiens accepteront une nouvelle
fois de se plier à une nouvelle dictature et la peur ne reviendra pas.
Sur cette disparition de la peur je veux évoquer ici le très
beau film de Mourad Ben Cheikh dont le titre est précisément :
« Plus jamais peur » et
qui est un des premiers documentaires sur cette révolution.
Le réalisateur trace le portrait de trois combattants
de la liberté, qui avec courage ont lutté contre le régime Ben Ali :
l’avocate Radhia Nasraoui et son mari Hamma Hammami, la jeune blogueuse Lina
Ben Mhenni et le journaliste indépendant Karem Cherif.
On voit aussi dans ce film la courageuse jeunesse du pays et
l’on ressent la joie de ce peuple devant la peur qui le quitte.
Le 30 juin 2011, Bertrand Delanoë, Maire de Paris, a inauguré
une place Mohamed Bouazizi dans le 14 éme arrondissement. Fallait-il le
faire et à ce moment ? La décision a été discutée mais je la crois
bienvenue. Mohamed Bouazizi est, en effet, ce jeune homme qui s’est immolé par
le feu et dont la mort tragique a été à l’origine du déclenchement de la Révolution. Certes ce malheureux en
commettant ce geste n’avait, sans doute pas le projet de fomenter la Révolution , mais il en
est indiscutablement le déclencheur et son geste, on le sait, a eu des
conséquences non seulement dans son pays la Tunisie mais dans le
monde arabe tout entier.
Pour comprendre son geste si dramatique il faut lire le petit
livre que lui a consacré l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloul, paru chez
Gallimard en 2011 sous le titre : « Le feu ». Ce livre de
moins de cent pages en apprend plus sur la Tunisie profonde et sur le
fonctionnement de ce régime que bien des études universitaires ou
journalistiques. On y voit comment ce jeune, muni d’un petit diplôme, est
demeuré sans travail parce qu’il n’avait pas de relation et qu’il ne pouvait
payer les corrompus qui auraient pu l’aider. Il est malheureusement ce jeune à
l’image de beaucoup de jeunes et de moins jeunes qui sont restés à l’écart du
travail. On comprend comment il a été l’objet d’humiliations répétées, de
demande d’argent pour simplement exercer un petit travail, de la part des
petits chefs de l’administration jusqu’à ce jour où lui fut confisquée sa
petite charrette dans laquelle il essayait de vendre quelques légumes pour
faire vivre sa famille.
Fut-il giflé par la jeune policière ? Cela est discuté
et elle a été disculpée par la justice mais ce qui est certain, les
humiliations ont eu lieu et que le responsable auquel il voulait se plaindre et
exposer son cas a refusé de le recevoir. Voilà pourquoi, désespéré ce jeune
homme s’est immolé et il nous renvoie par ce geste à l’analyse par Albert Camus
du sentiment de révolte.
« Si confusément que ce soit, une prise de conscience
naît du mouvement de révolte : la perception, soudain éclatante, qu’il y a
dans l’homme quelque chose à quoi l’homme peut s’identifier, fût-ce pour un
temps. Cette identification jusqu’ici n’était pas sentie réellement. Toutes les
exactions antérieures au mouvement d’insurrection, l’esclave les souffrait.
Souvent même, il avait reçu des ordres plus révoltants que celui qui déclenche
son refus. Il y apportait de la patience, les rejetant, peut-être en lui-même,
mais, puisqu’il se taisait, plus soucieux de son intérêt immédiat que conscient
encore de son droit. Avec la perte de la patience, avec l’impatience, commence
au contraire un mouvement qui peut s’étendre à tout ce qui auparavant, était
accepté. Cet élan est presque toujours rétroactif. L’esclave, à l’instant où il
rejette l’ordre humiliant de son supérieur, rejette en même temps l’état
d’esclave lui-même. Le mouvement de révolte le porte plus loin qu’il était dans
le simple refus. Il dépasse la limite qu’il fixait à son adversaire, demandant
maintenant à être traité en égal. Ce qui était d’abord une résistance
irréductible de l’homme devient l’homme tout entier qui s’identifie à elle et
s’y résume. Cette part de lui-même qu’il voulait faire respecter, il la met
alors au dessus du reste et la proclame préférable à tout, même à la vie. Elle
devient pour lui le bien suprême. Installé auparavant dans un compromis,
l’esclave se jette d’un coup (« puisque c’est ainsi… ») dans le Tout
ou Rien. La conscience vient au jour avec la révolte. »
Le geste de Mohamed Bouazizi ressemble bien à cette description de la révolte par Albert Camus et comme le souligne aussi cet écrivain, la révolte est contagieuse. Un geste de révolte peut entrainer la réaction d’autres qui avaient jusqu’alors accepté les humiliations et qui décident tout à coup que c’en est fini. Trop c’est trop. Il me semble évident que c’est ce qui s’est passé en Tunisie et que le geste de Bouazizi, humilié et voulant défendre sa dignité, a eu un immense écho dans un peuple où une grande partie de la population subissait aussi, à des degrés divers, les mêmes humiliations.
Certains ont estimé que cet hommage était prématuré et qu’il
fallait attendre de voir ce qu’allait donner cette révolution. Ceux-là sous
entendaient que si la révolution échouait en ouvrant sur une page noire, sur
une régression de la
Tunisie , Mohamed Bouazizi ne mériterait pas, dans cette
hypothèse d’être célébré. Je crois que cette analyse est une erreur pour
plusieurs raisons. D’abord on peut s’incliner devant cette mort affreuse destinée,
dans le fond, à faire respecter sa dignité. Ensuite et comme je l’ai déjà
écrit, quelques soient les évolutions de la Tunisie sur le plan politique,
rien ne sera comme avant et la liberté d’expression, de manifestation, la
dignité retrouvée ne disparaitront plus jamais.
Pour cela et ce n’est pas rien, l’hommage à
Mohamed Bouazizi est d’ores et déjà légitime.
Maintenant je suis devant un mystère. Comment, à partir de
cet événement tragique au fin fond de la Tunisie , s’est mise en
marche la révolte générale ? Comment l’événement a-t-il été
relayé dans la population et par qui ? Y a-t-il eu un appel à des
manifestations et qui l’a lancé ? Ya t-il un initiateur ?
Je ne le crois pas car son nom aurait évidement circulé et
serait connu. Pour l’observateur extérieur, il semble que ce déclanchement ait
été spontané, mais n’est-ce pas plutôt des appels sur les réseaux sociaux dés
le début ou des commentaires sur des blogs qui ont fait prendre conscience aux
Tunisiens de la nécessité, cette fois, de manifester pour soutenir cet appel
tragique à la dignité ? Probablement des chercheurs se pencheront sur ce
moment où le geste de Mohamed Bouazizi a été relayé, pris en compte par toute
une société qui, elle aussi, a dit, tout a coup : « Cela suffit. Trop
c’est trop. »
Les appels à manifester se sont alors multipliés et tous ceux
qui, dans la société, étaient surtout excédés par la corruption et l’arrogance
de la famille du dictateur ont, comme Mohamed Bouazizi, considéré que la coupe
était pleine et qu’ils ne pouvaient plus accepter cette situation sans que leur
dignité en soit gravement affectée. Il y a donc dans ce déclenchement et
beaucoup l’ont souligné, certes une demande économique pour un mieux-vivre mais
avant tout une revendication de dignité, de liberté. On a beaucoup écrit que le
mouvement était surtout un mouvement de jeunes. Il y a du vrai car ce sont eux
qui souffraient le plus des désordres du régime : éducation en baisse sauf
à payer des enseignements privés, absence d’emploi sauf à bénéficier de
« piston » en étant proche du régime.
Mais surtout absence de liberté intellectuelle. On aurait pu
penser, et je dois dire que je l’ai pensé, que cette jeunesse était déconnectée
de la politique et du débat d’idées. Cela s’est avéré complètement faux et il
faut voir avec quelle énergie le débat s’est développé dans tous le pays
notamment, et j’y reviendrai, sur les réseaux sociaux.
Après l’étincelle et les manifestations réprimées avec
brutalité par le régime, tout a été très vite. Là encore internet a joué un très
grand rôle. Je me souviens notamment de vidéos circulant sur le net et montrant
les victimes de la répression féroce du régime arrivant dans des hôpitaux surchargés. On
entendait en bruit de fonds les lamentations et la colère des proches. Tout
cela évidemment la télévision publique ne le montrait pas et sans internet il
n’est pas sûr que le bruit s’en soit répandu aussi vite entraînant la
rage des manifestants. A partir du moment où Ben Ali a laissé tirer sur son
peuple il a été totalement discrédité et les discours qu’il a tenu pour essayer
de reprendre la main tombaient complètement à plat et ne convainquaient
personne.
Les foules nombreuses qui, malgré le danger évident, ont
manifesté avec courage ont trouvé le mot qu’il fallait, clair, sec et
net : « Dégages ! » qui est devenu selon un journal le mot de l’année
puisqu’il a été repris partout dans les révolutions des autres pays arabes et
notamment en Egypte alors que le pays n’est pas du tout de langue
française mais anglaise.
Dégages ! ce mot a une puissance certaine et de fait le
dictateur a, assez vite dégagé puisque le 14 Janvier 2011, après moins d'un
mois de troubles, il a quitté définitivement la Tunisie. Les historiens dans l’avenir
analyseront en détail les circonstances de ce départ rapide et diront qui et
quoi a concouru à ce dénouement rapide de la crise. On sait que Ben Ali a
prétendu avoir été piégé, mais, dans le fond peu importe, l’essentiel était que
ce dictateur et sa famille « mafieuse » quitte le pays.
Comme de nombreux dirigeants (Egypte, Lybie, Syrie,
Bahreïn et Yémen notamment) Ben Ali n’a rien compris à ce qui
arrivait et les discours qu’il a prononcé avant son départ dans lesquels il
disait en substance qu’il avait entendu les revendications, n’étaient que des
discours totalement creux, pathétiques et la foule des manifestants n’y a
jamais cru.
Dès lors, qu’il avait accepté que l’on tire à balles réelles
sur son propre peuple, il était définitivement illégitime.
Pendant cette période une des caractéristiques, et elle est à
souligner, est le rôle tenu par l’armée et notamment par l’un de ses chefs le
Général Rachid Ammar. Cette armée a eu un comportement parfaitement républicain
en se refusant à tirer sur son peuple et au contraire en le protégeant des
violences de la police politique. Il faudrait mettre ici pour illustrer mon
propos quelques photos très émouvantes où l’on voit des soldats fraterniser
avec le peuple. Sur l’une d’elles, un jeune soldat du contingent salue
militairement le cercueil d’un manifestant tué par la police, sur une autre un
tout petit garçon tend une fleur à un soldat près de son tank.
Quelles différences avec les armées des autres pays notamment
de la Lybie à la Syrie en passant par
Bahreïn !
Par ailleurs cette armée, à la différence de l’armée
Egyptienne, n’a jamais souhaité et ni fait quoique ce soit pour prendre le
pouvoir.
Quand on analyse les causes de la chute du régime deux
éléments apparaissent nettement et sont la conséquence des propres choix du
dictateur. Ben Ali, tout en censurant, a développé considérablement l’internet
et c’est un des éléments qui a permis sa chute. Par ailleurs il se méfiait de
l’armée qu’il a délaissée pour favoriser ses milices et sa police politique.
Tant mieux car cela a permis sa chute si rapide.
C’est cette rapidité et le côté assez paisible de cet
événement qui a fait dire au poète palestinien Mahmoud Darwich :
« Je profite de cette occasion pour saluer haut et fort
la révolution tunisienne que je pense la meilleure des révolutions, la plus
civilisée aussi. Ni l’Amérique ni la France , ni l’Italie ou n’importe quel autre pays
n’a fait de même. Votre révolution n’est à nulle autre pareille ». (La Presse 15 Août 2011)
Cette période a débuté de manière un peu chaotique et sans
entrer dans le détail on rappellera les mouvements Kasbah 1 et 2 et les
manifestations de la
Coupole et, plus tard la tentative de certains opposants (on a parlé
des islamistes) Kasbah 3 qui exigeront une nouvelle constitution. Le peuple
tunisien (mais sans doute cette expression est impropre : Qui dans le
peuple tunisien ?) a manifesté par ces mouvements qu’il n’entendait pas se
faire voler sa Révolution et il n’a eu de cesse, à juste raison, de faire
éliminer du pouvoir les figures les plus marquantes de l’ancien régime. Le pays
étant petit, il ne s’est pas contenté de la dissolution du parti du Président
le RCD mais il a voulu et obtenu que soit écarté les membres de cet ancien
régime.
Ce
n’était pas facile et cela a posé d’ailleurs une question essentielle car
nombreux ont été les tunisiens qui de plein gré, par facilité ou par nécessité
ont été membre du RCD puisque rien ne pouvait être accompli dans ce pays sans
une proximité avec le régime. Il a donc fallu de manière pragmatique distinguer
entre les responsables et ceux qui n’avaient fait que suivre contraints et plus
ou moins forcés. Cela a été l’heure des règlements de compte comme il y en a
nécessairement après tout changement brutal de régime. On peut reconnaître
cependant que tant bien que mal les choses se sont passées dans un calme
relatif et sans violence. On a assisté à des retournements de veste suffocants
des membres de l’ancien régime devenant tout a coup les plus ardents défenseurs
de la Révolution.
Il y a eu ainsi des prises de position sans dignité et
pathétique mais qui n’ont évidemment pas convaincu les tunisiens et ont
simplement un peu plus déshonoré ceux qui s’y sont livrés.
Il est clair que les personnes qui ont manifesté, au péril de
leur vie, était contre l’ancien régime et la dissolution du RCD a été une
mesure très claire, nécessaire bien sûr, mais qui laissait tous ceux qui
avaient été les artisans de ce parti dans une liberté et un anonymat qui
pouvait poser problème. Encore que le pays étant petit chacun savait, a peu
prés ce qu’avait été le comportement de chacun et, dés lors, la première grande
question qui s’est posée et qui a été assez mal résolue, a été celle de
l’élimination des membres du RCD compromis avec l’ancien régime. C’était
une question difficile, car compte tenu de la nature du régime, il est
clair que toutes les personnes qui ont eu quelques responsabilités faisaient
partie du RCD. Il était en effet impossible de prospérer sans se lier au
régime. Eliminer tous ceux qui avaient eu des liens avec le RCD aurait
entraîné l’élimination d’une grande partie des élites dirigeantes.
Cela aurait été contreproductif et cela aurait créée des
tensions inutiles là où il fallait de l’apaisement. Mais, par contre il aurait
fallu être très clair et procéder à l’élimination de la vie politique tous ceux
qui avaient eu des fonctions dirigeantes. Le gouvernement de transition a
semblé vouloir le faire mais n’a pas communiqué suffisamment et le doute s’est
emparé des esprits. Ainsi, il semble qu’une liste d’anciens RCD, interdits
d’élection a été élaborée mais elle n’a pas été rendue publique, pour des
raisons de protection de la vie privée que l’on peut comprendre, mais qui
a ouvert la porte à toutes les suspicions.
Il y a deux domaines, où cette purge était nécessaire et
où elle devait être importante, c’est au Ministère de l’Intérieur car il y
avait là des personnes compromises dans des actes criminels commis par le
régime et il aurait fallu qu’elles soient clairement mises hors jeu, et
dans la Justice ,
car un certain nombre de Juges s’étaient compromis gravement avec le régime, en
se pliant à ses instructions.
Cette épuration de la magistrature sera d’autant plus
nécessaire que la nouvelle démocratie devrait accorder l’indépendance aux
Juges. Mais il faut, au préalable écarter énergiquement tous les juges
malhonnêtes. Accorder l’indépendance à une magistrature contestable serait
évidemment lourd de conséquences et risquerait de créer un état dans l’état.
Cela n’a pas été fait dans la transparence et avec suffisamment
d’énergie, pour le moment, et c’est un des points qui a entraîné une défiance
de la population à l’égard du gouvernement.
La manière dont les choses se sont déroulées, l’attitude des
institutions et surtout de l’armée sont une des raisons qui permettent aux
tunisiens d’être fiers. Il suffit de comparer avec ce qui s’est passé ailleurs
pour mesurer de quelle manière civilisée le peuple tunisien s’est comporté.
Quelle chance que ce régime tombe si vite et sans une excessive violence !
En réalité non pas chance mais résultat de la maturité d’un peuple qui peut,
sur ce point, être fier de lui.
Comparez avec ce qui s’est passé en Lybie, au Yémen, en
Egypte et aujourd’hui en Syrie et vous saurez alors que votre fierté est
légitime. Il n’ya qu’au Maroc où les choses se sont passées aussi paisiblement
mais j’ai pourtant la conviction que dans ce dernier pays la liberté acquise
n’est pas aussi forte que la vôtre.
Il faut ici revenir sur les structures mises en place pour
assurer la transition et gouverner le pays jusqu’à l’élection de
l’Assemblée Constituante. Ces élections d’abord fixée en juillet ont été, pour
des raisons, semble-t-il techniques que l’on peut admettre, reportées au 23
octobre. En attendant il fallait faire face aux nombreux problèmes posés par le
changement de régime et aux côtés du gouvernement furent mises en place
diverses institutions chargées de préparer la transition et de régler les
problèmes nés du changement.
Ces « Commissions » posèrent de manière générale un
problème de légitimité et de limites de leurs compétences. Il faut cependant
revenir sur cette question car ces Institutions eurent de toute évidence une
grande influence sur le projet du pays et sur le débat politique.
Pendant toute cette période on a assisté à un dialogue et à
une forme de lutte de pouvoirs entre les « Commissions »,
le gouvernement et les partis politiques nombreux et tous en cours
d’organisation. Il est clair que tous souffraient d’un défaut de légitimité
puisqu’aucun, pas plus le gouvernement que les « Commissions »,
n’étaient issus d’un vote démocratique. Cette absence de légitimité leur a
constamment était reprochée mais, il faut bien admettre que, sauf à faire des
élections très rapides auxquelles aucun des partis n’était préparé, c’était la
seule solution. La population avait d’ailleurs sur ce point une position
contradictoire comme l’a souligné le premier Ministre Béji Caïd Essebsi dans un
de ses discours puisque tout en contestant la « légitimité » du
gouvernement on lui enjoignait d’agir !
Il est clair que le renversement du pouvoir de Ben Ali et la
dissolution de son parti le RCD a entraîné comme toute révolution, la nécessité
de mettre en place un nouveau pouvoir. Mais sur quelle base, en l’attente
d’élections ?
On peut dire que la Tunisie , Etat structuré, s’en est bien sorti et
que le pays s’est efforcé de respecter un légalisme, sans doute discutable mais
qui avait le mérite d’exister.
En gros l’architecture des institutions dans la période
transitoire a été assez originale, d’abord la désignation d’un gouvernement par
application des règles de la Constitution et désignation par ce gouvernement de
quelques Commissions, chargées chacune de se pencher sur des problèmes
spécifiques. Sans entrer dans tous les détails de ces mécanismes il nous faut
revenir sur la désignation des « gouvernements » et sur les
principales mesures qu’ils ont adoptées ainsi que sur ces
« commissions » : leur composition, leur rôle et leur bilan à
la veille des élections.
Chaque gouvernement quelque soit sa composition a fait
l’objet de critique et de procès en illégitimité, mais il est cependant
possible de dire que ces gouvernements ont préservé l’essentiel et ont
concouru, comme c’était leur mission, à gérer la Tunisie pendant cette période
transitoire en préparant les textes et les mécanismes qui allaient permettre
aux premières élections libres de se dérouler.
Ils n’ont pas joué les incendiaires et ont tout fait pour
préserver le plus possible la paix sociale. Ce n’est pas rien et l’histoire,
c’est certain, leur en sera reconnaissante et les Tunisiens aussi, j’en suis
sûr. Ces gouvernements n’ont pas cherché à accaparer le pouvoir et ils se sont
retirés dans le calme et la dignité après les élections.
Mais ce dont les Tunisiens peuvent être le plus fiers c’est
de ce mécanisme original des Commissions indépendantes du gouvernement et qui
ont réalisé un important travail, chacune dans son domaine, facilitant ainsi la
transition démocratique. Il y eu, essentiellement, trois commissions qui ont
fait un travail nécessaire et souvent remarquable. :
- La Commission Nationale d’investigation
sur les affaires de corruption et de malversations (CICM) chargée de
procéder à l’étude des cas de corruptions survenus sous Ben Ali et
reconnaissons que le travail était titanesque ! Cette Commission a fait
l’objet de critiques diverses et notamment de la part des magistrats qui ont
estimé depuis l’origine que cette lutte contre la corruption devait leur être
confiée. Cette critique m’a toujours semblée excessive et mal venue pour deux
raisons essentielles. La
Commission faisait un travail d’investigation utile et
que la Justice quoiqu’elle en dise
n’avait pas le temps de faire et qu’elle n’aurait pu accomplir que très
lentement compte tenu des procédures qu’elle est tenue de suivre. La Commission était
d’une certaine manière une aide pour la Justice et rien d’autre. Et puis, je ne veux
pas être cruel, mais la
Justice dont nous parlons n’était pas vierge elle-même
de toute critique compte tenu de ce qu’elle avait accepté, sans doute
contrainte, de Ben Ali. Enfin il n’est pas certain, à ce que je sais, que
l’institution judiciaire ait été elle-même à l’abri de tout phénomène de
corruption.
- Instance
Supérieure Indépendante pour les élections (ISIE) qui a été chargée
d’organiser les premières élections libres en réorganisant les listes
électorales, en surveillant l’application de la législation propre aux partis
politiques et en surveillant l’organisation matérielle du scrutin. Cette
Commission était, là encore, une organisation originale qui consistait à
confier l’organisation des élections non pas, comme d’habitude au Ministère de
l’Intérieur, trop compromis par ces agissements passés mais à un organisme
composé de membres choisis pour leur compétence et leur indépendance. Une chose
est certaine c’est que, quelques soient les quelques défauts que l’on peut
toujours trouver, la
Commission a réussi son travail et les élections, nous y
reviendrons, ont été une réussite.
- Enfin, La Haute Instance pour
la réalisation des objectifs de la révolution, de la réforme politique et de la
transition démocratique qui a été une pièce maitresse de la transition
grâce notamment à son Président le Professeur Yad Ben Achour qui a fait un
travail salué de manière quasi unanime par tous les Tunisiens. C’est cette
Commission qui a préparé tous les textes qui ont mené sur le plan juridique aux
élections du 23 octobre 2011 : organisation des partis politiques,
nature du scrutin. Les Tunisiens doivent beaucoup à cet éminent universitaire,
intègre et soucieux, avant tout, des intérêts de son pays. Il est même dommage
qu’il ne soit pas davantage impliqué, je veux dire de manière active, dans
l’exercice du pouvoir.
Enfin parmi les raisons pour les tunisiens d’être fiers il y a ce grand air de liberté qui a soufflé dans le pays si longtemps ratatiné dans la peur, le conformisme. Certes comme avait dit Chirac qui aurait mieux fait de se taire : « le premier des doits de l’homme est celui de manger » et certes les tunisiens et, hélas, pas tous mangeaient mais ils ne faisaient malheureusement rien d’autres et tout ouverture sur les idées, sur la culture leur était fermée.
Ils se sont bien rattrapés ! La Presse longtemps réduite à rien
s’est libérée et je dois à la vérité de dire qu’elle s’est rapidement adaptée à
cette liberté de dire et de débattre au point qu’elle n’a pas tardé à agacer le
nouveau pouvoir. Nous y reviendrons. Les tunisiens eux-mêmes ont connu le
bonheur du débat, grâce aux réseaux internet et les historiens qui se
pencheront sur toute cette production ne pourront qu’être admiratifs devant la
maturité, l’information et, dans bien des cas l’honnêteté de ces débats. On aurait
pu craindre, après tant d’années d’oppression que cette liberté d’expression
entrainerait des abus où, à tout le moins, des propos sans profondeur. Il n’en
a rien été et, moi qui ai participé à tous ces débats, je ne peux qu’exprimer
mon admiration pour la qualité de ces débats.
Quelque ait été le résultat des élections, la richesse des
débats qui se sont ouverts en Tunisie ne pourra être ignorée. Les pessimistes
diront : « Tout cela n’a pas servi à grand-chose. Les réalités ont la
vie dure. ». C’est une erreur. Les tunisiens continueront à se poser les
grandes questions qui ont été abordées pendant ces derniers mois et un certain
nombre d’idées de liberté, de protection des minorités continueront à faire
leur chemin et à diffuser dans le pays. Il y aura des espoirs et des
désillusions. Cela est inévitable mais la richesse intellectuelle de ces débats
aura, de toute façon, grandi encore le peuple tunisien qui s’est penché sur son
passé et projeté dans l’avenir. Exercice hautement salutaire, qu’il a accompli
pour la première fois dans son histoire.
Ces débats, les lecteurs qui ont suivi les événements sur
facebook, pendant cette période, les reconnaitront aisément et si l’on peut
regretter qu’ils aient toujours tourné autour des thèses islamistes pour, souvent,
les combattre, on peut aussi constater, et les auteurs l’ont constaté, que cela
a donné l’occasion aux tunisiens de revisiter leur histoire et, pour beaucoup,
je le pense, d’apprendre un certain nombre de choses de leur histoire et de
leur culture, de préciser certains points d’histoire ou de doctrine. Mon
constat - il vaut que ce qu’il vaut - est que, tout au long des mois, le
débat est devenu plus riche, plus nourri et que des notions, ignorées au début,
sont devenues petit à petit familière aux débateurs. Et sont entrées dans le
champ politique.
Je ne ferai ici que citer les thèmes de ces grands débats
puisque ce petit livre deviendrait un gros ouvrage s’il fallait les aborder en
détail. Ces thèmes se répondaient d’ailleurs et se croisaient en opposant assez
clairement le camp des progressistes et celui des conservateurs, celui des
laïcs et celui des religieux : la place de la femme, le maintient des
droits qu’elle avait acquis sous Bourguiba, la place de la religion dans le
champ politique avec le combat entre les laïcs et les religieux, l’ancrage dans
la modernité qu’avait voulu et obtenu Bourguiba où le repli sur une identité dite arabo musulmane qui a
fait l’objet de discussion passionnée, la place des doits de l’homme…. Mais
également, et ce débat fut à la fois passionné et nécessaire, la situation de
la révolution tunisienne sur le plan géo stratégique.
Une précision toute fois à propos de l’identité :
souvent les partis extrémistes s’emparent de ce thème pour justifier leur nationalisme. Ennahdha l’utilise à d’autres
fins inavouables. Sous prétexte de faire recouvrir aux tunisiens leur identité
arabo musulmane qu’ils auraient perdue, dixit Ghannouchi, celui-ci essaie de remplacer leur « tunisianité »
par une identité certes arabe mais plutôt saoudienne, et certes musulmane mais
plutôt wahhabite facilitant ainsi, du moins le croit-il, une colonisation de la Tunisie par les pétro
monarques mais d’un genre nouveau : la colonisation religieuse.
Ce dernier débat, confus au début, a gagné lentement sa clarté par la mise en évidence que le mouvement islamique avait été aidé par les pays du Golf et notamment le Qatar grâce à sa chaîne de télévision Aljazeera. Débat dans le débat, la question du financement d'Ennahdha que l’on a toujours soupçonné d’être aidée de toutes les manières par le Qatar. Cette aide a posé problème à beaucoup de tunisiens, non pas pour l’aide elle-même, mais par ce quelle sous entendait d’allégeance aux doctrines de ces pays du Golfe : le Salafisme et sa forme la pire, le Wahhabisme; formes rigoureuses, extrêmes, moralisatrices, rétrogrades et souvent violentes, de l’islam.
Je crois pouvoir dire que grâce à ces débats les tunisiens
ont fini par prendre clairement conscience que leur islam était de la tendance
Malékite, c'est-à-dire ouvert et tolérant et cherchant à s’adapter à la
modernité et à l’évolution du monde et qu’ils n’avaient absolument rien à voir
avec le Wahabisme et le salafisme, dont ils redoutaient la violence.
Je n’ai fait qu’aborder le thème de tous ces débats en soulignant combien ils avaient été à la fois passionnés et d’une très bonne tenue. Ces thèmes sont revenus de nombreuses fois tout au long de ces mois et l’information s’est approfondie au fur et à mesure. De très nombreux tunisiens y ont pris part. Ils venaient de tous horizons, ils avaient des formations et des cursus divers et je dois avouer que j’ai pris conscience en parcourant tous ces débats de la grande qualité d’une partie de l’élite tunisienne en Tunisie et dans le monde entier.
Enfin, et j’en terminerai par là sur les raisons de
fierté, la Tunisie a connu pour la première
fois de son histoire des élections libres. Je puis ici témoigner de l’émotion
sincère qui s’est emparé de tout un peuple le 23 octobre 2011 jour de ces
élections. Dans les files interminables et patientes qui attendaient pour
permettre le vote il y eut même des pleurs manifestant la joie et la fierté
ressentie de pouvoir exprimer librement un avis sur la vie de son pays.
Beaucoup s’étaient battus pour cela dans le passé et ce vote,
acte banal dans certains pays, les submergeait tout à coup d’une émotion
magnifique.
Je crois avoir, en rappelant ce parcours que l’on peut
qualifier de sans faute, donné les raisons d’être fiers : quelques drames
humains limités, une durée de la transition raisonnable, une organisation
efficace, des débats ouverts et instructifs, même si, déjà pendant cette période
on a vu apparaître quelques dérives inquiétantes que l’on pouvait mettre, à
l’époque, sur le compte des inévitables soubresauts d’une révolution.
Malheureusement les élections, puis les coalitions qui se
sont formés et l’attitude pour le moins ambiguë du pouvoir a jeté un certain
nombre de tunisiens dans les affres du doute et de l’inquiétude et a déclenché
ma colère et la leur.
DES RAISONS D’ETRE EN COLÈRE : LES
DERIVES
Ma première colère qui est d’ailleurs, si l’on y réfléchit
bien, la source de celles qui ont suivies, a concerné l’émiettement face à
Ennahdha d’une centaine de partis, nouvellement créés, autorisés sans
véritables conditions et qui n’ont été que le résultat d’une effervescence
inutile après, il est vrai, plus de cinquante ans de dictature. La plupart de
ces partis n’avaient que des dirigeants, quasiment aucuns membres et ils
n’avaient pas non plus, en dehors de propos généraux et proches de la langue de
bois aucun programme sérieux. Que s’est il passé dans la tête de tous ces créateurs
de partis ? Je ne sais et je suis partagé entre l’attendrissement sur cet
espoir chimérique de participer à la vie politique du pays et l’idée que ces
gens là étaient assez ridicules qui ne mesuraient pas leur insignifiance !
Mais le résultat évident a été l’effondrement en nombre
d’élus du camp progressiste qui ne peut qu’entraîner la colère. Voilà donc une
foule de petits partis qui, en raison de l’ego de leurs dirigeants, a participé
de la défaite électorale du camp du progrès. Ce camp aurait-il gagné s’il
avait été uni, cela n’est pas certain mais au moins il aurait fait bonne
figure à l’assemblée nationale face à Ennahdha.
Dans les débats sur facebook l’attention de ces partis a été
suffisamment attirée : « unissez-vous », leur disait-on. « Il
y a péril ». Rien n’y a fait. Aujourd’hui des rapprochements se font. M.
Beji Caïd Essebsi, ancien premier ministre a lancé un grand mouvement de
rassemblement : « Nida Tounes » (l’Appel de la Tunisie ). Mais certains
font encore la fine bouche, regrettent que ce soit un ancien bourguibiste et je
pense qu’ils commettent une grave erreur qui pourrait être fatale au pays. Le
principal objectif, le seul si on veut éviter la gangrène de l’islamisme est
dans une union totale de tous les progressistes. Il sera temps plus tard de se
diviser et de militer pour telle ou telle cause. Il est donc encore temps mais
ils me semblent encore trop timides et je persiste à me demander ce qui
différencie vraiment les partis progressistes qui restent divisés.
Ne prennent-ils pas conscience qu’en cette période qui est encore
celle de la transition, dans l’attente de la rédaction de la Constitution et de nouvelles
élections nationales, régionales et municipales, ils doivent passer sur les
quelques différences qui les séparent pour ne retenir que leur accord sur les
grands principes communs : démocratie, liberté d’expression, gouvernement
civil, droit des femmes ?
Quant aux deux partis (CPR et Etakatol) qui ont fait alliance avec Ennahdha, ils me paraissent, tout d’abord, avoir trompé leurs électeurs auxquels ils juraient qu'ils ne s'allieraient jamais aux islamistes. Et d’ailleurs ils en subissent les conséquences avec un certain nombre de départ dans leurs rangs. Je considère ensuite depuis le début que cette alliance prétendument d’union nationale est en réalité contre nature et qu’elle ne veut pas voir que les valeurs sur lesquelles reposent ces partis sont, et l’avenir le démontrera, incompatibles avec le projet d'Ennahdha. Enfin on pouvait espérer, et ce fut mon cas, que ces partis, ils le disaient d’ailleurs, seraient un rempart contre les dérives du parti islamiste. La réalité, et je souhaite me tromper, est qu’ils n’ont rien fait jusqu’à présent pour démontrer ce rôle de rempart.
Il faut aussi revenir sur le comportement d’une minorité de salafistes violents et vindicatifs qui ont voulu s’imposer dans l’espace public par l’accoutrement et par la provocation. Des événements de ce genre sont survenus avant les élections du 23 octobre. Quelques agressions commises par les islamistes les plus fanatiques. Ces agressions ont été, en vérité, assez peu nombreuses mais elles ont crée un climat de tension et elles ont eu, pour effet, de tendre les relations au sein du pays. Je pense notamment à cette attaque contre le Théâtre où était projeté le film de la cinéaste tunisienne, Nadia Feni, sur la laïcité. Une centaine de fanatiques sont entrés violemment pour empêcher la projection du film et la police a mis beaucoup de temps pour intervenir, ouvrant la voie à la suspicion.
Il y a eu d’autres agressions à Bizerte, à Sousse et ailleurs
J’ai également en mémoire une photo montrant, à la fin du
ramadan, de très nombreux musulmans (des hommes) faisant leur prière sur la
plage pour la première fois et de manière ostentatoire en plein centre
d’Hammamet.
Rien de grave, direz-vous, en comparaison de ce qui s’est
passé ailleurs, mais c’était la première fois que cela se produisait et cette
manière ostentatoire de prier en public était bel et bien une manifestation
politique. Plus grave l’attaque d’un groupe de salafiste contre la faculté des
Lettres de Sousse et de Mannouba parce qu’un professeur avait refusé l’accès à
ses cours à des femmes voilées.
Il y a eu aussi des situations d’islamisation rampante, des
tentatives d’imposer un modèle de comportement qui n’avait pas cours dans la Tunisie d’hier.
Ici on impose, dans un service public (La Poste de la Soukra ) que les clients se
forment sur deux queues : l’une pour les hommes l’autre pour les femmes. Là (A
l’aéroport de Tunis-Carthage) un barman refuse de servir une boisson pendant le
ramadan, à un usager « arabe ».
Ailleurs des jeunes gens s’en prennent à des femmes en leur
demandant de se couvrir…, ailleurs encore des institutrices viennent faire leur
cours en burqa saoudienne….etc.
Petits faits, irritants et d’autant plus choquants pour certains
tunisiens que le pouvoir ne réagit absolument pas. Peut-être veut-il laisser
voir aux citoyens ce que serait une vie gouvernée par ce genre de
personnes !
Mais on pouvait espérer qu’après la désignation du
gouvernement par la
Constituante ces agissements cesseraient ou, en tous cas,
seraient réprimés. Il n’en a rien été et la situation s’est même aggravée
et l’inertie du gouvernement a continué.
Je ne fais ici que citer des évènements qui parlent aux
Tunisiens : La Fac
de Mannouba, la Fac de Sousse, La Fac de Kairouan, Le Centre
d’Etudes des Langues, Le village de Sejnane, les attaques contre la chaîne de
télévision Nesma au prétexte qu’elle aurait diffusé le film
« Persépolis » dans lequel apparaît une image de Dieu, L'exposition
au centre culturel de la Marsa ,
Bizerte... !! J’en passe.
Beaucoup plus grave les tentatives du gouvernement de mettre
la presse à sa botte en tentant de désigner les dirigeants, en accusant sans
cesse les journalistes de les empêcher de gouverner, en allant jusqu'à faire
emprisonner un dirigeant de journal pour une malheureuse photo de femme
dénudée ! La nomination par Ennahdha de dirigeants des médias et son refus
de laisser se créer une instance chargée de veiller à la liberté de la presse.
Sa nomination dans un journal d’un ancien commissaire de police condamné
etc.
Le monde entier s’est ému de ces tentatives de museler la presse, des organisations non gouvernementales ont condamné ces faits et cela a donné une image déplorable du pays. Il est vrai que pour le ministre de l’intérieur c’est la presse qui donne une mauvaise image : les islamistes peuvent agresser, on peut recevoir des prêcheurs obscurantistes qui vont jusqu’à justifier l’excision des fillettes cette horreur jamais vue en Tunisie; mais c’est la faute de la presse qui rapporte ces faits ! Désolante bêtise !
Le monde entier s’est ému de ces tentatives de museler la presse, des organisations non gouvernementales ont condamné ces faits et cela a donné une image déplorable du pays. Il est vrai que pour le ministre de l’intérieur c’est la presse qui donne une mauvaise image : les islamistes peuvent agresser, on peut recevoir des prêcheurs obscurantistes qui vont jusqu’à justifier l’excision des fillettes cette horreur jamais vue en Tunisie; mais c’est la faute de la presse qui rapporte ces faits ! Désolante bêtise !
Et encore : la légalisation par le pouvoir d’une
association qui bien qu’ayant changé de nom n’est ni plus ni moins selon son
dirigeant qu’une police de la morale comme on en trouve en Arabie Saoudite et
qui souhaite imposer sa morale étroite et hypocrite au peuple tunisien et par
quel moyen : la force !
Et encore : réception dans les mosquées du pays de
prédicateurs venus des pays du Golfe ou d’Egypte et tenant des discours
obscurantistes, arriérés loin du génie du peuple tunisien et cela avec le
silence bienveillant du pouvoir dont on mesure chaque jour un peu plus la
volonté d’islamiser, à sa manière, les tunisiens qui sont pourtant musulmans
depuis des siècles !
Et encore une Ministre dite « des droits de la
femme » qui s’affiche aux côtés d’un prédicateur égyptien qui prône l’excision
des fillettes et dont le fond de commerce est de vilipender la femme et de vouloir
la ramener au moyen âge ; qui, d’ailleurs, n’hésites pas devant
l’inconcevable : valider le mariage dit de plaisir ou
« coutumier » rejetant par là des siècles de progrès !
Le gouvernement tourne autour du pot, laisse le temps passer
puis, devant les réactions de la société civile condamne du bout des lèvres
avec un discours qu’il veut équilibré et qui aboutit à ne rien condamner de ces
dérives. Il ne fait absolument rien pour s’attaquer à ces dérives.
Le parti principal de la coalition exprime aussi sa volonté
d’instaurer la Chariâa comme principal
fondement de la nouvelle Constitution et pour ceux qui voudraient approfondir
je les renvoie aux articles 1 et 126 du projet de Constitution d’Ennahdha.
Voilà ce qu’en dit le Professeur Ali Mezghani dans un article lucide, clair et
fort que j’ai lu sur Facebook : « La question est d’autant plus
légitime qu’est à l’ordre du jour l’insertion dans la nouvelle constitution
d’un article aux termes duquel la chariâa est une des principales sources de la
législation (a-charia masdarun assassiyun min masâdir a-tachri‘). Si la
proposition était retenue, ce serait une première dans l’histoire
constitutionnelle de la
Tunisie , la plus ancienne du
monde arabe. Elle l’alignerait sur les pays arabes du Moyen-Orient, Bahreïn et
l’Égypte en particulier. Dans le même temps elle l’éloignerait de l’Algérie et
du Maroc dont les constitutions ne prévoient rien de comparable. Ce serait,
dans tous les cas, une régression pour un pays qui était jusque là à la tête du
mouvement de réforme et de modernisation politique et sociale. »
Le pouvoir a reculé sur cette question comme il a reculé sur
les droits de la femme pour lesquels il voulait avec la complicité honteuse des
femmes nahdhaouis, faire dire que la femme était « complémentaire de
l’homme » nouvelle notion venue, en réalité des écrits d’un obscurantiste
égyptien Youssef Karadaoui.
Comment voulez-vous que, face à ces agissements, je n’exprime
pas ma colère ?
Mes colères ont été, tout au long de cette période, à la mesure des espoirs que j’ai nourris au déclenchement de cette révolution. Comme je l’ai écris, beaucoup de choses se sont bien passées qui font honneur aux tunisiens et qui permettait de croire en un bel avenir.
Sur ce point on a assisté au retour de Bourguiba que Ben Ali avait voulu rayer de la mémoire des tunisiens. Là encore il a échoué et les tunisiens se sont livrés au devoir d’inventaire. Ils ont condamné les dérives autoritaires, quelques fois graves, de Bourguiba ; la fin de son pouvoir assez pathétique mais force leur a été de reconnaître les immenses apports de ce leader, véritable homme d’état avec une vision de progrès pour son pays. Disons le clairement si
Or force m’a été d’assister à une tentative, toujours en
cours, de faire régresser ce peuple, de renoncer précisément à ces acquis, de
le renvoyer pour de pures raisons idéologiques vers le moyen-âge, de le forcer
à adopter un islam non conforme à son génie et à celui pratiqué depuis des
siècles par ses aïeux. Ben Ali avait voulu rayer la mémoire de Bourguiba, les nouveaux dirigeants veulent
anéantir ce qu’il avait apporté au peuple et c’est infiniment plus grave.
Comment voulez vous alors que je n’exprime pas ma
colère ?
Tunisiens ! Réveillez vous ! Allez-vous laisser des étrangers vous dicter votre façon d’être musulman ? Allez-vous renier la manière dont vos aïeux ont pratiqué l’islam depuis des siècles ? Allez-vous adopter les vêtements des pays du Golf ou d’Afghanistan, la morale rigide, étroite, bornée et essentiellement ostentatoire que l’on veut vous imposer ? Pourquoi feriez-vous cela ? Allez-vous laisser quelques milliers d’illuminés, que leur bêtise et leur frustration rendent violents, emporter ainsi des années de progrès et par là même le bénéfice de cette révolution que la jeunesse a accompli avec courage sans jamais se référer à la religion ?
Un historien rappelait ces derniers jours, fort
opportunément, que le fondateur du Wahhabisme en Arabie Saoudite avait écrit au
Bey de Tunis de
l’époque pour l’inciter à adopter sa doctrine. Le Bey l’avait renvoyé à ses
études en lui rappelant que la
Tunisie abritait la plus grande école théologique : La Zitouna et qu’elle
n’avait pas besoin de prêcheur rétrograde ! Ce que la Tunisie a fait avec
clairvoyance il y a deux siècles ne pouvez-vous le faire aujourd’hui ?
Si vous ne vous décidiez pas à lutter de toute vos forces contre ces dérives non seulement vous vous enfonceriez dans une dictature pire que la précédente parce quelle voudra, ce que ne faisait pas la précédente, vous imposer un mode de vie mais vous trahirez aussi cette jeunesse courageuse qui a su vous débarrasser du tyran.
Soyez convaincus que ces formes obscurantistes et rétrogrades
de l’islam qui n’acceptent pas l’égalité des hommes et des femmes, qui
préconisent des règles barbares, qui veulent, contre toute évidence, ramener,
au besoin par la force à une situation moyenâgeuse alors que le monde ne cesse
d’évoluer, sont vouées, cela est absolument certain, à l’échec et à la
disparition. Aujourd’hui ? Demain ? Je ne sais mais leur disparition
est inévitable comme celle du communisme auquel pourtant tant de monde, avec
plus ou moins de bonne foi, croyait.
Le malheur c’est qu’entre temps, avant cette disparition de
l’horizon de l’histoire, des générations peut-être, seront sacrifiées et
devront, si vous ne réagissez pas, se plier, au moins en apparence, à ces
croyances d’un autre âge, abdiquer leur liberté individuelle, leur liberté
d’expression.
Alors, je vous le redis encore, Réveillez vous !
Alors, je vous le redis encore, Réveillez vous !
Il vous faudra de la force car l’évolution de votre petit pays vers une réelle démocratie et vers les libertés ne plaît pas partout et notamment aux monarchies d'Arabie et du Golfe qui pressentent qu’elles seraient à leur tour menacées si vous réussissiez. Il est clair qu’ils mettent tout en œuvre avec la puissance financière qui est la leur pour vous imposer des dirigeants, peu soucieux du véritable intérêt de
« Si le peuple, un jour, veut vivre,
« Le destin ne pourra que répondre à son attente.
« Le matin succédera nécessairement à la nuit,
« Et les chaînes se briseront inéluctablement. »
DES RAISONS D’ESPERER : LES CHEMINS OUVERTS
Ce cri que j’adresse aux
tunisiens : « Réveillez vous », de nombreux tunisiens n’en
n’ont pas besoin. Ils ne m’ont pas attendu pour se réveiller, ils le sont
depuis longtemps pour certains, plus récemment pour d’autres et souvent très
actifs. La société civile est même, dans ce pays, la seule force qui compte
vraiment et c’est là, le plus grand espoir que l’on peut avoir.
Il me semble, peut-être suis-je injuste, que les partis
politiques sont trop divisés et trop pris par leurs petites querelles
politiciennes et qu’ils oublient d’avoir une parole forte et claire sur
l’ensemble des graves dérives que j’ai évoquées. Les partis disent sans doute
quelque chose mais ils sont inaudibles et c’est une vraie préoccupation car,
qu’on le veuille ou non, la démocratie passe nécessairement par les partis
politiques puisque tout se termine par les élections.
Les partis doivent donc, prenant appui sur la société civile,
porter le combat sur les valeurs essentielles et le porter partout dans le pays
car ce qui importe ce n’est pas de parler à ceux qui sont déjà convaincus mais
d’aller là où il est difficile parfois de se faire entendre. Ce que j’appelle,
sans aucun mépris, croyez le bien, le petit peuple de Tunisie, veut certes
avant tout des emplois et une amélioration de sa situation et c’est un objectif
qui doit être prioritaire, mais je suis aussi persuadé que l’on peut le rendre
sensible aux grands enjeux de société. Il faut pour cela le persuader que
l’intérêt de ses enfants c’est aller vers une éducation ouverte qui n’exclut
pas la morale et pas de se renfermer sur des idéologies arriérées qui ne les
mèneront nulle part mais qui en feront des êtres sans instruction et donc sans
réel avenir.
La société civile tunisienne est l’un de mes grands espoirs
mais cela s’appuie aussi sur une liberté qui vient d’être acquise : la
liberté d’expression qui, je le pense, ne pourra plus être réprimée. Quel
pouvoir oserait en effet faire comme le faisait la clique de Ben Ali et
censurer la liberté d’accès à l'Internet ? Pense-t-il que la jeunesse
qui s’est révoltée, au
péril de sa vie, pour cette liberté, le laissera faire ?
Or si cette liberté continue d’exister, ce que je
pense ; si la peur a quitté le peuple tunisien pour toujours, il
saura dire haut et
fort ce qu’il veut et je ne doute pas que ce qu’il veut ce n’est pas la
régression mais le progrès.
Il y a donc là dans cette disparition de la peur un espoir formidable pour l’avenir !
Il y a donc là dans cette disparition de la peur un espoir formidable pour l’avenir !
Ce que je viens de dire des tunisiens et de leur liberté
d’expression, j’allais dire leur joie de s’exprimer librement, je peux le dire
quasiment dans les mêmes termes de la liberté de la presse. Oui, j’accuse le
pouvoir actuel de vouloir s’attaquer à la presse et aux journalistes mais j’ai
la conviction très profonde que sa tentative est vouée à l’échec.
Enfin mon espoir vient de l’évolution que je sens dans le pays. J’invite les historiens à étudier de prés les discussions qui ont eu lieu sur Facebook depuis le début. Ils constateront, je crois, qu’au commencement, une assez grande confusion régnait. Les Tunisiens en venaient même à douter, quelque fois, de leur identité de leur islamité, puisqu'Ennahdha les en faisait douter; mais petit a petit ils ont compris qu’en réalité ils étaient parfaitement musulmans selon l'obédience Malékite, ouverts, tolérants et acceptant l’évolution du monde et que ce que l’on tentait de leur imposer était l’obédience Wahhabite donnant de l'islam une image obscurantiste et fermée. Ils ont compris qu’ils étaient victimes d’une tentative géo stratégique de certains pays d’imposer leur conception de l’islam et leur culture, différentes de celles que les tunisiens avaient depuis des siècles et alors, en comprenant cela, le rejet de cette tentative a commencé à se lire un peu partout.
L’espoir se confirme et s’affermit lorsque l’on entend des personnalités comme l’ancien premier ministre Beji Caïd Essebsi, le professeur Yad Ben Achour et mieux encore le Cheik Abdelfatah Mourou. Ce dernier, après avoir fondé Ennahdha avec Ghannouchi s’est peu à peu éloigné de la ligne de Ghannouchi et dans des entretiens télévisés en février 2012 il a clairement condamné les dérives salafistes et rappelé que les Tunisiens étaient des malékites et qu’il ne fallait pas tenter de leur imposer des obédiences étrangères à leur culture depuis des siècles. Venant d’une personnalité qu’il est difficile de traiter de mécréante et encore moins d’hostile à l’islam, cette mise au point est bienvenue et elle est, en effet, porteuse d’espoir puisqu’elle peur parfaitement être comprise par tous les tunisiens.
Il est vrai que certains ont prétendu que ce Mourou est un hypocrite,
qu’il avait tenu dans le passé d’autres discours et qu’il fallait s’en méfier.
Où est la vérité ? Je ne sais. Mais ce qui est sûr c’est que quelque
soit le degré de sa bonne foi, c’est le fond de son discours qui importe et qui
doit être retenu et ce discours il peut convenir même aux plus progressistes
des tunisiens parce qu’il est conforme à ce qu’est le pays aujourd’hui et que
l’on ne fait pas de politique dans un pays idéal mais dans un pays réel.
J’en ai terminé. Il me semble que si je n’avais pas poussé ce
cri et si j’étais demeuré taisant, dans mon petit confort de tous les jours, en
me contentant de profiter de quelques semaines du soleil, des plages, des mille
séductions que peut donner la
Tunisie , je n’aurais pas été
fidèle à la promesse d’amitié que m’ont fait certains de mes amis
tunisiens. L’amitié connaît les jours heureux mais aussi ceux de peine et de
perplexité. Ces fiertés, ces colères et ces espérances que j’évoque dans cette lettre chaque tunisien les a vécus, comme moi, plus que moi et dans un
ordre variable selon les heures et les jours.
Je ne suis pas hostile à l’islam mais, pour moi, toute
religion est le lien ineffable entre un homme perdu au milieu du monde et son
Dieu. Elle est ce dialogue singulier, profond et sincère qui n’a besoin
d’aucune ostentation et qui, pardessus tout, ne cherche pas à s’imposer surtout
par la force puisqu’il est écrit : « Pas de contrainte en religion. »
C’est par là que je voulais conclure pour m’éviter le procès
en islamophobie qui serait bien injuste et qui montrerait la faiblesse des
arguments de mes adversaires.
Puisse donc cette lettre être utile à la réflexion de tous les tunisiens. S’il en était ainsi, elle serait le remerciement que j’adresse à ce pays et à ces habitants pour m’avoir, en m’accueillant, permis de me passer un peu de mon pays d’enfance, l’Algérie.
Maintenant l’avenir est encore ouvert. S’ouvrent devant vous,
selon la très belle expression de l’écrivain Julien
Green : « Mille chemins ». Oui : Mille chemins ouverts.
J’espère que vous choisirez le meilleur.
J’espère que vous choisirez le meilleur.
Cette lettre aux Tunisiens est écrite par un amoureux de la Tunisie qui n’a qu’une intention : aider ses amis. Il a suivi les évènements jour après jour, presque heure par heure et il est passé par les mêmes sentiments que beaucoup : fierté de ce qui a été réalisé dans le clame relatif par rapport à bien d’autres pays arabes, colère pour les dérives graves qui ont été constatées et que le gouvernement semble ne pas voir ou qu’en tous cas il ne combat pas, espoirs tout de même en raison de la qualité de ce peuple qui vaut mieux que l’avenir que certains idéologues obscurantistes veulent lui donner.
RépondreSupprimerzakaria bouker
RépondreSupprimerje disais à un ami qu'il y a deux raisons principales qui font que le parti ennahdha n'a aucun avenir en Tunisie
depuis les années 70 le MTI ne luttait que pour prendre le pouvoir ..pendant que les autres partis défendaient une autre vision de gouvernance qui repose sur la morale et la démocratie. dès qu'il ont pris le pouvoir , il ont repris l'ancien systeme à son point d'explosion et essaient de pousser la dictature encore plus loin.
les tunisiens qui ont porté ennahdha au pouvoir croyaient trouver chez ces hommes supposés pieux une certaine morale, ils viennent de se rendre compte qu'il s'agit simplement d'une organisation internationale qui s'apparente dans ses méthodes aux organisations secrètes .
UN AMOUREUX DE LA TUNISIE, PESSIMISTE POUR L'AVENIR DE CE PAYS !
RépondreSupprimerJean-Pierre Ryf :
Pour compléter ce petit livre écrit il y a deux ans, voici, hélas, la suite provisoire : "Le mauvais chemin".
Je reprends ce texte que j’avais laissé à la veille des élections législatives.
Dans un premier temps il a semblé qu’effectivement les Tunisiens avaient choisi le bon chemin en insistant pour qu’un « vote utile » ait lieu et porte le parti Nidaa Tounes au pouvoir.
Ce parti avait donné l’impression et les discours de M. Beji Caïd Essebsi en font foi, qu’il était un parti ouvert aux progrès et voulant continuer en l’améliorant, la politique de Bourguiba.
Malheureusement ce parti, bien qu’arrivé en tête, n’a pas eu une majorité à lui tout seul et il n’a pas réussi à unir autour de lui d’autres partis progressistes.
On aurait pu penser que fidèle à ses engagements et à ses discours, Béji Caïd Essebsi renoncerait a former un gouvernement et obligerait à de nouvelles élections.
Ce cas s’est vu, et notamment en Espagne, où les partis n’ont pas renoncé à ce qu’ils étaient.
Nidaa Tounes a, trahissant ses engagements et beaucoup de ses électeurs, fait un pacte de gouvernement (le pacte est même, pense-t-on antérieur aux élections) avec les islamistes d'Ennahdha.
Cette situation est la pire qui pouvait arriver car elle rend toute politique sérieuse impossible, les deux partis tirant à hue; et à dia et elle permet l’islamisation rampante de la société, ce à quoi on assiste, en effet, aujourd’hui.
Par ailleurs cette alliance contre nature, contre l’avis des électeurs a porté un coup très dur à la démocratie. Comment voulez vous que les Tunisiens aient confiance dans les partis après une trahison aussi éclatante ?
Enfin cette alliance va permettre de recréer une dictature soft dans le pays et une dictature paralysée. On assiste déjà aux effets de cette paralysie :
- De plus en plus de policiers font la chasse aux comportements qui leur paraissent « immoraux », aux vêtements qui leur paraissent non conformes….
- On va taxer la vente d’alcool pour faire fuir un peu plus les touristes occidentaux,
- On a imaginé de faire des lectures du Coran dans les écoles de la république !
Cette situation est due pour l’essentiel à deux graves fautes des politiques :
- D’abord d’avoir élaboré une Constitution - sous la pression des islamistes - qui ne permet pas et ne permettra jamais de dégager une réelle majorité. Le pays ne pourra pas mettre en œuvre une politique sérieuse de progrès avec une majorité divisée qui n’a, en réalité, que le pouvoir que veut bien lui laisser l’autre parti.
- En second lieu, le personnel politique s’est révélé d’une médiocrité abyssale. Ces politiques avaient déjà montré leur absence du sens de l’intérêt général en créant des dizaines de partis aussi insignifiants les uns que les autres mais ils se sont montrés encore médiocres en ne réussissant pas à s’unir sur un programme minimum; ce qui a permis à M. Beji Caïd Essebsi de soutenir qu’il n’a eu d’autre choix (cela est faux) que de s’unir à Ennahdha.
Depuis le pays patauge dans la politique à la petite semaine, sans grand projet, sans vision et sans l’adhésion du peuple tunisien.
On se contente de gérer les affaires au jour le jour et, de temps en temps, on change les têtes en croyant que cela fait une politique.
La société civile laissera-t-elle faire ?
A-t-elle baissé les bras par lassitude ?
Je crois que oui. On l’a dégoutté de la politique.
Mais quand les échecs se seront multipliés, quand la régression sera tout à fait là, quand les investisseurs iront voir ailleurs (au Maroc par exemple) alors la violence pourra revenir et plus forte qu’elle n’a été.
Ce sera la responsabilité des politiques qui n’ont pas su profiter de cet élan de la société qui était prête, à part la minorité islamistes, à aller de l’avant.
En attendant ce point de rupture qui est à redouter, je n’ai aucun espoir de voir ce pays aller vers le progrès.
https://www.amazon.fr/dp/B00MNJVJXS/ref=cm_sw_r_fa_dp_n1N6tb1QHGPGA
POUR CEUX QUE LE DÉCOURAGEMENT LEUR FAIT REGRETTER ZABA ...
RépondreSupprimerJean-Pierre Ryf :
Je lis de plus en plus chez des amis le regret de Ben Ali et de son temps.
D'une certaine manière, cela peut se concevoir car il est absolument indiscutable que la vie en Tunisie était plus agréable et surtout plus sure qu'elle ne l'est.
Cependant je dirai que cette affirmation est le signe d'une absence d'ambition et d'un mauvais jugement !
D'une part en faisant ainsi l'éloge de Ben Ali on oublie un peu vite qu'il s'agissait d'une dictature et surtout d'un clan corrompu jusque'à la moelle.
On oublie aussi comment tous les Tunisiens étaient dans la peur de s'exprimer.
C'est aussi manquer d'ambition car la vraie attitude est celle de combattre fermement les dérives islamistes actuelles et d'exiger des politiques une politique démocratique ce qui ne signifie ni absence de rigueur, ni projet obscurantiste.
Évoquer le retour de Ben Ali, c'est un manque de confiance en la capacité des Tunisiens d'accéder à une réelle démocratie, à un réel état de droit loin de l'obscurantisme !
Même si je mesure très bien les grandes difficultés, j'ai encore confiance en ce peuple.
Amel MATHLOUTI chante à Oslo : " Ma parole s'est libérée "
RépondreSupprimerآمال مثلوثي تشعل المسرح في "أوسلو" بأغنيتها للثورة التونسية: كلمتي حرة.
https://www.facebook.com/SltSugr/videos/270504453436613/?hc_ref=ARRlRDo_XvWLCNBOptLeGkELwZBaLS-nLDe_N9gcKz6vesHNyqESrrOLXJspb18N-u8