Nous
arrivons, très vite maintenant, à une date cruciale qui est un test pour la
démocratie en Tunisie. La démocratie est-elle un beau slogan ou une
réalité ?
Rappelons
brièvement les faits. Avant les dernières élections du 23 octobre 2011,
l’ensemble des partis, à l’exception du CPR de M. Marzouki ont signé le
protocole du 15 septembre 2011 prévoyant l’élection de la Constituante pour un
délai d’un an avec pour mission d’élaborer la Constitution dans ce
délai.
Pour
diverses raisons, sur lesquelles nous reviendrons, la Constituante n’a pas
rempli la tâche pour laquelle elle a été élue et la Constitution n’est
pas prête.
La
question se pose donc de savoir ce qui doit arriver le 23 octobre. L’Assemblée
élue pour un an peut elle se maintenir en place ou doit-on retourner devant les
électeurs.
Le
débat agite les tunisiens et de nombreuses contributions ont été publiées.
Le
pouvoir prétend qu’il a la légitimité de se maintenir car le
délai n’aurait été prévu que par un décret, le décret de convocation et que
l’Assemblée a un pouvoir supérieur.
C’est
complètement faux et cela part d’un raisonnement irrecevable. Le décret indique
simplement ce sur quoi les électeurs (et dans une vraie démocratie ce sont eux
qui ont le pouvoir) ont voté.
Les
électeurs tunisiens ont voté sur la base du décret et ils ont donné à leurs
élus un an pour écrire la Constitution. Voilà la réelle décision du peuple.
Passé
ce délai voulu expressément par les électeurs, l’Assemblée et le pouvoir qui en
découlent n’ont plus de légitimité ni juridique, ni politique, ni morale.
Que
penserait-on d’une assemblée dans une démocratie qui se maintiendrait, sans
nouvelle élection, au pouvoir au-delà de la mandature pour laquelle elle a été
élue ? On dirait, et ce serait tout à fait juste, que l’on est en présence
d’un coup d’état.
Mustapha
Ben Jaafar Président de l’Assemblée avait d’ailleurs concédé qu’au-delà d’un an
il y aurait un problème moral. C’est plus qu’un problème moral c’est une
question fortement politique car en admettant un tel comportement la Tunisie peut dire adieu à
une réelle démocratie.
J’invite
d’ailleurs les instances internationales et notamment l’Europe, qui envisage un
statut avancé pour la Tunisie
de faire respecter ses valeurs et notamment celles des règles démocratiques.
Si la Tunisie part sur un mauvais pied, gare à la suite.
J’ajoute
au surplus que toute l’argumentation d’Ennahdha justifiant son retard et le
déplacement du délai est irrécevable.
Cette argumentation est
inopérante pour plusieurs raisons :
- Cette assemblée
n’avait qu’un rôle de gestion courante et n’avait pas à prendre des décisions
qui engagent l’avenir du pays : sa seule mission était de rédiger la
Constitution.
Seul le pouvoir
définitif, issu de la nouvelle Constitution, aura le pouvoir de prendre des
engagements d’avenir. Le pouvoir de la troïka n’est qu’un pouvoir provisoire et
de gestion courante.
Elle a outrepassé ses
prérogatives.
- Par ailleurs, ce n’est
pas parce qu’Ennahdha a fait traîner les choses en longueur, avec notamment sa
volonté de faire référence à la
Charia , sa volonté de restreindre le droit
des femmes, de s’attaquer à la liberté de la presse et à l’indépendance des
juges … que le délai d’un an doit augmenter pour autant. En un mot ce n’est pas
parce qu’Ennahdha s’est heurtée à une vive opposition de la population et
qu’elle s’est obstinée, que son délai doit augmenter.
- L’incompétence,
l’inertie et la
désorganisation de cette assemblée présidée par Moustapha
Ben Jaâfar, n’est pas non plus une excuse.
Rachid Barnat
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