Vali Nasr
Spécialiste du Proche-Orient à Washington, Vali Nasr dénonce le désengagement des Etats-Unis en Irak, en Afghanistan et au Moyen-Orient, alors qu’en Syrie s’embrase l’incendie qui pourrait remodeler toute la région.
Les Etats-Unis deviennent-ils «superflus» à l’échelle mondiale ? C’est la thèse défendue par Vali Nasr dans un livre ravageur publié en avril, The Dispensable Nation. Barack Obama préside à des renoncements en chaîne, particulièrement dramatiques en Afghanistan, en Irak ou aujourd’hui encore en Syrie, s’indigne le professeur Nasr, doyen de l’école des hautes études internationales de l’université Johns-Hopkins à Washington. Une critique d’autant plus grave qu’il a lui-même servi cette administration, de 2009 à 2011, comme conseiller de Richard Holbrooke, chargé de l’Afghanistan et du Pakistan au département d’Etat.
L’administration Obama s’est laissée miner par les habituelles querelles internes, cette fois entre les conseillers du Président et ceux d’Hillary Clinton au département d’Etat, décrit Vali Nasr dans son livre. Son mentor, Richard Holbrooke, négociateur des accords de paix de Dayton en 1995, n’a jamais été écouté par Obama, la Maison Blanche l’ignorait délibérément, jusqu’à sa mort en décembre 2010. Obama s’est entouré de conseillers politiques qui se préoccupent surtout de l’effet immédiat de ses discours auprès des électeurs américains et ignorent l’expertise des diplomates, déplore Vali Nasr. Trop souvent, le Président se laisse aussi guider la main par les militaires et la CIA, qui ont en particulier anéanti la relation avec le Pakistan : «Nous avons encore davantage déstabilisé un pays déjà considéré comme le plus dangereux au monde», écrit l’ancien conseiller de Holbrooke.
Dans son empressement à «pivoter vers l’Asie» , Barack Obama néglige dangereusement le Moyen-Orient, poursuit le professeur Nasr. Il oublie que la compétition avec la Chine se joue aussi dans cette région du monde, où Pékin se prépare déjà à occuper les positions abandonnées par Washington. En quittant précipitamment l’Irak et bientôt l’Afghanistan, les Etats-Unis renoncent à tout ce qu’ils ont investi dans ces pays, ils les laissent sombrer vers de futurs drames, prédit-il.
Né en Iran, en 1960, Vali Nasr s’est installé aux Etats-Unis après la révolution islamique de 1979. Il n’en est pas moins sévère avec la paume tendue, et trop vite refermée, d’Obama à l’Iran. Ce dernier assomme l’Iran de sanctions comme Lyndon Johnson bombardait le Vietnam, compare-t-il. Avec le même effet aggravant, qui a conduit l’Iran à accélérer son programme nucléaire. Ses explications, dans cette interview à Libération, arrachée entre deux rendez-vous d’un agenda très chargé.
A vous lire, il semble que Barack Obama n’ait rien fait de bon sur la scène internationale…
Obama a fait des erreurs tactiques. En Afghanistan, la grande erreur a été d’appliquer d’abord la stratégie de contre-insurrection pratiquée en Irak puis de changer d’avis et décider de quitter le pays sans jamais chercher une issue diplomatique à cette guerre. Mais ce que je critique plus fondamentalement, c’est le présupposé sur lequel le Président base toute sa politique étrangère : l’idée qu’on peut faire mieux avec moins sur la scène internationale. Obama est un minimaliste en politique étrangère. Il ne défend pas le leadership américain dans le monde. Lequel ne signifie pas forcément envahir des pays mais plutôt utiliser l’influence des Etats-Unis, son pouvoir de persuasion ou sa puissance économique.
Les Américains le suivraient-ils si Obama en faisait plus sur la scène internationale ?
La tâche d’un président est de façonner une politique et d’y rallier des soutiens ! Actuellement, c’est plutôt l’inverse : Obama se cache derrière l’opinion publique américaine. Oui, les Américains sont fatigués de la guerre. Mais la responsabilité du Président serait d’expliquer pourquoi la Syrie est importante, pourquoi les printemps arabes sont importants et comment nous pouvons y influencer les choses sans nécessairement dépenser un millier de milliards de dollars ou y envoyer nos troupes. En l’occurrence, le Président part du présupposé inverse : le Moyen-Orient n’est pas important. Il l’a dit récemment dans une interview au magazine New Republic : «Comment dois-je mesurer l’importance des dizaines de milliers de tués en Syrie face aux dizaines de milliers de personnes en train d’être tués au Congo ?» Le message qu’il envoie est que le Moyen-Orient ne compte pas plus pour les Etats-Unis que l’Afrique subsaharienne.
Dans votre livre, vous décrivez Obama comme «détaché», et finalement assez peu soucieux de politique étrangère. C’est ce que vous avez pu observer à l’intérieur de l’administration ?
Les preuves internes ne manquent pas. Mais il suffit de regarder le résultat : nous avons assisté ces dernières années à un gigantesque mouvement de démocratisation, dans une région que nous considérions jusqu’alors comme la plus dangereuse au monde. Une région où les Etats-Unis ont dépensé un millier de milliards de dollars pour essayer d’y apporter la démocratie. Et que disons-nous à ces printemps arabes ? Débrouillez-vous ! Nous ne sommes mêmes pas prêts à dépenser l’équivalent de deux mois de guerre d’Irak ou d’Afghanistan pour les aider sur la route de la démocratie. Comparez à ce que les Etats-Unis avaient fait pour l’Europe de l’Est, le Mexique, le Brésil ou l’Argentine. En Europe de l’Est, sur la décennie 1989-1999, la communauté internationale avait investi une centaine de milliards de dollars. Nous n’en sommes même pas à un dixième de cela pour les printemps arabes. L’Egypte n’est donc pas cruciale ? Est-ce vraiment une surprise si elle s’enfonce ? Depuis 2011, un million d’Egyptiens se sont retrouvés au chômage. Comment pouvons-nous attendre que la démocratie y prospère ?
Avec beaucoup de cynisme, on peut considérer que la Maison Blanche s’en sort bien en Syrie : les ennemis de l’Amérique, Iran et Hezbollah d’un côté, djihadistes sunnites de l’autre, s’y entre-tuent sans qu’il ait même à s’en mêler… N’est-ce pas aussi le calcul fait à Washington ?
Le calcul à Washington est plutôt que la Syrie n’est pas vraiment importante. C’est le même que celui que nous avons fait en Afghanistan : nous avons décidé que nous n’avons finalement pas besoin d’y gagner la guerre, pas besoin d’y faire la paix, nous pouvons juste partir. Le problème est que ces calculs sont très dangereux. Les réfugiés qui quittent la Syrie menacent la Turquie, le Liban et surtout la Jordanie. Ils représentent déjà près de 20% de la population de la Jordanie, qui n’a pas les moyens économiques d’y faire face, et reçoit très peu d’aide internationale. Pouvons-nous laisser la Jordanie s’effondrer ?
Au sein même de l’administration américaine, ne se réjouit-on pas tout de même de voir l’Iran et le Hezbollah accaparés en Syrie ?
Durant la première année de la crise en Syrie, Washington s’attendait à une défaite stratégique de l’Iran. Notre politique était fondée sur le fait que Bachar al-Assad allait rapidement tomber. Mais en attendant que l’Iran et le Hezbollah se cassent le nez en Syrie, c’est toute la région que nous mettons en danger. Il est possible que la Jordanie souffre avant l’Iran, ou l’Irak avant le Hezbollah. Et on ne voit toujours pas l’administration Obama expliquer aux Américains qu’il y va aussi de l’intérêt national américain en Syrie. C’est ce qui avait fait la différence entre le Rwanda et la Bosnie. A un certain moment, les Américains et les Européens ont expliqué à leurs opinions ce qui était en jeu en Bosnie : l’avenir de l’Europe, celui de l’Otan… Au Rwanda, ils n’ont pas dit tout cela, il n’y avait pas d’enjeu pour nous là-bas autre que nos consciences. Pour cela aussi, nous ne sommes jamais allés au Rwanda. Aucun pays n’entre jamais en guerre uniquement pour des questions de morale ou de valeurs. En Syrie, tant qu’on n’entend pas l’administration américaine parler de ses intérêts nationaux, tant qu’il n’est question que d’une tragédie humanitaire, cela signifie qu’on n’est pas prêts à faire grand-chose.
Dans cette nouvelle carte du monde, où les Etats-Unis deviennent «superflus», quel peut être le rôle de l’Europe ?
L’Europe a pris l’habitude de s’orienter sur le leadership américain. Que ce soit depuis la guerre froide, en Afghanistan, en Irak ou en Bosnie, les Européens se sont habitués à ce que les Etats-Unis jouent ce rôle de leader qui entraîne tout le monde, ou presque. Maintenant que les Etats-Unis disent, nous ne voulons pas faire tout cela, nous voulons «mener de l’arrière», nous voulons que d’autres se mettent en avant, le monde doit trouver de nouveaux modes de fonctionnement. Dans l’immédiat, maintenant que nous quittons le Moyen-Orient, cela donne des pays qui financent les salafistes, d’autres qui donnent leur argent à Al-Qaeda en Syrie ou en Libye, des pays qui sapent les efforts du Fonds monétaire international lorsqu’il négocie un accord avec l’Egypte… La plupart des pays du golfe Persique essaient aussi de développer des liens avec la Chine : ils veulent vendre leur pétrole à la Chine, et attirer les investissements chinois pour tisser ces liens. Les Etats-Unis ont encore leurs bateaux dans le Golfe, mais ils ne sont pas sûrs d’y être demain encore. Chaque pays poursuit ses propres intérêts, plus personne n’essaie de coordonner les efforts. Pour cela aussi, l’opposition syrienne ressemble à un cirque.
Donc que peuvent faire les Européens ?
D’abord, ils devraient eux aussi prendre le Moyen-Orient au sérieux. Sur le long terme, l’Egypte est plus importante que la Grèce. Regardez combien d’argent a été investi en Grèce, en pensant peut-être, mais à tort, que les Américains continueraient à s’occuper du Moyen-Orient. Les Européens n’ont pas encore réalisé que la Libye, la Tunisie ou l’Egypte sont en face de chez eux. Et la Syrie à un jet de pierre. Les Européens doivent comprendre que les Américains n’ont pas de stratégie cohérente pour la région. N’oubliez pas non plus que vos pays comptent de nombreux musulmans. Plus la guerre dure en Syrie, plus elle radicalisera les esprits. Tout cela finira par se répercuter en Europe.
Mais l’Europe n’a pas d’argent, que faire sans argent ?
L’Europe a bien trouvé 120 milliards de dollars (92,8 milliards d’euros) pour la Grèce. Elle peut aussi s’associer à d’autres pour monter un plan d’aide global. Elle peut pousser les Etats-Unis, le Japon, la Chine ou d’autres encore… Si chacun donne 5 milliards de dollars (3,8 milliards d’euros), on arrive vite à un plan de 20 milliards qui va bien au-delà de ce que peut faire le FMI tout seul. C’est ainsi qu’on avait procédé en Europe de l’Est. Avec l’Egypte, l’Europe peut aussi proposer un accord commercial préférentiel d’ici dix ans, si le pays effectue les réformes nécessaires. Ce qui fait le plus défaut, c’est le leadership et l’intérêt pour cette région. Pourquoi Américains et Européens n’organisent-ils pas un sommet des printemps arabes ?
Vous semblez de toute façon très pessimiste sur ce qui va sortir des printemps arabes…
Nous sommes maintenant dans une spirale de dégradation. Pour un tournant en Egypte, il faudrait une croissance de plus de 10% pendant plus d’une décennie. Je ne sais pas comment cela sera possible. Les printemps arabes sont en train de produire quantité d’Etats impuissants, de la Tunisie au Yémen, en passant par la Libye, la Syrie… Même si on ne se soucie que de la lutte antiterroriste, il y aurait de quoi être préoccupé.
Comment la Maison Blanche a-t-elle réagi à votre livre ? Les gens de l’administration Obama vous parlent encore…
Certains, oui. Ils ne sont pas d’accord sur tout mais ils conviennent généralement que les Etats-Unis ont un rôle de leadership à jouer pour la stabilité et la prospérité du monde. Beaucoup acquiescent sur le fait qu’en Afghanistan, au Pakistan ou au sujet des printemps arabes, on n’a pas fait tout ce qu’on aurait pu.
Vous étiez vraiment furieux en écrivant ce livre ?
Mon idée de départ était de raconter ce qui s’était réellement passé en Afghanistan et au Pakistan. Holbrooke avait un projet important, il n’a jamais été écouté et il est mort. J’ai voulu rappeler, dans l’intérêt de la diplomatie américaine future, qu’on n’avait pas eu seulement le choix entre l’envoi de renforts en Afghanistan ou l’abandon du pays. Une négociation était possible, qui aurait permis de garder le pays intact. D’ici quelques années, on se demandera : aurait-on pu faire autrement ? Je voulais dire que oui, il y avait une autre voie, qui n’a pas été considérée. On aurait pu essayer de négocier un partage du pouvoir, tant que nous en avions encore les moyens. Ensuite, quand nous avons décidé de quitter le pays, on a développé à Washington l’expression «Good enough for Afghanistan». L’idée était que la solution retenue serait «bien suffisante pour l’Afghanistan». Et on a ensuite généralisé le propos à tout le Moyen-Orient : on a cherché des solutions «suffisantes pour le Moyen-Orient», qui ne coûteraient pas trop cher et n’obligeraient pas à trop d’efforts. Bush avait tort d’être maximaliste, Obama a tort d’être minimaliste. Il nous faudrait un «optimaliste».
Vous écrivez que la formation de l’armée afghane, dans laquelle les Etats-Unis et leurs alliés ont aussi investi des milliards, est un échec préprogrammé : elle risque d’éclater en futures milices…
Personne ne prend cette armée au sérieux, ni en Afghanistan ni dans les pays voisins. Elle sert surtout à faire croire que nous avons un plan pour l’Afghanistan. Ses forces sont dominées par l’Alliance du Nord et vont être déployées dans les régions pachtounes du Sud. La réaction n’en sera que plus vive au Sud et profitera aux talibans. Personne ne pense que cette armée afghane pourra jamais contrôler tout le pays.
Avec l’Iran, vous prônez aussi des négociations, mais le régime serait-il vraiment prêt à négocier sérieusement ?
La question est plutôt : les Etats-Unis peuvent-ils négocier sérieusement ? Négocier, cela ne veut pas dire mettre la pression jusqu’à ce que l’autre se rende. Des négociations, cela signifierait plutôt que l’Europe et les Etats-Unis apportent à table des choses concrètes qu’ils pourraient accorder à Téhéran. Les journalistes devraient leur demander : vous êtes allés à Almaty, à Bagdad, à Moscou et à Istanbul pour négocier, mais qu’avez-vous proposé à l’Iran ? Avez-vous offert de lever l’embargo européen sur le pétrole si les Iraniens faisaient des concessions ? La seule chose que j’ai vue sur la table était les pièces détachées pour les avions. Ce n’est pas sérieux. Même dans le meilleur des cas, il est très difficile de négocier avec l’Iran. Nous pensons qu’ils ne cherchent qu’à gagner du temps et ils pensent que nous voulons changer leur régime. Les Iraniens savent aussi que de vraies négociations coûteraient très cher à Obama : le président américain devrait aller au Congrès pour demander la levée de sanctions. Ce serait des négociations comme avec le Vietnam du Nord, qui pourraient prendre quatre ou cinq ans.
En attendant, l’Iran est arrivé à la conclusion qu’il n’y aura pas de guerre. Ils nous entendent clamer haut et fort que nous n’irons pas en Syrie, de peur de ses défenses antiaériennes. Ils en tirent leurs propres déductions. Une guerre avec l’Iran serait dix fois plus difficile qu’avec la Syrie.
La menace israélo-américaine n’est pas d’entamer une guerre avec l’Iran mais seulement de lancer quelques frappes ciblées pour détruire ses sites nucléaires…
On ne peut pas dire que cela sera simple et propre en Iran tout en expliquant que c’est impossible en Syrie. Tout ce que nous avançons au sujet de l’Iran est sapé par nos arguments en Syrie. Les Iraniens ont compris que nous ne voulons pas prendre de risque militaire. Ils vont donc nous menacer : si seulement vous nous touchez, nous ciblerons un bateau américain et vous serez obligés de nous attaquer. Ils savent bien que nous ne voulons pas les envahir. Ils en concluent donc que la menace militaire n’est pas sérieuse. Leur stratégie actuelle est de se doter de la technologie de fabrication de la bombe atomique, mais sans aller jusqu’à la construire pour autant. Ils ne veulent pas non plus nous donner de prétexte pour les frapper.
Avec tout cela, on ne parle plus guère du processus de paix israélo-palestinien : peut-on encore espérer une solution à deux Etats ?
La Palestine est importante, mais le grand drame qui risque de remodeler tout le Moyen-Orient, c’est la Syrie et l’Egypte. La Syrie est le grand incendie aujourd’hui, l’Egypte est celui de demain. Même si le président américain voulait se préoccuper du petit brasier palestinien, cela demanderait aussi beaucoup plus d’engagement de sa part. Il devrait y investir son capital politique, car Israël est aussi une question domestique aux Etats-Unis. Et ce n’est pas ce que nous avons pu observer lors de son récent voyage en Israël : Obama a demandé au public israélien de mettre la pression sur son gouvernement plutôt que de s’en charger lui-même. Il s’est rendu en Israël sans projet à défendre.
En Syrie, l’administration Obama explore à nouveau la voie de la négociation, avec le projet russo-américain d’une conférence de paix. Un espoir ?
Attendons de voir comment ils procèdent. Si l’on était vraiment sérieux sur ce processus, on armerait d’abord les rebelles ou on menacerait de le faire, avant d’aller à Genève. Bachar al-Assad doit sentir que la force est contre lui. Aujourd’hui, nous allons à Genève après que le Hezbollah a brisé les lignes des rebelles : la position d’Assad est plutôt renforcée. Dans les Balkans, Richard Holbrooke m’a raconté comment, au moment de la conférence de Dayton, il avait demandé à Bill Clinton de s’asseoir juste en face de Milosevic. Je veux que vous le regardiez dans les yeux quand vous lui direz que nous allons le bombarder s’il ne signe pas un accord maintenant, avait dit Holbrooke à Clinton. Milosevic devait l’entendre de la bouche même du président des Etats-Unis. Dans les Balkans, nous avions ainsi mis la force au service de la diplomatie. Si Milosevic avait pensé qu’il pouvait aller jusqu’à Zagreb, il n’aurait certainement pas négocié. Concernant la Syrie, il ne suffira pas d’aller à Genève puis d’en repartir en disant : «C’est fait.»
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