jeudi 9 janvier 2014

La liberté de conscience est incompatible avec l'islam


Il ne peut y avoir en Tunisie de liberté de conscience avec un article 1 de la constitution, qui fait de l’islam la confession de tous les tunisiens !

Une liberté de conscience dans un environnement où l’islam est déclaré constitutionnellement comme étant la seule confession pour tous les musulmans, ne peut être qu’une fumisterie intellectuelle. Un leurre et une entourloupe. 

Que la future constitution garantisse le droit aux tunisiens d’avoir le libre choix de leurs propre système de valeurs, cela ne changera rien aux fonds du problème, sans qu’il soit expressément stipulé une égalité de traitement entre les croyances.

Comme le rappelle à juste titre Henri Pena-Ruiz, philosophe et figure de la laïcité : "La liberté de conscience est fondée sur l’autonomie de jugement grâce à l’école de la République, la seule école vraiment libre, car elle s’ouvre gratuitement à tous les enfants du peuple, et n’a d’autre souci que de libérer les consciences humaines grâce à une culture universelle."

Pour ce faire, il faut créer le cadre juridique de droit positif et en aucun cas de faire de l’islam la superstructure de l’architecture de la nouvelle constitution. L’islam est plus qu’une religion, c’est une doctrine politique et une loi destinée à gouverner la vie des fidèles.et de réglementer leurs rapports sociaux, interpersonnels, leur vie privée dans ses moindres petits détails. L'Islam religion, est une vue de l’esprit, un oxymore. Ce sont ses lois que la majorité des tunisiens doivent observer et que la minorité se doit par conséquent de s’y conformer en prenant en compte le caractère musulman du pays.

Cet article 1 signifie en réalité que l’identité tunisienne est essentiellement musulmane et ne tolère aucune atteinte aux dogmes de l’islam, ni remise en cause de ses dogmes. Quant à ceux qui ne se définissent pas comme musulmans au nom de la liberté présumée de culte, ils doivent rester dans le champ fixé par l’islam. Une liberté sous surveillance de l’islam comme au temps du Califat ottoman !

Il est à douter que l’on puisse imaginer demain en Tunisie des chrétiens tunisiens qui, après avoir apostasié l’islam, ce qui reste toujours un crime dans ce pays, solliciter un permis de construire d’une église ou organiser des collectes d’argent sur les places publiques comme le font les musulmans en toute sécurité républicaine en France.

Pour paraphraser Kateb Yassine : Si la Tunisie était musulmane, a-t-on besoin de l’inscrire dans la constitution, et si elle ne l’était pas a-t-on besoin de le mentionner ?

Une religion n’est pas un journal comptable où l’on enregistre automatiquement tous les entrants censés être nés de parents eux-mêmes prétendument musulmans sans qu’ils aient un jour exprimé leur propre libre-arbitre. Une religion n’est pas non plus un facteur de citoyenneté et n’a pas à servir de trait d’union entre les tunisiens pour imprimer au pays son visage politique, culturel et social.

Le simple fait de décréter l’islam comme étant la religion de la majorité, comme si la majorité était entièrement acquise à l’islam ou sa propriété, est symptomatique de l’esprit théocratique de la future constitution et de la subordination des autres systèmes de valeur à l’islam. Une constitution qui marque la dictature de l’islam, religion majoritaire du pays, est-elle porteuse de prémisses des libertés démocratiques ? Qu’est-ce qu’une démocratie, comme le dit Albert Camus, qui se définit aux dépens des droits des minorités ? La vraie démocratie n’est pas la loi de la majorité, elle doit protéger tous ceux qui ne sont pas dans le sérail majoritaire.

Enfermer la Tunisie dans la seule case de l’islamité et l’arabité, c’est nier sa diversité et son histoire millénaire plurielle. Tout se passe comme si elle avait été enfantée par l’islam et qu’elle ne peut pas bâtir un destin humain et intellectuel qui ne soit pas marqué par son empreinte et l’expression de son identité arabo-musulmane.

La future constitution sera juste une réaffirmation de la suprématie de l’islam sur toutes le reste. Si liberté de conscience il y aura, elle sera minimaliste et au rabais avec le statut de "dhimmi" pour ceux qui n’ont pas fait le choix de l’islam. Comment peut-on parler de liberté de conscience avec un article 1 qui nie tout droit à la différence et qui fait de l’islam la religion nationale.

Sachant qu’on est pas dans le contexte historique de 1959, l’esprit de cette constitution doit absolument épouser les idéaux de la Révolution des indignés. Les tunisiens n’ont pas dégagé Ben Ali pour donner les pleins pouvoirs à l’islam. Une constitution dédiée à l’islam n’est pas garante de liberté de conscience ni d’aucune autre. Si par miracle les constituants à la solde d’Ennahdha arrivent à concilier islam et droits de l’homme, est-ce à dire qu’un musulman peut abjurer l’islam en toute conscience au vu et au su de tout le monde sans mettre en péril sa vie ?. Est-ce à dire que l’on peut critiquer l’islam en toute liberté sans que cela n’expose le contrevenant à la lapidation ou la prison ?

Si réellement la liberté de conscience est un droit inaliénable pour les tunisiens, que l’on libère Jabeur Mejri immédiatement ! La liberté de conscience n’aura du sens que le jour où la Tunisie se dotera d’une véritable constitution laïque où l’islam sera cantonné à son seul rôle de culte. Ce qui est une gageure, si ce n’est une hérésie.

L’islam est religion, Etat et monde. Restreindre le champ d’exercice de son pouvoir totalitaire, reviendrait à le réformer. Ce qui est mission impossible. Tant que la Tunisie n’inscrit pas en lettre d’or dans le préambule de sa future constitution son attachement indéfectible à la Charte Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen et l’égalité des droits entre ses citoyens indépendamment de leur origine, leur sexe, leur croyance ou non croyance, la future constitution ne sera qu’une version édulcorée et light de la charia.


Si l’on a le souci des libertés de culte et le droit de ne pas en avoir, on doit commencer par supprimer toute référence constitutionnelle à l’islam comme l’avait fait Kamel Atatürk d’une part et d’autre part définir un véritable statut de citoyenneté. 

1 commentaire:

  1. Avec tous les respects que je vous dois, M. Barnat, je ne partage pas l'analyse de cet article. Vouloir arrimer la Tunisie nouvelle à la "charrette" de la laïcité et de la Charte des droits de l'Homme et en se référant à des interprétations et des pratiques malheureuses de l'Islam, c'est ignorer que ceux-là même qui ont instauré la Laïcité et la Charte des Droits de l'Homme dans leurs pays respectifs (France, Angleterre, USA, bref tous les pays dits développés en Europe, Amérique du Nord, Asie, un petit peu en Amérique du Sud et presque pas en Afrique) ne l'appliquent pas quand il s'agit d'un ressortissant étranger qui souhaite visiter leur pays (instauration de visa, violation de la protection des renseignements personnels, etc). Autre chose : dernièrement, lors de la tournée de Kerry au MO pour relancer le processus de paix entre israéliens et palestiniens, Natanyahou a déclaré : "il ne peut y avoir de paix tant et aussi longtemps que les palestiniens ne reconnaissent pas l'État Juif d'Israel", il a dit "État Juif". Autrement dit, un palestinien chrétien ou musulman, s'il accepte de vivre "en paix" dans un État Juif, quel va être son sort ?... et pourtant tous les pays précités qui ont instauré chez eux la Laïcité et la Charte des Droits de l'Homme soutiennent sans aucune réserve depuis 1948 (date de création d'Israël) cet État Juif quelques atrocités et injustices qu'il fait à l'égard des palestiniens qui luttent pour recouvrer leurs droits !... J'évoque cet exemple de l'État Juif d'Israël pour dire que nous sommes au 21e siècle et que c'est le siècle des croyances, des religions... ceux qui veulent s'arrimer à la "charrette" de la Laïcité et de la Charte des Droits de l'Homme n'auront pas cette chance qu'ont eu les juifs sionistes au 20e siècle, au contraire, les pays puissants vont leur bafouer leurs droits dès lors que certains intérêts sont en jeu (voir ce qui se passe en Libye, là chez nos voisins)... aujourd'hui, la Tunisie rencontre une chance historique pour tracer une nouvelle route pour bâtir une société nouvelle, qui peut s'inspirer de l'Islam, pourquoi pas, mais pas cet Islam tel que interprété et pratiqué par Ennahdha, en effet, cette phase transitoire (octobre 2011 - Janvier 2014) a mis à nu pas mal d'érudits, politiciens, intellectuels, artistes et simples citoyens, comme vous M. Barnat, vous avez le mérite d'animer ce blogue pour donner l'occasion à des tunisiens comme moi de m'exprimer et échanger sur la question de la laïcité, de la pratique de la démocratie et de la religion... OUI une nouvelle voie peut être tracée par les tunisiens et tunisiennes qui s'inspire par l'immense richesse culturelle authentiquement tunisienne qui n'aura pas à rougir des préceptes de la Laïcité, ni de la Charte des Droits de l'Homme ni d'ailleurs de l'Islam rigoriste wahabite bassement inhumain... enfin, savez-vous que l'État Juif d'Israël n'a pas de Constitution ?... c'est pour dire qu'on peut bâtir un État puissant, respecté sans pour autant disposer d'une Constitution... mais pour y arriver il faut d'abord tisser une solide toile de relations d'affaires, surtout ne pas "vendre" son âme et ses ressources humaines et naturelles à bas prix, avec un grand nombre de pays :)

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