Quand un Président de la République accorde un
entretien télévisé, c'est normalement qu'il a des choses importantes à dire au
pays; et il fait, à cette occasion, au moins quelques annonces.
Vous avez entendu Moncef Marzougui. Qu'a-t-il
annoncé ? Qu'a-t-il dit d'important ? Strictement rien.
On doit dès lors se poser la question à quoi sert
cette entretien ? La réponse est assez simple : il s'agit pour ce personnage de
faire sa campagne électorale purement et simplement et pour cela il
se contente de commenter l'actualité ! Mais il y a des journalistes pour
cela !
Utilisant les moyens officiels de la République, usant de son
titre de président provisoire, transformant le palais de Carthage en tribune
électorale et n'hésitant pas à convier la chaîne nationale "Watania 1"
et son journaliste dépêché par la chaîne pour lui servir la soupe ... doit avoir choqué beaucoup de tunisiens de voir ce président user et abuser des biens publics pour sa campagne personnelle !
Après s'être encensé pour le "travail" accompli en tant
que chef de l'Etat et avoir encensé la troïka et plus particulièrement Ali
Larayedh dont il a salué le "travail et la réussite" malgré les
difficultés, prenant soin d'en réserver les mérites à celui auquel il doit son
poste de président provisoire; il
fait un
bilan, évidemment positif pour qui en douterait, de son action; se donnant la
part belle tel la mouche du coche, pour avoir aidé le pays à traverser les
multiples crises politiques que ne cessaient de créer son parti le CPR et
Ennahdha celui de son "frère" Ghannouchi ! Avec pour point d'orgue de
leur "réussite", la
Constitution fêtée dignement
avec des pétards mouillés, en présence de 5 chefs d'états africains !
Evénement exceptionnel pour la Tunisie d'avoir l'honneur de 5
présidents de cette envergure et en même temps, précise-t-il !
Grand Maghreb qui ne sera que l'étape première pour le
Grand Monde Arabe. Monde arabe qui incluerait évidemment ses frères Syriens
et Égyptiens ... avec lesquels il a multiplié les bourdes depuis que
Ghannouchi l'a installé à Carthage !
Comment ne pas se rendre compte que dans l'état actuel de tous ces
pays, ce programme est tout simplement une lubie, une utopie et ne
pourra que conduire la Tunisie au mieux au ridicule, au pire à des
conflits. Dans l'état où l'ex-troïka nous laisse le pays et où, la priorité
est le redressement de l'économie; est-ce vraiment un discours de raison de la
part d'un président provisoire encore pour quelques mois ?
Tartour insiste que les élections restent
l'unique priorité pour lui ! Il souhaite qu'elles aient lieu au mieux en
septembre 2014 sinon avant la fin de l'année.
A l'entendre, la révision des nominations faites
par la troïka, n'est pas une priorité !
Ce qu'il dit des nominations qui lui paraissent
un problème secondaire, est bien la preuve qu'il accorde toujours son
soutien aux
islamistes, à leur politique de main mise sur l'administration par
plus de 70 000 fonctionnaires partisans nommés par les deux gouvernements
de Ghannouchi, dont
il espère tirer profit d'une manière ou d'une autre dans
sa campagne électorale !
Quant au social, le candidat à sa succession précise et
insiste que tout le monde est libre de s'habiller comme il veut. La burqa a
toute sa place en Tunisie; et l'idée de l'interdire dans l'espace public pour
raison de sécurité, l'agace, lui le président honoraire de la Ligue des droits
de l'homme !
Avec culot il se sert à nouveau et nous ressert son statut de
"droit-de-l'hommiste", lui qui explique que la prison sauve Jabeur
Majri de ses ennemis ! Lui qui a cautionné par son silence et son inaction les
actions contre les artistes et les journalistes. De qui se
moque-t-il ?
Quant aux jeunes tunisiens partis en Syrie ou
en Libye faire le "jihad", il nous sert un
pathos compassionnel qu'ils sont victimes de l'ignorance; et qu'il pense à
leurs mères ... reprenant un langage paternaliste à la Ghannouchi pour qui
les salafistes jihadistes sont "ses enfants" et
dont le terrorisme lui rappelle avec émotion le sien à leur âge !
Les tunisiens pensent plutôt aux victimes de
ce terrorisme aveugle et pensent au danger que représentent ces
jeunes fanatisés par les prédicateurs obscurantistes invités de Ghannouchi, et que Moncef Marzougui
recevait au Palais de Carthage, leur offrant même d'y donner des conférences
!
Condamner l'obscurantisme des jeunes alors que dans le même temps
il les livre à des prédicateurs obscurantistes reçus en grande pompe par la
présidence de la République, relève de la schizophrénie !
La société veut ici des actes pour la protéger. Elle n'a
que faire de cette compassion malvenue ! Il fallait empêcher le départ de
ces jeunes pour servir de chair à canon à son patron l'émir
du Qatar quand il était encore temps. Le retour de ceux-ci est
indésirable en Tunisie; et il faut à tout le moins les isoler dans
des centres de rééducation pour les empêcher de nuire à la société. En tous cas les mettre sérieusement sous surveillance !
Quant à l'éventualité de se présenter aux prochaines élections,
Tartour joue la carte "suspens" : il avisera le moment venu dés que
la loi électorale aura été rédigée, assure-t-il. Alors que son agitation
nerveuse trahit son ambition de se succéder à lui même tant il semble avoir
pris goût au faste de la fonction; d'autant que cette émission télé, n'a aucun
intérêt sinon électoral !
De toute manière il est vrai qu'il ne peut rien dire car à lui
seul, il ne représente strictement rien politiquement. Il a besoin
d'être le candidat des frères musulmans nahdhaouis. Mais ceux-là voudront-ils
encore de lui ? Voilà pourquoi il ne dit rien ! En attendant, il est
hors de question qu'il démissionne, affirme-t-il ! Ce serait une trahison que le timonier abandonne son poste avant l'arrivée
à bon port ! En homme "responsable", il ne peut déserter son poste !
Il estime sa présence "indispensable" pour le pays. Ce qui doit faire
sourire les tunisiens ... du moins les plus indulgents !
Pour le reste, que du blablabla ...
Toujours aussi bonimenteur ce Tartour, comme
il a toujours su faire !
Pour la mise en scène d'une entrée en campagne électorale qui ne
dit pas son nom, il n'a pas échappé au téléspectateur averti l'utilisation des
symboles par un Tartour "aguerri" aux médias :
- le choix du palais de Carthage, œuvre et résidence de Habib Bourguiba,
- la photo du bâtisseur de la Tunisie moderne et de la nation
tunisienne qui trône en bonne place, n'est pas un hasard !
Car Tartour a bien saisi le message des tunisiens, qui
contrairement à ce qu'il voulait et à ce que voulaient les frères musulmans
nahdhaouis; continuent de respecter et d'honorer la mémoire de Bourguiba
!
Tartour après qu'il ait cherché à salir la mémoire de Bourguiba et
réalisant le grand attachement des tunisiens à cet homme, a choisi de s'en
servir.
Quelle bassesse !
Tout le monde a en mémoire les éloges qu'il faisait du
bourguibisme après que ses critiques envers le grand homme avaient heurté une
grande majorité de tunisiens ! Et voilà qu'il se fait filmer avec en arrière
plan, la photo du grand disparu ! Qui l'eut cru de la part d'un homme qui
vouait une grande haine à Bourguiba ? Que ne ferait-il pour demeurer le
locataire du palais de Carthage ? Paris valait bien une messe disait Henri IV
!
Il prend les tunisiens pour des idiots pour ne pas se rendre
compte de la grosse ficelle de jouer le continuateur du bourguibisme, lui le pan-arabiste, allié aux islamistes qui sont très exactement le
contraire du nationalisme de Bourguiba ! Qui pense-t-il encore duper par ces manigances ?
Que penser de cette nouvelle mascarade digne d'un Tartour ?
Le génie populaire tunisien a vu juste en désignant par Tartour,
celui qui se vante d'être le "premier président" dans l'histoire de
la Tunisie à être l'élu du peuple ... lui qui ne fut élu que par 7000 voix en
tant que simple constituant; et qui ne doit son poste qu'à la seule volonté de
Ghannouchi ! Autrement dit, il ne serait rien sans les voix des
nahdhaouis. Il retournera au néant si ceux-ci le décident et ont quelqu'un d'autre à mettre en avant !
Sur le seul problème qu'il a réellement abordé,
les nominations, il faut que la société civile se mobilise clairement et
rappelle à Mehdi Jomaa qu'il lui incombe de revenir sur ces nominations, comme
le précise la feuille de route du quartet; car ce problème, contrairement à ce
que prétend Tartour, n'est absolument pas secondaire.
Rachid Barnat
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