J’ai
commencé à porter le hijab à 8 ans et je l’ai porté pendant 15 ans. J’ai grandi
dans une famille chiite très conservatrice qui croit qu’il est fardh (obligatoire)
pour les jeunes filles de commencer à porter le hijab à 9 ans (lunaires), et
j’ai commencé à le porter l’été précédant cet anniversaire pour éviter de faire
la transition pendant l’année scolaire.
Quand
j’étais enfant, il m’apparaissait juste et naturel de porter le hijab, à
l’instar de ma mère et de toutes ses amies, que je considérais comme des
tantes, et quand on m’a demandé si je voulais le porter, j’ai répondu «oui»,
comme si un enfant était en mesure de comprendre les implications d’une telle
décision. Les arguments en faveur du hijab étaient simples et attrayants pour
un enfant : le hijab offre une protection, comme l'huître protège la perle, en
préservant et sauvegardant ce qu’il y a de plus précieux. C’était une question
de dignité, de fierté, de joie. C’est le système de valeur normalisé dans
lequel j’étais plongée.
Pendant
les 15 années où j’ai porté le hijab, j’ai traversé plusieurs étapes dans la
compréhension de sa signification, particulièrement après avoir pris conscience
que le merveilleux concept que j’avais apprécié dans mon enfance, était basé
sur une analogie déficiente et déshumanisante entre la femme et des objets tels
que les perles ou les bonbons enveloppés, et surtout en prenant conscience de
la notion de sexualité et de son rapport direct et irréversible avec le hijab.
En bref, le hijab a signifié beaucoup de choses différentes pour moi à
différentes étapes de ma vie, et son abandon a été un long parcours
d’exploration, de questionnement et d’introspection.
J’ai
arrêté de le porter parce que j’avais de graves problèmes avec l'idéologie qui le sous-tend. Au début, je voyais le hijab comme une chose humanisante, une
protection empêchant d’être traitée comme un objet sexuel, qui sauvegarde et
préserve. Plus tard, j’ai réalisé que c’était tout le contraire.
Enfant,
le hijab hypersexualisait mon corps, et je l’ai compris par la façon dont mon
corps était considéré plutôt qu’avec des concepts clairement formulés : je
n’avais pas encore développé de poitrine, or mes bras, mes cheveux et mes
jambes devaient être recouverts de tissu au cas où ils pourraient être vus
comme séduisants ou tentants. Si un bout de tissu était mal ajusté, la réaction
d’urgence et de colère que cela suscitait était révélatrice. Je ressentais
profondément les restrictions concernant mon corps, et les comportements qui
l’accompagnaient : un manque complet de vie privée, la fouille régulière de mes
possessions, l’écoute des conversations téléphoniques avec mes copines, des
questions fréquentes qui tournaient parfois en interrogatoires. Ces
restrictions n’étaient pas indépendantes du hijab : elles faisaient partie du
même système de valeurs de protection et de sauvegarde, qui revient à limiter
vos interactions et votre corps pour éviter qu’il ne devienne une source de
tentation et de péché.
Interview exclusive de Waleed Al Husseini, fondateur du Conseil des ex-musulmans de France
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