Armoiries de la République Tunisienne
25 juillet, c'est l'anniversaire de la proclamation de la République en 1957 par les Destouriens, libérateurs de la Tunisie du colonialisme, pour en finir avec les régimes monarchiques qui l'y avaient conduite.
Or cette date est devenue un enjeu pour les opposants aux Destouriens et en premier à leur chef Habib Bourguiba, pour en finir avec la République en détricotant tout ce que les Destouriens ont investi pour bâtir la jeune République Tunisienne, la dotant d'institutions modernes pour la sortir de sa torpeur qui l'avait rendue colonisable et lui faire rattraper son retard par rapport aux pays progressistes.
Certains s'en sont pris même aux fêtes nationales jusqu'à vouloir changer le drapeau et l'hymne nationaux ... et d'autres insidieusement mais sûrement, tentent de neutraliser la République détruisant de l'intérieur ses institutions, prenant les Tunisiens en otages pour assouvir leur vengeance !
Et si Bourguiba a tout fait pour rattacher la Tunisie à l'Occident pour la conformer à sa vocation géographie et historique, d'autres font tout pour la rattacher à la péninsule arabique et ses bédouins ou pire à l'Iran islamiste et ses Mollahs !
Pôvre Tunisie.
R.B
Kamel Jendoubi
KAIES SAIED, LA REPUBLIQUE TRAHIE AU NOM DE LA REPUBLIQUE
En 2018, Kaïs Saïed n’était encore qu’un universitaire et spécialiste de droit constitutionnel. Il intervenait dans Que vive la République – Tunisie 1957–2017 édité par ALIF, un ouvrage collectif que j’ai coordonné pour marquer les soixante ans de l’instauration de la République tunisienne. Dans cet entretien – publié en arabe et en français – Saïed posait un diagnostic impitoyable : la République tunisienne n’avait jamais été autre chose qu’un « royaume déguisé », une « République numéro 1 bis », dominée par le pouvoir personnel, les simulacres électoraux, et la confiscation de la souveraineté populaire. Six ans plus tard, l’analyse résonne avec une ironie glaçante. Car celui qui dénonçait la forme sans le fond, le rite sans le peuple, l’élection sans choix, est devenu l’incarnation même de cette dérive. Pire : il l’a radicalisée.
UNE PENSEE CRITIQUE DEVENUE JUSTIFICATION DU POUVOIR ABSOLU
Dans cet entretien, Saïed appelait à une démocratie directe, débarrassée des partis, des parlements et des médiations. Il y rejetait le régime représentatif au nom d’une souveraineté populaire réinvestie depuis la base. Les électeurs, selon lui, devaient désigner des représentants locaux par parrainage, révocables à tout moment. Les institutions ? Des coquilles vides. La République ? Un vernis. Le seul souverain légitime : le peuple, saisi dans une abstraction mystique.
Mais une fois au pouvoir, cette pensée a servi à déconstruire méthodiquement l’édifice démocratique. Le 25 juillet 2021, Saïed suspend le parlement. Le 22 septembre, il concentre entre ses mains tous les pouvoirs. En juillet 2022, il fait adopter une Constitution taillée sur mesure, effaçant la séparation des pouvoirs. Puis viennent les élections sans pluralisme, les opposants emprisonnés, les magistrats limogés, les journalistes bâillonnés. Au nom de la République, il en liquide tous les fondements.
UN TEXTE PREMONITOIRE, UN DESTIN INQUIETANT
Relire aujourd’hui l’entretien de 2018, c’est mesurer à quel point le projet autoritaire était déjà là. Sous des airs de critique lucide, il recelait une vision dangereusement univoque de la souveraineté. Loin de corriger les dérives de la République postcoloniale, Kaïs Saïed les a assumées, poussées à leur paroxysme. Il a remplacé la fiction d’un pluralisme par la certitude d’un homme seul, convaincu de parler au nom du peuple, sans qu’il n’ait jamais à lui rendre de comptes.
La République n’est pas un mot creux. Elle repose sur des principes : séparation des pouvoirs, libertés fondamentales, élections libres, État de droit. La trahir au nom d’une pureté idéalisée, c’est la condamner deux fois. Une première fois pour ses faiblesses passées. Une seconde pour l’avoir transformée en instrument de domination.
Aujourd’hui, l’heure n’est plus à l’étonnement mais à la résistance. Le texte de 2018 mérite d’être relu, non comme un programme, mais comme un signal d’alerte. Un avertissement que la République peut mourir de ses propres mots, si personne ne les arrache à ceux qui les pervertissent.
Car ce n’était pas un projet de démocratie radicale : c’était, déjà, le brouillon d’une autocratie : derrière les mots de République, Saïed préparait une revanche contre toute forme de pluralisme, un retour autoritaire maquillé en vertu populaire.
La République, chez lui, ne signifie plus l’État du droit, mais le règne de la parole unique. Elle ne repose plus sur le consentement libre des citoyens, mais sur leur dépossession organisée. Elle ne protège plus les libertés : elle les écrase au nom d’un peuple invoqué, mais jamais entendu.
Ce n’est pas une dérive. C’est une logique. Et c’est un péril. Il ne s’agit plus de corriger un pouvoir abusif, mais de stopper un projet de destruction systématique. Car Kaïs Saïed n’a pas seulement trahi la République : il s’en est servi pour en finir avec elle.
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