Par Nizar Bahloul
Les élus et membres de
la troïka ne sont là que depuis huit mois et les affaires liées à l’argent ne
cessent de se multiplier.
Sous
Ben Ali, on reprochait à la presse de ne pas avoir jeté la lumière sur ce type
d’affaires, mais on constate là que même quand la presse en parle, le pouvoir
fait ce qu’il a projeté de faire, sans se soucier de ce qu’en disent les
médias, les ONG et la société civile.
Peu
importe les preuves présentées, on dément systématiquement et on trouve
toujours un bouc émissaire à qui l’on colle la publication de ces informations
qualifiées de mensongères et diffamatoires.
Le
pouvoir en place adopte la stratégie de la fuite en avant, visant un but bien
déterminé. Jusqu’à quand ?
La
dernière affaire en date est celle de Belgacem Ferchichi, haut cadre
d’Ennahdha, conseiller du chef du gouvernement et illustre inconnu du grand
public, sa nomination étant passée en catimini. Cette affaire a éclaté la
veille de l’Aïd et celui qui a vendu la mèche s’appelle Nicolas Beau, un
journaliste français possédant des sources bien informées en haut lieu dans la
galaxie sécuritaire française.
Comme
tout journaliste, Nicolas Beau n’est pas à l’abri de l’erreur et de la
manipulation. Mais pour l’exemple qui nous intéresse, ses sources peuvent être
considérées comme très fiables.
Le
journaliste révèle que M. Ferchichi a été arrêté par la police française des
frontières en possession de grandes sommes d’argent et se demande s’il n’y a
pas une affaire de blanchiment d’argent.
Juste
après, sont dévoilés sur les réseaux sociaux des documents révélant des
histoires assez intéressantes sur la nébuleuse islamiste en matière de
financement.
Ennahdha,
par le biais de son service de presse, confirme à moitié l’information de
Nicolas Beau en avouant l’arrestation de Belgacem Ferchichi, mais en mettant
cela sur le compte d’un mandat d’Interpol sorti des oubliettes. Vérification
faite, le démenti est démenti puisqu’il n’y a point de mandat d’Interpol
ciblant le conseiller du chef du gouvernement.
Quelques
heures plus tard, le communiqué d’Ennahdha est démenti une deuxième fois par le
biais de l’intéressé lui-même qui rejette les accusations en bloc. Il n’y a
point d’arrestation, point de transport de fonds. A l’entendre, il n’y a que
manipulation et surenchères. On aurait bien cru la version de Belgacem
Ferchichi, s’il n’y avait pas le communiqué d’Ennahdha, s’il n’y avait pas
Nicolas Beau et s’il n’y avait pas d’antécédents en la matière dans sa famille.
Hélas
pour lui et pour sa famille, les démentis d’Ennahdha ne sont plus crédibles.
Meherzia Laâbidi leur a porté un sérieux coup en osant nier une information
publiée dans le Journal officiel. La même information publiée quelques semaines
plus tôt par la presse et vigoureusement démentie.
A
force de démentir ce qui est vrai, les gens finissent par ne plus vous croire.
Il suffit de laisser le temps au temps pour que l’on s’aperçoive qui dit vrai
et qui dit faux.
C’était
le cas avec la question des salaires des députés de l’ANC. Quand l’information
relative à leur salaire a été révélée, les élus d’Ennahdha se sont empressés
pour nier en bloc. Il a suffi de quelques jours pour que le pot aux roses soit
découvert.
Quand
la rémunération de Meherzia Laâbidi a été révélée, la vice-présidente de l’ANC
s’est empressée de démentir. Il a suffi de quelques semaines pour que son
salaire paraisse au JORT.
Quand
l’histoire des 750 millions de dinars a été révélée, le gouvernement s’est
empressé de démentir. Il a suffi de quelques semaines pour qu’un membre
démissionnaire du gouvernement dévoile un des secrets des conseils
ministériels.
L’histoire
de M. Ferchichi est, pour le moment, démentie, mais il est à parier que les
jours qui viennent vont apporter leurs lots de révélations appuyées par des
preuves solides.
Si
l’information du transport illicite de fonds est avérée, il y a de quoi
s’inquiéter sérieusement sur ce qui se trame actuellement. Il y a de quoi se
rappeler la campagne mise en place contre Mustapha Kamel Nabli, gouverneur
limogé de la Banque
centrale de Tunisie. Il y a de quoi s’interroger sur la destination de ces
devises exportées de la
Tunisie. Il y a de quoi s’interroger sur cet argent qui
circule dans les mosquées, les meetings, les associations dites de
bienfaisance, les prières géantes…
Quand
ils se sont sentis menacés, les principaux dirigeants d’Ennahdha ont pris la
poudre d’escampette et ont fui à l’étranger. Comment et avec quoi ont-ils vécu
vingt ans durant ? Cela fait partie des nouvelles questions taboues en Tunisie.
Ces
mêmes dirigeants s’attendent-ils à une éventuelle défaite et préparent dès
maintenant un trésor de guerre en devises ? L’affaire de Belgacem Ferchichi (si
elle est avérée) laisse croire cela.
Aujourd’hui,
on sait que les 89 élus d’Ennahdha ont droit - ou disposent - de passeports
diplomatiques. En clair, ils ne font l’objet d’aucune fouille et d’aucun
contrôle de douane à la sortie des frontières.
Les
ingrédients autorisant la suspicion sont réunis. Rien qu’avec les histoires
dévoilées par les médias, il y a de quoi être suspect. Et tout cela a été
accompli en huit mois ! Ne parlons pas des histoires soigneusement dissimulées
et encore ignorées par le public.
Depuis
le 14-janvier, les projecteurs ne sont braqués que sur l’argent dérobé par la
famille Ben Ali. D’anciens hauts cadres de l’Etat sont détenus en prison pour
des histoires ridicules. On parle trop des listes noires et de la corruption
sous l’ancien régime.
Il
est peut-être temps de s’occuper du présent et de l’argent qui circule
actuellement. L’argent supposé dérobé par Ben Ali est déjà dérobé,
occupons-nous de ce qui ne l’est pas encore et qui commence à s’envoler sous
nos yeux.
Il
y a suffisamment de signaux précurseurs et trop d’histoires ébruitées d’argent
pour que les «gardiens du temps et de la morale » et les « protecteurs de la
révolution » réagissent et exigent des comptes à nos gouvernants. Tant qu’ils
sont encore là.
Si les tunisiens ne voient rien venir des enquêtes contre la corruption par ZABA et les Trabeslsi.... c'est parce que de nouveaux Trabelsi ont remplacé ceux qu'ils ont dégagé !
RépondreSupprimerIl leur faudra attendre les prochaines élections pour les dégager démocratiquement !
http://nawaat.org/portail/2012/06/16/les-parrains-de-tunis/