Par Inès Oueslati
Voilà des mois que vous nous avez quittés, victime
d’un terrorisme sanglant ayant endeuillé notre pays. Vous qui, ravis à la fleur
de l’âge, embaumez le jasmin, vous avez été à la révolution son plus fort prix
et à la démocratie sa plus chère leçon. Pour que le peuple apprenne à choisir
et donne en cela l’exemple, vous avez été le tribut lourd consenti en
sacrifice.
Socrate, je m’adresse à l’emblème que vous êtes devenu car,
au-delà de vous-mêmes vous incarnez désormais une mosaïque de visages de jeunes
tombés comme vous en proie à la bêtise humaine. Morts par dizaines à coup de
balles et de mines, vous avez été vengés ce dimanche 21 décembre.
La majorité de vos compatriotes qui vous portent désormais
dans le cœur ont écarté du pouvoir celui sous le régime duquel le terrorisme a
pu se répandre, s’étendre et atteindre la Tunisie dans ce qu’elle a de plus
cher : Vous, sa jeunesse. Ces Tunisiens qui vous ont vus partir, un à un, sur
leurs écrans, n’avaient rien pu faire pour que cessent les pertes. Eux qui n’étaient
jusque-là capables que de quelques pensées émues accompagnant la tragédie qu’en
vous perdant ils vivaient, ils ont cessé d’être passifs en votant dimanche pour
une alternative qui fera ses preuves prochainement.
A la tête de cette Tunisie dont vous avez été l’offrande, ce
peuple a choisi de désigner le candidat le moins jeune d’une liste longue d’une
vingtaine de noms. Car loin de voter pour une personne, la majorité a désigné
un mode de vie, une vision et une dimension de la politique dépassant le
politique vers le social dans une alchimie de conséquences avec le salut
national. Pour vous, ceux-là ont choisi une vision unificatrice, loin de celle
qui en disant privilégier les minorités les plus extrémistes, leur a permis de
vous stigmatiser, de vous viser et de vous abattre.
Parce que tout va de pair, y compris le deuil et la joie,
même nationaux, la Tunisie vit, en ces jours exceptionnels, la fin d’une étape
et le début d’une autre. Nous dépassons ainsi les limites largement atteintes
d’un régime politique pour en entamer un nouveau. Une étape qui a permis de
prouver que la présidence d’un pays en mutation n’est pas aisée, que bon
opposant et bon dirigeant, ne sont pas corollaires et qu’entre les idéaux et
leur mise à exécution il y a un gap. Ce gap dépasse les ambitions personnelles
et celles partisanes car il peut s’avérer fatal, quand le hiatus est grand entre
la grandeur de la tâche et les petits calculs ego-centrés.
Parce qu’il ne s’agit justement pas de personnes ni d’ego, la
majorité de la majorité n’a voué de culte qu’à un schéma pouvant la sortir de
l’embrouille où, seule, elle s’était mise, un certain octobre
2011. Écarter les islamistes and co de la sphère décisionnelle,
ne pas les occulter comme variante composant la société tunisienne et sa scène
politique, et choisir une voie nouvelle en faisant abstraction de critères de
choix qui auraient pu être éliminatoires, la majorité l’a fait !
Vous avez été, Socrate, comme nos autres martyrs, l’objet
d’un pragmatisme qui mènera le pays vers une nouvelle étape. Vous, la perte de
la Tunisie, devenus sa plus grande gloire, vous avez été présents dans les
esprits quand il s’est agi de cocher une case et de glisser un bulletin.
Les Tunisiens n’ont pas choisi celui qui vous vengera parce
que pareil dessein est désormais dépassé, mais ils ont choisi d’éliminer celui
qui regardait ailleurs quand on vous achevait un à un. C’est en soi une
vengeance, Socrate, une vengeance qui ne sera effective qu’avec une promesse
ferme que le pays ne tombera pas si bas, que des martyrs ne tomberont plus par
dizaines pour des causes qui ne sont incontestablement pas les bonnes, que
l’effort se concentrera sur nous, cercle élargi et non sur celui restreint de
la complaisance.
Si tout cela est réalisé, nous vous aurons vengés, martyrs
de cette Nation. Vous les frères, fils, maris et pères, vous le jasmin de cette
terre qui de pourpre l’avez arrosée, vous l’illustration d’un hymne dont plus
que jamais nous avons compris le sens, vous son rythme et sa quintessence, nous
vous entendons, d’ici, entonner « Nous mourrons,
nous mourrons, pour que vive la patrie ! ». Et la patrie vivra.
LE CORSET DE SOCRATE : Les détails d'un terrible drame !
RépondreSupprimer" Le corset de Socrate est le gilet pare-balles que Socrate Cherni, son ami et confident Imed Hizi et leurs camarades ne portaient pas le jour où ils furent envoyés à l'embuscade terroriste.
" Précis et méticuleux, le compte-rendu du drame donne à qui s'intéresse à la vérité le détail juste qui manque, celui qui fait que la vérité devient dérangeante.
http://www.leaders.com.tn/article/le-corset-de-socrate-de-la-fine-diplomatie?id=15450