R.B
Henry Spira, l'homme qui a révolutionné la lutte pour la cause animale
Dans "Théorie du tube de dentifrice", enfin traduit en France, le philosophe Peter Singer rend hommage à un héros de la défense des animaux.
Henry Spira
parlait avec un fort accent de la classe ouvrière new-yorkaise. Il
était direct, les pieds sur terre, déterminé. Ses chemises étaient fâchées avec
le fer à repasser et ses cheveux comme lui : en bataille. C’est dire s’il ne
passait pas inaperçu dans les couloirs selects du Sénat américain, où il
plaidait la cause animale avec toutes ses pièces à conviction rassemblées dans
un sac de la Pan Am.
Heny
Spira fut un si fin défenseur des animaux que son ami le philosophe Peter
Singer, auteur de "la Cause animale" mondialement reconnu pour ce
travail, écrivit en 1998 un remarquable essai à son sujet. Cette année-là,
atteint d’un cancer, Henry Spira sait qu’il va mourir bientôt et envisage sans
douleur ce départ précipité – sa vie lui a plu, elle reflète ce qu’il est, ça
le rend philosophe. Peter Singer prend l’avion à Melbourne pour venir
parachever à New York, chez cet ami affaibli et vaillant qui lui ouvre le
canapé du salon, un travail entrepris quelques années auparavant. Considéré
comme un manuel de stratégie, ce livre en phase avec notre époque sensible à la
question animale est aujourd’hui traduit en français sous le titre
"Théorie du tube de dentifrice".
"Si on repère
quelque chose d’injuste, il faut faire quelque chose"
Henry Spira commence à s’intéresser au sort des
animaux en 1973 dans sa quarante-cinquième année et tout à fait par hasard.
Cette année-là, un ami en partance pour l’Europe lui confie son chat. Henry
Spira n’a jamais eu d’animaux. Il est immédiatement sous le charme de cet hôte
souverain. A observer la créature faire sa vie dans son appartement, il lui
apparaît soudainement totalement absurde de câliner un animal et de planter sa
fourchette dans un autre.
Il se trouve qu’au même moment, la "New York
Review of Books" publie un recueil de textes collectif coordonné par Peter
Singer, qu’il ne connaît pas encore. Dans son article, "Animals, men
and morals", le philosophe expose les grandes lignes de l’antispécisme,
inspiré des travaux de l’anglais Richard Ryde, psychologue et membre du Club
d’Oxford qui, dans les années 60, se mit à réfléchir sur la place de l’animal
parmi nous.
Les
antispécistes plaident pour que soient reconnus les points communs entre les
animaux humains et les animaux non humains (la distinction est de Darwin) et,
de ce fait, l’universalité des émotions primaires : attachement, joie, bonne
humeur, tristesse, abattement, surprise, honte, besoins sociaux, etc. Et la
capacité à ressentir la souffrance n’étant pas le propre de l’homme, les
antispécistes dénient à l’être humain le droit de faire mal aux animaux, à
quelque titre que ce soit.
Dès
lors tout va très vite. Henry Spira se met à lire pendant des jours et des
jours, il cherche parmi les oeuvres de philosophes ce qui pourrait justifier
que les animaux soient exclus de la sphère de protection morale. En vain. Aucun
raisonnement qui se puisse trouver pour affranchir l’homme du respect dû aux
animaux. A l’université de New York, il s’inscrit pour suivre un séminaire de
Peter Singer. C’est là qu’il décide de s’impliquer dans ce combat. En guise de
préambule, il devient végétarien. "Si on repère quelque chose d’injuste,
il faut faire quelque chose", disait-il.
Singer
a fait une énorme impression sur moi parce que sa préoccupation pour les
animaux était rationnelle et défendable dans le débat public. Elle ne reposait
pas sur du sentimentalisme, sur le fait que les animaux en question étaient
mignons ou sur la popularité des animaux de compagnie. Il disait simplement que
c’est mal de blesser l’autre et que pour être cohérent nous ne pouvons limiter
la nature de cet autre ; s’il fait la différence entre la douleur et le
plaisir, il a le droit fondamental à ce qu’on ne lui fasse pas de mal.
L'animal est un opprimé
Il existe bien sûr déjà aux Etats-Unis des mouvements
de défense animale qui peuvent se prévaloir d’un siècle de militantisme antivivisection
; mais ils œuvrent sans résultat aucun. Même Peter Singer qui déroule depuis
vingt ans un argumentaire saisissant n’arrive à rien. La description des
atrocités par les ligues disposant pourtant de milliers de dollars pour leur action
et la protestation étayée d’un intellectuel hors du commun ne suffisent à
faire bouger les lignes.
Henry Spira va s’y prendre autrement. Il considère que
l’animal est un opprimé et qu’il faut mettre en application les méthodes de
lutte qui ont prouvé leur efficacité pour les droits civiques des Noirs,
l’avènement du syndicalisme et l’émancipation des femmes. Il a derrière lui un
long passé d’activiste.
J’ai
senti que la libération animale était l’extension logique de ce qui avait été
toute ma vie, dira-t-il, l’identification aux impuissants et aux vulnérables,
aux victimes et aux dominés.
Pour lancer ce mouvement qui deviendra bientôt
l’Animal Rights international (ARI) et l’estampillage officiel sur ses
courriers, il lui faut une victoire et vite. Quelque chose de concret. Ses
recherches lui apprennent qu’au cinquième étage du très populaire Museum
d’histoire naturelle où se pressent chaque jour des familles ravies de
découvrir les dinosaures, se déroulent d’étranges expérimentations sur le
comportement sexuel du chat. Les cobayes subissent des mutilations à vif au nom
d’absurdes questionnements.
Apprendre qu’on étudie la fréquence moyenne des coïts
de félin énuclées ou rendus infirmes après sectionnement des nerfs dans les
organes sexuels ; savoir qu’on observe dans le noir un chat avec des lésions au
cerveau en présence d’une lapine pour voir s’il va la grimper ou pas est pour
le moins effrayant. Menées par un chercheur nommé Lester Aronson, financées par
des fonds publics, les expériences sont d’une grande cruauté. Henry Spira
n’aura pas de mal à faire naître un immense mouvement de protestation autour de
ces "observations comportementales" qui s’apparentent à
de la torture légale.
"Mutiler des chats
pour étudier le sexe : qu’est-ce qu’on s’amuse !"
Sa première campagne dure une année. Elle est relayée
par une presse incisive comme le "Chicago Sun" qui titre : "Mutiler
des chats pour étudier le sexe : qu’est-ce qu’on s’amuse !"
En 1976, "Science", la plus prestigieuse des revues scientifiques
américaines, offre un soutien inattendu à Spira en le présentant comme un homme
droit et dénué de tout fanatisme. "Science" n’accorde par ailleurs
aucun crédit aux travaux d’Aronson. Et surtout, c’est la première fois qu’une
publication scientifique traite avec respect ceux qui s’opposent aux
expériences sur les animaux. L’avancée est considérable. L’été 1977, le Museum,
en état de siège sous un déluge de réclamations, stoppe ces expérimentations et
s’engage à étudier les animaux dans leur milieu naturel. On apprendra des
années plus tard que Lester Aronson avait pris l’habitude de donner aux chats
mutilés le nom d’une personnalité de l’establishment scientifique américain.
Après
ce triomphe qui l’a fait connaître, Henry Spira va faire abolir une loi de
santé publique, le Metcalf-Hatch Act, laquelle autorise les scientifiques à
prendre chiens et chats dans les fourrières et refuges publics pour leurs
expérimentations - les chercheurs peuvent ainsi obtenir un animal pour 5
dollars contre 200 s’il est élevé spécifiquement pour le laboratoire. Les
associations de défense des animaux essayent depuis vingt ans de faire abroger
cette loi inique (les animaux sont dans des refuges et de
nombreux particuliers font des dons pour qu’il en soit ainsi). Leur combat
sans éclat est devenu le symbole suprême de l’impuissance des mouvements pour
le bien-être animal. En France, à la même époque, les ricaneurs ricanent :
Brigitte Bardot défend les bébés phoques dépecés vivants sur les banquises pour
leur blanche fourrure.
Animal Rights International passe alliance avec toutes
les associations de défense animale, les associations font pression sur le
Sénat, les journalistes relayent, le Metcalf-Hatch Act est aboli. Chaque
campagne devant servir de tremplin pour un bond en avant plus spectaculaire
encore, Henry Spira s’attaque au test de Draize, utilisé par l’industrie pour
évaluer, dans les yeux de lapins immobilisés dans des rails de contention, la
dangerosité de produits susceptibles de toucher un œil humain - c’est-à-dire à
peu près tous.
"Aveuglez des
lapins pour produire un nouveau mascara"
Cette fois encore, Henry Spira a fédéré autour de cet
objectif tous les militants - quatre cents associations et fondations, et
continue d’agir selon son modus operandi. Ne pas demander ce
qui n’est pas réaliste, en l’occurrence l’arrêt immédiat du test de Draize. Ne
pas attaquer frontalement l’adversaire. Trouver un accord, dialoguer. Il va
solliciter l’industrie cosmétique, toute désignée pour sa dimension frivole. Il
est certain que peu de gens diront : "Allez-y, aveuglez des lapins pour
produire un nouveau mascara."
Revlon a vendu pour un milliard de dollars en 1978.
C'est la toute première cible. Ce que Henry Spira veut, c’est amener la multinationale
à financer la recherche pour l’émergence de tests alternatifs, sans animaux, à
savoir l’étude de cellules ou de tissus développés en laboratoire. Le lapin
n’est bien sûr pas l’animal de compagnie qui dort au pied du lit (bien qu’il
soit facilement apprivoisable et très affectueux), mais ce qu’Henry Spira veut
faire admettre par cette campagne, c’est que le critère central est la
propension de l’animal à ressentir la douleur. Il demande à Revlon de
verser un centième d’un pour cent de son revenu brut - 170.000
dollars par an - pour ces recherches. Ce qu’il a déjà en tête, c’est
d’entraîner ensuite les industriels de la pharmacie, ceux des pesticides et des
produits domestiques dans cette révolution. Comme toujours, il prend soin de ne
pas diaboliser l’adversaire.
La campagne démarre en 1978. Henry achète une action
de Revlon pour se rendre à l’assemblée générale et interpeller le PDG. Il
n’obtiendra aucune réponse pendant deux ans malgré des sollicitations
réitérées. Une affiche conçue par Mark Graham, figure de la publicité venue
proposer gracieusement son aide et publiée en pleine page du "New York
Times", le 15 avril 1980, débloque la situation. On y voit un lapin blanc
rendu aveugle par l’expérimentation, deux tubes à essai et cette
question aux lecteurs : "How many rabbits does Revlon blind for
beauty’s sake?"
La réaction du public est houleuse, sans équivoque.
Des voix s’élèvent pour demander qu’on injecte au moins à Bugs Bunny un
antidouleur avant de le martyriser. Une autre firme entre alors en scène :
Avon, pour annoncer la fin des appareils de contention, l’usage d’anesthésiant
et la dilution des produits testés. Puis la Fédération des entreprises
cosmétiques, puissant lobby, déclare qu’il faut financer, désormais, la
recherche de substitution.
"A fait ce qu’il a
pu pour faire bouger les choses"
En 1981 survient un autre petit miracle : le
magazine "Lab animal" publie un grand entretien avec Henry qui fera
date car il libère la parole au sein de l’industrie des animaux de laboratoire.
Les salariés se disent très attachés aux cobayes même aux souris, mais sans se
sentir autorisés à donner leur avis et demander qu’on ne leur fasse pas de mal.
Le débat s’est poursuivi dans ce journal professionnel pendant seize ans.
Souffrance physique et psychique des animaux d’un côté, souffrance éthique de
certains salariés de l’autre.
La
manifestation qui se déroule cette année-là devant le siège de Revlon sur l’un
des carrefours les plus courus de New York avec le Plazza Hôtel en arrière-fond
est entrée dans l’histoire. Tout ce que la capitale compte de journalistes
scientifiques est parmi les manifestants à sonder leurs motivations. Revlon
annonce qu’elle va investir dans la recherche de substitut et financer des
chercheurs de la Rockefeller University. Au jour de la remise du premier chèque
au doyen d’université, le P.-D.G. de la firme appelle toutes les entreprises de
produits cosmétiques à faire de même : Bristol-Myers, Elizabeth Arden,
Gillette, Johnson & Johnson, Estée Lauder, L'Oreal, Max factor, Maybelline,
Noxell, Procter &Gamble.
Le succès
va au-delà des rêves les plus fous des activistes qui observent Revlon se
réformer à grand bruit : mise en place d’un comité chargé de vérifier qu’aucun
test n’est lancé sans raison valable, utilisation systématique d’un anesthésiant.
Le nombre de lapins utilisés passe de 2210 en 1979 à 1431 en 1981. Grâce à
Henry Spira, la recherche de substituts cesse de faire figure de lubie
d’antivivisectionniste pour devenir un projet sérieux, soutenu par une
entreprise multimilliardaire et associée à l’une des institutions de recherche
médicale les plus nobles. En 1989, Noxell est la première entreprise à
remplacer le test de Draize par un test sur des tissus cultivés en laboratoire.
Bien
d’autres succès suivront, racontés par le menu et Peter Singer, de l’élevage
amélioré des poules à l’abolition en 1994 du marquage au fer rouge sur le
visage des vaches. Un jour, un journaliste du "New York Times" a
demandé à Henry Spira quelle épitaphe il verrait bien sûr sa tombe à l’occasion.
"A
fait ce qu’il a pu pour faire bouger les choses", a-t-il
répondu. Les choses ont si bien bougé qu’un label "Cruaulty Free"
désigne aujourd’hui les enseignes qui commercialisent mascara et parfums sans
test préalables sur l’animal.
Par Anne
Crignon
Théorie du tube de dentifrice, par Peter
Singer, traduit par Anatole Pons, Editions de la Goutte d’or, 332 p., 18 euros.
***
2 scénarii, mais un seul souhaitable, pour clarifier le droit des animaux
en France
En droit français,
l’animal est reconnu comme vivant et sensible mais traité comme un simple
meuble. Voici deux façons de résoudre ce paradoxe.
Le droit serait-il schizophrène ? Comment
peut-on être une chose et son contraire ? Comment est-il possible d'être à la
fois objet et sujet ? Ce sont les questions qui se posent lorsqu'on analyse la
manière dont le droit français appréhende l'animal.
La loi n°2015-177 du 16 février 2015
définit les animaux comme des "êtres vivants doués de sensibilité"
tout en les soumettant, "sous réserve des lois qui les protègent" au
régime des biens. En d'autres termes, juridiquement, l'animal, pourtant reconnu
comme vivant et sensible, est traité d'une certaine manière comme un simple
meuble. C'est là une contradiction du droit des plus surprenantes : l'animal
est à la fois sujet et objet. Bien évidemment, ce statu quo est intenable et il conviendra d'y
remédier dans les meilleurs délais.
Comment résoudre cet insoutenable paradoxe
? Comment rendre au droit sa cohérence ?
Deux scénarii sont envisageables mais un
seul est souhaitable.
Première possibilité
Le Législateur ferait un retour en arrière
et replacerait l'animal, de nouveau soustrait des "êtres vivants",
sensibles qui plus est (sentient beings),
parmi les choses. Cette hypothèse n'est pas impossible mais elle n'aurait tout
simplement aucun sens.
D'abord, elle s'inscrirait à l'inverse
d'une dynamique internationale et européenne. En effet, progressivement, les
animaux ne sont plus considérés comme des choses. C'est déjà le cas en
Autriche, en Allemagne ou encore en Suisse. Les modifications apportées dans
ces codes civils ne sont pas restées isolées. A un rythme plus ou moins rapide,
les Constitutions de ces trois pays ont été modifiées pour intégrer (et donc
élever) la protection des animaux au plus haut niveau du droit. Il y a là un
mouvement notable que le droit français ne peut ignorer.
Ensuite, les études scientifiques
insistent chaque jour davantage sur la sensibilité des animaux. La vieille
conception de l'animal-machine, héritée pour une large partie de Descartes,
appartient désormais au passé. Il ne fait aujourd'hui plus aucun doute sur le
fait que les animaux éprouvent de la douleur et du plaisir et qu'ils sont
capables pour certains d'entre eux de raisonner bien au-delà de ce qu'on aurait
pu imaginer. La Déclaration de Cambridge du 7 juillet 2012, proclamée par des
scientifiques de multiples horizons, dont le célèbre Stephen Hawking, est
édifiante :
"Des données convergentes indiquent que les
animaux non-humains possèdent les substrats neuroanatomiques, neurochimiques et
neurophysiologiques des états conscients, ainsi que la capacité de se livrer à
des comportements intentionnels. Par conséquent, la force des preuves nous
amène à conclure que les humains ne sont pas les seuls à posséder les
substrats neurologiques de la conscience. Des animaux non-humains (...)
possèdent également ces substrats neurologiques."
On comprend, dans ces conditions, pourquoi
le bien-être animal devient (au minimum) une exigence de plus en plus forte ;
l'adoption récente par le gouvernement wallon du nouveau Code du bien-être
animal le prouve encore, si besoin est. La France s'inscrirait donc à rebours
de toutes ces évidences si elle venait à dénier la qualité d'êtres vivants
sensibles aux animaux. Ce scénario, aussi éventuel soit-il, n'emporte
aucunement les suffrages de ceux qui cherchent à mettre le droit en conformité
avec le vrai et le juste.
Deuxième possibilité
Afin d'assurer au droit cohérence et
stabilité, l'animal, déjà extrait de la catégorie des choses en droit français,
pourrait entrer dans une catégorie, nouvellement créée, de "personne
non-humaine" (non-human person).
Notre droit en effet est fondé sur la
distinction personnes / biens (la summa divisio). La personne, juridiquement, renvoie à un masque.
Actuellement, il existe, d'une part, les personnes physiques (humaines) et,
d'autre part, les personnes morales (entreprises, associations, fondations,
etc...). L'idée serait donc de crée en droit français une nouvelle catégorie
apte à réceptionner les animaux : celle de la personne (physique) non-humaine.
Là-dessus, il serait proposé un régime particulier, prenant en compte les
spécificités animales. Les animaux bénéficieraient ainsi d'un droit qui leur serait
propre, différent de celui des personnes humaines.
On retrouve ailleurs dans le monde cette
notion de personne non-humaine. Depuis 2013, les dauphins sont considérés de
cette manière en Inde. En 2014, en Argentine, un juge a reconnu, de façon
incidente, la qualité de personne non-humaine à une femelle orang-outan,
Sandra. Mieux : en 2016, toujours en Argentine, une femelle chimpanzé, Cécilia,
est déclarée "sujet de droit non-humain" et cette fois, la décision a
une portée contraignante. En 2017, en Colombie, dans l'affaire de l'ours
Chucho, la Cour suprême a affirmé que tous les animaux devaient être ainsi
considérés.
La catégorie de "personne
non-humaine" paraît donc pertinente parce que premièrement, elle ne
bouleverse pas les fondements du droit français qui resterait articulé sur la
distinction personnes / biens et deuxièmement, elle renvoie à une dynamique
internationale. Il s'agirait uniquement de faire basculer définitivement les
animaux du côté des personnes (non-humaines) pour mettre fin à la schizophrénie
du droit qui consiste à les poser, d'un côté, comme des êtres vivants et, de
l'autre, à les traiter comme des choses.
Dans cette perspective, on pourrait doter
les animaux d'une personnalité juridique. Puisque celle-ci bénéficie déjà aux
personnes physiques humaines et aux personnes morales, on voit mal pourquoi les
animaux, êtres vivants, désormais reconnus comme des personnes non-humaines, ne
pourraient pas en être dotés. Notre droit aime associer des catégories à des
régimes particuliers. A la nouvelle catégorie de personne non-humaine
répondrait donc le régime spécifique des personnes non-humaines. C'est en ce
sens qu'ira la future proposition de loi que s'est engagée à porter Madame la
Députée Valérie Gomez-Bassac (6e circonscription
du Var) qui permettrait au droit français de trouver sa cohérence en matière de
droit des animaux.
De ce point de vue, pour reprendre le
titre d'une intervention de Monsieur Cédric Riot, Maître de conférences des
Universités, lors d'un colloque qui s'est tenu sur cette thématique (Faculté de
droit de Toulon - 29 mars 2018), la personnalité juridique de l'animal,
"carence d'aujourd'hui", serait une véritable "force de
demain". Tel serait le remède pour sortir le droit de cette schizophrénie
qui nuit à son équilibre interne.
* Maître de
conférences à la Faculté de droit de l'Université de Toulon, spécialiste en
droit des animaux