Table des matières : http://latroisiemerepubliquetunisienne.blogspot.fr/2014/04/tables-des-matieres-de-mon-blog.html ...... Ce nouveau blog est ma contribution à la réussite de la révolution tunisienne. PS : J'utilise la rubrique "commentaires" pour "actualiser" l'article, par des commentaires piochés dans FB, ou par des liens vers d'autres articles pour un autre éclairage ...
dimanche 26 septembre 2021
CES TARTUFFES QUI ABUSENT LES TUNISIENS
samedi 18 septembre 2021
LE SORT DES ENFANTS NON DESIRES, EN TUNISIE ...
Avant l'indépendance, il était courant dans les familles pauvres de se débarrasser des enfants non désirés, souvent des filles que le père donne comme on donne un chat ou pire encore, qu'il vend pour avoir moins de bouche à nourrir; d'autant que les filles, une fois mariées, quitteront la famille pour fructifier celle de leur mari ce que certains ont résolu en développant le mariage entre cousins avec le risque de consanguinité et ses problèmes. Filles souvent récupérées par des familles nanties, pour en faire des bonnes à tout faire !
* La précocité de la baisse de la fécondité et son faible niveau actuel, font de la Tunisie une exception au sein du monde arabe et africain. Ce constat ne peut être dissocié de l'expérience d'une politique de population initiée dès les années 1960 et dont l'originalité est d'être porteuse d'un message intégrant fortement les problèmes de population à ceux du développement. À travers un vaste dispositif technique, juridique, médiatique mais insistant aussi sur la formation des personnels du planning familial, la politique de population de l'État tunisien n'a cessé de s'adapter et de se réorienter au fil des années et la question démographique a toujours figuré en bonne place dans les plans de développement successifs.
vendredi 17 septembre 2021
LES JARDINIERS DES PLAGES ...
Article publié dans :
Les plages sont un bon indicateur de la prise de conscience écologique des citoyens. Si certains pays en ont pris conscience et leurs gouvernants veillent au respect de la nature; dans d'autres, il faudrait une révolution intellectuelle pour changer les mauvaises habitudes de leurs citoyens.
A Hammamet, on voit de temps en temps après de grosses vagues qui charrient algues et boulettes de fibres d'algues, des femmes et parfois des hommes, "agents de nettoyage" au service des hôtels et des résidences de bord de mer, nettoyer les plages de ces "saletés" déposées par une mer agitée; qu'elle laisse derrière elle, une fois qu'elle s'est calmée et qu'elle s'est retirée !
vendredi 10 septembre 2021
Taoufik ALOULOU, L'AMI DE MON ADOLESCENCE ...
Le 9 septembre 2021, Taoufik Aloulou nous a quittés. Je perds un grand ami qui accompagna mon adolescence. Il a été l'un de mes rares amis du Collège Sadiki puis du Lycée Montfleury.
Au collège Sadiki nous nous sommes rencontrés en 5éme année pour préparer le probatoire du baccalauréat que lui et tout un groupe pour ne pas dire une bande d'amis, avait raté et se retrouvaient redoublants dans ma classe. Une bande de jeunes qui deviendront plus tard de grands médecins et de bons chirurgiens, je pense notamment au Dr Abdel Jelil Zaouach, un autre disparu prématurément suite à une longue maladie lui aussi; et qui fut un grand chirurgien et doyen de la faculté de médecine de Tunis.
En réalité mon amitié pour Taoufik est née lors de notre service militaire à Ain Draham. Service étant un gros mot pour désigner un "stage" en caserne; d'abord à celle de l'Aouina à Tunis chaque samedi après midi durant l'année scolaire, puis un mois à celle de Ain Draham durant les vacances scolaires d'été, que certains assimilaient à une colonie de vacances.
Bourguiba ayant besoin de cadres pour la Tunisie qu'il modernisait, ne voulait pas perturber notre scolarité par un service militaire long; d'où cette trouvaille de Béhi Ladgham alors son ministre de la Défense, du "stage en caserne" pour apprendre les rudiments de l'art militaire et le maniement des armes et dispenser ainsi les jeunes d'un service militaire long et de demandes renouvelées de sursis à chaque sortie du territoire pour ceux qui poursuivaient leurs études à l'étranger. Ce qui en dit long sur l'importance qu'accordait Bourguiba à l'éducation. Stages qui nous amusaient beaucoup car nos instructeurs étaient souvent d'un niveau du primaire, que nous étonnions de vite comprendre ce qu'ils peinaient à nous expliquer ...
Nous étions Taoufik et moi, dans la même chambrée et nous partagions le même lit superposé : lui occupant le lit supérieur et moi celui d'en bas. Déjà j'étais comme beaucoup d'autres, séduit par son sourire charmeur dont il ne se départissait jamais; même quand il était en colère.
J'ai le souvenir de sa fascination pour notre sergent instructeur qui, ayant quitté top tôt l'école, avait résolu cependant le planning familial dans sa propre famille pour ne pas engrosser sa femme à chacune de ses permissions : il calculait les périodes du cycle de son épouse pour ne prendre ses congés qu'en s'assurant que leurs retrouvailles ne tombent pas au mauvais moment. Ce qui intriguait Taoufik, c'était le sens de l'observation de cet homme qui pratiquait la contraception de façon naturelle rien qu'en "étudiant" la chose de façon empirique, pour éviter des grossesses non désirées à son épouse.
C'était ça Taoufik : curieux de tout et des gens. Il admirait chez les autres leur savoir et leurs connaissances, furent-ils empiriques. Il respectait les gens sans distinction de classe et admirait spontanément leur originalité.
Puis en terminale, Taoufik a changé d'établissement scolaire abandonnant le collège Sadiki pour s'inscrire au lycée Monfleury dirigé alors par la fille de Mahmoud Messadi ministre de l'éducation nationale de Bourguiba; profitant du démarrage de la mixité dans les collèges et lycées du pays. Inscription, j'imagine, facilitée par sa soeur, professeur d'anglais dans ce lycée.
Pour d'autres raisons, moi aussi je me suis inscrit au lycée Monfleury, au grand dam de mon père qui voulait que je poursuive mes études au collège Sadiki. Pour mon inscription, Mme Hachemi professeur de dessin dans ce lycée, avait intercédé pour moi auprès de la directrice, avançant mes "qualités de dessinateur". J'apprendrais par la suite que Mme Hachemi faisait partie du réseau secret des résistants destouriens de Bizerte, de mon père. C'est dire la discrétion de ces authentiques résistants qui militaient pour leur pays et ne faisaient pas étalage de leur militantisme et encore moins le monnayaient aux Tunisiens, comme ces prétendus militants islamistes & arabistes sortis de leur trou à la faveur du fumeux "printemps arabe", pour leur faire payer leur prétendu militantisme !
Et le hasard va faire que Taoufik et moi, nous nous retrouvions sans nous être concertés, dans le même lycée et dans la même classe, ayant pour professeur d'anglais sa soeur. Notre joie était partagée de poursuivre une amitié naissante depuis notre "service militaire".
Il faut dire que nous étions une poignée de garçons dans un lycée de jeunes filles; et quelles filles ! Cependant, nous étions un peu jaloux de Taoufik qui avait un charme fou, qui faisait tomber les filles; et il ne s'en privait pas.
J'ai gardé un très bon souvenir de cette année du baccalauréat : souvent en sortant du lycée, nous étions quelques uns dans la bande à Taoufik à l'accompagner, bien sûr avec sa petite amie, pour rentrer chez nous; avec parfois une halte chez "Ben Yedder", le salon de thé à la mode, de la rue Charles de Gaulle, repère de la jeunesse dorée d'alors où Taoufik faisait des fois le prince en invitant ses amis.
Lui comme moi, adorions le cinéma. Comme moi, il était cinéphile et nous fréquentions les cinéclubs de la capitale de façon assidue. J'ai le souvenir de longues discussions souvent passionnées à propos du dernier film vu, des acteurs, de leur jeu, de l'histoire, de la mise en scène. Il aimait la musique et jouait du piano. Il m'a fait aimer le rock et le jazz ...
Son autre dada, était la politique. Taoufik ne cachait pas sa sympathie pour le communisme très en vogue alors chez les étudiants et les intellectuels, de Tunisie aussi.
Dans notre groupe, un certain Ahmed B.C était militant communiste convaincu; et bien que d'une famille riche et en opposition à son père avocat dont il renvoyait chez eux les clients qui venaient à leur maison de campagne, une offrande à la main destinée au père, en les sermonnant qu'ils étaient plus nécessiteux que lui, me taxait de bourgeois ! Suprême insulte de la part d'un communiste; qui plus est, vivait confortablement et bourgeoisement, ce qui me faisait sourire. Heureusement que Taoufik était là pour modérer ses propos parfois agressifs à mon égard; d'autant que j'étais anti communiste et ne cachais pas mon nationalisme destourien. Car Taoufik était toujours concilient et bon camarade avec ses amis.
Puis, nos études supérieures nous ont séparés : lui, ayant choisi la médecine à la faculté de médecine de Tunis et moi, la médecine vétérinaire à l'école nationale vétérinaire d'Alfort.
Cependant, nous sommes restés en contact souvent épisodique; et j'avais de ses nouvelles régulièrement par ma sœur Hamida secrétaire du Dr Hassen Gharbi au service de radiologie de l'hôpital des Enfants Malades où officiait Taoufik qui l'appréciait et qu'elle appréciait beaucoup. Et nous avions plaisir à nous retrouver et à poursuivre une discussion restée en suspens ... comme lors de notre adolescence.
J'étais heureux pour lui qu'il ait pu faire ce qu'il voulait : chirurgien pédiatre lui allait comme un gant, lui qui est la douceur et la gentillesse mêmes. D'ailleurs quand mon neveu était en âge d'être circoncis, j'ai proposé à ses parents inquiets, de le recommander à mon ami le Dr Taoufik Aloulou, ce qu'il a accepté avec plaisir en me fixant de suite un rendez-vous pour lui amener mon neveu en me permettant gentiment de rester en salle d'opération pour le voir opérer.
Repose en paix mon cher ami.
Ton sourire charmeur va beaucoup manquer à ceux qui t'ont connu et aimé.
Ton ami Rachid Barnat
dimanche 5 septembre 2021
Ignorance et pauvreté, les deux mamelles de l'intégrisme religieux
Voici un extrait du plaidoyer de Victor Hugo contre la loi Falloux où
il dénonce les partis qui instrumentalisent la religion dans le but de
maintenir un peuple dans l'ignorance pour mieux le dominer. Heureusement la loi 1905 de
séparation de l'Etat de l'Eglise eut lieu, pour mettre un terme aux méfaits de
la religion, en instaurant la laïcité.
Texte encore d'actualité depuis que le wahhabisme s'est répandu dans le monde et fait
des dégâts chez les peuples musulmans, en exportant partout l'ignorance sacrée
et en multipliant les mosquées et les écoles coraniques.
Pour progresser, les Tunisiens n'ont d'autres
choix que de séparer l'Etat de la religion et d'interdire les partis qui instrumentalisent la religion.
R.B
mercredi 1 septembre 2021
Les dictateurs tunisiens ont leur particularité, toute tunisienne ...
Hatem M'rad
Il n’est pas inutile d’opérer une
typologie des dictateurs tunisiens, notamment de ceux qui ont défilé dans
l’histoire contemporaine, de l’indépendance à la transition d’aujourd’hui.
La dictature tunisienne a aussi sa propre spécificité. Elle n’est ni violente, ni douce, ni naïve, même si elle est variable d’un moment à l’autre, d’un homme à un autre. Elle s’impose, non pas d’un coup, mais dans la durée, lentement. Lors même qu’il y a soudaineté, elle finit par s’assouplir. La brutalité de l’audacieux réussit souvent à épouser les contours du pacifisme, de la souplesse et du pragmatisme, caractères ancestraux des Tunisiens. C’est pourquoi elle est souvent acceptée, ou considérée acceptable ou subie par les populations. Elle ne heurte pas beaucoup le Tunisien, toujours subjugué par les dictateurs régnant sur le monde arabe. Cette dictature tunisienne, qui n’a rien à voir avec la brutalité de Saddam ou de Bachar ou de Moubarak/Al-Sissi ou Kadhafi, se construit patiemment et progressivement pierre par pierre dans la durée. Les populations sont d’abord surprises par l’acte de bravoure d’un zaïm. Puis, un moment inquiètes de voir l’arbitraire piétiner la légalité, finissent par s’en accommoder confortablement dans le quotidien. La promesse du nouveau dictateur d’éradiquer la dictature précédente, de sécuriser la population et de stabiliser le système est de nature à rassurer la population.
La culture dictatoriale
Le chef audacieux libère son peuple d’une dictature ancienne ou d’une forme de dictature anarchique ou d’une occupation étrangère ou d’une Constitution schismatique. Selon les cas, tantôt il fait des réformes fondamentales et spectaculaires (Bourguiba), tantôt il prend des mesures en trompe-l’œil, en croyant berner les démocrates par des procédés plébiscitaires (Ben Ali), tantôt il s’auto-investit dans l’exceptionnel (Saïed). Il y a même des dictateurs de coulisses (Ghannouchi).
Puis des indices d’autoritarisme commencent à poindre à l’horizon, qui se renforcent jour après jour, pour se cristalliser dans la durée. Le nouveau dictateur promu prend son temps pour s’agréger des pouvoirs, clientèles, actes de fidélité et d’allégeance.
Puis vient l’essentiel : suspension de partis d’opposition, contrôle politique, élection truquée, verrouillage policier, violation des libertés et des droits, présidence à vie, procès politique inéquitable, censure des médias. La nouvelle dictature se met finalement et majestueusement, voire paisiblement, en place.
La décision politique audacieuse se transmue en fait établi, en « culture dictatoriale », bien socialisée déjà par les masses. Le fait est rendu irréfragable par le poids de l’armée, de la police et des services de renseignement.
Dictature et conservatisme social vont souvent de pair. Le dictateur trouve un large écho dans la passivité soutenue par le legs islamique, la tradition et les préjugés. Au fond, dans les profondeurs de la société tunisienne, l’orthodoxie l’emporte encore sur la raison et le progrès, comme Ibn Taymiyya et El-Ghazali sont encore plus présents qu’Ibn Roshd ou les Mutazilites. La dictature s’accommode de l’intolérance des mœurs, des discriminations pesant sur les femmes et des minorités et les accompagne.
Bourguiba, un dictateur charismatico-progressiste
Bourguiba est un dictateur charismatico-progressiste. Le héros de l’indépendance fut après l’indépendance très acclamé par le peuple. Il l’est encore. On lui pardonne tout. C’est lui le bâtisseur du despotisme éclairé tunisien, alliant fermeture politique et réformisme sociétal. C’est lui aussi, le propulseur des grandes réformes sociales, progressistes et laïcisantes. Il fut un dictateur, qui regarde devant et non en arrière. Il est même un des rares dictateurs qui soit révolutionnaire authentique, habité par le progrès et les changements en profondeur, visibles seulement dans le temps.
La plupart des dictateurs sont conservateurs, Bourguiba ne l’est pas. Son modernisme n’était pas aussi radical que celui de Atatürk, mais il était progressif (par étapes) et réaliste. Il voulait libérer les individus des traditions, préjugés et mœurs rétrogrades. La dictature doit alors servir le développement économique, l’éducation rationnelle, la libération de la femme, la construction de l’Etat, l’unité de la nation contre le régionalisme et le tribalisme. Bourguiba a même déthéologisé l’islam. Il faut le faire. Mais il a fini despote, comme il a commencé son coup d’Etat « républicain » du 25 juillet 1957 à l’Assemblée constituante.
Ben Ali, un dictateur martialo-cupide
Ben Ali était un dictateur martial et pratique, de par sa formation. Il a gouverné 23 ans durant par le verrouillage policier pour, en définitive, n’avoir comme réalisation que l’accumulation illicite des richesses, pour lui et pour ses proches, à travers des procédés de corruption et de chantage, puisées dans les ressources de l’Etat et des fortunes privées. L’ordre public produit de la richesse.
Le Général Ben Ali était également acclamé par la foule un certain 7 novembre 1987, malgré son coup d’Etat et sa trahison. Acclamé non pour sa personne, mais pour la délivrance du peuple du naufrage bourguibien. « L’ère nouvelle » s’est avérée « préhistorique ». Un dictateur militaire à courte vue succède à un dictateur civil visionnaire.
Ben Ali avait au départ le soutien de tous les déçus de la dictature bourguibienne, et des adeptes du changement démocratique, qui ont vite déchanté, dès qu’il a commencé, une année après son « coup », à serrer les vis. En tout cas, la situation du peuple n’a pas changé de nature à la suite de cette « passation » dictatoriale, même si les militants sincères avaient pu résister avec les moyens du bord.
Ghannouchi, un dictateur théocratico-politique
Après la révolution civile et sociale, c’est Ghannouchi, le « théocrate machiavélique », qui reprend le flambeau, qui domine de fait politiquement le paysage flou de la transition. Il n’était pas spécialement au pouvoir, il n’était pas dictateur à titre officiel ou personnel, mais en tirait toutes les ficelles, même à l’opposition. Contrairement aux autres dictateurs, lui, il ne « rassure » pas. Pire, il est l’homme le plus détesté de la transition.
Il était, à sa manière, et en forçant les choses, un dictateur perfide sous un masque consensuel. Chef d’un parti théologique élu démocratiquement, il gouverne en empêchant tout le monde de gouverner sur la base d’une Constitution décousue.
Il a fini par incarner le mal, la corruption, la cupidité (aussi cupide que Ben Ali) et la contre-identité. Normal que les rancœurs se soient abattues principalement sur lui et sur son mouvement après le tour de force saiedien. Ghannouchi est un dictateur par omission ou par négation. Il a tout de même réussi historiquement à faire la transition entre plusieurs coups de force. Il a été à la fois à l’origine du coup d’Etat du dictateur Ben Ali contre le dictateur Bourguiba que la cause de l’exceptionnalisme dictatorial de Kais Saïed au moyen de l’article 80. Ce n’est pas peu.
Saïed, un dictateur romano-éthique
Kais Saïed est, lui, un dictateur de type romain. Il est comme ce magistrat romain extraordinaire et précaire qui, désigné par le Sénat, avait pour mission de mettre fin à une situation périlleuse, raison de sa nomination, soit en menant une guerre, soit en réprimant une sédition intérieure, même s’il pouvait aussi être désigné pour régler des affaires particulières, telles que l’organisation d’une assemblée du peuple ou la direction d’une enquête.
Le dictateur romain est nommé pour six
mois. Il n’est pas lié par les lois. Il est une sorte de roi ayant un pouvoir
illimité de vie et de mort. Mais il faut se méfier de ces dictateurs de type
romain. César n’est pas resté six mois au pouvoir comme il est d’usage, il a
été assassiné après quatre années de dictature, et Sylla, de l’avis de Bodin, a
exercé une « cruelle tyrannie ». Le dictateur romain est donc censé
être provisoire, tout comme l’exceptionnalisme saiedien de l’article 80. Quoique
Saied n’ait été désigné ni par un Sénat ni par une Assemblée, mais par le
peuple.
Kais Saïed ne veut pas paraître comme un dictateur : ni romain ni tunisien. Disons que la dictature romaine est ici tunisifiée par le caractère éthique de Kais Saied. Enseignant le droit, et notamment le droit constitutionnel, imbu de son intégrité, il ne peut dans son esprit être dictateur, même pour une période censée être provisoire, quoique indéterminée.
Étonné par les critiques qui l’ont visé, à la suite des mesures exceptionnelles
qu’il a prises, suspendant toutes les institutions et tout le système
politique, il s’en défend : « Je ne suis pas un dictateur.
Comment pourrais-je l’être alors que je me suis appuyé sur l’article 80 de la
Constitution et que je ne suis pas sorti du cadre de la Constitution ». La
Constitution, il faudrait la forcer un peu pour que le constitutionnaliste
puisse changer la nature de l’Etat à sa guise. Il a déjà pris beaucoup de
liberté avec cet article 80, en lui faisant dire ce qu’il ne dit pas, ou même
le contraire de ce qu’il dit. Le constitutionnaliste misait sur l’acte
d’éblouissement du bon peuple à sauver, ou de ceux qui veulent en découdre avec
l’islamisme.
Il n’est peut-être pas un dictateur, mais, dans l’exercice politique, on
est jugé sur pièce. Kais Saïed a été démocratiquement élu, mais il n’a été
dictatorial que depuis le coup de force exceptionnel de l’article 80. Dans les
faits, tout le monde l’a observé, il n’arrête pas depuis plus d’un mois de
parler seul, de décider seul, de révoquer seul, de persécuter seul, de reporter
les échéances seul, de n’écouter personne, tout cela au nom d’une Justice
encore abstraite. Même s’il avait à réaliser une justice divine, un dictateur
ne cesse pas d’être dictateur, s’il emploie des procédés dictatoriaux. Ainsi,
rien n’est bon à son goût s’il a pour origine le système actuel, un système
qu’il n’a pas réalisé, lui, le président élu avec 72% d’électeurs. Le Parlement
est mauvais, tout comme les partis, le chef de gouvernement, les ministres, les
juges, les hommes d’affaires, les médias, les riches, les bourgeois et l’élite.
Tout le monde est suspecté par lui d’être mauvais et corrompu, sauf le
« peuple », cette nébuleuse. On expédie alors les arrestations des
corrompus, pour que le bon peuple applaudisse les actes héroïques du sauveur,
sans bien distinguer le bon grain de l’ivraie. Les islamistes, sa
principale cible, restent encore dans l’expectative. La révolution tunisienne
tarde encore à venir.
La révolution a été le fait de tout un peuple. Ne l’oublions pas. Pas le peuple qui a élu Saïed, mais le peuple avec toutes ses diversités, toute son hétérogénéité, toute sa conflictualité. Le 14 janvier 2011, la joie populaire était immense, parce que la révolution n’était le fait de personne, d’aucun parti, d’aucun acteur politique, d’aucun courant, et qu’elle était le fait de tous. Puis, elle a été récupérée abusivement par des théocrates majoritaires.
La voilà maintenant depuis le 25 juillet entre les mains d’un seul homme, d’un
ajusteur en chef de la révolution, celui qui va la remettre sur le droit
chemin, duquel elle n’aurait jamais dû s’éloigner. La révolution est entre
les mains d’un homme qui veut parler seul en son nom, qui veut l’orienter ou
bon lui semble, qui croit tout savoir, qui exclut tous les autres
interlocuteurs. Salus publica suprema civitatis lex est (le salut public est la loi suprême de l’Etat. Entendons le salut
par l’illumination d’un homme).
Ainsi va le défilé des dictateurs tunisiens. Ils sont immuables et changeants, après l’indépendance comme après une révolution.
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