mercredi 2 février 2022

ADIEU L'AMI, Raouf Ben MANSOUR

Encore un ami qui s'en va. J'ai appris la triste nouvelle aussitôt que Raouf fut hospitalisé suite à un accident. Dans le coma, son cœur a flanché à deux reprises. La troisième crise, lui a été fatale.

J'ai connu Raouf au lycée Mont Fleury. Nous n'étions pas dans la même classe : lui en terminale math et moi en terminale sciences. C'était l'année où débutait la mixité dans le secondaire. Nous n'étions qu'une poignée de garçons dans un lycée de jeunes filles. Il n'était pas difficile pour nous de nous rencontrer; puisqu'à la récréation nous nous retrouvions souvent entre garçons. Très vite nous avions sympathisé d'autant qu'il était d'un tempérament joyeux, prompt à faire des blagues à propos de tout le monde, des enseignants comme des élèves. Il était attentionné aux autres et ne cherchait pas à blesser par ses plaisanteries légères et taquines. En tous les cas les filles ne lui en voulaient pas. Bien au contraire elles cherchaient sa compagnie, parce qu'il était sympathique et avait une coupe à la Beatles avec de beaux et longs cheveux à la Paul McCartney, ce qui n'était pas pour leur déplaire. Mode qui plaisait aux filles mais aussi aux garçons qui admirions sa chevelure et son audace de la porter longue. 

Nous nous retrouvions souvent dans les excursions qu'organisait le lycée Mont-Fleury le dimanche, pour visiter Sousse, Hammamet ... occasion pour nous de nous amuser et de faire la fête loin des parents. 

Après obtention du baccalauréat, nous nous sommes régulièrement vus durant l'été pour courir les administrations en vue de l'inscription, lui à l'ENIT (Ecole Nationale des Ingénieurs de Tunis) et moi à la faculté des sciences; de l'obtention d'une bourse d'étude; et de l'octroi d'une chambre dans une cité universitaire. Ce qui fut fait en très peu de temps. Raouf usant de son charme auprès des secrétaires, elles traitaient vite et bien les dossiers qu'il leur remettait pour lui mais aussi pour moi et pour son ami Fathi Ch. 

Et c'est ainsi que nous nous sommes retrouvés étudiants boursiers et résidents dans la toute nouvelle cité universitaire à Mutuelleville, occupant deux chambres voisines en rez-de-chaussée : lui avec Fathi et moi avec un étudiant français venu faire des recherches pour sa thèse en géologie, en Tunisie.

Lui comme moi, bénéficions alors de locaux tout neufs dans le nouveau campus universitaire de Tunis, où venaient d'ouvrir leurs portes une école des ingénieurs, une faculté des sciences et une faculté de droit. 

La promotion de Raouf n'était pas nombreuse; et le peu d'élèves, étaient choyés par un directeur, lui même ingénieur ayant fait ses études en France : Mokhtar Latiri. Il leur offrait toutes sortes d'activités en dehors de leurs études, pour compléter leur formation : équitation, cinéma, photos ... Directeur dynamique, néanmoins adepte des Frères musulmans qui sera à l'origine de la mosquée au minaret stylisé attenante à l'ENIT. Il fera du prosélytisme pour l'islamisme, autrement dit pour le wahhabisme qui fonde l'action politique des "Frères" auquel certains de ses élèves vont adhérer; dont probablement Raouf qui me faisait l'éloge de Ghannouchi et défendait les réalisations d'Ennahdha, lors de notre dernière rencontre.

Raouf comme à son accoutumé, s'est vite formé un petit groupe d'amis composé de filles et de garçons pour étudier ensemble, réviser ensemble et se distraire ensemble. C'était la bande à Raouf. Il a eu la gentillesse de m'intégrer à certaines de ses activités parascolaires, dont l'équitation et le cinéma. C'est grâce à lui que j'assistais le soir aux cours de cinéma que leur prodiguait leur professeur de physique, féru de technique cinématographique qui joignait la pratique à la théorie en leur faisant faire un documentaire, caméra au poing ... c'est là où j'ai appris le b.a.-ba du cinéma.  

Pour l'équitation, nous allions à la Soukra où des militaires assuraient la formations des futurs ingénieurs à l'art équestre et qui m'acceptaient grâce à Raouf. J'ai le souvenir de chevauchées à travers des vergers luxuriants, jusqu'en bord de mer ... Soukra d'alors, étant vierge des constructions qui la défigurent depuis quelques années.

Nos chemins se sont séparés quand je suis parti en France poursuivre mes études à l'ENVA, après obtention de mon D.E.S à la faculté des sciences.

Raouf va poursuivre brillamment ses études à l'ENIT. Il était l'un des premiers ingénieurs tunisiens formés en Tunisie. 

Je n'ai découvert que tardivement que ma soeur Hamida est l'amie de Faouzia, la soeur de Raouf, élèves de la même classe au lycée de la rue de Pacha et qui l'invitait souvent à déjeuner dans la maison paternelle toute proche de leur lycée, ce dont il ne m'a jamais parlé. Pudeur ? Depuis, c'est par Hamida que j'avais des nouvelles de Raouf. 

La dernière fois où j'avais vu Raouf, c'était à la crémaillère organisée par Hamida dans son jardin, où j'ai eu plaisir à discuter avec lui, évoquant nos souvenirs du lycée comme ceux de l'université, entre autres. Un garçon affable et de bonne compagnie. Il va beaucoup manquer à ceux qui l'ont aimé.

Qu'il repose en paix.

Toutes mes condoléances à Faouzia, à la famille et aux amis de notre cher regretté Raouf.

Rachid Barnat

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