Pour rappel, mon père Boubaker Barnat, un grand résistant qui a sacrifié sa jeunesse (il a commencé à militer dés l’âge de 15 ans, à plusieurs reprises emprisonné pour raison politique ; puis condamné à mort ; à la fin, gracié par le général De Gaulle) pour lutter pour l’indépendance de son pays et pour l’instauration d’un régime républicain, démocratique et laïque ; très vite il va déchanter.
S’il avait accepté l’autoritarisme du début du règne de Bourguiba, qu’il estimait nécessaire pour imposer les réformes indispensables pour la modernisation de la Tunisie (statut de la famille, statut de la femme ….), qui seront suivies selon lui nécessairement par l’instauration d’une véritable démocratie, suite logique à « la politique des étapes » de Bourguiba (sia’set el mara’hel); très vite il a senti venir le piège qui va mener Bourguiba vers un régime autocratique, voir despotique vers la fin de son règne, grâce à une machine à broyer toutes les résistances : le Néodestour, parti unique. Et c’en était fini de la démocratie sous Bourguiba.
Et de cela, mon père discutait souvent avec ses amis, anciens codétenus : Mr Behi Ladgham, devenu ministre de la défense puis premier ministre ; Mr Mongi Slim, ambassadeur de la Tunisie auprès de l’ONU, entre autres. Bien que déçus, ils étaient impuissants devant ce parti devenu trop puissant.
Puis en 1987, suite au beau discours-programme de Ben Ali, à mon tour j’ai cru enfin à une possible démocratie dans la Tunisie post Bourguibienne. A mon tour de déchanter quand, 2 ans après son arrivée au pouvoir, la machine Néodestour rebaptisé RCD (Rassemblement pour le changement démocratique), va instaurer un régime autocratique encore plus dur que celui de Bourguiba.
La suite, tous nos jeunes la connaissent puisque c’est eux qui ont « dégagé » le tyran.
C’est pourquoi je me méfie de tout parti qui a vocation au totalitarisme. Dont les partis islamistes. Plus particulièrement Ennahdha qui a la cote auprès de beaucoup de jeunes qui croient à leur discours « modéré ». Je ne crois pas comme certains démocrates, que nous aurions en Tunisie un islamisme « modéré ». Cela n’existe pas. Leur programme est clair, c’est du salafisme qui se fonde sur : « le Coran + la Chariâa ». S’ils en dévient, c’est qu’ils sont hypocrites. Ils sont condamnés à l’appliquer et de plus en plus rigoureusement. C’est pourquoi les dérives vers le totalitarisme sont réelles….
Ce parti islamiste Ennahdha (Renaissance) et son chef Ghannouchi, grands vainqueurs des récentes élections générales, essaient de se refaire une virginité sur les ruines de l’ancienne dictature Ben Ali.
Pourtant, force est de constater que les islamistes du parti Ennahdha, longtemps en embuscade, n’ont pas joué un rôle majeur dans le renversement du régime de Ben Ali.
Mais en tant que parti des plus organisés, bien financé et soutenu par les émirs du Golfe et leurs médias, ils ont su tirer les marrons du feu en infiltrant les couches sociales les plus déshérités de la société tunisienne, surtout dans le sud du pays en multipliant actions et discours populistes.
Le problème, c’est que leur discours est ambigu. Ils peuvent tenir 3 à 4 langages à la fois.
Monsieur Ghannouchi nous dit officiellement qu’il respectera les libertés publiques, que les droits seront les mêmes pour les hommes et les femmes, qu’il n’imposera pas le port du voile aux femmes.
Pourtant jadis disciple de Nasser, il n’a jamais dissimulé sa sympathie active pour la doctrine de Hassan el-Banna, le fondateur égyptien des Frères musulmans. Lorsqu’il a fondé son mouvement islamique en 1981, c’est-à-dire l’année où Anouar el-Sadate a été assassiné par les islamistes, il savait bien qu’ils n’étaient pas des démocrates. Puis il va se rapprocher du Soudan dont il fera l’éloge de son président respectueux de la chariâa.
Et voilà qu’il se découvre proche de Recep Erdogan, et se met à louer le régime turc et sa façon de concilier l’appartenance à l’islam et la défense de toutes les libertés. Il va jusqu’à nous affirmer qu’’Ennhada ressemble à l’AKP, le parti du premier ministre turc Recep Erdogan qu’il qualifie d’islamisme modéré. Sur ce point, Monsieur Ghannouchi se moque de nous car islamisme et modération sont antinomiques.
Par ailleurs, à la question de la séparation du politique du religieux, les réponses de Rached Ghannouchi restent toujours évasives s’il n’élude la question ou, pire, refuse d’y répondre. Ce qui n’annonce rien de bon pour les tunisiens.
Rached Ghannouchi est un manipulateur qui cherche à endormir les opinions publiques occidentales. Sa doctrine est ambiguë, il dit tout et son contraire. Et comme l’écrit Hamadi Redissi, le président de l’observatoire tunisien de la transition démocratique : « Ses sources intellectuelles sont toujours les mêmes : Hassan el Banna, le fondateur égyptien des frères musulmans ainsi que d’autres islamistes radicaux. »
Qui plus est, Ghannouchi ne se gêne pas pour dire qu’Ennahdha doit gérer le ministère de l’éducation. Quand il déclare que les tunisiens sont devenus franco-arabes et que c’est de la pollution linguistique, il reprend un des thèmes chers au FIS, en Algérie. Ce qui en dit long sur le peu d’ouverture d’esprit du personnage et sur les décisions qu’il pourrait être amené à prendre.
Il lance cette nouvelle polémique pour créer une nouvelle zizanie parmi les tunisiens, comme il l’a fait dés son retour de son exil londonien à propos de la pratique religieuse des tunisiens, qu’il estime pas suffisamment pratiquants, voir « mécréants » ; puis de leur identité. Remplaçant par des discours populistes, un programme politique qu’à l’évidence il n’a pas.
Il entend, dit-il créer le modèle le plus démocratique du monde arabe. Alors que nous savons qu’il est soutenu et financé par les émirs du Golfe et par l’Arabie dont l’unique souci est d’empêcher que la révolution tunisienne réussisse et aboutisse à une réelle démocratie et à la modernisation de la Tunisie. Son rôle est de promouvoir le wahhabisme de ces monarques, arme parfaite pour dominer leur peuple en les abrutissant de « religiosité ». Il finira par l’imposer aux tunisiens. Pour cela, il va neutraliser les aspirations des tunisiens à la liberté et à la démocratie, deux notions, oh combien dangereuses pour ces monarques, qu’ils veulent étouffer avant qu’elles ne se propagent parmi leurs peuples aussi.
Il suffit de voir ce qui se passe dans les pays qui sont tombés entre les mains des salafistes-wahhabites, ayant adopté la chariâa comme Code Civil : Pakistan, Afghanistan, Soudan, Somalie, les pays du Golfe et d’Arabie…..pour comprendre que Ghannouchi et son parti leurrent les tunisiens en leur promettant la défense de toutes les libertés. Sont-ce des pays exemplaires sur le plan des libertés individuelles comme sur le plan économique et industriel pour vouloir importer leur modèle en Tunisie ?
En ce qui vous concerne entrez dans la modernité, saisissez vous des outils de la démocratie (inscription sur les listes électorales, participation aux votes, adhésion aux partis progressistes, participation aux associations citoyennes…), de la liberté et ne vous laissez ni séduire ni entraîner vers ceux qui veulent vous tirer vers le passé et la régression. Ne tombez pas dans les deux pièges que l’on vous tend pour vous faire croire que vos choix seraient contraire à la religion et qu’ils feraient de vous des « occidentaux » et des « mécréants ». Ce ne sont là que des outils de propagande pour ceux qui veulent seulement conquérir le pouvoir en instrumentalisant la religion. Ne soyez donc pas dupes ni utopistes. Restons réalistes.
Souvent les islamistes, narquois nous disent que la démocratie est un concept occidental, dont ils ne trouvent pas trace dans le Coran….Et Recep Tayyip Erdogan, le « modéré », expliquait en 1994 que « la démocratie représente un moyen et non une fin ».
C’est pourquoi je persiste à dire que tous les tunisiens épris de leur liberté doivent rester vigilants et critiques pour suivre toutes les actions politiques de ce parti sorti majoritaire de la première consultation du peuple.
Et se rappeler que nous sommes tous musulmans et nul n’a besoin qu’on lui impose la manière d’exercer sa foi. Refusons que les islamistes s’immiscent dans la foi des tunisiens.
Les islamistes habilement ont dénaturé le concept de laïcité en le présentant comme une notion anti-islam. Ce qui est faux et relève d’une malhonnêteté intellectuelle volontaire pour effrayer la masse populaire ! Puisque l’idée même fondatrice de la laïcité est de permettre l’expression de toutes les croyances : le religieux doit rester dans la sphère privée et ne pas empiéter sur la sphère publique ; la République garantissant à tous la liberté du culte.
Je ne voudrais pas qu’on vous vole votre révolution ni votre rêve de Démocratie, comme on l’avait volée à d’autres qui se sont sacrifiés pour ces valeurs, en permettant en son nom à un parti d’instaurer un régime théocratique totalitaire en remplacement d’un régime autocratique totalitaire lui aussi.
Car l’occasion risque de ne pas se reproduire quand les écoles coraniques auraient pris le relais des écoles républicaines qui ont formé les jeunes qui se sont révoltés ainsi que leurs parents qui leur ont donné le goût du savoir. Une génération ou deux de jeunes sorties d’un système « islamiste» et c’en est fini du libre arbitre qui mène à la révolte et aux révolutions quand le pouvoir vire à la dictature ; puisqu’en bons salafistes, les islamistes abhorrent la philosophie et ce qu’elle a de mieux : la dialectique qui permet la confrontation des idées. Ce que l’imam Malek pratiquait pour son ijtihad. Alors que l’imam Abdel Wahhab l’interdit. Or n’oubliez pas que la Tunisie est traditionnellement malékite.
Refusez le wahhabisme.
Refusez le wahhabisme.
Restez donc vigilants et ne vous laissez pas voler votre révolution ni bafouer les principes qui ont animés votre révolte pour lesquels vos camarades se sont sacrifiés : LIBERTÉ, DIGNITÉ et TRAVAIL ; par des opportunistes qui n’ont d’autre programme que de vous convertir au salafisme version wahhabite. Les tunisiennes et les tunisiens ont gagné leur droit à la liberté à travers leur révolution, il ne faudrait pas qu’une autre dictature vienne les en priver.
Rachid Barnat
Rachid Barnat
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