lundi 20 novembre 2017

L'hommage de Jean Daniel à deux grands artistes tunisiens : Jellal Ben Abdallah et Azzedine Alaïa

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La valse aux adieux

Le même jour, ou presque, j’ai appris la disparition de Jellal Ben Abdallah et de Azzedine Alaïa.

Ils étaient partants, ils sont partis, ils ne s’arrêteront pas de partir. Comme ils nous ont tout apporté, on ne peut pas les laisser seuls au moment du départ. Tout de suite après Françoise Héritier, il y a eu Robert Hirsch. Nous les avons bien connus. Ils vivaient dans la beauté et dans la vérité. Que demander de plus ? Mais cette semaine c’est le cas pour d’autres amoureux de la vie.
Le même jour, ou presque, j’ai appris la disparition de Jellal Ben Abdallah et de Azzedine Alaïa, deux artistes tunisiens qui ne se sont jamais demandé ce qu’ils devaient faire d’autre que de fréquenter la beauté et de nous rendre la vie plus désirable.
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Le premier, mon cher Jellal, miniaturiste au départ, ne voulut rien entendre ensuite de la "modernité" dont les audaces lui paraissaient être des dérives. Et puis il se voulait tunisien et même, à force de conviction et de passion, il s’est voulu non seulement tunisien mais tunisois, pour découvrir la sève populaire la plus authentique, la plus fraîche, la plus onirique. Ses portraits de femmes, ou plutôt de la femme, on les repérait dans les hôtels – pour un peu j’allais écrire dans les autels, Après les miniatures, ce fut une uniformité volontaire, obsessionnelle.
Jellal, je t’ai présenté Michel Foucault un jour de mai 68. Tu lui as furieusement opposé l’authentique à la révolution. Et puis après, tu lui as offert des fleurs que tu avais achetées en pensant à la peine que tu lui ferais. Tu as cherché à faire connaître en toutes les capitales de la peinture le secret des Tunisois. Mais alors qu’on te croyait banal, on découvre que tu avais ta philosophie de la primitivité. Et cela, c’est une victoire comme celle des longs cous soyeux et raides, Immobiles et pourtant sensuels. Cela ne t’a pas détourné des grands peintres qui vivaient près de Latifa et toi en exil, comme Paul Klee par exemple, dont je suis resté aujourd’hui encore un admirateur inlassable.
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Et Azzedine ! Alors Azzedine Alaïa, c’est tout à fait autre chose, une autre affaire, un autre rêve. Tête de Gavroche, regard de génie, la sève populaire, sans doute prétendait-il la trouver sur les femmes, mais en les couvrant de rêves, selon la noblesse des lignes et selon la tradition des couturiers les plus sophistiqués. La gloire d’Azzedine Alaïa, c’est la chevauchée dans un parcours toujours surprenant et toujours identique vers une forme de plus en plus épurée. Il y avait un tel éclat et en même temps une telle sobriété que, pour nous, il résumait l’élégance. Il faut absolument lire le merveilleux texte de Michel Tournier sur la magie avec laquelle Azzedine a tranché le débat entre les partisans du « collant » et les partisans du « flottant ».
J’ai écrit qu’avec la Tunisie, mais aussi avec ce petit village de Sidi Bou Saïd dont vous étiez, Jellal et Azzedine, tous les deux amoureux, j’avais noué des liens qui ressemblaient à des racines. Eh bien, me voilà déraciné.

L’islamisme va montrer ses limites avec le temps

« L'ISLAM MÉDITERRANÉEN * », notion qui vient de Jacques Berque et de Mohammed Arkoun **, s'est concrétisée dans la création d'une « chaire Averroès » en France, dont devraient s'inspirer les tunisiens pour créer la leur, d'autant que YBA fait partie du groupe pour animer cette chaire !
Pour cela, encore faut-il que l’enseignement de la philosophie retrouve sa place dans l'enseignement pleine et entière, bien qu'elle ne soit pas du goût des Frères musulmans parceque le wahhabisme la rejette. Et pour cause : la philosophie ouvre l'esprit et permet la critique, ce dont se méfient les islamistes de tous poils, qui ne prospèrent que sur l'ignorance et l'obscurantisme sacré qu'ils diffusent dans la société !

R.B
* L'islam méditerranéen est essentiellement d'obédience malékite & soufi, alors que l'islam de la péninsule arabique est majoritairement d'obédience wahhabite !
** Mohamed Arkoun avait beau dénoncé les dérives vers l'islamisme et mettre en garde contre le wahhabisme, à l'époque personne ne l'écoutait; du moins pas les responsables politiques.
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Trois jours de débats à Marseille. Les 24e Rencontres d’Averroès se déroulent du 17 au 19 novembre au théâtre de la Criée à Marseille, en partenariat avec La Croix, autour du thème « Quels chemins pour la liberté ? ». Elles s’organisent autour de quatre tables rondes : Vendredi à 15 heures : « Quelles libertés face au sacré ? » ; samedi à 10 heures : « Quelles libertés face à la terreur ? » ; samedi à 15 heures : « Quelles libertés face aux pouvoirs autoritaires ? » et dimanche à 11 heures : « Quelles libertés face aux bouleversements économiques et numériques ? ».
La chaire Averroès. Yadh Ben Achour sera le premier titulaire de la chaire Averroès dédiée à l’islam méditerranéen et contemporain, créée en 2018 au sein de l’Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA). Fondation de l’université d’Aix-Marseille, l’IMéRA est un lieu de résidence et de travail pour chercheurs et artistes internationaux. La chaire sera accompagnée d’un cycle de conférences publiques.
Comment se portent les libertés au Maghreb ?
Yadh Ben Achour : Après ce qu’on a appelé le printemps arabe, les soulèvements populaires et les révolutions ont, hélas, provoqué des guerres civiles qui sont par nature une négation de la liberté. L’Égypte s’est retrouvée prise entre les feux de l’extrémisme des partis religieux ou celui du pouvoir militaire. Dans un cas comme dans l’autre, la liberté est perdante. L’Algérie a, elle, connu une forte réaction nationaliste et théocentrique. Le Maroc est pétri dans ses contradictions.
Les périodes révolutionnaires envoient des messages de liberté et de justice sociale qui dirigent l’histoire des sociétés pour le grand avenir mais elles sont la plupart du temps suivies de phases d’énormes régressions politiques, d’anarchie, de dictature, de guerre, etc. Que le monde arabo-musulman soit en pleine zone de turbulences ne m’étonne pas.
Et la Tunisie ?
Y. B. A. : La Tunisie fait figure d’« anomalie arabe », pour reprendre l’expression de Safwan Masri de l’université de Columbia. Malgré les vicissitudes politiques, le terrorisme qui a failli mettre à mal la transition et les tentatives de déstabilisation, la Tunisie a évolué dans le bon sens. Elle a instauré la paix civile et développé le système démocratique dont l’alternance politique entre 2011 et 2014 est le plus vibrant témoignage. De grandes réformes en matière d’égalité et de libertés sont lancées.
Certes le pays n’échappe pas au difficile processus de mise en place d’une démocratie naissante. Mais au regard du chemin parcouru depuis le régime dictatorial de 2010, il est permis d’être confiant en l’avenir.
L’islamisme n’est guère propice à l’essor des libertés individuelles et collectives…
Y. B. A. : Les islamistes sont totalement hostiles aux libertés fondamentales. Ils détestent la démocratie qui est à leurs yeux une négation de la volonté de Dieu. Ils représentent un vrai danger. Plus encore dès qu’ils joignent l’action à la parole. C’est ce que nous vivons. Et c’est aussi au nom de la lutte contre l’islamisme et le terrorisme que les libertés sont écornées, les pouvoirs policiers renforcés dans plusieurs pays.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’islamisme va montrer ses limites avec le temps. Il le montre déjà. Le terrorisme est d’ailleurs l’expression de son échec, il est la manifestation d’un désespoir politique. Malheureusement l’islamisme parle très fort. On n’entend que lui.
Pourtant on ne peut ignorer que depuis un siècle et demi le monde musulman est aussi traversé par un élan de réforme. Des révolutionnaires de la pensée ont déconstruit l’utopie du califat. C’est d’ailleurs grâce à cette autre face de l’islam, à cet islam des réformes et de la nouvelle pensée, que nous avons gagné en Tunisie.
L’Europe doit-elle aider les mouvements réformistes ?
Y. B. A. : Les États européens défendent d’abord leurs intérêts et ferment les yeux sur les violations des droits humains. Pour autant, ce n’est pas aux Européens d’intervenir. Seuls les mouvements internes aux sociétés sont porteurs de succès. L’enjeu est de savoir quelle est la densité de la pensée réformiste dans les sociétés. La tâche est délicate car celle-ci est peu visible. Cela n’empêche pas que cette pensée travaille en profondeur les sociétés.
Comment voyez-vous la place de l’islam en Europe ?
Y. B. A. : Comment faire en sorte que les musulmans s’adaptent rapidement à la culture de la laïcité comme l’ont fait dans le passé les autres religions et que soit mis fin à cette croyance de l’incapacité de l’islam à séparer religion, morale, droit et politique. C’est le grand défi pour l’Europe.
Il y a en la matière un foisonnement d’idées nouvelles. À Berlin, des mosquées ouvrent leurs portes à des femmes qui dirigent des prières comme à Londres, aux États-Unis ou en Afrique du Sud, des homosexuels sont accueillis, hommes et femmes s’y côtoient, etc.
Cet islam-là n’a pas de problème avec la culture européenne et ne peut pas ne pas avoir d’avenir. Malheureusement aucune attention n’est portée aux réformes et réussites de l’islam en pays européens. Parce qu’il monopolise l’espace médiatique, l’islamisme apparaît comme le grand conquérant.
La laïcité est-elle aussi l’avenir pour le Maghreb ?
Y. B. A. : Le monde arabo-musulman n’échappera pas à cette évolution. La démocratie et les droits humains sont par nature laïcs car par nature temporels. Les sociétés sont conservatrices. L’islam reste très présent. Mais derrière la grande illusion de la charia souveraine se cachent des révolutions invisibles, des petites formes de laïcité sociale et juridique.
Des débats sont aujourd’hui ouverts, comme celui sur l’homosexualité toujours pénalisée en Tunisie et ailleurs. Le débat public est lancé. La démocratie finalement commence ainsi. Un jour viendra le temps de la théorisation et de l’harmonisation du discours avec les pratiques.
Recueilli par Marie Verdier

Yadh Ben Achour sera le premier titulaire de la chaire Averroès dédiée à l’islam méditerranéen et contemporain, créée en 2018 au sein de l’Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA).

À lire : 

vendredi 17 novembre 2017

Les Frères musulmans surfent sur le manque de culture des journalistes


... ou quand l'inculture de l'élite fait le lit de l'islamisme !

Tariq Ramadan, belle gueule et beau parleur ! C'est une bête médiatique pour des journalistes qui courent derrière l'audimat. Que connaissent-ils de l'islam ceux qui en parlent avec lui, pour lui apporter la contradiction ? Pour sur, pas grande chose.  Manque de culture ou paraisse intellectuelle ? Des journalistes qui continuent à parler de monde "arabo-musulman", générique hérité de l'époque coloniale assimilant des peuples disparates à un seul peuple comme s'il était homogène, ignorant souvent tout de l'histoire et de la culture de chacun d'eux ! Trahissant par là un mépris pour eux doublé d'une méconnaissance sinon d'une ignorance de leur culture.
Pourtant tous s'arrachent la bête médiatique, jusqu'à la populariser et à travers elle, installer les Frères musulmans dans le paysage politique européen. Personne n'a pris la peine de vérifier ses prétentions universitaires. C'est Caroline Fourest qui fut la première à l'avoir débusquée, révélant son appartenance aux Frères musulmans où elle poursuit les objectifs de Hassan El Banna, son grand père maternel et fondateur de la confrérie.
Il aura fallu un "scandale sexuel", pour que certains journalistes daignent s'intéresser de prés au personnage, pour découvrir qu'il bluffait tout le monde avec sa grande gueule ! 
Malheureusement le mal est fait : il en a profité pour "ouvrir le débat" et installer l'islamisme en Europe, en remettant en question la laïcité et ses règles du vivre ensemble; jusqu'à remettre en question les lois de ces pays ... pendant que ses "Frères" occupent le terrain, d'abord dans les banlieues dites difficiles; puis telle une traînée de poudre, répandent le wahhabisme dans tout le pays.
Et voilà comment les médias d'avoir fait l'amalgame entre islam et islamisme, ont fait le lit de l'islamisme en Europe !
Emmanuel Macron serait bien inspiré de confier la tâche de la réforme de l’Islam de France à Abdennour Bidar, philosophe français converti à l’islam, républicain et laïc convaincu ne pouvant être suspecté de travailler pour des officines étrangères comme c’est le cas actuellement du Maroc, de l’Algérie, de la Turquie qui sont en concurrence avec le Qatar et les Ibn Saoud pour imposer leur islam à la France ! Il connaît bien l’histoire de la France et celle de ses anciennes colonies pour ne pas confondre l’islam de France, celui de ses anciennes colonies, avec le wahhabisme qui lui est totalement étranger et que veulent importer en France des pétromonarques malintentionnés ; puisqu’ils visent ni plus ni moins, à contrôler les français musulmans et étendre leur influence, par leur prosélytisme agressif, au reste de la population française. Ce que font les Frères musulmans pour le compte du Qatar !
R.B

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Abdennour Bidar *

Affaire Ramadan : « Nous restons tragiquement aveugles aux “racines du mal” de l’islamisme »

L’affaire Tariq Ramadan est atterrante à bien des égards. Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre le scandale d’accusations de violences sexuelles pour qu’enfin nos élites s’interrogent
sérieusement sur le personnage ? Depuis quinze ans, j’ai eu plus que le temps de vérifier l’incapacité quasi systématique de nos médias, de notre classe politique, de la plupart de nos « grands » intellectuels à comprendre en profondeur les questions posées par l’islam. Cette intelligentsia se signale à peu près unanimement par son inculture sur le sujet, et, tandis qu’elle est si intelligente par ailleurs, voilà qu’ici elle n’arrive qu’à se partager benoîtement entre ceux qui considèrent le musulman comme le nouveau damné de la terre et, à l’autre extrême, ceux qui mélangent allègrement islam et islamisme sans s’en apercevoir… alors même, parfois, qu’ils croient être en train de distinguer les deux !
L’image contient peut-être : texte

Combien de nos intellectuels ont entrepris une mise en dialogue de leur propre pensée avec au moins un grand philosophe ou sociologue du monde musulman, un grand théologien, un grand mystique de cette civilisation ? Combien connaissent les travaux décisifs et les œuvres cruciales, pour comprendre les défis de l’islam contemporain, de Mohammed Iqbal, Darius Shayegan, Yadh Ben Achour, Hamadi Redissi, ou ici en France de Mohammed Arkoun ?

Paresseusement, on fait référence à Averroès (Ibn Rochd de Cordoue, XIIe siècle !) et on a « adoré » le roman de Kamel Daoud et ses magnifiques tribunes coup de poing. Mais pour aller un peu plus loin, quasi personne. L’affaire Ramadan y changera-t-elle quelque chose ? Nous fera-t-elle enfin comprendre que nous restons tragiquement aveugles sur ce que j’ai appelé dans ma Lettre ouverte au monde musulman « les racines du mal » de l’islamisme ? Systématiquement depuis des années nos élites choisissent avec une infaillibilité remarquable les mauvais interlocuteurs, et nous ouvrons nos micros, écrans, tribunes, aux traditionalistes patentés du CFCM, ou bien à des prestidigitateurs comme Ramadan qui rient à gorges chaudes de l’aubaine incroyable de notre naïveté.

Débusquer la supercherie

Leur tour de passe-passe est en effet des plus grossiers. A longueur de conférences-débats et autres talks shows, ils se contentent de réciter avec talent tous les mots que nous aimons entendre, et dans le bon ordre : réformer l’islam, l’adapter à la modernité, le libérer des traditions obscurantistes, blablabla. Il suffirait pourtant d’aller lire de plus près leurs livres – comme l’a fait par exemple Caroline Fourest avec un énorme courage – pour débusquer l’incohérence entre cet affichage publicitaire et l’indécrottable dogmatisme comme l’agressivité larvée qui resurgissent à chaque page ou presque. A chaque fois que j’ai fait cet effort de démystification, j’ai découvert avec stupeur… que dénoncer la supercherie ne sert à rien ! Et me suis aperçu avec effroi, une fois encore, de la sidérante réalité de l’heure : dans notre société de l’image et de la communication, personne ne prend le temps d’aller voir le fond des choses mais se contente de la belle apparence ou de l’écume des jours qui jaillit non-stop des robinets d’info continue.

On célèbre unanimement l’esprit critique, mais personne ou presque ne s’en sert. Je m’en accommoderais en silence, retournant à mes chères études avec le peu de ceux qui consentent encore à étudier, si les conséquences n’étaient pas si scandaleuses. La pire d’entre elles, la voici. En nous laissant amuser par les beaux discours, nous avons laissé se développer en France un islamisme de plus en plus décomplexé, qui revendique maintenant haut et fort la suprématie de la loi de Dieu face à la loi démocratique, qui affiche sans vergogne intolérance et antisémitisme, qui bafoue dans l’enfermement communautaire le droit à la liberté personnelle et l’égalité des droits, à commencer par ceux des femmes.

En n’ayant rien fait contre la loi libérale du monde qui sépare toujours plus les riches des pauvres, nous avons laissé se multiplier des ségrégations sociales infâmes, où s’est créé le terreau maudit du repli traditionaliste et radical. En collectionnant les figures d’« imams progressistes » chez lesquels il n’y a le plus souvent qu’un effort parfois sincère mais toujours insuffisant d’adaptation de l’islam, nous avons franchi le pas scélérat de la complicité objective avec tout ce qui contredit les valeurs de la République et des droits de l’Homme. En ayant fait de Ramadan un phénomène médiatique, au prétexte qu’il serait le héros de la « jeunesse musulmane », c’est en réalité sa starisation qu’on a organisée. Notre paresse et notre aveuglement ont fabriqué de toutes pièces ce joueur de flûte qui a entraîné une partie de la jeunesse musulmane vers l’abîme d’un néo-rigorisme déguisé en islam soft.

Encourager une philosophie critique de l’islam

A l’arrivée, c’est le positionnement d’une trop grande partie de nos élites vis-à-vis de l’islamisme qui n’est ni lucide ni clair. Les intellectuels de culture musulmane qui œuvrent réellement à élaborer un contre-modèle à l’islam néoconservateur cherchent autour d’eux du courage, de la lucidité, des soutiens. Que recueillent-ils ?
C’est absolument en vain qu’Abdelwahab Meddeb, que tout Paris semble admirer, a essayé d’alerter et d’ouvrir les yeux de nos décideurs et penseurs. Il a réclamé jusqu’à sa disparition, fin 2014, que soient aidés toutes celles et tous ceux qui portent des « contre prêches », c’est-à-dire de véritables réinventions, régénérations, révolutions de l’islam – au-delà de sa forme historique figée. Il a réclamé, comme Mohammed Arkoun avant lui, comme Malek Chebel avec lui, que soient ouverts dans nos meilleures universités de grands départements d’études de l’islam, où celui-ci puisse être abordé non pas dogmatiquement comme dans les mosquées, mais de façon critique comme une ressource intellectuelle et spirituelle à la recherche d’une toute nouvelle intelligibilité dans le monde contemporain.

Meddeb est mort, Arkoun est mort, Chebel est mort, après avoir tous crié dans le même désert. C’est indigne de la France. Combien restons-nous désormais à produire une philosophie critique de l’islam ? Une pensée qui nourrisse en chacun les questions spirituelles aussi bien que l’appartenance citoyenne ? Une pensée qui réconcilie les identités, les appartenances, et qui œuvre pour une fraternité qui ne soit pas que de façade ou de fronton ? On pourrait nous compter sur les doigts d’une main, à laquelle il manquerait des doigts ! Je lance donc aujourd’hui à mon tour un cri d’indignation et d’alarme. Nous allons droit à la catastrophe si tous ceux qui sont en position de responsabilité dans notre pays se contentent de s’offusquer de cette sinistre affaire Ramadan, sans qu’elle soit l’objet d’une prise de conscience.

Il est grand temps de ne plus se laisser abuser par de faux discours progressistes cousus de fil blanc. Il est grand temps d’arrêter d’être aussi aveugles, complaisants ou lâches face à tout ce qui produit de la radicalité aujourd’hui au quotidien dans notre société. Il faut arrêter aussi, à toutes les échelles, les politiques de complicité avec l’islam politique – que ce soit sur le plan international avec l’Arabie saoudite, le Qatar ou le Maroc, ou bien sur le plan local en laissant proliférer le salafisme « ordinaire » pour des calculs clientélistes et électoraux. Arrêter aussi de reculer sur la laïcité, pour rester ferme partout sur l’exigence de son respect, toujours expliqué et porté comme outil au service du vivre-ensemble et non pas comme une arme antireligieuse. 

Et puis, tiens, tant qu’on y est, rêvons un peu : à la place de ces grandes tapes dans le dos sur le mode « bravo, pour votre courage, c’est remarquable ce que vous faites », j’aimerais que nos idées, nos livres, nos recherches, nos propositions pour une mutation de l’islam hors de ses immobilismes et régressions trouvent les espaces universitaires, médiatiques et autres nécessaires pour se faire entendre.

* Philosophe spécialiste de l’islam et des évolutions de la vie spirituelle


jeudi 16 novembre 2017

REFORMES CHEZ LES Ibn SAOUD : UN VŒU PIEUX D'UN PRINCE AMBITIEUX ?

Malheureusement, des naïfs ou optimistes acharnés tombent dans le panneau de ce prince "réformateur" qui pense pouvoir redorer le blason de la dynastie des Ibn Saoud !

En tout cas une "com" comme savent faire les Ibn Saoud grâce aux pétrodollars qu'ils dilapident à tort et à travers, pour faire croire à une machine arrière d'un régime en bout de souffle qui ne tient que par la violence et l'expansionnisme d'un obscurantisme sacré qu'est le wahhabisme ... et dont la politique "arabe" s’avère un fiasco !

Qui peut croire un seul instant les discours d'un prince otage d'une doctrine qui fonde la dynastie des Ibn Saoud dans laquelle il a baigné depuis l'enfance et d'un serment fait au père fondateur de cette doctrine : Mohamed Abdelwahhab ?
 
Le prince héritier, Mohammed ben Salmane Ibn Saoud ou MBS

MBS : " La lutte contre le terrorisme et le renforcement ou l'émergence d'une société ouverte."

Il doit se lever de bonne heure pour "ouvrir" une société abrutie de religiosité !

MBS : " Boycott du Qatar pour complaisance envers le terrorisme ! "

Tiens tiens : il voit la paille dans l'oeil du voisin et non la poutre dans le sien !
Alors que l'un et l'autre recrutent, financent et arment des mercenaires/jihadistes pour semer le chaos dans les Républiques dites "arabomusulmanes" !

MBS : " Nous n'allons pas passer 30 ans de plus de notre vie à nous accommoder d'idées extrémistes et nous allons les détruire maintenant et tout de suite. "

Ce prince a compris que la manne d'or noir n'est pas éternelle sera épuisée dans les 50 ans à venir et que ses prédécesseurs ont dilapidé les milliards de pétrodollars en pure perte à vouloir exporter par tous les moyens guerre comprise, leur wahhabisme dont personne ne veut et dont l'Occident qui l'a instrumentalisé un temps, découvre ses ravages chez lui aussi !!

MBS : " Promouvoir les valeurs de tolérance et de modération religieuse au sein d'une société saoudienne encore marquée par l'intégrisme wahhabite."

Pour cela il lui faudra renier le wahhabisme et adopter d'autres obédiences plus tolérantes et moins obscurantistes ... c'est dire qu'il rêve ou il dupe son monde !

MBS : " Un projet de réislamisation s'est répandu dans nos régions depuis 1979. Mais nous n'étions pas comme ça. Nous allons simplement revenir à ce que nous étions avant, à un islam du juste milieu, modéré, ouvert sur le monde, l'ensemble des religions et l'ensemble des traditions et des peuples ".

Ce prince connaît-il l'histoire des Ibn Saoud ? Ils n'ont prospéré et dominé la région que par la violence, qu'ils ont mise au service des empires coloniaux !

Daniel Vigneron : " Or l'Arabie des Ibn Saoud n'est en rien une démocratie mais une monarchie absolue dont le monarque est choisi selon des critères assez flou par un conseil d'allégeance parmi les 550 princes fils ou petits-fils de Ibn Saoud (Abdelaziz ben Abderrahmane Al Saoud), le fondateur de l'Arabie moderne en 1932.
La désignation d'un prince héritier est donc le résultat de luttes d'influences complexes illustrées ces dernières années par une série de coups de théâtre successoraux."

Enfin, Daniel Vigneron revient aux réalités archaïques de la dynastie des Ibn Saoud pour douter de son audacieuse affirmation que MBS pourrait être le Macron du désert !

De deux choses l'une : ce prince "réformateur" est un doux rêveur, auquel cas ses cousins se chargeront de l'éliminer (assassinat ... ) ou un beau parleur qui tente de calmer la colère d'un Occident qui découvre dans sa chair le wahhabisme qui fonde la dynastie des Ibn Saoud.

Rachid Barnat





mardi 14 novembre 2017

Voltaire, censuré par le tartufe Ramadan

" Écraser l'infâme * ! "
Voltaire
l'obscurantisme sacré

La Suisse a hébergé Hassan El Banna fondateur des Frères musulmans. Son petit-fils Tariq Ramadan y joue les censeurs ... avec l'aide du protecteur de la confrérie, l'émir du Qatar.
Et voilà comment les islamistes s'installent insidieusement dans le paysage politique en Occident !
R.B

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Voltaire, Tartuffe et Tariq Ramadan

« Le Fanatisme ou Mahomet, le Prophète », célèbre œuvre de Voltaire a connu quelques déboires à Genève en raison notamment de l’intervention d’un certain Tariq Ramadan. Vanessa de Senarclens, spécialiste de littérature française du XVIII siècle à la Humboldt-Universität zu Berlin, souhaite que Genève rouvre ses portes à une pièce qui dénonce le fanatisme et l’imposture
« On avoue », note Voltaire dans une préface à sa tragédie « Le Fanatisme ou Mahomet, le Prophète » (1742), « que la comédie de Tartuffe, ce chef-d’œuvre qu’aucune nation n’a égalé, a fait beaucoup de bien aux hommes, en montrant l’hypocrisie dans toute sa laideur. Ne peut-on pas essayer d’attaquer, dans une tragédie, cette espèce d’imposture qui met en œuvre à la fois l’hypocrisie des uns et la fureur des autres ?»

La lettre de Ramadan

Depuis le XVIIIe siècle, la pièce qui propose une version satirique du personnage historique de Mahomet suscite de vives polémiques. Après trois représentations à Paris, elle est interdite pour « scélératesse, irréligiosité et impiété ». On y lit, en effet, une critique à peine voilée des autorités chrétiennes et de l’intolérance religieuse, surtout à l’endroit des protestants.
Comme Montesquieu dans ses Lettres persanes, Voltaire ferait le détour par l’altérité orientale pour dénoncer des déviances occidentales. A la suite de l’interdit de la pièce, l’auteur ne se le tient pas pour dit et parvient à contourner la censure au moyen d’une dédicace flatteuse au pape Benoît XIV, qu’il apostrophe comme vicaire du « dieu de vérité ». Le pape l’accepte et la carrière de cette tragédie est lancée, dont le succès ne se démentira pas jusqu’au début du XXe siècle en France, mais aussi en Allemagne grâce à la traduction Mahomet, Trauerspiel in fünf Aufzügen qu’en donne Goethe en 1773.
En 1993, puis en 2005, les tentatives du metteur en scène Hervé Loichemol de rejouer cette pièce à Genève, dans le contexte des festivités du 300e anniversaire de la naissance de Voltaire, échouèrent sous les pressions politiques.
Dans une lettre au Journal de Genève, Tariq Ramadan argumentait alors en faveur de l’interdiction de la pièce, en invoquant moins son caractère blasphématoire contre le prophète des musulmans que les sensibilités malmenées et blessées d’une minorité religieuse : « Aux abords des espaces intimes et sacrés, ne faut-il pas mieux parfois imposer le silence ?» demandait-il. Le silence s’est depuis durablement imposé, en partie grâce à l’influence de Ramadan sur les autorités politiques et culturelles genevoises. Il est de plomb et fait le consensus au vu d’une actualité toujours plus violente et polarisée.

L'imposture dénoncée

Personne ne prend le risque de jouer cette pièce dans laquelle Voltaire faisait, de son propre aveu, pour sa démonstration des méfaits du fanatisme, Mahomet « plus méchant qu’il ne l’était ». Or, chez Voltaire, le personnage du Prophète n’est pas un fanatique comme pourrait le laisser entendre le titre de la tragédie, mais un imposteur, «un fourbe» comme le note Rousseau dans un texte d’éloge.
Le sujet de la pièce jugée inopportune par Ramadan est moins la religion chrétienne ou musulmane que l’imposture, le sectarisme et la haine qui en découle. Elle se clôt sur le monologue du protagoniste voltairien : « J’ai trompé les mortels, et ne puis me tromper… Mon empire est détruit si l’homme est reconnu. »

A quand le retour de Voltaire à Genève ?

Le fanatisme, au même titre que les sectarismes idéologiques, dissimule sous des vérités révélées la volonté de puissance et les pulsions. Il serait bon qu’à Genève, on se souvienne de la tradition critique et éclairée qui fut un temps la sienne, et qu’un projet de représentation d’une pièce de Voltaire, fût-elle une radicale critique du fait religieux, ne soit pas enterré sous un silence apeuré et que l’espace public puisse être le lieu de vivants débats.

lundi 13 novembre 2017

PLUS JAMAIS PEUR, film de Mourad Ben Cheikh

Article du 26.09.2011, repris de mon 

Article paru dans : Kapitalis et Ifriqya Magazine

Où en sont les tunisiens de cette peur : guéris ou en phase de l'être ? Car il y a beaucoup à faire pour s'en débarrasser; d'autant qu'une nouvelle dictature, théocratique cette fois-ci avec la bénédiction de Béji Caid Essebsi & Nidaa Tounes, les guette ... s'ils n'y prenaient garde !
R.B
C’est le titre d’un film de Mourad Ben Cheikh, un jeune tunisien primé au festival de Cannes 2011 en sélection officielle hors compétition.
Le titre reproduit le texte en arabe d’une banderole d’un manifestant du 14 janvier 2011, jour où les tunisiens ont « dégagé » leur dictateur Ben Ali.

La construction du film-documentaire sur la " Révolution du Jasmin ", s’appuie sur un entretien psychothérapique d’un patient, qui souffre d’un polytraumatisme psychologique dû à toutes les peurs accumulées et à la terreur inculquée et imprimée dans les esprits des tunisiens par le régime dictatorial et policier de Ben Ali. Dans ce patient sans visage, beaucoup de tunisiens peuvent se reconnaître.

Même la paranoïa qui touchait les tunisiens, a été évoquée par un jeune membre d'un comité de quartier, qui protégeait ses habitants contre la milice de Ben Ali. Heureux de la libération de la parole, il raconte à ses amis de circonstance, à quel point l'ami se méfiait de son ami de peur qu'il ne soit un "indic" au service de ZABA. 

Pour exorciser les peurs du patient, la psychiatre l’encourage à les exprimer à travers une création artistique. En l’occurrence, elle lui propose de faire un patchwork en déchirant dans les journaux qu’elle lui soumet, tout ce qui nourrissait ses peurs.

En déchirant les journaux pour n’en retenir que les photos et les passages qu’il va assembler, il déchire symboliquement les journaux qui représentaient à eux seuls tout le système Ben Ali, quand les journalistes zélateurs ne produisaient que des articles laudateurs à la gloire du Président du Changement du 7 novembre 1987 ! Journaux qui faisaient honte à tout un peuple.

Vers la fin du film, le patchwork prend forme et le patient semble guéri de ses démons.

La musique du film n'est autre que l'hymne national chanté par Alia Sellami, à la manière d'une berceuse au rythme lent et doux comme pour accompagner le convalescent dans sa sortie du cauchemar où l'avait plongé Ben Ali et son système policier. Elle lui rappelle que : « Si un jour un peuple décide de vivre, force au destin d’y répondre, force à la nuit de se retirer et force aux chaînes de se briser », quatrain célèbre, du poète national tunisien, Abou El Kacem Echabbi.

Le cinéaste nous donne la clef de son film lors du débat qui a suivi sa projection :
Les tunisiens par leur révolte se sont émancipés de l’image du père très prégnante dans les sociétés dites "arabo-musulmanes". Ce qui est un acte fondateur, dit-il, que vont copier d’autres peuples arabophones : Égyptiens, Libyens, Syriens, Yéménites … qui rejettent eux aussi leur "père de la nation", autoproclamé, pour une présidence à vie, transmissible à sa descendance. Mais qui commence à toucher aussi les monarchies : Bahreïn, Jordanie, Maroc….

Ce fil conducteur, permettra au cinéaste d’illustrer ces peurs à travers le parcours de trois tunisiens devenus célèbres pour leur combat et leur courage, en lesquels tous les tunisiens se retrouveront le 14 janvier 2011 pour dire stop à la dictature :

      - L’avocate Radhia Nasraoui, militante des droits de l’homme,
      - Le journaliste Cherif Hamma, et
      - La blogueuse Lina Ben Mhenni.

Choix judicieux : bien que je ne connaisse pas la couleur politique du réalisateur, je pense que son choix s'est porté sur des "acteurs" pacifistes à l'image de la révolution elle-même d'un peuple de nature pacifiste et qui l'a prouvé durant ses manifestations contre son Ben Ali. 
S'il n'a pas parlé des Frères musulmans qui ont payé eux aussi leurs tributs à la dictature de Ben Ali, c'est parce que leur mouvement Ennahdha n'a pas brillé par son pacifisme et n'a pas participé aux manifestations des tunisiens pour dégager leur dictateur ! Bien au contraire, les tunisiens et surtout les tunisiennes, ont encore en mémoire leur terrorisme aveugle et leurs attentats dans lesquels des tunisiens sont morts.

Ces trois personnages, chacun à sa manière, donneront une densité émotionnelle à leur témoignage. Toute fois, le cinéaste n’a pas voulu, semble-t-il, tomber dans le pathos; puisque chacun de ses « acteurs » ou leurs proches, apportent en plaine dramaturgie une note humoristique. Humour devenu pour les peuples opprimés, leur seul recours, pour continuer à vivre. C’est un peu leur façon de résister à la dictature. 

Radhia Nasraoui et son mari Hamma El Hammami, émouvants tous les deux, racontent quelques anecdotes à propos de leurs incessantes démêlées avec la police secrète de Ben Ali, dont une touchante : un portraitiste sur les quais de la Seine à Paris, suppliait Radhia de poser pour lui avec sa fille. N’ayant pas d’argent, elle a refusé. Il insistait, lui proposant le prix d’un euro par portrait. Cela l’a bouleversée qu’elle ait trouvé plus nécessiteux qu’elle. Elle accepte. Au cours de la séance, il lui semble la reconnaître. Elle décline son identité. En effet il connaissait son combat. Il lui avoue alors, qu’il avait renoncé à se suicider le jour où les médias ont parlé de sa grève de la faim, admiratif de son courage et de son obstination devant l’adversité, lui qui vit, lui dit-il,  dans un pays libre.

La jeune blogueuse Lina, était la plus touchante des 3 « acteurs ».
Pudique, c’est par son père, pas peu fier de sa fille, que nous apprendrons son propre combat contre le lupus, une maladie auto-immune rare, qui s’est attaquée à ses reins. De dialyse en dialyse, elle ne doit de survivre qu’à la greffe du rein que sa mère lui avait offert.
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Cette jeune fille de parents militants, trouvera dans la révolte de Sidi Bouzid un exutoire pour exorciser sa peur de sa maladie qui la minait de l’intérieur et dont elle se sentait prisonnière. Elle sera parmi les premiers à vouloir enquêter sur la mort de Mohamed Bouazizi. 
De ce qui était du domaine inconsciemment allégorique entre le corps et la maladie, elle va découvrir l’ampleur des dégâts du régime policier de Ben Ali et le grand mal qui ronge tout le corps social tunisien, dont Mohamed Bouazizi va se libérer en s’immolant.
La rage dans le ventre, elle décide de témoigner de ce qu’elle voit, puisque l’information officielle est quasi inexistante, utilisant pour cela les nouveaux réseaux sociaux.
Elle a eu le courage de témoigner sous son vrai nom à visage découvert, via son Blog ! Ce que la police secrète de Ben Ali ne tarda pas à repérer pour venir "cambrioler" ses parents et voler toutes ses vidéo-reportages.
Modeste, Lina conteste que son père admire son engagement politique et son militantisme. Ce qu’elle refuse d’admettre, se contentant d’un rôle d’observatrice qui rend compte de ce qu’elle voit, dira-t-elle modestement.

Quand au père, il dit que chaque fois qu’il passait devant le ministère de l’intérieur, devenu le ministère de la torture pour les tunisiens, cela lui ravivait ses souffrances et les tortures qu’il y avait subies sous le régime de Ben Ali. Il n’en fera le deuil, dit-il, que depuis le 14 janvier quand les tunisiens viendront à bout de leur « Bastille ». Par ailleurs, il n'a cessé de rendre hommage aux tunisiennes qui étaient nombreuses et souvent aux premières lignes lors des manifestations et lors des accrochages avec les forces de l'ordre. Les tunisiens leurs doivent leur révolution, rappelle-t-il.

A la fin de la projection, il y a eu quelques questions posées au cinéaste sur la révolution tunisienne et son évolution. Devant certaines inquiétudes des français, nombreux dans la salle, le cinéaste s’est voulu raisonnablement rassurant. Particulièrement en ce qui concerne la montée de l’islamisme en Tunisie, estimant que ce parti fera probablement 20 à 30 % des voix mais qu’on ne gouverne pas avec un tel score, pas plus que le Front National qui frôle les 20 % en France ne gouvernera le pays.
A une militante pour les droits de l’homme qui demandait quelle action prioritaire verrait-il pour la Tunisie pour les militants ; sa réponse était : les médias. Parce qu’ils sont aux premières lignes pour l’information du peuple. Sa crainte est que la corruption change de nature. Car si les journalistes tunisiens semblent s’être émancipés du pouvoir politique, il reste le pouvoir de l’argent contre lequel on ne peut rien faire, rappelle-t-il.  

Après avoir vu ce film on sort ému, admiratif et en définitif plein d’espoir. Un peuple qui a réussi cela ne pourra plus jamais accepter une dictature quelle qu’elle soit. Il a exorcisé sa peur.
Désormais il n’aura plus jamais peur.


Livre : Tunisian Girl, Blogueuse pour un printemps arabe. De Lina Ben Mhenni
          Indigène éditions.