jeudi 9 novembre 2017

Jalel Ben ABDALLAH, LE PEINTRE ARTISAN

Hommage publié dans : Kapitalis


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Jalel Ben Abdallah 

Jalel Ben Abdallah vient de nous quitter.
Cet autodidacte a fait partie de la grande école de la peinture tunisienne.

C'est un miniaturiste qui a fait de grands tableaux au propre comme au figuré. En effet, ce passionné de la miniature a osé, avec bonheur, en reprendre la technique dans des tableaux de plus grande taille. Ce passionné du détail avait aussi une palette très reconnaissable d'entre les peintres tunisiens. Ses couleurs pastel accentuent la douceur émanant de ses tableaux. Elles leur donnent une certaine fraîcheur. Il a su marier le cubisme et le figuratif dans lesquels il sublime la femme tunisienne, peinte dans ses costumes traditionnels, dans des intérieurs andalous; se prélassant sinon surprise reproduisant les gestes du quotidien qui ont marqué l'enfance du peintre.
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S'il a rendu hommage à la femme, à ses tenues traditionnelles, à son savoir faire enraciné dans la tradition, aux métiers traditionnels des hommes; il y a un monument qui est devenu sa signature : le Boukornine, cette petite montagne à deux cornes  à Hammam-Lif, au sud de Tunis, souvent présente à l’arrière plan de ses tableaux. Et pour cause : elle fait face à sa maison à Sidi Bou Saïd, juste de l'autre côté du golfe de Tunis. 
Maison, faut-il le rappeler, à l'image du peintre, qu'il a faite construire dans un lieu magique, ouverte sur la mer avec un jardin en cascade, ayant pour horizon la mer et le Boukornine. 
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Ce passionné des maisons andalouses et des palais anciens, a glané dans les vielles maisons et vieux palais de Tunis et de Sidi Bou, souvent abandonnés, des objets, des meubles, des portes, des fenêtres, des fers forgés, des margelles de puits ... pour leur redonner une seconde vie dans sa maison, dont il a fait une oeuvre d'art en soi, pour l’esthète qu'il était. 

Il est certain que par sa peinture il a popularisé Sidi Bou, le golfe de Tunis et le Boukornine. Puisqu'ils sont omniprésents dans bon nombres de ses tableaux qui ornent les plus belles collections de peinture tunisienne, en Tunisie et à l’étranger.

Mes premières émotions devant un tableau, je les lui dois. En effet adolescent, je l'ai découvert dans la galerie du Palmarium à Tunis. Je me rappelle rester de longs moments devant ses tableaux que je revenais voir plusieurs fois, souvent samedi après les cours au Collège Sadiki; et ce, jusqu'à la fin de l'exposition. Regarder ses tableaux avait quelque chose de reposant. Regarder ses tableaux, est une invite au voyage dans le monde du peintre empreint de douce nostalgie liée à son enfance. 
Expositions que j'ai appris depuis à guetter tous les ans lors de la rentrée artistique des peintres tunisiens, pour venir y retrouver mon peintre préféré : Jalel Ben Abdallah !

Rachid Barnat
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D'une vie bourgeoise à une vie d'artiste

C’est au 9 boulevard Bab Menara, dans le vieux Tunis, que débute le destin peu commun de Jellal Ben Abdallah. Dès sept ans, il montre des aptitudes au dessin et exerce ses talents sur les portes et les murs de sa chambre. Mû par une nécessité impérieuse de peindre et bravant l’interdiction paternelle de s’y adonner, il dessine au dos de ses cahiers d’école et redécouvre ainsi l’art de la miniature persane sans l’avoir jamais connue. A 13 ans, première exposition en herbe avec Hatem El Mekki dans l’arrière-boutique d’un cordonnier. A seize ans, toujours à l’insu de ses parents, il expose au café Baghdad et la critique unanime finit par avoir raison des réticences paternelles : Le jeune Jellal peut enfin travailler au grand jour à forger sa manière propre. 
En 1939, au décès de ses parents, il s’installe définitivement à Sidi Bou Saïd et s’y enferme, comme Vermeer à Delft, et décide de vivre pour sa peinture. Il expose régulièrement dans plusieurs galeries et fréquente les grandes figures littéraires du moment, comme Ali Douagi et les membres du groupe Taht Essour, ainsi que les peintres avec qui il formera plus tard l’Ecole de Tunis. 
En 1948, il remporte le premier prix de Tunisie de peinture, ce qui lui ouvre les portes de l’Europe. Il entame alors une série de voyages qui le mèneront à Paris, Rome, Venise et Stockholm et peut enfin confronter son art à la grande peinture occidentale. Ben Abdallah devient ainsi tour à tour graveur, sculpteur, céramiste, mosaïste, architecte, poète, musicien et décorateur de théâtre mais c’est à la peinture que va sa préférence. 
En 1953, en dépit du succès qu’il connait en Europe, il s’installe en Tunisie pour mieux s’enraciner dans le terroir qui fera sa spécificité. Néanmoins, de la miniature à la fresque, les influences méditerranéennes et les références à l’art gréco-romain deviendront désormais omniprésentes dans son œuvre. 
A l’aube des années 70, il parvient à sa facture classique qui connait un grand succès commercial et reçoit de nombreuses commandes pour des établissements publics. On considère que le peintre tunisien aura réalisé quelques 7000 œuvres dont beaucoup, ayant été acquises par des étrangers, se sont éparpillées sur les cinq continents. Ben Abdallah peint ainsi depuis 80 ans un tableau qui ne veut pas finir et parvient à inventer un monde pictural où les souvenirs mêlés aux rêves forment un fertile réseau d'ambiguïtés et de contradictions.

Biographie de l'artiste :

26 Mai 1921 : Naissance à Bab Menara à Tunis.
1934 : 1ère exposition en herbe avec Hatem El Mekki rue du Pacha. Porte de l’intérêt pour l’art de la miniature.
1937 : Exposition au café Bagdad et autorisation paternelle de peindre. Naissance d’une amitié avec Violet et Jean HENSON.
1938 : Choisit la peinture comme mode d’expression artistique et décide d’en faire son métier. Fréquente les peintres de l’Ecole de Tunis et s’inspire de Amor Ghraïri et Aly Ben Salem. Peint « Le Martyr » après les événements d’avril 1938.
1939 : Perd sa grand-mère et ses parents et s’installe définitivement à Sidi Bou Saïd.
1943 : Expose les premières grandes miniatures chez Mme ATTIAS.
1948 : Entre à l’école des Beaux-Arts de Tunis et y reste 3 semaines. Remporte le 1er prix de peinture et reçoit une bourse pour séjourner à Paris pendant 3 mois.
1949 : Arrive à Paris et fréquente l’académie de la grande chaumière et les artistes de Montparnasse. Rejoint Moses Levy à Rome et visite Venise et Florence. Intérêt majeur pour la peinture des primitifs italiens et de la Renaissance.
1950 : Passe 3 mois à Stockhölm à l’invitation d’Aly Ben Salem.
1951 : 1ère grande commande publique : 2 fresques pour le Lycée de jeunes filles de Sousse.
1951 :  Commande de l’état : Fresques pour la maison de Tunisie à Paris où il s’installe à nouveau pour 2 ans rue des Ecoles et reprend le gigantesque atelier d’Auguste Matisse, rue Cassini.
1952 : Expose à la galerie Champion-Cordier rue La Boétie qui se charge d’expédier et de vendre ses œuvres au Luxembourg, en Espagne, en Egypte et aux Etats-unis.
1953 : Peint un hommage à Picasso. Retour définitif à Sidi Bou Saïd. Renoue avec l’école de Tunis. Premières expositions de miniatures à la galerie ARS.
1956 : Maquettes de plus de cent timbres pour la jeune république tunisienne.
1957 : Devient décorateur du théâtre municipal de Tunis pendant 13 ans. Epouse Latifa Bach Hamba qui devient sa muse.
1968 : Décore avec Aly Ben Salem le pavillon de Tunisie à Bruxelles.
1969 : Exposition à la Sala de Santa Catalina Del Ateneo à Madrid. Nombreuses commandes pour des établissements hôteliers et bancaires.
1970 : Parution d’un livre de miniatures chez Cérès Productions. Expose désormais annuellement à la Galerie Gorgi avec les membres de l’Ecole de Tunis.
1972 : Exposition au petit palais de Genève. Sculpture pour la Poste tunisienne du Belvédère.
1977 : Trouve une facture « classique » qui deviendra sa marque de fabrique pendant une période de 30 ans et annonce le succès commercial du peintre.
1983 : Parution de « Jellal Ben Abdallah » - texte de Jean Duvignaud -  chez Cérès Productions.
1997 : Dernière exposition de 50 miniatures à la Galerie Ammar Farhat. 12 lithographies tirées à 200 exemplaires à Paris. Expose de moins en moins et vend directement depuis son atelier.
2009 : Rétrospective de son œuvre à la galerie ATRIUM où 120 œuvres de toutes factures sont présentées au public. Catalogue « Ni disciple ni maître » préfacé par Jean Daniel.
2010 : Exposition à la galerie ATRIUM de 30 œuvres autour du  thème du « fini et de l’inachevé ».
2013 : Parution du livre « Jellal Ben Abdallah, sous l’artifice, la simplicité » par Amin BOUKER. L'artiste décide de rompre à nouveau avec les expositions. Série de tableaux en hommage à la peinture de la Renaissance.
2014 : Retour aux micro miniatures. Nombreuses études préparatoires pour le "Dieu Boukornine" et le "Cyclope".
2015 :  2ème rétrospective, "Ben Abdallah, peintre d'un seul tableau" organisée par l'institut français de Tunisie au lycée Carnot où Ben Abdallah a été élève. 40 œuvres sont ainsi exposées dont une partie des collections de la BIAT, l'UBCI, le ministère de la culture et la résidence de l'ambassadeur de France.

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