lundi 20 novembre 2017

L’islamisme va montrer ses limites avec le temps

« L'ISLAM MÉDITERRANÉEN * », notion qui vient de Jacques Berque et de Mohammed Arkoun **, s'est concrétisée dans la création d'une « chaire Averroès » en France, dont devraient s'inspirer les tunisiens pour créer la leur, d'autant que YBA fait partie du groupe pour animer cette chaire !
Pour cela, encore faut-il que l’enseignement de la philosophie retrouve sa place dans l'enseignement pleine et entière, bien qu'elle ne soit pas du goût des Frères musulmans parceque le wahhabisme la rejette. Et pour cause : la philosophie ouvre l'esprit et permet la critique, ce dont se méfient les islamistes de tous poils, qui ne prospèrent que sur l'ignorance et l'obscurantisme sacré qu'ils diffusent dans la société !

R.B
* L'islam méditerranéen est essentiellement d'obédience malékite & soufi, alors que l'islam de la péninsule arabique est majoritairement d'obédience wahhabite !
** Mohamed Arkoun avait beau dénoncé les dérives vers l'islamisme et mettre en garde contre le wahhabisme, à l'époque personne ne l'écoutait; du moins pas les responsables politiques.
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Trois jours de débats à Marseille. Les 24e Rencontres d’Averroès se déroulent du 17 au 19 novembre au théâtre de la Criée à Marseille, en partenariat avec La Croix, autour du thème « Quels chemins pour la liberté ? ». Elles s’organisent autour de quatre tables rondes : Vendredi à 15 heures : « Quelles libertés face au sacré ? » ; samedi à 10 heures : « Quelles libertés face à la terreur ? » ; samedi à 15 heures : « Quelles libertés face aux pouvoirs autoritaires ? » et dimanche à 11 heures : « Quelles libertés face aux bouleversements économiques et numériques ? ».
La chaire Averroès. Yadh Ben Achour sera le premier titulaire de la chaire Averroès dédiée à l’islam méditerranéen et contemporain, créée en 2018 au sein de l’Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA). Fondation de l’université d’Aix-Marseille, l’IMéRA est un lieu de résidence et de travail pour chercheurs et artistes internationaux. La chaire sera accompagnée d’un cycle de conférences publiques.
Comment se portent les libertés au Maghreb ?
Yadh Ben Achour : Après ce qu’on a appelé le printemps arabe, les soulèvements populaires et les révolutions ont, hélas, provoqué des guerres civiles qui sont par nature une négation de la liberté. L’Égypte s’est retrouvée prise entre les feux de l’extrémisme des partis religieux ou celui du pouvoir militaire. Dans un cas comme dans l’autre, la liberté est perdante. L’Algérie a, elle, connu une forte réaction nationaliste et théocentrique. Le Maroc est pétri dans ses contradictions.
Les périodes révolutionnaires envoient des messages de liberté et de justice sociale qui dirigent l’histoire des sociétés pour le grand avenir mais elles sont la plupart du temps suivies de phases d’énormes régressions politiques, d’anarchie, de dictature, de guerre, etc. Que le monde arabo-musulman soit en pleine zone de turbulences ne m’étonne pas.
Et la Tunisie ?
Y. B. A. : La Tunisie fait figure d’« anomalie arabe », pour reprendre l’expression de Safwan Masri de l’université de Columbia. Malgré les vicissitudes politiques, le terrorisme qui a failli mettre à mal la transition et les tentatives de déstabilisation, la Tunisie a évolué dans le bon sens. Elle a instauré la paix civile et développé le système démocratique dont l’alternance politique entre 2011 et 2014 est le plus vibrant témoignage. De grandes réformes en matière d’égalité et de libertés sont lancées.
Certes le pays n’échappe pas au difficile processus de mise en place d’une démocratie naissante. Mais au regard du chemin parcouru depuis le régime dictatorial de 2010, il est permis d’être confiant en l’avenir.
L’islamisme n’est guère propice à l’essor des libertés individuelles et collectives…
Y. B. A. : Les islamistes sont totalement hostiles aux libertés fondamentales. Ils détestent la démocratie qui est à leurs yeux une négation de la volonté de Dieu. Ils représentent un vrai danger. Plus encore dès qu’ils joignent l’action à la parole. C’est ce que nous vivons. Et c’est aussi au nom de la lutte contre l’islamisme et le terrorisme que les libertés sont écornées, les pouvoirs policiers renforcés dans plusieurs pays.
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. L’islamisme va montrer ses limites avec le temps. Il le montre déjà. Le terrorisme est d’ailleurs l’expression de son échec, il est la manifestation d’un désespoir politique. Malheureusement l’islamisme parle très fort. On n’entend que lui.
Pourtant on ne peut ignorer que depuis un siècle et demi le monde musulman est aussi traversé par un élan de réforme. Des révolutionnaires de la pensée ont déconstruit l’utopie du califat. C’est d’ailleurs grâce à cette autre face de l’islam, à cet islam des réformes et de la nouvelle pensée, que nous avons gagné en Tunisie.
L’Europe doit-elle aider les mouvements réformistes ?
Y. B. A. : Les États européens défendent d’abord leurs intérêts et ferment les yeux sur les violations des droits humains. Pour autant, ce n’est pas aux Européens d’intervenir. Seuls les mouvements internes aux sociétés sont porteurs de succès. L’enjeu est de savoir quelle est la densité de la pensée réformiste dans les sociétés. La tâche est délicate car celle-ci est peu visible. Cela n’empêche pas que cette pensée travaille en profondeur les sociétés.
Comment voyez-vous la place de l’islam en Europe ?
Y. B. A. : Comment faire en sorte que les musulmans s’adaptent rapidement à la culture de la laïcité comme l’ont fait dans le passé les autres religions et que soit mis fin à cette croyance de l’incapacité de l’islam à séparer religion, morale, droit et politique. C’est le grand défi pour l’Europe.
Il y a en la matière un foisonnement d’idées nouvelles. À Berlin, des mosquées ouvrent leurs portes à des femmes qui dirigent des prières comme à Londres, aux États-Unis ou en Afrique du Sud, des homosexuels sont accueillis, hommes et femmes s’y côtoient, etc.
Cet islam-là n’a pas de problème avec la culture européenne et ne peut pas ne pas avoir d’avenir. Malheureusement aucune attention n’est portée aux réformes et réussites de l’islam en pays européens. Parce qu’il monopolise l’espace médiatique, l’islamisme apparaît comme le grand conquérant.
La laïcité est-elle aussi l’avenir pour le Maghreb ?
Y. B. A. : Le monde arabo-musulman n’échappera pas à cette évolution. La démocratie et les droits humains sont par nature laïcs car par nature temporels. Les sociétés sont conservatrices. L’islam reste très présent. Mais derrière la grande illusion de la charia souveraine se cachent des révolutions invisibles, des petites formes de laïcité sociale et juridique.
Des débats sont aujourd’hui ouverts, comme celui sur l’homosexualité toujours pénalisée en Tunisie et ailleurs. Le débat public est lancé. La démocratie finalement commence ainsi. Un jour viendra le temps de la théorisation et de l’harmonisation du discours avec les pratiques.
Recueilli par Marie Verdier

Yadh Ben Achour sera le premier titulaire de la chaire Averroès dédiée à l’islam méditerranéen et contemporain, créée en 2018 au sein de l’Institut méditerranéen de recherches avancées (IMéRA).

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1 commentaire:

  1. Yadh Ben Achour :

    Convertir l'Autre et tolérer autrui : quelle solution pour cette antinomie des religions ?

    http://yadhba.blogspot.fr/2017/10/convertir-lautre-et-tolerer-autrui.html

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