jeudi 25 juin 2020

EN FRANCE, Kais SAIED SE DÉVOILE UN PEU PLUS ...

Article publié dans : Kapitalis

Lors de sa visite officielle à Paris les 22 et 23 juin 2020, le président Kais Saied en plus de son allocution au palais de l'Elysée, a donné un certain nombre d’entretiens, notamment à France 24 et au journal Le Monde, qui permettent de se faire une idée plus précise à la fois de la personne et du projet de ce Président.

Sur la forme, on s’étonne que Kais Saied prétende parler l’arabe maternelle, pour être compris des Tunisiens !
Ce qui fait sourire les Tunisiens dont la « derja » (arabe parlé) n’a rien à voir avec l’arabe littéraire que parle leur président.

Sur le fond, on peut dire qu’il a clairement mis l’accent sur les dérives et les dangers des Frères musulmans d'Ennahdha au pouvoir en Tunisie.

C’est ainsi qu’il a déclaré à France 24 que les islamistes voulaient lui imposer une politique étrangère contraire à la traditionnelle règle de non-ingérence pratiquée par la Tunisie; et que leur leader Ghannouchi avait commis une « faute » en se mêlant de la politique libyenne alors que, a-t-il précisé, c’est du domaine du Président.

Il a ajouté : « II n’y a qu’une politique extérieure. C’est celle du Président ». Et il a même précisé qu’il « n’aimait pas qu’on lui marche sur les pieds » ! Rappel utile, nécessaire et fort à l’intention de Ghannouchi qui se prenait pour le président de tous les Tunisiens depuis son élection au perchoir du Bardo.

Sur la question libyenne, Kais Saied a clairement exclu les interventions extérieures; et notamment celle de la Turquie et de la Russie. Et ce, en accord avec la politique française et contre les tentatives d’ingérence des Frères musulmans et de l'émir du Qatar, dans les affaires libyennes.

C’est un bon point pour ce président qui cherche sa place dans un système bâtard imposé par les islamistes, qui n’est ni tout à fait parlementaire ni tout à fait présidentiel, mais entre deux laissant une large marche au flou; comme le voulait Ghannouchi.

Kais Saied a aussi précisé son projet, notamment de réformer la Constitution ; tout en disant clairement qu’il n’avait pas pour le moment les forces politiques suffisantes pour le faire. Sur ce point, on ne peut que louer sa lucidité.

            Quant à son analyse de la situation Tunisienne et de son projet, que faut-il en retenir ?

Il nous dit que la difficulté majeure du pays est due à ce que la richesse de la Tunisie est détenue par une dizaine de familles. Une analyse plus idéologique que réaliste, pour ne pas  dire populiste. 

Que la richesse soit mal répartie, on peut le lui accorder mais il oublie qu’il existe une assez large classe moyenne (dont il fait partie), qui n’est pas riche mais aisée tout de même ; et surtout il semble condamner la richesse et l’enrichissement, alors que ce sont depuis toujours (et cela ne cessera pas), les moteurs du développement économique.

Ce ne sont pas les « riches » qui sont un problème mais bien tout le système de corruption  mis en place par Ben Ali et repris et aggravé par Ghannouchi ; depuis la fumeuse révolution de 2011 !

Dans l’histoire, le populisme anti-riche, n’a jamais créée d’économie performante !

Ce qui manque et que Kais Saied n’évoque même pas, c’est un Etat de droit avec des lois fiables, une absence de corruption, une sécurité pour les investisseurs et un effort considérable pour l’éducation. Pour cela, il faut une politique fiscale juste, libérant les initiatives et parvenant à redistribuer la richesse créée. Or le droit continue à être bafoué par Ghannouchi et ses Frères musulmans, sans que ce président les dénonce ou qu'il puisse y remédier !

Kais Saied est partisan d'une démocratie fondée sur la réelle volonté des peuples, ce qu'on ne peut lui contester mais il oublie un paramètre essentiel : pour cela, il faut un peuple éduqué et conscient des enjeux. Il veut reformer entièrement la démocratie et faire que « le peuple » ait son mot à dire, ce qui réglerait tout selon lui. Il reprend là, son dada de campagne électorale présidentielle « ‘châab yourid » (le Peuple veut !), en prétendant redonner la parole aux jeunes qui l’ont porté au pouvoir, pour décider de leur destin. Ce qui est le comble du populisme.
Que la démocratie puisse être améliorée, c’est certain; mais ce n’est pas seulement une question théorique dont on discute dans des colloques universitaires où la réalité est souvent absente.

La première chose qu’il devrait faire avant de faire évoluer la démocratie, c’est de donner au peuple, comme l’avait voulu (et en partie réalisé) le Président Bourguiba, une forte éducation pour tous. Alors le peuple ouvert à la complexité des problèmes, pourra accéder à la démocratie une fois que l’esprit de citoyenneté aura été bien inculqué à tous ! 

Par ailleurs cette idée de donner le pouvoir par le bas, c'est-à-dire aux régions, entraîne le risque de ressusciter le tribalisme qui entraînera la paralysie du pouvoir central. Or la Tunisie est un petit pays qui a besoin d’une politique nationale forte. Ce que Bourguiba avait bien compris en mettant fin au tribalisme !

Quoi qu’il ait dit à Emmanuel Macron de son désir d'inscrire la Tunisie dans la modernité, il ne faut pas oublier que Kais Saied est fondamentalement pan-arabiste nourri d'une idéologie qui a échoué partout  où elle a été au pouvoir !
Autrement quelle modernité peut-il proposer aux Tunisiens s'il prône l'arabisation de l'enseignement à tout va. Cette langue qui n'a rien produit de "moderne" dans aucun domaine, qu'il soit technologique, médical ou autres ?!

A-t-il seulement tiré des leçons de la politique d'arabisation du FLN, concession faite aux Frères musulmans du FIS; et des ravages qu’elle avait produits en Algérie, avec une jeunesse inculte ne maîtrisant ni l'arabe, ni le français et encore moins le berbère ?!

Ces contradictions font de lui un personnage singulier et inquiétant. Ce n'est pas comme cela que l'on donne un cap à un pays.
Il appartient à une vieille lune, le pan-arabisme dont l'Irak, la Syrie, l'Egypte n'ont pas fini d'en payer le prix et les palestiniens n'ont pas fini de payer les erreurs de Gamel Abdel Nasser, leader du pan-arabisme !

Le drame de la Tunisie, est d'avoir un islamiste au Bardo et un arabiste à Carthage; qui plus est, novice en politique; animés tous deux par des idéologies dangereuses pour la Tunisie et pour son indépendance :
- le premier rêvant de dissoudre la Tunisie dans l' " Oumma Islamiya ", en restaurant le califat; ramenant la Tunisie au statut de province turque, dans le giron du sultan Erdogan;
- le deuxième rêvant de dissoudre la Tunisie dans l' " Oumma el-Arabyia ", en remettant sa souveraineté à un nouveau Rais (leader) ! Le souci premier de Kaies Saied, n'est-il pas de libérer la Palestine tout comme le Rais Gamel Abdel Nasser ? 

Au total donc, ces entretiens avec Kais Saied montrent un personnage plein de bonne volonté mais, à la vérité idéaliste et trop populiste. Populisme qui lui a permis d’atteindre le pouvoir mais qui sera totalement inefficace pour parvenir à des résultats sérieux. 

Monsieur Kais Saied devrait comprendre que diriger un pays ce n’est pas élaborer une théorie juridique comme peut le faire un universitaire éloigné et indiffèrent à la réalité du pays.

Rachid Barnat

* Deux idéologies à l'origine œuvrant pour libérer les peules du colonialisme; devenues depuis l'indépendance de leurs pays, des idéologies néo-colonialistes : l'une par la religion (le wahhabisme), l'autre par la langue (l'arabe) !




lundi 15 juin 2020

Quand les complexés de l'Histoire, siègent au Bardo ...


Abir Moussi en butte avec Ennahdha qui s'obstine à nier son appartenance à l'organisation mondiale des Frères musulmans, pensait bien faire pour clarifier le débat politique et la position de Ghannouchi comme celle d'une bonne partie de la classe politique qui feint de croire ce parti devenu "civil"; de déposer une motion criminalisant les partis et les associations caritatives qui instrumentalisent la religion, comme l'y autorise l'article 141 du code du règlement interne de l'Assemblée Nationale. 
Les députés d'Al Karama volant au secours de Ghannouchi visée par cette motion, tentent une diversion pour vilipender la France, lui demander des excuses et exiger d'elle des réparations ... copiant en cela le FLN qui a fait de la France la responsable de tous ses déboires plus de 60 ans après l'indépendance de l'Algérie, en exploitant le filon "colonial" ! Et qu'en est-il de colonisation arabe et leurs spoliations ? Et de la colonisation turque par les Ottomans ? Pourquoi ce choix arbitraire ? 
Grotesques, ces enfants de Ghannouchi dont la violence n'a d'égale que leur ignorance; d'autant que les Frères  musulmans d'Ennahdha ont rejeté leur motion, ayant pour la plus part, la double nationalité franco-tunisienne ! 
R.B
 Abdelaziz Kacem : Bribes d’histoire racontées aux nuls   

Bribes d’histoire racontées aux nuls

La Tunisie a mal. Jusque-là, les urnes de sa démocratie ne lui ont pas porté bonheur. Surendettée, exsangue, elle ressemble à la chamelle que Ghaylân le Berger décrit dans deux hémistiches saisissants :

كُلاها وحتّى سامَها كلُّ مُفْلِسِ  *** لقد هَزَلتْ حتى بدا من هُزالِها


Elle est si efflanquée que ses reins sont palpables
 Et qu’elle est marchandée par tous les insolvables

Naguère, notre pays pouvait compter sur nombre de pays frères et amis. Nous n’en avons presque plus. Ce vide, un chacal et un fennec veulent le combler. La motion du PDL, débattue mercredi 3 juin, visait à empêcher cette infâmante tentative de mainmise. Elle n’est pas passée, mais, pour Cheikh Rached, l’alerte a été chaude et l’avertissement sévère. Nous reculons, certes, mais nous n’en sommes pas au temps des janissaires, ni en celui d’Abou Zeyd al-Hilali.

Éreintés par les diatribes de leurs adversaires, les plus turbulents des députés salafistes, croyant pouvoir faire oublier les outrages qu’ils ont subis, ont décidé de gagner une bataille qu’ils croyaient facile et qui leur assurerait d’importants gains électoraux. Le populisme marche bien en Europe, il marchera aussi pour eux, pensent-ils. Ils décident donc d’enfourcher leurs haridelles patriotiques pour sommer la France de s’excuser pour les crimes perpétrés pendant la période coloniale, et de nous compenser pour les richesses de nos sols et sous-sols qu’elle s’était appropriée.
L’affaire était jouable. Qui oserait voter contre une revendication aussi légitime et aussi chargée d’émotion ? La motion obtient 75 voix pour ! Ce n’est pas suffisant. Il en faudrait 34 de plus. Adieu veau, vache, couvée ! C’est l’abstention inattendue d’Ennahdha qui fit capoter la bravade. En revanche, nombreux sont les députés dits modernistes qui, par réflexe nationaliste pavlovien, ont soutenu l’absurde.

Les « Karamistes » se sont sentis trahis par le père. Leur porte-parole, chef des LPR de sinistre mémoire et, de surcroît, émir du Kram, déblatérera sur Ennahdha en termes crus et obscènes. Il faut les comprendre. Incapables d’offrir un seul emploi à l’un de leurs électeurs de plus en plus appauvris, ils ont bêtement pensé que les dommages-intérêts, que la France serait forcée de payer, serviraient à noyer dans l’opulence les trois quarts de la population.

Quinze heures durant, j’ai suivi, stoïquement les joutes. Rares sont les députés qui ont vilipendé, sans détours, la démarche. En revanche, les « francophonophobes » atrabilaires, n’ont pas manqué de vomir leurs injures à l’encontre de ceux qu’ils appellent « les Spahis » ou « les orphelins de la France », dont les intellectuels de mon espèce. La langue française, en nette régression, dans le pays, agace ceux qui peinent à la baragouiner. Des politicards, des ministres, des salafistes aussi se rendent ridicules en émaillant leur discours de « fakilté » (pour faculté), de « rékil » (pour recul) et de « cactis » (pour cactus). Maudite soit la fière langue de Molière, toujours rétive à l’inélégance et au bédouinisme identitaire.

Pour ma part, je restai interdit, en regardant ces représentants mal élus s’acharner à scier l’une des dernières branches sur lesquelles notre pays est encore assis. Avant de faire payer son passé colonial à la France, la moindre des exigences de la vraie « KARAMA » (Dignité !), c’est de penser au million de Tunisiens qui y vivent et profitent de son hospitalité. Ils sont plus que jamais livrés à la vindicte de l’extrême droite.

J’ai publié en France un essai sévère contre l’Europe, en général et contre la France, en particulier : L’Occident et nous (L’Harmattan, 2016). J’y relate la position de Bourguiba. Au lieu d’excuses et de compensations éphémères, le Combattant suprême formulait trois revendications : une amitié égalitaire, un contrat de civilisation et un transfert des technologies. Et puis, faut-il le rappeler, la Tunisie punique a occupé la Sicile et l’Espagne. On devine d’où vient le nom de la ville de Carthagène (Cartagena) et la ville de Barcelone se réfère à la famille Barca (Hamilcar et Hannibal). La Tunisie musulmane a réoccupé la Sicile et participé activement à la conquête de la Péninsule Ibérique.

Sous les Aghlabides puis sous les Fatimides, des marins tunisiens conquirent pratiquement le département français du Var (889-972). Ce n’est pas pour rien que la chaîne de montagnes qu’ils ont dominée s’appelle Le Massif des Maures, désigné par les géographes arabes sous le nom de Jabal al-Qilâl (La Montagne des Cimes) ; le nom de la ville de Ramatuelle vient de l’arabe Rahmatullah (Bienfait de Dieu) et le beau village de Gassin s’appelait, en ces temps-là, Gualdilxar (Oued al-Qasr, Vallée du Château). On sait, grâce au célèbre historien andalou Ibn Hayyân (988-1076), que l’établissement du Fakharshinit (le Fraxinet, dans le Var) atteint son apogée, vers 940, sous l’autorité du qâ’id Nasr Ibn Ahmad (commandant civil et militaire). (Cf. mon livre La Parenté reniée, L’Harmattan, 2002). Les nôtres y sont restés quatre-vingt-trois ans, huit ans de plus que les soixante-quinze ans du Protectorat. La Tunisie doit-elle s’en excuser et en payer les dégâts ?

En l’an 146, av. J.-C., lors de la Troisième-Guerre punique, les Romains ont littéralement incendié la Cité de Carthage et exterminé sa population. C’était en application du slogan de Caton l’Ancien « Delenda Carthago est » (Il faut détruire Carthage). Devrions-nous demander des comptes à l’Italie ?

La Tunisie vient de perdre Chedli Klibi, l’homme à la grande stature arabe et méditerranéenne. En mai 1972, en sa qualité de ministre fondateur du département des Affaires culturelles et de maire de Carthage, il lança du haut de la colline de Byrsa et en présence de René Maheu, Directeur général de l’UNESCO, son retentissant appel « Servanda Carthago est », il faut sauver Carthage. La sauver, à l’intérieur, des prédateurs qui voulaient faire main basse sur ses terrains profondément labourés par l’histoire ; et à l’extérieur, il entendait mobiliser toutes les bonnes volontés, toutes les compétences archéologiques mondiales pour mettre au jour les trésors enfouis de la cité de Didon.

Féru d’histoire, il s’aperçoit que Carthage et Rome sont restées juridiquement en état de belligérance, il en profite, pour inviter, en tant que maire, son homologue romain, à venir signer un traité de paix en bonne et due forme. Ce fut fait le 5 février 1985. La symbolique de l’acte eut un grand retentissement, ce qui motiva les pouvoirs et les savants italiens à s’investir davantage dans le processus du « sauvetage » de Carthage. Mais tout le monde n’est pas Chedli Klibi. Quand l’inculte s’en mêle, le pays tout entier sombre dans le ridicule…

dimanche 14 juin 2020

Pourquoi les islamistes préférent-ils le globish au français ?

Islamistes & arabistes se liguent contre la langue française; et certains voudraient même que la France fasse des excuses pour avoir colonisé la Tunisie ! Ce sont des complexés de l'Histoire qui voudraient rejouer le match, pardon la lutte pour l'indépendance menée à bien par Habib Bourguiba, ce qui les enrage un peu plus, pour dire leur haine et pour la France et pour Bourguiba. La réalité est que la langue de Molière leur fout des complexes, car trop compliquée pour leur petite cervelle !
R.B
En voulant généraliser le globish (l'anglais banal, simpliste, du quotidien, commercial et technologique, dit " anglais des affaires ", mondialisé); si c'était pour enrichir les connaissances, ce serait très bien, mais les dits " islamistes " en fait, veulent éradiquer le français, cette langue trop complexe (je ne dis pas compliquée) pour leur cervelle simpliste manichéenne, trop riche et trop allusive pour leur bulbe pauvre, utilisée dans l'Histoire par les plus grands promoteurs de la liberté individuelle, de l'envol intellectuel, de l'essor des démocraties ; sans oublier ses bases gréco-latine et romano-latine, un monde de philosophie ...

Donc pas par amour de l'anglais (plus facile quand même, même le littéraire), mais avec la rage des incapables car pour eux le français c'est de l'herméneutique. Il est vrai que c'est de la dentelle fine.
Français si mal transmis par notre corps enseignant. Vous souvenez-vous comme on détestait les matières qu'on comprenait mal, au lycée ...

Lors de l'ère Ben Ali déjà, l'éducation nationale transformait des bacheliers à niveau inclassable et très moyen, en prof de français qui cumulaient les fautes, aussi bien pour parler le français que pour l'écrire.
Quand le dictateur veut éloigner les gens de la véritable compréhension des droits humains et des rouages de la liberté démocratique et quand l'institution de la francophonie est négligée par les français eux-mêmes (par peur des migrations ? ); cela provoque la baisse de niveau de la langue française, ce qui a pour corollaire la montée de l'islamisme sur fond d’inculture.
C'est pourquoi le français, pour les quelques utilisateurs connaisseurs et appréciant ses subtilités, est en train de devenir la langue de la liberté.
Ce qui confirme que nous sommes passés d'une dictature à une autre différente et plus vicieuse, islamiste cette fois-ci !
Pour ma part, rédiger de la façon la plus complexe et métaphorique qu'il soit, c'est m'affranchir de ces tyrans abrutis qui veulent remplacer le français par le globish, caricature d'une langue anglaise mal apprise à Londres, capitale de l'islamisme; et tenter de protéger mes arrières intellectuels.

C'est pourquoi j'écrirais toujours dans la langue de la liberté.

jeudi 11 juin 2020

Les races n'existent que pour les racistes !


Curieux qu'il faille à Tahar Ben Jelloun français d'origine marocaine, expliquer ce qu'est le racisme à un juif algérien, devenu français par le décret Crémieux, dont la communauté juive a subi le racisme anti-juif de Vichy jusqu'à la Shoah; et dont la communauté maghrébine dont il est issu, subit le racisme anti-arabe en France ! 
Eric Zemmour aurait-il un complexe d'infériorité qu'il voudrait transformer en complexe de supériorité en aboyant plus fort que les racistes français ? Serait-il plus royaliste que le roi ? 
R.B

Tahar Ben Jelloun
Non, Monsieur Zemmour, les races n'existent pas

Que des policiers blancs rendent hommage à un homme noir tué par un des leurs est une victoire de l'intelligence et de la raison, estime l'écrivain.
 
Non, Monsieur Zemmour, les races n'existent pas. Il n'y a pas de race noire ni de race blanche, ni rouge ni jaune. Il n'y a qu'une race, la race humaine, composée de sept milliards d'êtres humains. Nous sommes tous différents et nous nous ressemblons tous, quelle que soit la couleur de notre peau. D'ailleurs, le Covid-19 n'a fait aucune différence entre les uns et les autres.
Ceux qui croyaient à l'existence des races, donc d'une hiérarchie selon la couleur de la peau, ont tenu à cette théorie pour justifier l'esclavage, le mépris institutionnalisé, une supériorité du Blanc sur le Noir.
Il a fallu des décennies de lutte pour que la notion de race soit remise à sa vraie place. Le Larousse des années cinquante justifiait la multiplicité des races pour les hommes alors que seuls les animaux peuvent être classés par race, parce qu'ils ne se ressemblent pas et parce qu'ils sont issus de données étrangères les unes aux autres. Un éléphant ne ressemble pas à un serpent. Leur système génétique est incompatible l'un avec l'autre. Ce qui n'est pas le cas des êtres humains. C'est le même sang qui circule dans toutes les veines de l'humanité, avec des rhésus différents qui n'ont rien à voir avec la couleur de la peau.
Quand monsieur Zemmour s'indigne de voir « des Blancs mettre genou à terre face à des Noirs » en s'exclamant « des Blancs à genoux devant des Noirs ! », c'est insupportable à entendre, comme c'est insupportable de voir les expressions de son visage outré face à une réalité qui le dépasse et qu'il ne pourra jamais admettre.
Le racisme ne va pas disparaître parce que la planète a été émue par la mort atroce de George Floyd. Mais des citoyens du monde, de toutes les couleurs et conditions, ont été indignés par un tel assassinat. Ils ont manifesté pour que plus jamais un homme d'autorité ne profite de son statut, de son uniforme, pour humilier, mépriser, plaquer à terre un autre homme dont la couleur de la peau l'autorise à l'écraser jusqu'à ce que mort s'ensuive. Cela s'est passé en Amérique. Cela s'est passé aussi en France. Cela pourrait se passer ailleurs. Tout dépend comment on a éduqué les enfants. Si on leur a inculqué que l'humanité est divisée en plusieurs races, que certaines races sont supérieures de fait à d'autres, alors il n'y a rien d'étonnant qu'une fois adultes ils puissent se comporter comme le policier blanc de Minneapolis. Les manifestations en France pour que justice soit rendue pour Babacar Gueye, tué le 3 décembre 2015, pour Adama Traoré, tué le 19 juillet 2016, pour Angelo Garand, abattu par le GIGN le 30 mars 2017, pour Gaye Camara, abattu par la police le 20 janvier 2018, pour Ibrahima Bah, tué le 6 octobre 2019, rejoignent et participent à la vague antiraciste dans le monde, car le racisme peut passer d'une simple insulte à l'acte et tuer. Au début des années trente, on se moquait des juifs, on les humiliait dans la rue, on cassait les vitrines de leurs commerces, et puis on leur a appliqué la solution finale qui s'est soldée par 6 millions de morts.

Le racisme, ce n'est pas une humeur, une opinion, il n'entre pas dans l'exercice de la liberté d'expression.
Il en a été de même de l'esclavage. Sans aller très loin dans le temps, les Noirs ont subi les pires humiliations, les pires traitements dans l'Amérique blanche, et ce, jusqu'au début des années soixante, où des droits leur ont été accordés. Mais les mentalités n'ont pas changé. Le racisme a la mémoire tenace. Que ce soit vis-à-vis des personnes dites de couleur (comme si le blanc n'était pas une couleur) ou des personnes ayant d'autres croyances, le racisme colle à la peau de l'homme, quelle que soit sa couleur de peau. C'est pour cela que l'éducation est primordiale. Un enfant ne naît pas raciste, il peut le devenir si ses parents, son environnement, pratiquent la hiérarchie des êtres humains selon des critères absurdes, irrationnels et faux. Et cela n'exclut pas les hommes de couleur du racisme. La couleur noire de la peau n'implique pas une immunité contre son propre racisme. Mais pour le moment, et cela depuis des siècles, ce sont les Noirs qui ont le plus été victimes de la barbarie du racisme, ce qui ne leur donne pas le droit de tomber dans la dérive raciste contre les Blancs, les Jaunes ou les Rouges.

Enfin, je dirai à monsieur Zemmour, qui est apparemment intelligent et cultivé, que le fait de voir des policiers blancs rendre hommage à un homme noir tué par un des leurs est une victoire de l'intelligence et de la raison, un pas important vers l'égalité de tous les hommes face à la loi, quelles que soient la couleur de leur peau ou leur condition sociale. Ces images, ces actes symboliques sont émouvants. Ils ont impressionné des centaines de millions de personnes dans le monde. Le racisme a subi une de ses premières défaites.

mercredi 10 juin 2020

Le wahhabisme saoudien au service de l’impérialisme occidental


Depuis la nuit des temps, les religions servaient à dominer les hommes. Dans les guerres de religions entre musulmans et chrétiens, la bataille de Lépante marquera la fin de l’expansionnisme musulman des Ottomans. Avec le wahhabisme, les Anglais ont compris tout l’intérêt pour eux de l'instrumentaliser dans leur politique colonialiste, pour disloquer l'empire Ottoman.  Lewahhabisme ayant réussi aux Anglais, les Américains l'utiliseront à leur tour dans leur politique impérialiste pour spolier les richesses des peuples "arabo-musulmans" avec la complicité des Ibn Saoud, auxquels ils assurent leur trône en tant que gardiens des lieux saints de l'islam, à charge pour eux de soumettre les musulmans au wahhabisme plus propice à toutes les spoliations. Ce que confirmait le prince Mohamed Ibn Salman Ibn Saoud, en accusant les Américains d'instrumentaliser le wahhabisme.
Les pays non-arbophones à majorités musulmans, ont très vite succombé à l'invasion du wahhabisme, comme l'Indonésie, les Philippines, l'Afghanistan, le Pakistan, dans des populations à majorité étrillés et incultes. En sera-t-il de mêmes des pays arabophones,  comme la Tunisie, l'Algérie et le Maroc, où les Frères musulmans sévissent ? Si l'Algérie semble succomber à l'invasion du wahhabisme; le Maroc en sera préservé, le roi étant lui-même le chef religieux du malékisme. Et qu'en sera-t-il de la Tunisie où l'instruction obligatoire a fait des Tunisiens un peuple cultivés avec une élite qui n'a rien à envier à celle des Occidentaux; puisqu'ils recrutent une bonne partie de leurs diplômés ? Sauront-ils résister à la déferlante wahhabite des Frères musulmans, comme l'avaient fait en leur temps, leur aïeuls ?
Ce que l'émir du Qatar a parfaitement compris pour entrer dans le jeu des Occidentaux en instrumentalisant à son tour les Frères musulmans qu'il soutient et finance, charge à eux de répandre le wahhabisme dans leur pays respectif et d'y importer le modèle socio-économique qui va avec. Ce qu'il a fait en déclenchant le fumeux "printemps arabe" à de coup d'Etat, en installant Ghannouchi au pouvoir. 
Ce que fait Ghannouchi en Tunisie pour soumettre la Tunisie et les Tunisiens à ses maîtres en les abrutissant de religiosité et de bigoterie, en répandant l'obscurantisme que véhicule le wahhabisme. 
Mais voilà, les pétromonarques ont eux aussi, d'autres projets : ils tentent une nouvelle forme de colonisation, la colonisation religieuse, beaucoup plus efficace, par la diffusion du wahhabisme dans le monde entier. 
Et voilà comment le wahhabisme que les dirigeants occidentaux ont instrumentalisé, persuadés qu'il restera cantonné chez les peuples "arabo-musulmans", leur revient comme un boomerang; puisqu'il est en train de se répandre chez eux aussi. 
Ainsi l'arroseur, sera arrosé !
R.B
André Vltchek
Lorsque le prince héritier saoudien a déclaré, dans une interview au Washington Post, que c’était en fait l’Occident qui encourageait son pays à diffuser le wahhabisme aux quatre coins du monde, il y a eu un long silence dans presque tous les médias occidentaux, mais aussi dans les pays comme l’Égypte et l’Indonésie.

Ceux qui ont lu cette déclaration s’attendaient à une réprimande sévère de la part de Riyad. Elle n’est pas venue. Le ciel n’est pas tombé. La foudre n’a pas frappé le prince ni le Post.
Tout ce que le prince héritier a déclaré n’a pas été repris dans les pages du Washington Post, mais ce qui l’a effectivement été, suffirait à faire tomber des régimes entiers comme en Indonésie, en Malaisie ou au Brunei. Ou au moins suffirait dans des « circonstances normales ». C’est-à-dire si la population de ces pays n’était pas déjà désespérément endoctrinée et programmée, si ses dirigeants n’approuvaient ou ne toléraient pas la forme la plus agressive, chauvine et ritualisée (par opposition à sa forme intellectuelle ou spirituelle) de la religion.
Si on lit entre les lignes, le prince saoudien a suggéré que c’était effectivement l’Occident qui, tout en menant une « guerre idéologique » contre l’Union soviétique et les autres pays socialistes, avait choisi l’islam et son aile ultra-orthodoxe et radicale – le wahhabisme – comme allié pour détruire presque toutes les aspirations progressistes, anti-impérialistes et égalitaires dans les pays à majorité musulmane.
Comme l’a rapporté RT le 28 mars 2018 : « La diffusion du wahhabisme financé par les Saoudiens a commencé lorsque les pays occidentaux ont demandé à Riyad de les aider à contrer l’Union soviétique pendant la guerre froide, a déclaré le prince héritier Mohammed bin Salman au Washington Post.
S’adressant au journal, bin Salman a dit que les alliés occidentaux de l’Arabie saoudite ont exhorté le pays à investir dans des mosquées et des madrasas à l’étranger pendant la guerre froide, dans le but d’empêcher l’intrusion de l’Union soviétique dans les pays musulmans…
L’interview avec le prince héritier s’est initialement déroulée « off the record ». L’ambassade saoudienne a néanmoins accepté ultérieurement de laisser le Washington Post publier des passages spécifiques de la rencontre. »

Depuis le début de la propagation du wahhabisme, des pays se sont effondrés les uns après les autres, ruinés par l’ignorance, le zèle fanatique et la peur, qui ont empêché les populations d’États comme l’Indonésie d’après 1965 ou l’Irak d’après l’invasion occidentale de revenir (à l’époque précédant l’intervention occidentale) et en même temps d’avancer vers quelque chose qui était si naturel dans leur culture dans un passé pas si lointain – vers le socialisme ou au moins une laïcité tolérante.
En réalité, le wahhabisme n’a pas grand-chose à voir avec l’islam. Ou, plus précisément, il intercepte et fait dérailler le développement naturel de l’islam, sa lutte pour une organisation égalitaire du monde et pour le socialisme.
Les Britanniques sont à l’origine du mouvement ; les Britanniques et l’un des prédicateurs les plus radicaux, fondamentalistes et régressifs de tous les temps – Muhammad ibn Abd al-Wahhab.
L’essence de l’alliance wahhabo-britannique et du dogme, était et est toujours extrêmement simple : « Les chefs religieux forceraient les gens à une peur terrible et irrationnelle, et à la soumission qui s’ensuivrait. Aucune critique de la religion n’est admise ; aucun questionnement de son essence et en particulier de l’interprétation conservatrice et archaïque du Livre. Une fois conditionnés de cette façon, les gens ont cessé de remettre en question d’abord l’oppression féodale, puis plus tard l’oppression capitaliste ; ils ont également accepté sans sourciller le pillage de leurs ressources naturelles par les maîtres locaux et étrangers. Toutes les tentatives de construire une société socialiste et égalitaire ont été découragées, avec brutalité, « au nom de l’islam » et « au nom de Dieu ». »
Résultat, évidemment, les impérialistes occidentaux et les serviles « élites » locales s’en mettent plein les poches aux dépens des millions de gens appauvris et dupés dans les pays contrôlés par les dogmes wahhabites et occidentaux.
Seul un petit nombre de gens, dans les pays colonisés dévastés, réalisent que le wahhabisme ne sert pas Dieu ou le peuple ; il soutient les intérêts et la cupidité occidentaux.
C’est précisément ce qui se passe actuellement en Indonésie, mais aussi dans plusieurs autres pays conquis par l’Occident, dont l’Irak et l’Afghanistan.
Si la Syrie tombait, ce pays historiquement laïque et à orientation sociale, serait forcé dans la même épouvantable direction. Les gens là-bas en sont conscients, car ils sont éduqués. Ils voient aussi ce qui est arrivé à la Libye et à l’Irak et ils ne veulent absolument pas finir comme eux. Ce sont les combattants terroristes que l’Occident et ses laquais comme l’Arabie saoudite ont lancés contre l’Etat syrien et son peuple. De même que le Soudan qui a fini par être divisé en deux Etats, les chrétiens ne supportant plus le rigorisme wahhabite.
Malgré son hypocrite rhétorique laïque, fabriquée pour la consommation locale mais pas pour les colonies, l’Occident glorifie ou au moins refuse de critiquer ouvertement ses rejetons brutaux et « anti-peuple » – un concept qui a déjà consumé et ruiné tant le Royaume d’Arabie saoudite que l’Indonésie.
En fait, il essaie de convaincre le monde que ces deux pays sont « normaux » et, pour ce qui concerne l’Indonésie, « démocratique » et « tolérante ». En même temps, il a constamment combattu tous les pays laïques ou relativement laïques avec des majorités musulmanes importantes, comme la Syrie (jusqu’à maintenant), mais aussi l’Afghanistan, l’Iran (avant le coup d’État de 1953), l’Irak et la Libye avant qu’ils ne soient soigneusement et brutalement détruits.
C’est dû au fait que l’état dans lequel l’Arabie saoudite, l’Indonésie et l’Afghanistan se trouvent actuellement, est le résultat direct des interventions occidentales et de l’endoctrinement. L’injection du dogme wahhabite donne à ce « projet » occidental un parfum musulman, tout en justifiant les milliers de milliards de dollars injectés dans les « dépenses de défense » destinés à la « Guerre contre le terrorisme » (un concept ressemblant à un étang de pêche asiatique, où on introduit des poissons qui sont ensuite pêchés contre paiement).
L’obéissance, voire la soumission, c’est ce que l’Occident, pour de nombreuses raisons, veut de ses États « clients » et de ses néo-colonies. Le Royaume d’Arabie saoudite est un trophée important à cause de son pétrole et de sa position stratégique dans la région. Les dirigeants saoudiens font souvent tout pour plaire à leurs maîtres à Londres et Washington, mettant en œuvre la politique étrangère pro-occidentale la plus agressive. L’Afghanistan est « apprécié » pour sa situation géographique, qui pourrait permettre à l’Occident d’intimider et même d’envahir l’Iran et le Pakistan, tout en introduisant des mouvements musulmans extrémistes en Chine, en Russie et dans les anciennes républiques soviétiques d’Asie centrale. Entre 1 et 3 millions d’Indonésiens « ont dû » être massacrés en 1965-1966 afin de mettre au pouvoir une clique turbo-capitaliste corrompue qui pouvait garantir que les ressources naturelles au départ infinies (bien que s’amenuisant rapidement aujourd’hui) puissent s’écouler, dans un flot ininterrompu et souvent non taxé, dans des endroits comme l’Amérique du Nord, l’Europe, le Japon et l’Australie.
Franchement, il n’y a absolument rien de « normal » dans des pays comme l’Indonésie et l’Arabie saoudite. En fait, il faudrait des décennies, mais plus probablement encore des générations entières, pour les faire revenir au moins à une sorte de « normalité » modeste. Même si le processus devait commencer bientôt, l’Occident espère qu’à la fin, presque toutes les ressources naturelles de ces pays auront disparu.
Mais le processus n’a pas encore commencé. La principale raison de la stagnation intellectuelle et de l’absence de résistance est évidente : les gens dans les pays comme l’Indonésie et l’Arabie saoudite sont conditionnés de telle sorte qu’ils ne sont pas en mesure de voir la réalité brutale qui les entoure. Ils sont endoctrinés et « pacifiés ». On leur a dit que le socialisme est égal à l’athéisme et que l’athéisme est mal, illégal et « péché/haram ».
Ainsi l’islam a été modifié par les démagogues occidentaux et saoudiens, et il a été « envoyé au combat » contre le progrès et un arrangement juste et égalitaire du monde.
Cette version de la religion défend sans réserve l’impérialisme occidental, le capitalisme sauvage ainsi que l’effondrement intellectuel et créatif des pays dans lesquels elle a été introduite, y compris l’Indonésie. Là-bas, à son tour, l’Occident tolère la corruption généralisée, le manque criant de services publics voire les génocides et les holocaustes commis d’abord contre les Indonésiens eux-mêmes, puis contre la population du Timor oriental, et jusqu’à ce jour contre les Papous, hommes, femmes et enfants sans défense. 
Ce n’est pas seulement une « tolérance » – l’Occident participe directement à ces massacres et à ces campagnes d’extermination, car il participe à la diffusion des formes les plus viles du terrorisme et des dogmes wahhabites aux quatre soins du monde. Tout cela alors que des dizaines de millions d’adeptes du wahhabisme remplissent quotidiennement les mosquées, pratiquant des rituels mécaniques sans réflexion approfondie ni introspection.
Le wahhabisme fonctionne – il fonctionne pour les entreprises minières et les banques dont les sièges sociaux sont à Londres et à New York. Il fonctionne aussi extrêmement bien pour les dirigeants et les « élites » locales dans les États « clients ».
Ziauddin Sardar, un éminent érudit musulman du Pakistan, qui habite Londres, n’a aucun doute sur le fait que le « fondamentalisme musulman » est, dans une grande mesure, le résultat de l’impérialisme et du colonialisme de l’Occident.
Il m’a expliqué lors d’une conversation que nous avons eue il y a plusieurs années : 
« En effet, la confiance entre l’Occident et l’Islam a été brisée… Nous devons comprendre que le colonialisme a fait beaucoup plus qu’abîmer les nations et les cultures musulmanes. Il a joué un rôle majeur dans la suppression et la disparition finale de la connaissance et du savoir, de la pensée et de la créativité des cultures musulmanes.
La rencontre coloniale a commencé par l’appropriation de la connaissance et du savoir de l’Islam, qui est devenu la base de la « Renaissance européenne » et des « Lumières » et s’est terminée par l’éradication de cette connaissance et de ce savoir des sociétés musulmanes et de l’Histoire même. 
La colonisation l’a fait par l’élimination physique – détruire et fermer des institutions d’enseignement, interdire certaines formes de savoir indigène, tuer des penseurs et des érudits locaux – et par la réécriture de l’histoire comme l’histoire de la civilisation occidentale, dans laquelle toutes les histoires mineures des autres civilisations sont intégrées.

« Du coup, les cultures musulmanes ont été coupées de leur propre histoire avec de nombreuses conséquences graves. Par exemple, la suppression coloniale de la science islamique a conduit à l’exclusion de la culture scientifique de la société musulmane. 
Cela s’est fait en introduisant de nouveaux systèmes administratifs, juridiques, éducatifs et économiques, tous conçus pour instaurer la dépendance, l’obéissance et la soumission à l’égard des puissances coloniales. Le déclin de la science et du savoir islamiques est un aspect de la décadence et de la détérioration des sociétés musulmanes.

L’Islam a été transformé, passant d’une culture dynamique et d’un mode de vie global à une simple rhétorique. L’éducation islamique est devenue un cul-de-sac, un aller simple vers la marginalité. Elle a également conduit à la réduction conceptuelle de la civilisation musulmane. Je veux dire par là que les concepts qui ont formé et dirigé les sociétés musulmanes se sont dissociés de la vie quotidienne des musulmans – conduisant au genre d’impasse que nous trouvons dans les sociétés musulmanes aujourd’hui. 

Le néo-colonialisme occidental perpétue ce système. »

En Indonésie, après le coup d’État militaire de 1965 soutenu par l’Occident, qui a détruit le Parti communiste d’Indonésie (PCI) et porté au pouvoir un régime pro-marché et pro-occidental extrémiste, les choses se sont détériorées avec une prévisibilité, une cohérence et une rapidité effrayantes.
Alors qu’on disait que le dictateur fasciste Suharto, un implant occidental après 1965, « se méfiait de l’islam », il a en fait utilisé toutes les grandes religions avec une grande précision et un effet fatal sur son archipel. Au cours de son despotisme pro-marché, tous les mouvements de gauche et les « -ismes » ont été interdits, donc la plupart des formes progressistes d’art et de pensée. La langue chinoise a été rendue illégale. L’athéisme a également été interdit. L’Indonésie est rapidement devenue l’un des pays, les plus religieux de la planète depuis sa conversion au wahhabisme.
Au moins un million de personnes, y compris des membres du PCI, ont été brutalement massacrés dans l’un des génocides les plus monstrueux du XXe siècle.
La dictature fasciste du général Suharto a souvent joué la carte islamique pour ses fins politiques.
Comme le décrit John Pilger dans son livre The New Rulers of The World (Les nouveaux maîtres du monde) : « Les généraux de Suharto ont souvent utilisé des groupes islamistes dans les pogroms de 1965-1966 pour attaquer les communistes et quiconque se trouvait en travers de leur chemin. Un modèle a émergé : chaque fois que l’armée voulait asseoir son autorité politique, elle utilisait les islamistes pour des actes de violence et de sabotage, de sorte que ce sectarisme pouvait être accusé et justifier l’inévitable « répression » – par l’armée… »
Un « bel exemple » de coopération entre la dictature meurtrière de droite et l’islam radical.
Après le départ de Suharto, la tendance à une interprétation grotesque et fondamentaliste des religions monothéistes a continué. L’Arabie saoudite et le wahhabisme favorisé et parrainé par l’Occident se sont mis à jouer un rôle de plus en plus important. Tout comme le christianisme, souvent prêché par d’anciens exilés radicaux de droite de la Chine communiste et leurs rejetons ; principalement dans la ville de Surabaya mais aussi ailleurs.
De pays laïque et progressiste sous le gouvernement du président Sukarno, l’Indonésie s’est progressivement dégradée en un État wahhabite et pentecôtiste chrétien de plus en plus rétrograde et bigot.
Après avoir été forcé de démissionner de la présidence de l’Indonésie au cours de ce que beaucoup considèrent comme un coup d’État constitutionnel, Abdurrahman Wahid (connu en Indonésie sous le surnom de Gus Dur), un laïc musulman progressiste et sans doute socialiste, m’a fait part de ses pensées :
« De nos jours, la plupart des Indonésiens ne se soucient pas de Dieu ni ne pensent à lui. Ils ne font que suivre des rituels. Si Dieu descendait du ciel et leur disait que leur interprétation de l’islam est fausse, ils continueraient à suivre cette forme d’islam et ignoreraient le Dieu. »
« Gus Dur » a aussi vu clair dans toutes les combines des élites militaires et pro-occidentales. Il m’a dit, entre autres choses, que l’attentat de 2003 contre l’hôtel Marriott à Jakarta avait été organisé par les forces de sécurité indonésiennes puis imputé aux islamistes, qui en fait ne faisaient qu’exécuter les ordres donnés par leurs patrons politiques du régime militaire pro-occidental, déguisé jusqu’à aujourd’hui en une « démocratie multipartite ».
En Indonésie, une obéissance extrême et inconditionnelle aux religions a conduit à une acceptation aveugle d’un système capitaliste, et de l’impérialisme occidental et de sa propagande. La créativité et le pluralisme intellectuel ont été totalement éliminés.
La quatrième nation la plus peuplée de la planète, l’Indonésie, n’a présentement aucun scientifique, architecte, philosophe ou artiste d’envergure internationale. Son économie est alimentée exclusivement par le pillage débridé des ressources naturelles des vastes régions, autrefois vierges, du pays, comme Sumatra et le Bornéo indonésien (Kalimantan), ainsi que de la partie occidentale brutalement occupée de la Papouasie. L’ampleur de la destruction de l’environnement est monumentale ; c’est quelque chose que j’essaie actuellement de capter dans deux films documentaires et un livre.
La conscience de l’état des choses, même parmi les victimes, est minimale ou légitimement inexistante.
Dans un pays qui a été dépouillé de ses richesses, de son identité, de sa culture et de son avenir, les religions jouent aujourd’hui le rôle le plus important. Il ne reste tout simplement rien d’autre à la majorité. Le nihilisme, le cynisme, la corruption et la violence règnent sans rencontrer d’opposition.
Dans les villes sans théâtres, sans galeries ni cinémas d’art et d’essai, mais aussi sans transports publics ni même trottoirs, dans les centres urbains monstrueux abandonnés aux « marchés » avec peu de verdure ou de parcs publics, les religions remplissent le vide. Comme elles sont elles-mêmes rétrogrades, favorables au marché et cupides, les résultats sont aisément prévisibles.
Dans la ville de Surabaya, pendant les prises de vues pour mon film documentaire réalisé pour la chaîne de télévision sud-américaine TeleSur (Surabaya – Eaten Alive by Capitalism – Surabaya – Dévorée vivante par le capitalisme), je me suis heurté à un énorme rassemblement chrétien protestant dans un centre commercial, où des milliers de gens étaient dans une transe totale, criant et levant les yeux au plafond. Une prédicatrice criait dans un microphone : « Dieu aime les riches et c’est pourquoi ils sont riches ! Dieu déteste les pauvres, et c’est pourquoi ils sont pauvres ! »
Von Hayek, Friedmann, Rockefeller, al-Wahhab et Lloyd George, ensemble pourraient difficilement définir leurs « idéaux » d’une manière plus précise.
Qu’a dit exactement le prince saoudien pendant sa mémorable et révolutionnaire interview avec The Washington Post ? Et pourquoi est-ce si pertinent pour des pays comme l’Indonésie ?
Il a dit essentiellement que l’Occident avait demandé aux Saoudiens de rendre les États « clients » de plus en plus religieux, en construisant des madrasas et des mosquées. Il a également ajouté : « Je crois que l’islam est raisonnable, que l’islam est simple, et les gens sont en train d’essayer de le détourner. »
Les gens ? Les Saoudiens eux-mêmes ? Les religieux dans des pays comme l’Indonésie ? Les dirigeants occidentaux ?
À Téhéran, en Iran, on m’a souvent dit lorsque je discutais de ce problème avec de nombreux chefs religieux : « L’Occident a réussi à créer une religion totalement neuve et étrange, puis il l’a injectée dans divers pays. Il appelle cela l’islam, mais nous ne pouvons pas le reconnaître… Ce n’est pas l’islam, pas du tout. »
En mai 2018, en Indonésie, des membres de groupes terroristes hors-la-loi ont provoqué une émeute dans une prison, ont pris des otages puis ont brutalement assassiné des gardiens. Après l’écrasement de la rébellion, plusieurs explosions ont choqué Java Est. Des églises et des postes de police ont pris feu.
Des gens sont morts. Les tueurs ont utilisé les membres de leurs familles, et même des enfants, pour perpétrer les attentats.
Les hommes responsables étaient en fait inspirés par les combattants indonésiens implantés en Syrie – les terroristes et les assassins qui ont été appréhendés et renvoyés par Damas dans leur pays plongé dans la confusion.
De nombreux terroristes indonésiens ayant combattu en Syrie sont de retour chez eux, enflammant et « inspirant » leurs compatriotes. La même situation que dans le passé – les cadres jihadistes indonésiens qui combattaient le gouvernement pro-soviétique en Afghanistan sont revenus plus tard et ont tué des centaines et des milliers de gens à Poso, à Ambon et dans d’autres régions d’Indonésie.
Les extrémistes indonésiens sont en train de devenir célèbres dans le monde entier, menant les batailles de l’Occident en tant que légionnaires, en Afghanistan, en Syrie, aux Philippines et ailleurs.
Leur influence au pays croît également. Il est aujourd’hui impossible de mentionner en public une réforme sociale ou, Dieu nous en garde, socialiste. Les réunions sont dispersées, les participants battus, et même les représentants du peuple (les députés) sont intimidés, accusés d’être des « communistes », dans un pays où le communisme est toujours interdit par le régime.
Le gouverneur progressiste et très populaire de Jakarta, Ahok, a d’abord perdu les élections puis a été traduit en justice et jeté en prison pour « insulte à l’islam », des accusations manifestement fabriquées.
Son péché principal : nettoyer les rivières polluées de Jakarta, construire un réseau de transports publics et améliorer la vie des gens ordinaires. C’était clairement « non islamique » du moins du point de vue du wahhabisme et du régime mondial occidental.
L’islam radical indonésien est craint aujourd’hui. Il est incontesté. Il gagne du terrain, car presque personne n’ose le critiquer ouvertement. Il submergera bientôt toute la société et l’étouffera.
En Occident, le « politiquement correct » a cours. Il est tout simplement de la dernière impolitesse de critiquer la forme d’« islam » indonésienne, voire saoudienne, par « respect » pour les gens et leur « culture ». En réalité, ce ne sont pas les Saoudiens ou les Indonésiens qui sont « protégés » – c’est l’Occident et ses politiques impérialistes ; des politiques et des manipulations utilisées à la fois contre les peuples et l’essence même de la religion musulmane.
Tandis que le dogme wahhabite-occidental devient de plus en plus puissant, ce qui reste des forêts indonésiennes brûle. Le pays est littéralement pillé par les grandes multinationales et par ses élites locales corrompues.
Les religions, le régime fasciste indonésien et l’impérialisme occidental avancent main dans la main. Ils avancent – mais vers où ? Très probablement vers l’effondrement total de l’Etat indonésien. Vers la misère qui viendra bientôt, lorsque tout sera exploité et extrait.
C’est la même chose que lorsque le wahhabisme marchait main dans la main avec les impérialistes et les pilleurs britanniques. Sauf que les Saoudiens ont découvert leurs immenses champs de pétrole, des quantités de pétrole pour subvenir à leurs besoins (ou au moins à ceux de leurs élites et de la classe moyenne, puisque les pauvres vivent toujours dans la misère là-bas) et leur interprétation bizarre de l’islam, inspirée et soutenue par les Britanniques.
L’Indonésie et d’autres pays qui ont été victimes de ce dogme, ne sont pas et ne seront pas aussi « chanceux ».
C’est magnifique que le prince héritier Mohammed bin Salman ait parlé publiquement et clarifié la situation. Mais qui écoutera ?
Pour les Indonésiens, ses déclarations sont venues trop tard. Elles n’ont pas ouvert beaucoup d’yeux, n’ont provoqué aucun soulèvement, aucune révolution. Pour comprendre ce qu’il a dit, il faudrait au moins une connaissance de base de l’histoire locale et mondiale, et au moins une certaine capacité de penser avec logique. Tout cela fait désespérément défaut dans les pays qui se sont retrouvés écrasés par l’étreinte destructrice de l’impérialisme.
L’ancien président de l’Indonésie, Abdurrahman Wahid, avait raison : 
« Si Dieu venait et parlait aux gens … ils ne le suivraient pas », pour dire l'emprise des religieux sur eux. 
L’Indonésie continuera à suivre M. Wahhab et le dogme capitaliste et les impérialistes occidentaux qui « ont tout arrangé »
Ils le feront dans les années à venir, en se sentant vertueux, en jouant de vieux airs nord-américains pour meubler le silence, pour ne pas penser et ne pas remettre en question ce qui se passe autour d’eux. Il n’y aura pas de doutes. Il n’y aura pas de changement, pas de réveil ni de révolution.
Jusqu’à ce que le dernier arbre tombe, que la dernière rivière et le dernier fleuve soient empoisonnés, jusqu’à ce qu’il ne reste plus rien pour les gens. Jusque-là, ce sera la soumission totale, absolue : jusqu’à ce que tout soit brûlé, noir et gris. Peut-être, alors, quelques humbles petites pousses d’éveil et de résistance commenceront-elles à grandir.
Andre Vltchek : Philosophe, romancier, réalisateur et journaliste d’investigation. Il a couvert des guerres et des conflits dans une douzaine de pays. 

Traduit de l’anglais par Diane Gilliard