vendredi 5 juin 2020

La médecine victime du CoVid-19 ou des charlatans ?




Un jour noir pour la médecine.

Depuis hier, la presse s'en donne à cœur joie devant ce qui est véritablement un scandale sans précédent.
Je ne sais même plus si le scandale en question est d'origine scientifique, politique, économique, morale ou sociale tellement ces notions se sont entremêlées ces derniers mois.

Trois des auteurs de l'article du Lancet dont les conclusions étaient sans équivoque (l'hydroxychloroquine n'améliore pas le pronostic face au covid-19 mais en plus associée à un macrolide est potentiellement dangereuse) se sont rétractés !

Il y a quelques jours je répondais à des amis (et aux autres) la chose suivante lorsque ceux-ci répétaient que l'étude du Lancet était "de la merde" :
- Le Lancet est une référence dans le monde médical.
- N'y sont publiées que les meilleures études, et seuls les plus grands scientifiques de la planète accèdent à ce Graal.
- La justesse, la pertinence, la rigueur y sont quelques marques de fabrique.

Nous nous trouvions donc avec cette publication controversée devant 3 cas de figure :
- Soit il n'y a rien à dire sur ce travail qui est solide
- Soit ceux qui font pression sur ce travail ont des intérêts pas plus clairs que ce à quoi ils s'attaquent
- Soit les données, les chiffres utilisés sont faux.

En effet, même s'il s'agit d'une étude rétrospective et non d'une étude prospective randomisée en double aveugle avec un groupe placebo, il y a peu de critiques sérieuses à apporter sur le travail lui-même réalisé par les auteurs et les conclusions qui en découlent. Sur ce point pas grand-chose à dire.

Mais que s'est-il donc passé ces derniers jours ?

Devant la levée de boucliers face aux conclusions fracassantes de l'article et les conséquences qui en ont découlé, l'éditeur, de façon assez exceptionnelle, n'a eu d'autre choix que de commander un audit indépendant qui devait tenter de vérifier les données et reproduire le travail afin de confirmer ou d'infirmer les résultats.

Seulement voilà, Surgisphere, la société qui gère les data médicales des patients, refuse ou ne peut donner accès à ses données. 
Raison invoquée : contrat de confidentialité avec les hôpitaux.

Devant l'impossibilité donc de fournir les données brutes, et de faire revérifier le travail depuis la source, les auteurs sont dans l'incapacité de répondre aux exigences de l'audit et n'ont d'autre choix que de baisser la tête.

Cela signifie-t-il que l'étude soit fausse ?

Pas du tout. Il n'a absolument pas été démontré à ma connaissance que les données ont été trafiquées de manière à arriver aux résultats publiés.

Surgisphere, à travers les hôpitaux, a-t-il le droit de protéger les données de ses clients (de leurs patients) ?
Bien évidemment.

Mais dans la situation actuelle c'est extrêmement regrettable.
Dans un monde où le scepticisme est roi, le complotisme et la paranoïa ses conseillers, il n'y rien de pire qui pouvait arriver à la science.

Mais revenons-en à la science justement.
Est-ce que la rétraction de 3 des auteurs de l'article signifie que l'hydroxychloroquine est en fin de compte la solution miracle au traitement du Covid-19 ?
Absolument pas.

Et jusqu'à présent, y compris la dernière étude du NEJM datant du 3 juin dernier, peu d'informations vont dans ce sens.

Et c'est regrettable ! Aucune personne sensée et honnête ne peut se réjouir que la médecine se retrouve peu ou pas compétente devant un fléau.

Aujourd'hui, on a poignardé la médecine.

Et c'est dramatique. Cette rétraction est un véritable tournant dans l'histoire des sciences médicales.
Qui croire aujourd'hui ?

Comment juger de la probité de la science si celle-ci peut être aussi facilement malmenée ?
Faut-il donc penser "qu'on a moins tort quand on hurle plus fort" pour citer Jean-Jacques Goldman ?

Aujourd'hui, je suis autant scandalisé qu'effrayé par la situation dans laquelle les médecins se retrouvent : entre guerre d'ego des uns, bêtises des autres; intervention des plus ignorants dont l'avis compte aujourd'hui autant voire souvent plus qu'un sachant, surtout s'il le clame plus fort; et le doute, la suspicion, la perte de confiance dans ce qui est censé être au service de tous : la médecine et le médecin.

* Dr Michael Wolf
Pédiatre


2 commentaires:

  1. Molière en aurait tiré une comédie.

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  2. C à vous - invité : Didier Raoult

    https://twitter.com/cavousf5/status/1268955616099422209?s=09&fbclid=IwAR01lbEhbetj0SgU-sWWAOU_s2KFZisj15qCiGSjARu9dBhG3sWmWQ8KEqo

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