mercredi 30 septembre 2015

Dix ans après l’amnistie en Algérie, les islamistes l’ont emporté idéologiquement

Il ressort de l’amnistie voulue par Bouteflika pour la réconciliation nationale, que bien que les islamistes aient perdu militairement leur guerre, ils l’ont emportée idéologiquement !
Or Béji Caïd Essebsi lui aussi veut d'une loi d'amnistie pour la réconciliation nationale ... comme si la leçon algérienne ne suffisait pas.
R.B


Le 29 septembre 2005, l’Algérie votait par référendum une Charte pour la paix et la réconciliation nationale, censée mettre un terme à une décennie d’affrontements entre islamistes armés et forces de sécurité. Des violences qui ont coûté la vie à plus de 200 000 personnes. A travers cette loi d’amnistie initiée dès 1999, le président Bouteflika s’assurait une paix au forceps, laissant de côté les demandes de justice des victimes et de leurs familles, et le problème posé par les victoires électorales du Front islamique du salut (FIS) au début des années 1990, avant son interdiction.
Dix ans plus tard, des islamistes amnistiés sont revenus sur le devant de la scène. Des victimes du terrorisme ont manifesté le 13 septembre, à Batna, dans l’est du pays, pour dénoncer cette visibilité, surtout celle du médiatique Madani Mezrag. L’ancien émir de l’Armée islamique du salut (AIS), qui ne se cache pas pour organiser des réunions publiques, veut créer un parti et a été reçu en juin 2014, à la présidence, dans le cadre de la révision constitutionnelle. « Les islamistes ont bien perdu militairement, mais ils l’ont emporté idéologiquement », déplore Anissa Zouani Zenoune. Depuis des années, la jeune femme de 37 ans se bat contre l’oubli, pour sa sœur Amel, tuée le 26 janvier 1997.

Comment percevez-vous le retour d’anciens islamistes amnistiés sur le devant de la scène algérienne ?
Après l’assassinat d’Amel, nous avons quitté la maison pour un centre d’accueil. Nous avons tout perdu, nous sommes devenus une autre famille, notre mode de vie a changé, mais malgré le choc, nous sommes restés debout. Nous avons continué à affronter le terrorisme et j’avais un espoir énorme. Je pensais qu’après le sacrifice de ma sœur et de milliers d’autres Algériens l’avenir nous appartiendrait. Ça n’a pas été le cas. L’avenir appartient aux islamistes et à la mafia qui les légitime. Maintenant ? Je ne rêve plus de rien, je suis psychologiquement épuisée.

Quelle a été votre réaction à la loi d’amnistie, dite « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », adoptée en 2005 ?
Je ne pensais pas qu’elle passerait, tant elle était injuste. Nous nous mobilisions avec les forces démocratiques, étions nombreux dans la rue. Mais le régime a fait en sorte de nous diviser. Le jour où la loi a été votée, c’était fini. Je savais que les islamistes reviendraient, plus durs encore. Dans les années 1990, le peuple n’était pas avec eux, il était immunisé, mais ensuite…
Pourtant, ces hommes ont assassiné, ils ont égorgé hommes, femmes, enfants, ils ont violé, éventré, détruit l’Algérie. Et ces tueurs se sont enrichis par le sang des innocents : ils ont construit des villas, font du commerce en toute impunité. Le pire, c’est la manière dont la société justifie les assassinats de nos proches. On me demande : « Pourquoi ta sœur a été assassinée ? Ah, parce qu’elle ne portait pas le voile… Ah, parce qu’elle étudiait… » Ces questions me tuent. A chaque fois que je raconte comment j’ai perdu Amel, que je précise qu’elle a été assassinée par des terroristes à l’arme blanche pour souligner l’horreur de cette période, on me répond : « Que faisait-elle ? Que faisait ton père dans la vie ? Et ta mère ? » Tout cela pour trouver une raison objective à son assassinat.

Qui vous pose ces questions ?
Tout le monde, parfois même des enseignants, des médecins, des intellectuels… S’il est vrai que les islamistes n’ont pas gagné militairement, ils l’ont emporté idéologiquement. Après tant de victimes de l’obscurantisme, nous sommes arrivés, en 2015, à menacer les femmes qui sortent pendant le ramadan sans hijab… Des imams radicaux se livrent à des prêches rétrogrades à la télévision.

Vous visez notamment Madani Mezrag, émir connu de l’Armée islamique du salut.
Oui. Or, que dit « la loi de la honte », comme l’appelait ma mère ? Elle dit que l’on va pardonner aux militants qui n’ont pas les mains « tachées par le sang ». Cet émir a avoué dans les médias avoir tué un militaire. Elles sont tachées de quoi, ses mains ? Et pourtant, il a été reçu comme un prince à la présidence de la République. Ma mère, lorsqu’elle l’a vu à la télévision, est tombée malade. Elle m’a prévenue qu’elle n’y survivrait pas (elle est morte en novembre 2014). Les terroristes ont assassiné Amel physiquement, puis la loi nous a assassinés psychologiquement. Mais ma mère nous disait toujours qu’il fallait préserver la mémoire, continuer à parler et ne pas les laisser falsifier l’histoire.

Beaucoup de familles de victimes ont pourtant soutenu la loi. Les comprenez-vous ?
La plupart des victimes du terrorisme défendent Bouteflika et la réconciliation, car ils disent ne plus vouloir de morts. Qui est contre la paix ? Nous n’avons jamais demandé d’autres morts, mais une justice. Je suis devenue plus rancunière depuis la réconciliation. J’en veux à toute cette société sans réaction… Je connais une mère dont les enfants ont été tués à Bentalha (l’un des pires massacres, commis en septembre 1997, qui a fait de 200 à 400 victimes). Qu’est-ce qu’ils ont fait pour elle ? Ils l’ont envoyée faire le pèlerinage à La Mecque. Ensuite, ils lui ont donné une petite pension. Elle ne comprend pas que c’est un droit. Il y en a beaucoup comme elle.

Propos recueillis par Fahim Djebara




Races et racisme

Le Pr Axel Kahn​  dénonce avec pédagogie, le racisme.
R.B
Axel Kahn est médecin, directeur de recherche à l’INSERM, membre du Comité consultatif national d’éthique.
Revenir aux fondements des idées racistes : mieux les comprendre pour mieux les combattre.  Axel Kahn nous aide à poser un regard historique et scientifique sur le racisme.

L’homme moderne semble avoir colonisé peu à peu la planète à partir d’un petit groupe qui a commencé de quitter l’Afrique il y a moins d’une centaine de milliers d’années. Ces hommes, établis en différentes régions du globe, ont parfois été confrontés à des populations autochtones antérieures (par exemple les néandertaliens en Europe). Localement, ils se sont, au cours du temps, plus ou moins différencié les uns des autres, formant des groupes physiquement reconnaissables, des ethnies… on devait dire, un jour, « des races ».
LES FONDEMENTS DU RACISME
KahnFig1
Décembre 1492, Christophe Colomb débarque à Hispaniola (Haïti).
C’est le début d’une catastrophe pour le continent américain, dont la population passera, en l’espace de 80 ans, 
de 80 millions d’habitants à 8 millions.
(Gravure de Théodore de Bry, XVle siècle.)
Race et racisme sont deux mots de même origine. On appelle « race » l’ensemble des individus d’une même espèce qui sont réunis par des caractères communs héréditaires. Le racisme est la théorie de la hiérarchie des races humaines, théorie qui établit en général la nécessité de préserver la pureté d’une race supérieure de tout croisement, et qui conclut à son droit de dominer les autres. Si on s’en tient à ces définitions, tout semble clair et facile. Puisque le racisme est défini par les races, il suffit de démontrer que les races n’existent pas pour ôter toute substance au racisme. Cependant, les choses sont loin d’être aussi simples. En effet, le racisme s’est structuré en idéologie à partir de la fin du XVIIIe siècle, c’est-à-dire, pour paraphraser Georges Canguilhem, en une croyance lorgnant du côté d’une science pour s’en arroger le prestige. Le racisme possède un fondement qui n’est pas issu des progrès de la biologie. Tout débute par des préjugés, et lorsque le racisme aura été débarrassé de ses oripeaux scientifiques on peut craindre que ceux-ci ne persistent. Or ils sont autrement difficiles à combattre.
Les races humaines n’existent pas, au sens que l’on donne au mot « race » lorsque l’on parle de races animales. Un épagneul breton et un berger allemand appartiennent, par exemple, à deux races différentes qui obéissent peu ou prou aux mêmes caractéristiques, à l’instar des variétés végétales : distinction, homogénéité, stabilité. En l’absence de croisement entre ces races, les similitudes intraraciales l’emportent de loin sur les ressemblances entre deux individus de races différentes. Rien de tout cela ne s’applique aux populations humaines. Ainsi, on constate du nord au sud une augmentation continue de la pigmentation cutanée : les peaux très blanches en Scandinavie foncent graduellement pour en arriver à la couleur la plus sombre en zones équatoriales et subéquatoriales.
Certains ont proposé que la sélection des peaux claires dans les régions les moins ensoleillées ait permis d’améliorer la synthèse cutanée de la vitamine D, facteur antirachitique essentiel, normalement stimulée par la lumière. À l’inverse, la richesse cutanée en mélanine a été sélectionnée dans les pays soumis à l’ardeur du soleil car elle protège des brûlures et des cancers cutanés.
CE QUI EST RACISTE ET CE QUI NE L’EST PAS
Un préjugé raciste peut être défini comme la tendance à attribuer un ensemble de caractéristiques péjoratives, transmises héréditairement, à un groupe d’individus. Des affirmations telles que « tous les Juifs sont avares, tous les Irlandais sont violents, tous les Corses sont paresseux » sont des exemples typiques d’affirmations racistes. En revanche, toute indication d’une différence physique, physiologique entre populations n’a évidemment rien de raciste : dire que les Suédois sont plus grands que les Pygmées ou que les Africains noirs pourraient avoir des dons particuliers pour la course à pied sont des remarques dénuées de toute connotation négative et qui reflètent la réelle diversité humaine. Il se trouve parfois dans la presse des discours irréfléchis où est taxée de raciste une étude notant que le chiffre normal des globules rouges et la durée de la grossesse sont légèrement différents entre des populations d’origine africaine et, par exemple, européenne. Ces paramètres ne préjugeant en rien des capacités les plus spécifiquement humaines, de l’ordre de la créativité et de la dignité, leur étude ne peut d’aucune manière être diabolisée comme étant d’essence raciste.
HISTOIRE DU RACISME
Des discours racistes apparaissent dès l’Antiquité, y compris chez Aristote. Ce dernier établit des différences intrinsèques de comportement et de qualités entre les peuples ; selon lui, les Européens sont courageux mais un peu sots, les Asiatiques très intelligents mais manquent de courage, et les Hellènes, placés géographiquement au milieu, combinent les avantages des uns et des autres : ils sont intelligents et courageux. Le philosophe ajoute que les esclaves sont des « choses animées », et il introduit la notion d’esclaves par nature. Cependant, et là réside l’ambiguïté qui empêche de ranger définitivement les Grecs dans le camp des protoracistes, les esclaves peuvent être affranchis… et accèdent alors de plein droit à l’humanité.
À Rome, le discours change. Cicéron écrit : « Il n’est de race qui, guidée par la raison, ne puisse parvenir à la vertu. » Dans la foulée de l’impérialisme romain, les premiers siècles de la chrétienté sont exempts de racisme, car s’y trouvent combinés l’universalisme du messianisme chrétien s’exprimant dans la parole de saint Paul et le souvenir de l’Empire romain, creuset de peuples et d’ethnies différents.
Manifestation en 1958 contre l’intégration d’élèves noirs
dans une école aux États-Unis
Dans l’Occident chrétien, le racisme réapparaît et se développe plusieurs siècles avant l’apparition du concept scientifique de race, à partir de l’an 1000, autour des cristallisations religieuses, l’anti-islamisme et, surtout, l’antijudaïsme. Au XIIe siècle, en pleine querelle des Investitures, Anaclet II, l’antipape élu, a un ancêtre juif. La campagne virulente du camp romain contre cet antipape s’appuie sur ses origines « maudites » souillant tout son lignage. L’antijudaïsme virulent de Saint Louis flirte avec l’antisémitisme. Dans l’Espagne chrétienne, c’est un antisémitisme cette fois structuré qui se manifeste, puisque les juifs convertis sont interdits d’accès aux fonctions publiques, au métier des armes, etc. Il est décrété que ces individus doivent être écartés parce que l’infamie de leur père les accompagnera toujours. La notion d’hérédité d’une infériorité, d’un opprobre, qui constitue une base essentielle du racisme, est donc ici manifeste.
C’est dans ce contexte que prend place un épisode décisif, souvent présenté comme un succès de la civilisation alors qu’il s’agit d’un drame effroyable : la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb. À cette occasion s’accomplit l’un des premiers génocides de l’histoire du monde. En 1492, Christophe Colomb débarque à  Hispaniola (Haïti, Saint-Domingue), une île alors peuplée de 3 millions de Taïnos. Trois ans après, il ne reste déjà plus que 1 million d’Indiens ; soixante ans après, ils ne seront plus que 200, qui disparaîtront rapidement.
Tous les ingrédients du racisme tel qu’il s’est manifesté depuis, y compris dans les univers concentrationnaires, sont ici réunis. Les Indiens sont parqués et mis au travail forcé, les enfants sont tués, les femmes enceintes sont éventrées. Dans cette misère extrême, les femmes n’ont plus d’enfants, voire, pour échapper à leur malheur, se suicident en masse.
À partir de 1519, d’âpres débats théologiques opposent Bartolomé de Las Casas, qui est entre-temps devenu dominicain, à différents autres ecclésiastiques. La confrontation la plus connue est la controverse de Valladolid, en 1550, qui aboutit à la conclusion, acquise de justesse, que les Indiens ne sont pas de nature différente des autres hommes. On continue malgré tout à les massacrer, et l’Amérique, qui comptait 80 millions d’aborigènes aux temps précolombiens, n’a plus que 8 millions d’habitants quatre vingts ans après sa « découverte » par Christophe Colomb. Par la suite, les Indiens ayant été massacrés et décimés, se pose le problème de la main d’œuvre dans les colonies américaines. Cette question devient cruciale lorsque s’y développe la culture de la canne à sucre, conduisant le Portugal, puis la France et l’Angleterre, à développer le commerce trilatéral et la traite des Noirs.
Depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle, entre la naissance de l’antisémitisme chrétien, la conquête de l’Amérique et la traite des esclaves noirs, ce sont donc tous les ingrédients du racisme qui se mettent en place, tous ses crimes qui commencent d’être perpétrés.
L’IDÉOLOGIE RACISTE
Le concept scientifique de race n’apparaît qu’au XVIIIe siècle. Il est perceptible sous la plume de Carl von Linné, dont la classification systématique des êtres vivants s’étend aux hommes rangés en cinq catégories… qui deviendront des races : les «monstrueux » (c’est-à-dire les personnes atteintes de malformation, que Linné assimile à une race à part entière), les Africains, les Européens, les Américains et les Asiatiques. À chacune de ces catégories il attribue des caractéristiques et des qualités comportementales, les plus flatteuses étant naturellement réservées aux Européens.
Avant le XVIIIe siècle, le mot « race» est surtout utilisé dans le sens de lignage aristocratique : on parle d’enfants de bonne race, de bon lignage… un peu comme de chevaux de bonne race.
C’est à partir de la fin du XVIIIe siècle, et surtout au XIXe, que l’on assiste à la structuration des préjugés protoracistes en idéologie par agrégation successive des progrès scientifiques, principalement la théorie de l’évolution. C’est à cette même époque qu’apparaissent les deux grandes thèses opposées sur l’origine de l’homme : produit de l’évolution ou créature, est-il apparu une fois – les hommes actuels étant tous les descendants de cet ancêtre (monogénisme) – ou plusieurs fois de façons séparées et indépendantes – les différents groupes ethniques ayant alors des ancêtres différents (polygénisme) ? Naturellement, c’est cette dernière hypothèse que privilégient les doctrinaires du racisme. Le polygénisme sera la thèse privilégiée par les créationnistes esclavagistes américains jusqu’à la fin du XIXe siècle.


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Le mécanisme de la sélection naturelle comme moteur de l’évolution, proposé par Charles Darwin, et surtout la lecture qu’en fait le philosophe anglais Herbert Spencer, contemporain de Darwin, puis l’Allemand Ernst Haeckel vont modifier en profondeur la forme de l’idéologie raciste. En effet, le mécanisme de l’évolution, la lutte pour la vie pour Darwin, devient, sous l’influence de Spencer, la survivance du plus apte. Appliquée aux civilisations, cette notion peut constituer une justification a posteriori de la domination des vainqueurs, qui sont bien entendu les plus aptes, puisqu’ils l’ont emporté. Un tel raisonnement tautologique s’est révélé d’une redoutable efficacité à l’appui des thèses racistes. À vrai dire, il serait profondément injuste de faire porter à Charles Darwin, un des plus grands scientifiques qui ait jamais existé, la responsabilité personnelle des dérives idéologiques dont ses travaux ont fait l’objet et ont été victimes, car il a toujours récusé l’interprétation eugéniste et sociale des mécanismes de l’évolution qu’il avait mis au jour.
Les lois de la génétique, c’est à dire les règles gouvernant la transmission des caractères héréditaires, énoncées initialement par le moine Gregor Mendel en 1865, redécouvertes au début du XXe siècle par des botanistes européens et développées par l’États-Unien Thomas H. Morgan, auront alors une influence considérable sur la biologie et, plus généralement, sur l’évolution sociale et politique des pays. On assiste en effet à la tragique synthèse entre le racisme, théorie de l’inégalité des races ; le déterminisme génétique, qui considère que les gènes gouvernent toutes les qualités des êtres, notamment les qualités morales et les capacités mentales des hommes; et l’eugénisme, qui se fixe pour but l’amélioration des lignages humains. Sous l’influence de la génétique, le dessein eugénique devient l’amélioration génétique de l’homme, la sélection des bons gènes et l’élimination des mauvais gènes qui gouvernent l’essence des personnes et des races. L’Allemagne nazie poussera cette logique jusqu’à l’élimination des races « inférieures », censées porter et disséminer de mauvais gènes.
LES RACISTES ET LE QUOTIENT INTELLECTUEL
Les préjugés racistes sont loin d’avoir disparu après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. La conviction que le quotient intellectuel moyen est différent selon les ethnies était alors partagée par une grande majorité des élites scientifiques, du Français Paul Broca aux anthropologues états-uniens consultés pour l’élaboration de l’Immigration Restriction Act de 1924, qui limitait sévèrement l’entrée aux États-Unis des ressortissants issus de pays où, selon les psychométriciens consultés, sévissait la débilité. Plus près de nous, les sociologues Charles Murray et Richard J. Herrenstein en 1994, puis encore Bruce Lahn et ses collègues en 2005, enfourchent la même monture idéologique. En fait, un examen soigneux de tous ces travaux, même les plus récents, en démontre la faiblesse et les erreurs, parfois grossières, à l’évidence motivés par des présupposés idéologiques.
GÉNOMES ET RACISME
C’est en 2001 que fut publiée la première séquence presque complète du génome humain, très affinée depuis. Les humains possèdent environ 22000 gènes qui ne différent que très peu d’une personne à l’autre. L’alphabet génétique est composé de quatre lettres : A, C, G et T, disposées en un long enchaînement de 3,2 milliards de signes hérités de chacun de nos parents. Or cet enchaînement ne varie qu’une fois sur dix mille entre des hommes ou des femmes issus d’Afrique, d’Asie ou d’Europe.
La très grande ressemblance entre les génomes de personnes issues d’ethnies différentes, originaires de régions éloignées les unes des autres de plusieurs milliers de kilomètres, a semblé rassurante : c’est là la preuve, a-t-on affirmé alors, que les races n’existent pas et que le racisme n’a donc plus aucune justification possible, qu’il est appelé, espère-t-on, à disparaître bientôt. Hélas, je crains qu’on ne soit allé bien vite en besogne, par ignorance ou sous l’influence de présupposés idéologiques. En fait, il faut revenir au mode d’action des gènes, c’est-à-dire au mécanisme par lequel ils influencent les propriétés des êtres vivants, qui est combinatoire, à la manière dont c’est la combinaison des mots qui donne sens à la phrase ou au texte. Or ce n’est pas le nombre de mots utilisés qui fait la qualité littéraire d’un texte, de même que ce n’est pas le nombre de gènes qui explique l’étendue des potentialités humaines. C’est à dessein que j’utilise ici le terme de « potentialité », car la combinaison des gènes ne gouverne que la possibilité pour une personne d’être éduquée au contact d’une communauté de semblables.
Isolé, élevé par des animaux, le petit d’homme évoluera vers ces enfants sauvages dont de nombreux exemples ont été décrits dans l’histoire, incapables d’atteindre les capacités mentales caractéristiques de l’espèce humaine.
L’effet combinatoire des gènes explique que de petites différences génétiques puissent avoir de considérables conséquences sur les êtres, comme en témoignent les aspects et capacités bien distincts des hommes et des chimpanzés, dont les gènes sont pourtant à 98,4 % identiques. C’est pourquoi aussi la grande homogénéité génétique des hommes du monde entier, confirmée par l’étude du génome, n’est pas suffisante pour conjurer la menace d’un dévoiement raciste de la biologie, pour deux ordres de raisons : les maladies avec retard mental témoignent que la mutation d’une seule des plus de trois milliards de lettres de l’alphabet génétique suffit à altérer les fonctions cognitives ; de très légères différences dans le génome des personnes pourraient de la sorte avoir chez elles d’importantes conséquences. D’autre part, l’affirmation que le racisme est illégitime parce que, sur le plan biologique, et en particulier génétique, les races n’existent pas revient à admettre que si les séquences génétiques différaient statistiquement entre les ethnies le racisme serait peut-être recevable. Or, bien sûr, puisqu’on peut distinguer les gens en fonction de leurs caractéristiques physiques – couleur de la peau, aspect de la chevelure, etc. –, on le peut aussi à partir de l’ADN qui code toutes ces caractéristiques. Là ne réside, en fait, ni l’origine du racisme ni la justification de l’antiracisme.
LE RACISME PEUT SE PASSER DES RACES
Lorsque l’on aura expliqué à des gens habités par des préjugés racistes que les races humaines n’existent pas au sens où l’on parle de races animales distinctes, peut-être seront-ils impressionnés et convaincus. Pourtant,  cette démonstration risque bien d’être insuffisante, car déconnectée du vécu des gens ordinaires qui, eux, n’ont pas de difficulté à reconnaître, dans la rue, des Jaunes, des Blancs, des Noirs, des Méditerranéens bruns et des Scandinaves blonds. Par ailleurs, la réfutation scientifique de la réalité des races ne prend pas en compte les très fréquentes racines socio-économiques d’un racisme qui est souvent le reflet du mal-être et du mal vivre, par exemple au sein des populations défavorisées de grandes villes.
Paradoxalement, il n’y a que peu de rapports entre la réalité des races et celle du racisme.
Reconnaître des différences physiques entre individus, voire entre groupes humains, 
et des potentialités plus ou moins développées, comme dans le sport, 
ne préjuge en rien de ce qui est purement humain : la créativité, le droit à la dignité.
Chacun peut en effet observer que les pires excès racistes s’accommodent fort bien de la non existence des races humaines. En ex-Yougoslavie, les plus effroyables comportements de type raciste ont opposé les Slaves du Sud, les uns convertis au catholicisme (les Croates), les autres à l’islam (les Bosniaques), et les derniers à la religion orthodoxe (les Serbes).
Dans le discours des racistes modernes, ce ne sont souvent plus les races qui sont déclarées incompatibles ou inégales, ce sont les coutumes, les croyances et les civilisations. C’est un choc des cultures. Ce qui est rejeté, ce n’est plus tellement l’homme noir, blanc ou jaune, ce sont ses préparations culinaires, ses odeurs, ses cultes, ses sonorités, ses habitudes.
Souvent, la montée en puissance de l’uniformisation culturelle et l’imposition des standards occidentaux accompagnant la mondialisation économique entraînent, en réaction, une tendance au repli communautaire. Il s’agit là d’un réflexe de protection contre une civilisation opulente et dominatrice dont on ressent la double menace, celle de l’exclusion et de la dépossession de ses racines.
Or il y a dans cette forme de communautarisme exclusif une tendance qui m’apparaît non humaine. Ce qui caractérise, en effet, les civilisations et leur évolution, ce sont les échanges culturels et les emprunts qui, à l’opposé de l’uniformisation imposée par une culture dominante, créent de la diversité et ouvrent de nouveaux espaces au développement de l’esprit humain. Les Phéniciens subissent l’influence des Hittites, des Assyriens, des Babyloniens, qui échangent avec l’Égypte, avec la Grèce. Les Étrusques, nourris des arts et techniques grecs et phéniciens, sont à l’origine de la culture romaine. Plus près de nous, la musique des esclaves noirs des États-Unis sera à l’origine du jazz et d’autres courants majeurs de la musique moderne, l’« art nègre » fécondera la peinture et les arts plastiques occidentaux, et les conduira en particulier au cubisme. Le progrès des sociétés humaines est toujours passé par le métissage culturel.
À l’inverse, les races animales n’échangent guère leurs habitudes, elles conservent leurs particularités éthologiques qui n’évoluent, pour l’essentiel, que sous l’effet de variations génétiques et écologiques. La diversité humaine n’est donc facteur d’enrichissement mutuel que si elle est associée à l’échange. L’uniformité a le même effet que le repli sur soi : dans les deux cas, le dialogue est stérilisé et la civilisation dépérit.
UN ENGAGEMENT ANTIRACISTE
Au total, la biologie et la génétique modernes ne confirment en rien les préjugés racistes, et il est certainement de la responsabilité des scientifiques de réfuter les thèses biologisantes encore trop souvent appelées à leur rescousse. Cela est relativement aisé, mais à l’évidence insuffisant, tant il apparaît que le racisme n’a pas besoin de la réalité biologique des races pour sévir.
À l’inverse, ce serait un contresens de vouloir fonder l’engagement antiraciste sur la science. Il n’existe en effet pas de définition scientifique de la dignité humaine, il s’agit là d’un concept philosophique. Aussi le combat antiraciste, en faveur de la reconnaissance de l’égale dignité de tous les hommes, au-delà de leur diversité, est-il avant tout de nature morale, reflet d’une conviction profonde qui n’est évidemment en rien l’apanage exclusif du scientifique.


Depuis le Moyen Âge jusqu’au XVIIIe siècle, entre la naissance de l’antisémitisme chrétien, la conquête de l’Amérique et la traite des esclaves noirs, ce sont donc tous les ingrédients du racisme qui se mettent en place, tous ses crimes qui commencent d’être perpétrés.


Le racisme s’est structuré en idéologie à partir de la fin du XVIIIe siècle, en une croyance lorgnant du côté d’une science pour s’en arroger le prestige. Le racisme possède un fondement qui n’est pas issu des progrès de la biologie.


Un préjugé raciste peut être défini comme la tendance à attribuer un ensemble de caractéristiques péjoratives, transmises héréditairement, à un groupe d’individus, telles que « tous les Juifs sont avares ». En revanche, toute indication d’une différence physique, physiologique entre populations n’a évidemment rien de raciste.


Au début du XXe siècle, on assiste en effet à la tragique synthèse entre le racisme, théorie de l’inégalité des races ; le déterminisme génétique, qui considère que les gènes gouvernent toutes les qualités des êtres, notamment les qualités morales et les capacités mentales des hommes ; et l’eugénisme, qui se fixe pour but  l’amélioration des lignages humains.


La réfutation scientifique de la réalité des races ne prend pas en compte les très fréquentes racines socio-économiques d’un racisme qui est souvent le reflet du mal-être et du mal vivre, par exemple au sein des populations défavorisées de grandes villes. Paradoxalement, il n’y a que peu de rapports entre la réalité des races et celle du racisme.



lundi 28 septembre 2015

La Tunisie s'islamise dans l'indifférence générale des partis dits progressistes !

Les partis politiques dits progressistes continuent à céder le terrain aux islamistes en Tunisie : mais jusqu'où ? 
Tireront-ils la leçon de nos voisins algériens ?
R.B


Sofiene Ben Hamida

Le droit à la différence face à l’hypocrisie des politiques

Un jeune tunisien a été condamné à un an de prison pour homosexualité. Dans d’autres circonstances, cela aurait pu passer pour un simple fait divers. En réalité, c’est un événement suffisamment important et grave pour qu’on s’y attarde.

D’abord, il y a les péripéties de son arrestation et de sa condamnation. En effet, il ne s’agit pas d’un citoyen confondu dans une situation de flagrant délit. Au contraire, c’est un jeune interpellé dans le cadre d’une simple opération de vérification d’identité routinière. Ce qui l’est moins par contre, c’est que les agents de police se sont permis de lui confisquer son téléphone et de consulter de force ses correspondances privées mettant à jour sa relation « amoureuse » avec un autre individu du même sexe. La police a-t-elle le droit de violer aussi légèrement l’intimité des gens en pleine rue et sans mobile apparent ? On attendra l’avis des syndicats de police et des organisations de défense des droits humains, aussi nombreux qu’inefficaces. C’est à se demander quel est le véritable tort de ce jeune homme au moment de son arrestation. Etait-il victime de sa différence ou simplement victime de la malchance de se trouver face à un policier irrespectueux des procédures et intolérant, voulant imposer un modèle de société puritain qui n’existe que dans sa tête et dans la tête de ses semblables, peu nombreux jusque-là, mais sait-on jamais.

Ce comportement subi par ce jeune homme, comme les multiples dérapages de la police envers les femmes au cours des dernières années ne sont pas prêts de s’arrêter tant que nous n’aurons pas posé franchement la question de la capacité de milliers de policiers recrutés au temps de la troïka sur la base de leur engagement idéologique, à être des policiers républicains qui se limitent à faire respecter la loi sans chercher à imposer un modèle de société dicté par leurs convictions politiques ou religieuses.

Il aurait fallu le concours d’un médecin légiste peu scrupuleux de sa propre déontologie pour resserrer l’étau autour du cou de jeune, coupable de sa différence. Comment un médecin peut-il accepter d’agir de la sorte, pratiquer cette expertise de la honte sans le consentement de son patient et faire des examens qui n’ont aucun intérêt médical et qui ne constituent nullement aucune preuve de quoi que ce soit ? Heureusement que plusieurs médecins se sont insurgés contre le comportement de leur collègue. On attendra maintenant la réaction du Conseil de l’ordre des médecins et de son comité d’éthique pour confirmer l’idée positive que portent les tunisiens sur leurs médecins et sur le corps médical en général.

Et puis, il y a cette juge, pour boucler la boucle et rendre le calvaire de ce jeune homme plus dramatique, qui, par son jugement, confirme tout le mal que nous pensons de l’état de notre magistrature et de notre justice dans son ensemble. Une justice archaïque, sclérosée, mécanique, à plusieurs vitesses et conservatrice au point de devenir la garante d’un ordre établi, pas toujours conforme à la réalité, forcément plus complexe que les textes désuets qui la régissent. Il est évident que les conventions internationales et la nouvelle Constitution n’ont pas encore franchi le perron de nos tribunaux. En envoyant ce jeune homme en prison pour un an, Mme le juge croit-elle un seul instant qu’elle a rendu justice ? Qu’elle a garanti l’intégrité physique du condamné en prison ? L’institution militaire, soucieuse de son bon fonctionnement et regardant la réalité en face, a décidé depuis longtemps de renvoyer les homosexuels chez eux et de les dispenser du service national. Un exemple à méditer.

Ensuite, il y a ce climat d’hypocrisie générale qui a accompagné cette affaire. Disons le tout de suite, il ne s’agit pas de défendre l’homosexualité mais de défendre le droit à la différence, toutes les différences, ainsi que de défendre le droit de chacun de choisir sa manière d’être, son mode de vie et de disposer librement de son corps. Il est navrant de constater que jusqu’à présent, seuls les jeunes des partis Massar et Qotb ont réagi. Leurs aînés de la classe politique ont choisi quant à eux la politique de l’autruche, de ne rien entendre, de faire semblant de croire que ce n’est qu’un fait divers sans conséquences.

En vérité, même si elle est posée en termes choquants pour une large frange de nos concitoyens, cette affaire pose cruellement les questions de la tolérance, du droit à la différence et du respect des libertés individuelles dans notre pays conformément à notre nouvelle Constitution et à nos engagements internationaux. Occulter ces questions essentielles, c’est faire le lit de l’intégrisme et d’une société faussement puritaine que les extrémistes de chez nous comme d’ailleurs veulent nous imposer. Malheureusement, habituée aux calculs politiciens, notre classe politique est habituée à l’hypocrisie à tel point qu’un homosexuel notoire ait pu accéder au poste de chef du gouvernement.  

Lettre ouverte à une conne

Les nouveaux français qui se veulent plus royaliste que le roi ! 
Rien n'est pire qu'un immigré ou fils d'immigré qui se veulent plus français que les français de souche. Ce qui est le cas de Nadine Morano dont les parents ont migré d'Italie et n'avaient pas utilisé pour cela les embarcations de la mort qu'utilisent les fuyards du chaos semé par Sarkozy dans les pays du "printemps arabe", précise-t-elle !
Guy Bedos ayant traité Nadine Morano de conne, elle lui intente un procès en diffamation. Devant le juge Guy Bedos confirme le qualificatif en précisant que c'est un constat et non une insulte. Le juge déboute Nadine Morano. Toujours aussi conne, Nadine Morano veut aller en cassation ! 
R.B
Nicolas Huguenin

LETTRE OUVERTE À NADINE MORANO

Madame,
Je n'ai pas regardé votre prestation télévisuelle hier soir. Je sortais d'un concert où de magnifiques artistes avaient interprété des œuvres de Liszt, de Brahms et de Chopin, et, après tant de beauté sonore, l'idée de vous entendre débiter vos âneries avec une voix de poissonnière lepénisée me répugnait légèrement. Non, complètement, en fait. Mais ce matin, j'ai quand même pris sur moi et j'ai regardé huit (longues) minutes de votre intervention. Et permettez-moi de vous dire, madame, que la maladie dont vous souffrez – dite « maladie de la bouillie de la tête » – vous fait dire n'importe quoi.

Vous parlez de « race blanche » et de religion, en associant l'une et l'autre. Passons sur le fait que "la race blanche" n'existe pas, et que plus personne n'en parle depuis que les derniers théoriciens nationaux-socialistes ont été pendus à Nuremberg. Mais associer une religion à une couleur de peau, là, il fallait le faire ! Les Albanais sont blancs et musulmans. Desmond Tutu est noir et chrétien. Le pays musulman le plus peuplé du monde est l'Indonésie, habitée par... des jaunes. Ah, c’est compliqué, hein ! D'ailleurs, si on ne peut pas changer de couleur de peau, à part Mickael Jackson, on peut toujours sans modifier son teint abandonner une religion ou en changer. Tenez, moi j'ai renoncé à la mienne et je ne suis pas devenu transparent pour autant – sauf quand j'essaie de draguer un grand brun aux yeux bleus dans un bar gay, mais ceci est une autre histoire. Et, au passage, en affirmant que la France est « de race blanche », vous laissez entendre que la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane, la Réunion et Mayotte, ce n'est pas la France. C'est bien les patriotes en peau de lapin d'extrême-droite, ça ! Ça nous rebat les oreilles avec la France, mais ça raye de la carte cinq départements d'un coup.

Vous expliquez ensuite que la France a une identité judéo-chrétienne. Et là, pour une fois, vous n'êtes pas allée assez loin – sans doute parce que vous ne connaissez pas mieux l'histoire de la France que sa géographie. Non, madame, la France n'est pas judéo-chrétienne. Elle est catholique. Et elle l'est parce que, pendant mille trois cents ans, on n'a pas permis aux Français d'être autre chose. Juifs, cathares, vaudois et protestants le savent bien. Entre 496, date à laquelle Clovis a (selon la formule célèbre) embrassé le culte de son épouse, et 1790-1791, date à laquelle on s'est résolu à considérer les juifs et les protestants comme des citoyens à part entière, la religion n'a pas été une affaire de choix personnel. Ni même collectif. Les Français n'ont pas voulu être catholiques. Ils ont été contraints de l'être. Ce que les libéraux appellent « la concurrence libre et non faussée » n'est appliquée, en matière de religion, que depuis deux siècles. Le chevalier de la Barre était déjà mort. Jean Calas aussi. Et tous ceux qu'on avait massacrés au nom de Dieu, avant eux ; rançonnés par Philippe Auguste, marqués de la rouelle par Saint Louis, expulsés du royaume par Philippe le Bel, massacrés par toutes sortes de croisés, immolés par l'Inquisition, trucidés par Charles IX, pourchassés par les dragons de Louis XIV... Au passage, je trouve parfaitement dégueulasse votre tentative minable de récupérer les Juifs et les protestants pour alimenter votre petit commerce de la haine. Quand on sait ce qu'ils ont subi en France pendant des siècles... Il fallait une sacrée persévérance pour ne pas être catholique en France, alors. Heureusement, ce n'est plus le cas. Et moi, contrairement à vous, je m'en réjouis. En laissant les Français librement choisir leur religion, ou choisir de ne pas en avoir, on a des surprises. Et alors ? Cela porte un beau nom, madame Morano. Cela s'appelle la liberté de conscience.

Et c'est enfin la troisième et dernière remarque que je voulais vous faire, madame. Vous vous plaignez que, dans certains quartiers, on ne célèbre plus que 5 baptêmes, là où il s'en célébrait 250 il y a encore quelques décennies. Mais la faute à qui ? Aux musulmans, qui « envahissent » nos villes, ou aux catholiques, qui renoncent à l'être et n'obligent plus leurs enfants à fréquenter le catéchisme ? Et vous ne vous demandez pas pourquoi l'Église faisait fuir les fidèles ? Non ? Vraiment, vous n'avez pas une petite idée ? Ne serait-ce pas, je ne sais pas, moi, par exemple, parce qu'elle condamne encore les femmes qui prennent la pilule, et les hommes qui emploient un préservatif ? Ou parce qu'il est devenu insupportable d'affirmer, comme le font certains évêques, qu'une femme violée qui avorte est plus coupable que son violeur ? Ou parce que ça commence à se savoir, que certains curés tripotent les enfants de chœur dans les sacristies ? Ou parce que répéter que le mariage est un sacrement indissoluble, dans un pays où un tiers des couples divorcent, ça fait un peu “ringard” ? Ou parce que le double discours d'une Église riche à milliards en faveur des pauvres n'est plus tout à fait pris au sérieux ? Ou, tout simplement, parce que la foi, dans notre monde moderne, n'apporte plus de réponses suffisantes aux masses ? Et d'ailleurs, rassurez-vous, les catholiques ne sont pas les seuls concernés. Tenez, je vous parie que, dans deux ou trois générations, les musulmans de France ne mettront pas plus souvent les pieds dans une mosquée que moi dans une église... ou que vous dans une bibliothèque. C’est dire... Déjà, un tiers d'entre eux ne fait plus le ramadan.

Tout cela pour vous dire, madame, que votre vision d'une France réduite à ses seuls habitants « de souche » est non seulement insupportable moralement, mais aussi sacrément dépassée. Et que votre peur panique de tout changement, de toute modernité, est pathétique. Et presque risible. « Nous avons éteint dans le ciel des lumières qu'on ne rallumera plus », disait le député René Viviani en 1906. Et ce n'est pas en allumant les feux d'une guerre civile que vous ferez croire aux électeurs que vous brillez, madame. Tout le monde le sait : vous n'êtes pas une lumière.