lundi 27 février 2012

LA LANGUE ARABE ET SA SURVIE

Article paru dans : Kapitalis

Un débat intéressant sur la chaîne Hannibal dans l’émission « La voix du peuple ». 
Le thème du jour : « le devenir de la langue arabe » entre autres.
Présent sur le plateau : hommes de lettres et journalistes.
Voilà un sujet, comme bien d’autres, que mettront sur le tapis Ghannouchi et ses hommes, pour faire diversion sur l’absence d’un réel programme politique et économique à proposer aux tunisiens en réponse aux objectifs de leur révolution : la langue arabe.
En effet après avoir occupé la scène politique, médiatique et publique depuis le retour de son exil londonien de leur chef par :
- l’identité, puis
- la foi et
- le rituel des pratiques religieuses,
- l’obédience la plus appropriée pour être un bon musulman (wahhabisme)
- les tenues vestimentaires pour les femmes (voile intégrale ou burqa …) et
- capillaires pour les hommes (courte ou longue, au henné ou naturelle …)
- le statut de la femme et
- celui de la famille : la polygamie, le mariage coutumier …
- la bi-nationalité,
- les filles mères,
- la chariâa comme fondement à la nouvelle constitution ...
Depuis que la constituante est installée, Ghannouchi et ses hommes cherchent à nous occuper à disserter sur d’autres thèmes de la même veine, comme de la langue que doivent parler les tunisiens, pendant qu’ils « bricolent » la constitution selon leur idéologie, puisqu'ils tentent d'imposer la chariâa en lieu et place de notre bon Code Civil et de passer en douce d'autres résolutions impopulaires. Alors que durant toute la campagne électorale, Ghannouchi et ses hommes, rassurant les tunisiens, les assuraient qu'il n'en sera rien. Et pour confirmer la nouvelle image de "modéré" que veut se donner Ghannouchi, il se revendiquera de l'islamisme de son "ami" Erdoğan, premier ministre turc. Lequel ami, lui conseillera l'adoption de la laïcité, faut-il le rappeler ! Machiavéliques Ghannouchi & C°.


Deux positions dominent le débat :
- Une position de victimisation de la langue arabe :
L’intervenant, homme de lettres, tout en n’étant pas catastrophé quant au devenir de la langue arabe en Tunisie, puisqu’il reconnaît que beaucoup de jeunes et moins jeunes maîtrisent très bien la langue arabe, parfois mieux que ceux qui en constituent le berceau ! Sa crainte est que les plus jeunes, utilisateurs des réseaux sociaux et autres technologies de leur époque, ne délaissent cette langue au profit des langues étrangères : l’anglais, le français…
Il déplore que l’avenir de la langue arabe soit l’oubli si les hommes politiques ne s’en saisissent pas pour décréter l’arabisation de l’éducation, et de l’administration tunisienne pour préserver cette langue des pollutions étrangères.

- La position du journaliste présent sur le plateau semble plus réaliste : il reconnaît que les jeunes massacrent la langue par les outils des réseaux sociaux. Ils n’en maîtrisent plus ni le vocabulaire ni la grammaire, dit-il. Il donne l’exemple des SMS que beaucoup de jeunes utilisent. 
Mais reconnaît-il, il n’y a pas que cette langue qui en souffre, puisque c’est le sort du français comme de l’anglais et bien d’autres langues.
Plus réaliste il met en perspective l’évolution d’une langue et le contexte de ses utilisateurs.
Si les jeunes délaissent une langue pour une autre ce n’est jamais un hasard. Ce sont les technologies et les sciences appliquées qui dictent ce choix. Ce qui est le cas de la langue anglaise.
Maintenant que les pays émergents se développent et commencent à faire de l’ombre aux occidentaux, sans complexes, beaucoup de jeunes se mettent à apprendre ce qui sera la langue dominante dans un proche avenir : le chinois.
Ce qui l’amène à dire que la langue arabe ne séduit pas tant que çà le monde parce que les pays arabophones sont absents totalement des secteurs technologiques et scientifiques ! 
Ils n'ont aucune innovation en ces domaines à proposer au monde.
Car s'il est vrai qu'au moyen âge de l’Occident, correspondant à l'âge d'or de la civilisation dite "arabe", tout le monde parlait arabe pour puiser le savoir et les technologies dont faisaient preuves les peuples arabophones d'alors; depuis, le déclin de la civilisation arabe ainsi que celui de la lange arabe n'ont cessé de s'accentuer conformément à la règle : " une civilisation qui ne croît plus, régresse inéluctablement ".
Il estime à 2% la contribution de la littérature en langue arabe à la littérature mondiale. 
Que dire du reste !

Pour arriver à la conclusion qu’une langue ne survit pas par décret ! C’est aux peuples de la faire vivre par leur génie créatif dans tous les domaines : littéraire, scientifique, technologique, médical ... qui malheureusement manquent cruellement au monde arabophone !
On peut même dire que ni la langue d’un peuple ni son identité ne se décrètent ! 

A une certaine époque des hommes politiques français se sont inquiétés de l’anglicisme envahissant la langue française. Pour la protéger de cette « pollution » étrangère, ils ont décrété une loi punissant les « contrevenants ». Ce fut un échec : car une langue survit par l'usage qu'en fait son peuple et non par des lois !
Elle rayonne ou décline en fonction du génie créateur et inventif de ses utilisateurs et aussi par la manière dont elle est enseignée. Or l'arabe et le français sont mal enseignés. Ben ALI a peu à peu détruit l'éducation nationale en favorisant outrageusement le privé. Aucun élève ne parvenait à de bons résultats sans cours privés. Source d'inégalités et d'injustice évidente !

Si cependant, les tunisiens, grâce au savoir, ont pris une bonne longueur d’avance sur les peuples qui fascinent tant Ghannouchi et ses hommes, il n’est pas certain qu’ils la conserveront ! Ils risquent même de la perdre quand on connaît le programme d’Ennahdha qui veut imposer le modèle wahhabite d'Arabie et du Golfe aux tunisiens, pour les replonger dans un obscurantisme moyenâgeux régi uniquement par l’interdit (haram) et le licite (halal).
Quand on sait le niveau où se trouvent les saoudiens et les peuples où les Ibn Saoud ont déjà exporté leur modèle religieux et sociétal (Afghanistan, Pakistan, Soudan, Somalie….), on ne peut que s’inquiéter sur le devenir, non de la langue, mais du peuple lui-même que des islamistes, plus royalistes que le roi, veulent soumettre par décret à une identité arabo-musulmane conforme à celle des saoudiens ! 
Qu'en ont fait les saoudiens de leur bannière arabo-musulmane ? Ils sont la risée du monde entier pour leur régime totalitaire d'un autre âge, barbare où les châtiments corporels moyenâgeux sont de rigueur. 
Autrement dans quel domaine technique, industriel ou scientifique les saoudiens se sont-ils distingués, pour donner à d'autres peuples l’envie de brandir eux aussi la bannière identitaire d'arabo-musulman ? 

A choisir, un jeune tunisien revendiquera son identité tunisienne plutôt qu'un vague générique arabo-musulman, si tant est qu'il douterait de son identité !
Donc encore un faux problème qu’Ennahdha veut exploiter dans un but électoraliste en faisant du populisme.
A moins que ce parti n’ait décidé d’appliquer la théorie de Noam Chomsky : « Garder l’attention du public distraite, loin des véritables problèmes sociaux, captivée par des sujets sans importance réelle. Garder le public occupé, occupé, occupé, sans aucun temps pour penser…, laisser se développer la violence urbaine, ou organiser des attentats sanglants, afin que le public soit demandeur de lois sécuritaires au détriment de la liberté…».

A bon entendeur.

Rachid Barnat



dimanche 26 février 2012

Les ambitions démesurées d'une micro-monarchie


 LE MONDE GEOPOLITIQUE- 25.02.12


DOHA, ENVOYÉ SPÉCIAL - La scène se déroule le 23 juin 2009 dans le salon d'apparat de la mairie de Paris. Le tapis rouge est déroulé devant son Altesse SérénissimeHamad Ben Khalifa Al-Thani, le monumental émir du Qatar. Dehors, la police parisienne est sur les dents. Des hélicoptères sillonnent le ciel de la capitale et les voies sur berge sont cadenassées. La conversation entre Bertrand Delanoë et son hôte glisse sur la boulimie d'investissements du micro-Etat qui, en l'espace de quelques mois, est entré au capital de poids lourds européens comme Porsche, Suez et la banque Barclays. Tamim, le prince héritier, fils chéri de l'émir, intervient avec un sourire sibyllin : "Il faut que vous compreniez, en ce moment nous rachetons nos chevaux aux Egyptiens et nos perles aux Indiens."

Le Qatar : un nabot par la taille (11 500 km2) et la population (1,7 million d'habitants, dont 85 % d'expatriés), un mammouth par la force de frappe diplomatique et économique. Gavé de devises par son industrie gazière, l'une des plus performantes au monde, la presqu'île du golfe Arabo-Persique pratique une politique d'intervention tous azimuts.
Ces derniers mois, il a non seulement raflé l'organisation de la Coupe du monde de foot 2022 et racheté le PSG, ses deux faits d'armes les plus connus en France, mais il a aussi investi un milliard de dollars (755 millions d'euros) dans des mines d'or en Grèce, pris 5 % de la banque Santander au Brésil, le plus gros établissement financier d'Amérique latine, renfloué les studios de cinéma Miramax mis en vente par Disney et placé un autre milliard de dollars dans un fonds d'investissement en Indonésie.
Parallèlement, le Petit Poucet qatari montait au front des révolutions arabes, en envoyant ses avions de chasse Mirage et ses forces spéciales à la rescousse des rebelles libyens et en sonnant la charge contre Bachar Al-Assad, le tyran de Damas. Un activisme débordant, avec dans le rôle du porte-voix, la chaîne Al-Jazira, rouleau compresseur médiatique, à l'avant-garde de la stratégie d'influence développée par Doha.
PLUS GRAND GISEMENT DE GAZ NATUREL
Pour comprendre ce qui fait courir la dynastie Al-Thani, il faudrait donc, comme le soufflait Tamim, remonter à l'époque des perles et des chevaux, les deux "mamelles" historiques du pays. "Dans la psyché des Qataris, la perle est quelque chose de fondamental, explique un conseiller du maire de Paris. Il y a, chez eux, un vrai ressentiment historique, un besoin de revanche sur ces voisins, cheikhs arabes ou maharajas indiens, qui l'ont copieusement pillé." Dans les années 1980, alors jeune prince héritier, le cheikh Hamad fait une autre expérience amère. Lors d'un voyage en Europe, un douanier à l'aéroport lui agite son passeport sous le nez, goguenard : "Mais c'est où ça, le Qatar ? Ça existe vraiment ?" Mortifié, le futur émir aurait juré de faire très vite connaître son confetti de terre.
Son arme sera le North-Dome, le plus grand gisement mondial de gaz naturel, à cheval sur les eaux territoriales du Qatar et de l'Iran. Son père, l'émir Khalifa, redoutait que la mise en valeur de cette manne n'agace justement la République islamique. Il craignait aussi de braquer l'Arabie saoudite, sourcilleux patron des micro-Etats de la péninsule.
En 1995, à l'âge de 43 ans, l'impétueux Hamad profite d'un séjour en Suisse de son pusillanime de père pour le déposer et lancer son royaume dans un processus de modernisation à marche forcée. Instruit par les déboires du Koweït, le jumeau pétrolier du Qatar envahi par les troupes de Saddam Hussein en 1990, le jeune monarque veille à assurer ses arrières. Un an après son putsch de palais, il lance Al-Jazira. A la fois professionnelle et populiste, bête noire des rivaux du régime, comme l'Egypte de Hosni Moubarak et l'Arabie du roi Fahd qui avaient critiqué le coup d'Etat de 1995, mais beaucoup plus conciliante avec ses alliés comme laLibye de Mouammar Kadhafi -, avec qui l'émir partage une même détestation des Saoud - la nouvelle venue s'impose comme la caisse de résonance planétaire de la diplomatie de Doha.
ÉQUILIBRISME DIPLOMATIQUE
En 2003, nouvelle rupture : le Cheikh Al-Thani ouvre son pays au Pentagone, qui installe dans les sables du Qatar ce qui va devenir la plus grande base aérienne américaine en dehors des Etats-Unis. La tête de pont de ses opérations en Irak et en Afghanistan. Dans les années 1990, l'émir avait aussi noué un début de lien diplomatique avec Israël, pays avec lequel il restera en contact jusqu'à l'offensive de Tsahal contre la bande de Gaza, en janvier 2009.
Soucieux de ne froisser personne, le Qatar se transforme dans le même temps en terre d'accueil des opposants islamistes aux régimes en place dans le monde arabe : du prédicateur libyen Ali Al-Salibi à l'Algérien Abassi Madani, en passant par le télé-coraniste égyptien Qaradawi et le Tunisien Rached Ghannouchi, le patron d'Ennahda, futur vainqueur des législatives tunisiennes... Sans oublier Oussama Ben Laden, l'ennemi public numéro un de l'Oncle Sam, dont les messages audio sont retransmis sur Al-Jazira. Objectif de ce jeu d'alliance à 360 degrés : tenir à bonne distance Riyad et Téhéran, et surtout s'assurer un accès ininterrompu au détroit d'Ormuz, passage obligé de ses exportations de gaz naturel liquéfié. "Le Qatar est assis sur un tas d'or mais il se sait très fragile, analyse un diplomate français. Pour continuer à exister, il a compris qu'il doit se faire connaître etreconnaître."
Le Qatar aurait pu en rester là. Continuer son numéro d'équilibriste diplomatique tout en plaçant sa fortune dans des bons du trésor américain ou des projets immobiliers sans valeur ajoutée, comme dans l'ex-Europe de l'Est, où il achète des morceaux de ville entiers. Une stratégie de bon père de famille, avisé mais sans aucun rayonnement dans les capitales occidentales. Témoin, la morgue de Bertrand Delanoë, en 2006, lorsque le Qatar Investment Authority (QIA), bras financier de l'émirat, classé au douzième rang des fonds souverains les plus riches de la planète, avait tenté une première approche du PSG. Le maire de Paris avait fustigé "ces fonds exotiques ", allant jusqu'à émettre des doutes sur "l'origine des capitaux".
BUSINESS ET TOUR VERTIGINEUSE
Tout change avec la crise financière de 2007-2008. En quelques mois, les grands trésoriers de la planète se retrouvent à court de liquidités. La Russie et la Chine étant jugées infréquentables, c'est vers le Golfe que les multinationales en mal de cash choisissent de se tourner. Chance pour le Qatar, son industrie gazière arrive à maturité au même moment. Le méga-complexe de liquéfaction de Ras Laffan, à 80 km au nord de Doha, voit défiler les méthaniers. "C'est à partir de ce moment que le Qatar s'est mis à investir dans des marques prestigieuses comme Suez, Vinci ou Harrods et que sa cote s'est envolée, explique un banquier qui a travaillé pour le Palais. Sans la crise, on en serait resté à la situation de 2006."
Le QG de cette métamorphose est situé dans une tour vertigineuse, surmontée d'un dôme de verre bleuté, qui domine la baie de Doha. La Qatar Holding, la branche du QIA en charge des investissements dans le secteur industriel, y occupe quelques étages. C'est là qu'ont afflué des dizaines de banquiers étrangers, laissés sur le carreau par la faillite de Lehman Brothers, à l'été 2008."C'est l'une des rares institutions du pays dont les employés bossent comme des malades", sourit un familier de West Bay, le quartier des affaires de Doha.
Un activisme qui s'explique facilement : alors que dans l'émirat voisin d'Abou Dhabi, le processus de décision est dilué entre une multitude de frères et demi-frères, au Qatar, la stratégie se décide entre quatre personnes : l'émir, son fils Tamim, de plus en plus associé à la marche du pays, une de ses épouses, la fringanteCheikha Mozah à la tête de la Qatar Foundation, et le premier ministre, Hamad BenJassem Al-Thani, patron du QIA. "Dans un pays normal, le business va vite et le gouvernement est lent, explique un homme d'affaires qatari. Ici, c'est le contraire. Les hommes d'affaires courent en permanence après l'autorité publique."
SAUTER DANS LE TRAIN DES RÉVOLUTIONS ARABES
Arrive la dernière étape de l'ascension de la start-up Al-Thani : 2011 et les "printemps arabes". Despote éclairé, le cheikh Hamad n'a pas de passion particulière pour la démocratie. Mais son désir d'être du bon côté de l'Histoire, le positionnement marketing d'Al-Jazira – "la voix des sans-voix" – et surtout, l'impuissance de ses pairs arabes qui laissent un espace à prendre, l'ont incité àsauter dans le train des révolutions. "Le Maroc est trop loin, l'Algérie trop sénile, l'Egypte paralysée par sa révolution, l'Irak enfoncée dans la crise et l'Arabie engluée dans les calculs de succession, résume un diplomate français. Il y avait un vide et les Qataris l'ont occupé." Du pur opportunisme, donc : un peu comme si la France et l'Allemagne faisaient faillite et que la Slovénie se retrouvait à piloterl'Europe.
Combien de temps cette business-diplomatie tapageuse peut-elle encore durer ? Mise sur orbite par la volonté d'un homme et quelques accidents de l'Histoire, la fusée qatarie subira un jour ou l'autre des accidents contraires qui l'obligeront àredescendre sur Terre. Dans le monde arabe, par exemple, "l'interventionnite" du clan Al-Thani suscite une exaspération croissante.
Venu mi-janvier assister aux célébrations du premier anniversaire de la révolution du jasmin, l'émir a été conspué par des milliers de Tunisiens qui l'ont accusé d'êtrele complice d'un plan américain visant à remodeler le Proche-Orient au profit du camp islamisto-sunnite incarné par les Frères musulmans égyptiens. Quelques jours plus tôt, l'émir avait été renvoyé de Mauritanie par son homologue, Mohamed Ould Abdel Aziz, ulcéré que son royal invité lui ait enjoint de dialoguer avec son opposition... islamiste.
A force de se faire le chantre de la démocratisation, le pacha de Doha a dûannoncer des élections législatives pour 2013. Le courant ultra-conservateur salafiste, dominant dans la société qatarie, pourrait lui signifier son peu d'entrain àcohabiter en 2022 avec des supporters de foot éméchés. Sans compter les risques de coup d'Etat, une valeur sûre aux pays des perles. Conclusion de la politologue Fatiha Dazi Héni : "La famille Al-Thani est loin d'être à l'abri d'un effet boomerang."
Benjamin Barthe

samedi 25 février 2012

MAIS OU VA DONC LA TUNISIE ?

Article paru dans : Kapitalis
et dans : Iran French radio

Où le gouvernement Jebali veut-il embarquer la Tunisie ?
La politique étrangère tunisienne est visiblement dictée par l'émir du Qatar qui instrumentalise la révolution tunisienne dans son intérêt : 

- Faut-il rappeler que Rafik Abdessalam, gendre de Ghannouchi, travaillait à Aljazeera TV, salarié de l'émir ? Il semble que c'est l'émir qui l'ait voulu au poste des affaires étrangères.  
Il a suffit qu'il le suggère à Ghannouchi pour que celui-ci l'impose à son premier ministre Hammadi Jebali. Ghannouchi ne doit-il pas tout à l'émir qui le finance, finance son parti et  finance ses compagnes électorales ? Faut-il rappeler qu'il a mis à son service sa TV personnelle Aljazeera pour faire sa propagande ?
- L'émir a suggéré le renvoi de l’ambassadeur de Syrie. 
Le président Marzouki l’a fait;
- L'émir a suggéré l'organisation d'une réunion des amis de la Syrie. 
Le gouvernement Jebali l’a organisée;
- L'émir a suggéré l'impunité de Bachar el Assad et son renvoi en exil en Russie. 
Le président Marzouki l'a demandé. Bien que très vite il se soit fait remonter les bretelles par les russes pour son audace et son ingérence dans leurs affaires. La Tunisie pense-t-elle qu'elle va faire plier les russes ?
- Devant la réaction des russes, l'émir suggère que la Tunisie recueille le tyran syrien;
Le président Marzouki déclare qu'il est prêt à le recevoir !  
- Et pour finir, l'émir suggère à l'opposition syrienne de se regrouper, et le président Marzouki le leur dira; comme si c'était son rôle, lui qui est à la tête d'un état où l'opposition est aussi mal organisée et pléthorique. Donc mal placé pour donner des leçons aux autres !
Amateurisme d'un président provisoire ! 

Tout cela montre  bien, hélas, l'hégémonie du Qatar sur la Tunisie. 
En contrôlant la Tunisie, l'émir veut récupérer la révolution des tunisiens pour la faire avorter, ce à quoi il œuvre depuis le début de la révolte des tunisiens. Il y parvient grâce à l’allégeance de Ghannouchi qui lui doit tout.

C'est exactement ce que fait aussi fait le roi Ibn Saoud pour le Yémen. 
Après avoir étouffé dans l'œuf la révolte des Bahreinites par l'envoi de ses chars, le roi a bien fini lui aussi par faire avorter la révolution des yéménites. 
Puisqu'il maintient chez lui Ali Saleh à qui l'impunité est acquise, et impose le vice président pour lui succéder. 
Au final, les yéménites conservent tout ce contre quoi ils se sont révoltés : le système Saleh et ses hommes. Le roi leur demande d’ « élire démocratiquement », son bras droit. Ce qu’ils feront « à plus de 90 % » ! Exactement ce que voulait le roi Ibn Saoud depuis le début de la révolte au Yémen. Pourquoi ? Tout simplement parce que de véritables démocraties dans ces pays en révolte sont une menace pour l'existence même de ces régimes autoritaires d'un autre temps. 
Ils veulent par la force et grâce à leurs milliards, éviter la contagion chez eux !
De qui se moque-t-on de nous présenter ces monarques comme « protecteurs de révolution démocratique » ?

Ce n'est donc pas tant le fond des positions de la Tunisie que je conteste mais le fait qu'elle soit manipulée par le Qatar et se fasse son porte parole. 

Par ailleurs il faut être clair, cette ingérence du Qatar doit cesser sur la vie politique intérieure de la Tunisie aussi. 
Les Tunisiens n'accepteront jamais, eux qui se sont battus pour leur indépendance et qui ont  chassé un tyran, de se voir dicter un mode de vie et une façon « d'être musulman » d'importation qui n'est pas la leur et qui heurte leur identité tunisienne. 
Si le pouvoir ne comprend pas cette exigence absolue de son peuple, il n'ira pas loin : les tunisiens le dégageront comme ils ont dégagé Ben Ali ! 

Tout récemment encore, le bruit court que le général Rachid Ammar serait mis à la  retraite de l'armée et serait nommé ambassadeur auprès de l'émir du Qatar. 
N'y aurait-il pas là comme une machination machiavélique de la part de l'émir du Qatar pour écarter un homme aimé des tunisien pour son esprit républicain parce qu’il a refusé de tirer sur le peuple ? Non seulement il l'écarterait du pouvoir mais le tiendrait sous son contrôle chez lui au Qatar. Laissant ainsi le champ libre à  Ghannouchi pour le remplacer par un autre qui lui obéira sans se poser de question pour imposer son idéologie islamiste par les armes à un peuple qu'il sent la lui refuser !

J'espère que le général refusera cet éloignement car il a tout à y perdre et notamment son image auprès des Tunisiens pour gagner un éloignement doré auprès du Qatar. 

Voilà donc comment ces pétromonarchies veulent tenter d'étouffer toute velléité de changement, parmi les peuples qui aspirent à la démocratie. 
Il n'y a que des islamistes naïfs ou dominés par leur ambition personnelle pour croire que ces monarques autoritaires veulent aider des républiques et les voir progresser ! Alors que tout ce qu'ils veulent c'est étouffer tout désir de démocratie et toutes révoltes qui pourraient devenir contagieuse pour leur propres peuples qui risqueraient à leurs tour de les dégager !

Qui pourrait croire que ces monarques veulent aider à lutter contre la corruption, eux qui sont le symbole même de la corruption et qui hébergent des corrompus qui ont spolié et volé les tunisiens : 
- puisque Ben Ali est l'hôte du roi Ibn Saoud, prétendu défenseur de l’Islam mais recueille des voleurs et des assassins ; 
- son gendre Sakher el Matri est l'hôte de l'émir du Qatar, autre prétendu défenseur de l’Islam ! 
Qui peut croire que ces monarques œuvrent pour le bien d’une "oumma arabomusulmane" que fantasment les rêveurs ? Toutes leurs actions ne visent que la défense de leurs propres intérêts !!
Intolérable ingérence. 

Le danger pour la Tunisie est, malheureusement, d'avoir trois utopistes apprentis sorciers à la tête de l'état, prêts à sacrifier son indépendance et son identité tunisienne sur l'autel du panarabisme pour les uns ou du panislamisme pour les autres. Comme s'ils n'ont pas retenu les leçons de l'Histoire qui a montré l'impasse des ces deux utopies, puisque :
- Moncef Marzouki pense pouvoir réaliser le rêve de Nasser : le panarabisme, en relançant le projet du Grand Maghreb en panne depuis plus de 20 ans. Il veut résoudre la question du Sahara occidental. Il veut intervenir pour aider les palestiniens à résoudre leur problème qui dure depuis plus de 60 ans. Il vient de recevoir le gendre de Gamel Abdel Nasser : tout un symbole de la part d'un nostalgique du nassérisme !
- Hammadi Jebali rêve de réaliser le panislamisme, pour installer son guide spirituel Ghannouchi, Calife du VI éme Califat comme il l’a claironné au lendemain des élections !
- Rached Ghannouchi ne cache plus son ambition de Califat et sa volonté de soumettre les tunisiens au wahhabisme d'Arabie, qu'un bey husseinide sage avait rejeté en son temps (vers 1803) en répondant à l'Imam Abdelwahhab, qu'il n'avait rien à apprendre aux tunisiens, après que les imams de l'université Ezzitouna l'aient mis en garde contre la dangerosité de cette doctrine obscurantiste et belliqueuse, inadaptée pour le peuple tunisien.

Est-ce que les tunisiens laisseront ces rêveurs sacrifier leur révolution, leur indépendance et leurs acquis pour préserver le trônes de ces monarques ? 
Ne voient-ils pas que pendant ce temps, pendant que l'on s'occupe de ces chimères géostratégiques, que le pays va à vau-l'eau ? 
Tout cela  donne à l'étranger une image déplorable qui va nuire, de toute évidence, au tourisme et aux investissements et entraîne une division de la société alors que le pays devrait s'unir pour faire face aux difficultés; plutôt que de s'occuper de savoir comment on doit être musulman alors qu'on l'est depuis des siècles !

Aux tunisiens de reprendre leur destin en main et de défendre bec et ongle les objectifs de leur révolution qui sont : LIBERTÉ, DIGNITÉ et TRAVAIL.
Ils n’ont jamais douté de leur foi ni de leur identité et n’ont aucune intention de changer leur obédience malékite par la wahhabite et d’accepter le model sociétal "arabomusulman" d'Arabie ou du Golfe et tout les accoutrements qui vont avec, comme le leur propose Ennahdha !
Les tunisiens sont fières de leur "tunisianité" et n'ont pas de leçon à recevoir de qui que ce soit sur leur foi et la manière de la pratiquer.

Les tunisiens veulent-ils vraiment servir de faire valoir au Qatar pour lui permettre d'exister ?

Rachid Barnat



LA MANIF DU RAZ LE BOL


MANIF DU 25 février 2012 :


Il était temps que les tunisiens disent stop au laxisme du gouvernement Ghannouchi et à la langue de bois de tous ses hommes !! 

Voilà 5 mois que ce gouvernement ne fait rien et laisse sa base salafiste terroriser les tunisiens ; il abandonne les tunisiens à des prédicateurs étrangers obscurantiste pour créer une fitna parmi eux !!

Fort de son million d’électeurs, Ghannouchi a fini par se prendre pour le Calife. Guide spirituel, il croit que ses hommes vont rester au pouvoir une éternité ! Oubliant le mandat que les élections du 23 octobre leur ont accordé : Une constituante pour une Constitution ! 

Il fallait que les tunisiens lui rappellent ainsi qu'à ses hommes, leur mandat et surtout leur rappellent les objectifs de la révolution, qu’ils semblent avoir oubliés pour les remplacer par un programme d’endoctrinement religieux, en lieu et place de leurs promesses faites lors de leur compagne électorale. Et qu'ils renient.

Il est impératif que ce gouvernement laisse se poursuivre le processus démocratique :
- Par la reconduite de l’ISIE pour qu’elle finisse son travail et organise le prochain scrutin
- Que la constituante nous donne la date de remise de sa copie que les experts estiment faisable en quelques mois. 
- De fixer la date du prochain scrutin qui correspond à la fin du mandat de la constituante : le 23 octobre 2012 doit être la date butoir.

Il faut que ce pouvoir sache que les tunisiens ne se laisseront plus faire et qu’ils n’accepteront pas de régresser sous l’influence d’obscurantistes prenant leurs ordres à l’étranger. Ils ne cesseront de répéter qu’ils n’ont pas fait leur révolution pour se retrouver avec des professeurs qui veulent les rééduquer à d’autres obédiences (salafiste, wahhabite,…) que la leur ; surtout lorsque ces professeurs professent un islam arriéré qui heurte le leur qui a façonné leur identité tunisienne depuis des siècles. 
A poursuivre dans ce sens, Ennahdha va dans le mur et ne récoltera que la guerre civile. Est-ce cela qu’elle veut ?

Quand aux problèmes du pays, ces hommes n’ont pas été mandatés pour nous faire des plans quinquennaux ou d’avantage : le gouvernement provisoire, à l’instar de celui d’avant, n’est tenu qu’à la gestion des affaires courantes et de préférence des plus urgentes d’entre elles. 
Tous les Tunisiens savent parfaitement qu’ils n’ont élus qu’une Constituante pour un délai d’un an. 
Au-delà, il faut que les choses soient claires : ils n’accepteront pas un pouvoir qui continuerait à s’imposer et qui dès lors n’aurait plus aucune légitimité.

Rachid Barnat


vendredi 24 février 2012

CHARIAA ou pas CHARIAA ?

Article paru dans : Kapitalis
et : Palestine Solidarité

Un débat autour de la future constitution sur Watania 1  TV :
Habib Khedher rapporteur de la commission et neveu de Ghannouchi, paradait sur le plateau arborant un sourire inquiétant pour défendre l’idée d’inclure la chariâa dans la future constitution.
Parmi ses contradicteurs, deux ont retenu mon attention :

- Un constitutionnaliste qui lui rappelle que ce qu’il propose n’a jamais fait partie des objectifs de la révolution qui sont, lui rappelle-t-il : LIBERTÉ, DIGNITÉ et TRAVAIL !
Il lui rappelle que la charia entraîne des interprétations diverses et que se posera alors la question de l'autorité supérieure qui devra trancher entre des interprétations opposées. Cette autorité sera-t-elle civile sous forme d'un conseil d'état, ou religieuse sous forme d'un collège de religieux, dont les "fatouas", comme tout le monde sait, sont arbitraires, indiscutables et antidémocratiques ? Ce qui revient à dire, l'instauration pure et simple d'un régime théocratique !
Il le met en garde que si  son parti et lui veulent imposer leur propre idéologie dans la constitution, il donne un à deux ans aux tunisiens pour la rejeter à la faveur d’une nouvelle révolution !

- Un journaliste et homme de lettres, ancien membre actif du premier parti islamiste de Ghannouchi, met en garde Habib Khedher et lui conseille de ne pas ouvrir la boîte de Pondre en axant le travail de la constituante sur le chariâa.
En effet, lui rappelle-t-il, de quelle chariâa parle-t-il ? Celle à la quelle se réfère Ennahdha ? Ou celle des salafistes ? Ou celle des autres obédiences qui chacune en fait une lecture différente… ??

Il lui rappelle que l’article 1 de la constitution de 1959 suffit pour préserver ce à quoi il semble tenir, à savoir l' "identité arabomusulmane", puisqu'il mentionne clairement en préambule : " la République tunisienne est une république dont la langue est l'arabe et la religion est l'islam". Donc il n’est pas nécessaire d’inquiéter les tunisiens inutilement par des propositions partisanes…
Et quoi qu’il en pense, il lui dit que la constitution de Bourguiba s'est inspirée à 66% de l’obédience de l’Imam Malek en concertation avec les imams de l’université de la Zitouna. Pour preuve, quand Bourguiba a voulu l'égalité des femmes avec les hommes en matière d'héritage, on lui a rétorqué que selon l'article 1, c'est contraire à la prescription du Coran. 
(Je suppose qu'il en était de même pour le testament : puisque selon la chariâa, il est interdit de tester !) 

Ce à quoi Habib Khedher a fini par répondre qu’au fait sa proposition est tout à fait personnelle et n’engage que lui. Mais que personne ne l’obligera à dévier de ses idéaux quitte à se ranger dans l’opposition.

La réponse du journaliste, bien au fait des discours de ses anciens amis nahdhaouis, lui rappelle que Ghannouchi lui-même depuis son retour de son exil londonien a maintes fois répété que la république restera une république civile, et qu'il ne fera pas appel à la chariâa !

Un jeune de l'opposition, présent sur le plateau, reprochera à Habib Khedher de raisonner en avocat là où il est question de politique. Autrement dit, il  épingle le manque de culture et de maturité politique de ce jeune qui n'est arrivé à la constituante et au poste qu'il occupe que par la volonté de son oncle Ghannouchi !
Pour lui rappeler ce que les tunisiens attendent de la constituante, il lui cite l'exemple de :
- l'Afrique du Sud qui a su rédiger une constitution consensuelle pour des ethnies et des religions multiples qui caractérisent son peuple !
- L'Indonésie, le plus grand pays musulman par le nombre d'habitants, n'a pas intégré la chariâa dans sa constitution.
Ce que ces deux peuples ont pu faire, les tunisiens devraient pouvoir le faire, laissera-t-il entendre à Habib Khedhri.

Or depuis, les débats se succèdent autour de cette question dilatoire : la charia sera-t-elle inscrite dans la constitution ou non ?
Dans l'un d'eux, sur TV Hannabal dans l'émission "Essraha, raha", le ministre des affaires étrangères convient que l'article premier de la constitution de 1959 sera probablement maintenu tel qu'il est et qu'il se suffit à lui même sans qu'il y ait besoin d'en rajouter pour couper court aux inquiétudes de beaucoup de tunisiens.
Rafik Abdessalem étant proche de Ghannouchi, ne peut avoir avancé une telle information sans qu'il n'ait l'aval de son beau père, le guide spirituel du mouvement Ennahdha auquel il appartient.

Par ailleurs ce même guide spirituel ne cesse de multiplier les interviews où il affirme que la Tunisie sera dotée d'un Code Civil, excluant ainsi la chariâa.

Mais pas plus tard qu'hier soir, lors d'un autre débat sur la chaîne El Watania 1, toujours autour de l'islamisation de notre constitution, un des présidents de commissions à la constituante, appartenant au parti Ennahdha remet çà !
Pour couper court à ses affirmations que la chariâa s'impose dans un pays musulman et qu'il faille l'inscrire dans la constitution pour affirmer l'identité arabomusulmane des tunisiens, l'un de ses contradicteur, constituant lui-même, lui rappelle qu'il ne peut être plus royaliste que le roi; puisque le prophète Mohamed lui même pour gérer Yathreb, l'actuelle Médine, a demandé au Conseil des sages d'établir les règles de vie commune. Ce qui constitue bel et bien un code civil pour régir les différentes communautés d'alors (juive, chrétienne et musulmane) vivant ensemble. Et que par conséquent un code civil doit être toujours actualisé pour l'adapter aux besoins et à l'époque des peuples. En lui précisant que la constitution qu'ils sont entrain de rédiger ne sera pas éternelle elle non plus; puisque dans 3 ou 4 générations d'autres la réécriront !

Les tunisiens doivent se méfier absolument de toute référence à la Charia car, une fois inscrite dans la constitution, elle permettra à Ennahdha d'imposer des règles de vie dont les tunisiens ne veulent pas et qu'ils ne pourront écarter. C'est donc extrêmement dangereux et le combat sur ce terrain doit être très ferme.

Par ailleurs la chariâa prend des formes très diverses selon les pays, des colloques nombreux se sont penchés sur la question et l'on en débattra encore dans cent ans car la notion est une de celle les plus floue qui puisse exister !
Alors il est indispensable que cette question politique soit réglée rapidement par une prise de position claire par Ghannouchi et ses hommes car la durée de ce débat nuit gravement à l'unité du pays et à son efficacité. Il faudrait trancher une bonne fois pour toute et très vite ce débat pour pouvoir passer aux véritables objectifs de la révolution comme le rappelle le doyen d'une faculté présent sur le plateau : le développement économique du pays et la lutte contre le chômage.
Ces bavardages nuisent et ce pouvoir est en train de laisser pourrir la situation.
Ce n'est quand même pas trop demander, après des mois de débat, que la question soit enfin tranchée.
A moins que ce ne soit une stratégie dilatoire pour se maintenir au pouvoir dans d'autres optiques dont les tunisiens ne se laisseront pas duper.  Auquel cas ce gouvernement sera dégagé comme le fut ZABA.