dimanche 18 décembre 2022

Kais SAIED, LE "DEMOCRATE" ...

Un peuple de moutons, finit par engendrer un gouvernement de loups ".   
                                                      Agatha Christie

Le 17 décembre 2022 : les Tunisiens sont appelés aux urnes pour élire leurs nouveaux députés qui feront de la figuration dans un parlement au pouvoir restreint, voulu par Kaïs Saïed.

Pour rappel, le 25 juillet 2021, Kaïs Saïed a mis à profit l'action salutaire de Abir Moussi en tirant les marrons du feu, en décrétant la fermeture du parlement et non sa dissolution; tout en faisant croire aux Tunisiens qu'il les débarrasserait de Ghannouchi et de ses Frères musulmans qu'elle n'a eu de cesse de dénoncer et de s'opposer à leur projet néocolonialiste qatari !
Une occasion pour Kais Saied pour s'installer nouveau dictateur en Tunisie en s'attribuant tous les pouvoirs et de poursuivre le projet des pan-islamistes mâtiné du pan-arabisme dont il est nourri !

Profitant de sa prétendue popularité virtuelle (FB et autres réseaux sociaux), il va fabriquer une constitution sur mesure qu'il soumettra au référendum virtuel; restaurant un régime présidentiel fort où le président n'a de compte à rendre à personne et surtout pas à la justice, à la fin de son mandat.

L'étape d'après, il voulait un plébiscite pour son parlement de godillots ... 
Et là, surprise : plus de 90 % des Tunisiens ont boycotté cette énième mascarade de l'apprenti dictateur !

Et ce, malgré toutes les magouilles pour mettre la main sur l'ISIE et pour mettre des bâtons dans les roues du PDL, son unique opposant ...

Une gifle de la part des Tunisiens qu'il n'arrive plus à duper !

En tirera-t-il les conséquences ? 
Ou transformera-t-il cet échec en victoire, comme le font les dictateurs ??

Les islamistes et leurs frères ennemis pan-arabistes mécontents qu'il ait gelé leur action au parlement et l'accusant d'un coup d'Etat; disent que cette élection législative le délégitime et par conséquent veulent qu'il démissionne. 

Le PDL quant à lui, qui dés l'arrivée de Kaïs Saïed à Carthage, n'avait cessé de dénoncer ses abus et de mettre en garde de la dérive dictatoriale que prenait sa présidence, demande qu'il avance la date des élections présidentielles.

Les ONG occidentales habituellement mobilisées en tant qu'observatrices de la bonne marche des élections, se sont abstenues cette fois-ci, pour ne pas participer à cette mascarade; hormis une ONG russe ! Ce qui en dit long sur cette élection législative organisée par Kaïs Saïed

Les pays démocratiques de l'UE, dont la France toujours soucieuse du respect de la démocratie, de l'Etat de droit et des Droits de l'Homme, continueront-ils à le soutenir malgré ce désaveu : selon l'ISIE, le taux de participation est de 8% ?

Wait and see !

Rachid Barnat

jeudi 15 décembre 2022

La démocratie trouve ses fondements en dehors de tout système religieux


Bernard Cazeneuve *

« Laïcité, liberté et démocratie sont un même mot ».

 « Sauf à prendre le risque de condamner l’humanité à ne plus jamais connaître l'altérité, la France ne peut accepter qu’un bâillon entrave la parole des professeurs ».

Les vagabondages mémoriels sont une mode de l’époque. Le plus souvent ils sont l’occasion, pour chacun qui croit que sa statue sera sculptée de son vivant, d’œuvrer à son autopromotion. À ce jeu de narcisse, la culture historique perd en rigueur ce que l’art de la mise en scène gagne en effets spéciaux. Les faits de l’histoire se font alors anecdotes, au point qu’il est possible d’en détourner le sens profond à son seul profit. Sans vergogne, on déambule dans le passé, on en convoque les grandes figures, avec pour arrière-pensée d’apporter la démonstration qu’on est indispensable à son temps.

C’est par ce moyen que Simon Bolivar surgit subitement dans l’imaginaire de la gauche française ou que certaines commissions d’historiens se voient assigner des objectifs diplomatiques et politiques, à la gloire de ceux qui les ont installées. Il faut donc se garder, pour la salubrité du devoir de mémoire, de distendre la relation intime que la Nation entretient avec les évènements de sa propre histoire, sauf à prendre le risque d’une crise profonde d’identité dont les effets, à terme, ne manqueraient pas de se révéler telluriques. À cette fin, l’histoire doit être enseignée et apprise, car comme science humaine, elle ne saurait souffrir la moindre inexactitude.

C’est fort de ce constat que j’ai pris connaissance, le 9 décembre dernier, d’une étude de l’IFOP révélant que 56% des professeurs avaient déjà été amenés à modifier leurs enseignements, de crainte de heurter les convictions philosophiques ou religieuses de leurs élèves. Il s’agit là d’une dégradation de près de sept points de la tendance constatée au cours de l’année 2020, qui vit notre pays affronter le tragique assassinat de Samuel Paty. À l’école donc, le maître se trouve désormais dans l’obligation de s’autocensurer, dans l’indifférence de la société à la blessure qu’il s’inflige à lui-même lorsqu’il renonce à transmettre certaines des connaissances accumulées au fil du temps par la philosophie, les sciences ou l’histoire. Jadis, cette somme de savoirs s’appelait les humanités, car sans elles, il n’était pas d’humanisme possible.

Sens commun 

Dans la France des Lumières, l’universalisme a toujours pris sa source dans l’ambition de faire accéder le plus grand nombre de jeunes consciences au libre arbitre, en donnant à l’école et à ses hussards noirs le soin de protéger chacun des pressions susceptibles de s’exercer sur lui, en le faisant accéder à la pensée rationnelle. L’enseignant n’avait alors rien à redouter de son élève, car il était son meilleur protecteur face à quiconque avait pour projet d’entraver son accession au statut de citoyen éclairé. Alors que l’islamisme peut parfois conduire jusqu’à la déscolarisation des enfants, vouloir à tout prix les protéger de ce fléau n’est pas une mauvaise manière qu’on leur fait. C’est au contraire le témoignage du respect dans lequel on les tient, guidés par la promesse républicaine, maintes fois réitérée, de donner à chacun sa chance.

On pourra toujours se consoler des résultats de cette enquête, en relisant le très beau discours que Jean Jaurès prononça à Castres, le 30 juillet 1904, lorsqu’il célébra la laïcité en lui donnant cette portée singulière, qui en fit un principe d’émancipation dans le grand sanctuaire qu’est l’école. On trouvera dans cette adresse à la République bandant ses forces, la volonté de ne jamais rien céder à l’air du temps, qui pourrait lui faire perdre de vue sa promesse. Rappelant que « la démocratie n’est autre chose que l’égalité des droits », Jaurès soulignait « qu’il n’y a pas d’égalité des droits si l’attachement de tel ou tel citoyen à telle ou telle croyance, à telle ou telle religion, est pour lui une cause de privilège ou une cause de disgrâce ». Et de poursuivre avec une ardeur qu’on aimerait voir renouvelée par l’affirmation que la démocratie trouve ses fondements en dehors de tout système religieux, car elle suppose « l’égale dignité des personnes humaines appelées aux mêmes droits et invitées à un respect réciproque ». Cette voix juste et forte pouvait alors pousser le raisonnement politique jusqu’à son terme, en donnant à la laïcité et à la démocratie un sens qui leur est commun et qui fait aujourd’hui cruellement défaut. Dans la République, dont elles constituent les piliers, ces deux valeurs demeurent à tout jamais indissociables.

Le grand défi existentiel qui se présente à la Nation est bien celui qui animait Jaurès, lorsqu’il posait la seule question qui vaille : « comment l’enfant pourra-t-il être préparé à exercer sans crainte les droits que la démocratie laïque reconnaît à l’homme, si lui-même n’a pas été admis à exercer sous forme laïque le droit essentiel que lui reconnaît la loi, le droit à l’éducation ? »

Replis communautaires 

On ne peut espérer faire longtemps société si ceux qui aspirent à devenir citoyens ne déposent pas, aux portes de l’école, les croyances religieuses ou philosophiques – mais aussi marchandes ou politiques – que des fardeaux familiaux ou culturels inscrivent mécaniquement dans le parcours de chaque être humain. Vouloir à tout prix revendiquer sa seule identité comme un horizon indépassable, se résigner à ne jamais la confronter à la connaissance scientifique et à l’aspiration au progrès, c’est non seulement renoncer à la liberté, sans laquelle il n’est pas de démocratie possible, mais c’est aussi favoriser tous les replis communautaires, en prenant le risque de la séparation voulue et de la confrontation généralisée.

Nul ne saurait s’épanouir pleinement à travers la seule revendication de ce qu’il est, dans un enfermement numérique et une hostilité déclarée à ce que sont tous les autres, à raison de leurs appartenances philosophiques ou religieuses. Sauf à prendre le risque de condamner l’humanité à ne plus jamais connaître l’altérité, la France ne peut accepter qu’un bâillon entrave la parole des professeurs. La censure qu’ils s’imposent à eux-mêmes, lorsqu’ils transmettent leurs savoirs, interpelle la Nation tout entière. C’est pourquoi il relève du devoir de l’État de leur permettre d’exercer librement leurs missions. Le dire c’est déjà reconnaître la profondeur de mal. Agir encore et toujours serait préférable, car l’urgence se confond désormais avec l’essentiel : face à l’intolérance qui monte, aujourd’hui plus qu’hier, laïcité, liberté et démocratie ne font qu’un seul mot. Et une même exigence.

·         * Ancien Premier ministre.

mardi 13 décembre 2022

Les pourfendeurs de la laïcité en France ...


Les socialistes censés être les défenseurs de la laïcité, ont permis aux Frères musulmans, ses pires ennemis, de l'attaquer. Et de reculade en reculade devant leurs coups de boutoir dans ses règles du vivre ensemble, ils ont fait le lit du wahhabisme que les islamistes de tous poils importent en France allégrement grâce au soutien des pétromonarques. Lionel Jospin lors de "la crise du voile dans l'école", répondait à l'inquiétude d’Elisabeth Schemla, qui l'interrogeait : " que voulez-vous que cela me fasse que la France s'islamise ? ".

La droite ne sera pas en reste, puisqu'elle aussi, électoralisme oblige, va contribuer à l'expansion du wahhabisme au détriment de la laïcité.

R.B

Gilles Clavreul *

La laïcité, une idée pour demain

Les enquêtes nous confirment ce que nous pressentions depuis longtemps : la laïcité ne fait plus recette, surtout chez les jeunes. Ce consensus d’un siècle n’en finit plus de se lézarder : pourquoi ? Faut-il la remiser au musée ? La relooker pour la rendre compatible à l’ère du "venez comme vous êtes" identitaire ? La rendre accommodante comme certains le demandent à gauche, pour tenir compte des discriminations et tirer un trait sur nos névroses post-coloniales ? Ou au contraire en faire une valeur patrimoniale sans laquelle, aux côtés du plateau de fromages et des citations d’Audiard, il ne serait de conscience nationale possible ?

Faute d’avoir su penser dans la sérénité cette situation sociale inédite, qui voit l’émergence d’une nouvelle religion française, l’islam, dans un pays plus sécularisé que bien d’autres, notre pays se livre depuis trente ans à toutes sortes de bricolages, institutionnels et idéologiques, où l’emphase des slogans – "nouvelle laïcité", "laïcité apaisée", "iconstruction d’un islam de/en France", etc.- cache mal le désarroi d’une classe politique qui semble aussi médusée par l’islam et le monde arabo-musulman, qu’oublieuse de ce qui a fondé, historiquement, la laïcité.

La laïcité, ou la naissance de la France moderne

On prête à Churchill d’avoir dit "plus vous saurez regarder loin dans le passé, plus vous verrez l’avenir". Or la laïcité a une histoire. Puisqu’on en parle si peu, le lecteur me pardonnera que j’en parle un peu longuement ici ; car cette histoire ne débute pas en 1905, ni même en 1789, et pas davantage avec les Lumières. Cette "idée laïque", longtemps avant de devenir le principe politico-juridique que nous connaissons, a lentement mûri chez les légistes médiévaux. Elle se manifeste déjà, si on veut à tout prix la dater, dans la querelle qui oppose Philippe Le Bel au pape Boniface VIII.

Nous sommes au tournant des XIIIème et XIVème siècle , le Pape prétend imposer sa suréminence à toutes les créatures humaines et à leurs lois, précaires et révocables. Ainsi le pouvoir manie "deux glaives" : le spirituel, manié "par l’Eglise", et le temporel, manié "pour l’Eglise". Rien au dehors de l’Eglise, rien au-dessus d’elle. Philippe Le Bel ne l’entend pas ainsi : en 1302, il convoque pour la première fois les états généraux, et c’est aux représentants de cette nation qui n’existe pas encore, la France, qu’il demande leur soutien face aux prétentions papales. Soutien acquis, y compris celui des évêques. "Ausculta, fili !", l’exhorte le pape, qui le menace d’excommunication : Philippe Le Bel s’en moque. La lettre apostolique est brûlée en sa présence, le roi envoie Guillaume de Nogaret menacer à son tour le pape : celui-ci meurt quelques semaines après une brève séquestration.

Fin de la querelle, triomphe du roi téméraire, et surtout naissance d’une raison politique qui n’admet que Dieu au-dessus d’elle, mais non ses intercesseurs. Plus tard, il y aura la Pragmatique sanction de Bourges (1438), le Concordat de Bologne (1516), les édits de paix tentant de mettre un terme aux guerres de Religion, dont l’Edit de Nantes (1598). Avec des succès variables et toujours fragiles, le propre du politique se libère progressivement de l’ombre portée des sacrements divins. Ce processus n’établit pas seulement les droits de l’Etat face à la puissance de l’Eglise : il met en scène une puissance publique qui prend acte petit à petit, et malgré de violents revirements (la Révocation…), de l’irréductible diversité des convictions, et qui cherche un équilibre, par nature instable, entre l’unité, gage de stabilité, et la pluralité, manifestation de la liberté.

Longtemps après la Révolution, Michelet et surtout Quinet méditeront sur l’impasse dans laquelle les premiers républicains se sont trouvés sur la question religieuse. Que faire : la supprimer ? impossible. En changer ? impraticable. Laisser faire ? Dangereux. Ce n’est pas un hasard si Aristide Briand, dans son rapport de présentation du projet de loi de Séparation, donne sur une centaine de pages une magistrale leçon d’Histoire qui met littéralement les pas de la Nation France dans ceux de la laïcité. C’est à Jaurès qu’il revient d’ajouter une idée décisive, disons plus en rapport avec les exigences de l’époque, lorsqu’il affirme que laïcité et démocratie sont, pour ainsi dire, synonymes.

Il n’en fallait pas moins pour convaincre un pays traversé par tant de divisions que la Séparation était possible : beaucoup, à gauche, redoutaient la puissance d’une Eglise rendue à la liberté ; la droite craignait au contraire que la société ne s’éloigne d’une Eglise banalisée, privée de son statut officiel, ce qui montre assez que la suréminence symbolique avait, depuis longtemps, changé de mains.

Un compromis remis en cause ?

Il a fallu ce lent travail des siècles, parachevé par la sécularisation accélérée de la société française contemporaine, pour établir la paix laïque. Il ne faudra que deux collégiennes portant ce qu’on appelle encore, improprement, un "tchador", pour la faire vaciller. Cette "affaire de Creil" (1989), nous n’en sommes pas sortis, et c’est à peine si l’Etat de 2022 est moins sûr de son fait qu’il ne l’était, lorsque le ministre de l’Education, Lionel Jospin renvoya la balle au Conseil d’Etat.

A ne vouloir fâcher personne, l’Etat prend le risque de mécontenter tout le monde : il est toujours trop mou pour ceux qui, à mots de moins en moins couverts, ont pour obsession unique de mater l’islam et les musulmans. Mais il sera toujours trop dur, à l’inverse, pour ceux qui se prétendent les gardiens d’une "Seule et Vraie Laïcité", au demeurant imaginaire et fantasmée, qui aurait promis la liberté inconditionnelle des croyants sans lui mettre les solides garde-fous du titre V de la loi de 1905, au titre explicite : "Police des cultes". Un culte "placé sous la surveillance des autorités", c’est ce qui s’appelle une liberté encadrée ! Et ce n’est certes pas, tant s’en faut, le modèle de séparation tel que les anglo-saxons l’entendent, eux qui, en Amérique du nord, consacrent dans le droit la possibilité d’écarter la loi commune au profit de la loi religieuse - c’est cela, "les accommodements raisonnables".

En niant obstinément le réel - c’est-à-dire la progression continue d’un islam dur, rigoriste, intolérant envers les minorités sexuelles et méprisant envers les femmes - et en cherchant à "faire du judo" avec des prédicateurs réputés parmi les moins extrêmes des extrémistes, au nom d’un paternalisme typiquement colonial envers les descendants de l’immigration - tout une génération intellectuelle et militante a porté cette "laïcité d’apaisement" qui aura fait bon accueil à Tariq Ramadan et les gros yeux à Charlie. En édulcorant constamment le rouge-sang islamiste, en le faisant passer pour une bigoterie new-age et en prétendant qu’il n’y avait pas de problème avec la laïcité en France, cette école de pensée, forte de son audience et de son aura dans les milieux éducatifs en particulier, a causé des ravages, car elle a tout à la fois forgé la conviction, désormais répandue parmi les jeunes enseignants, qu’il faut assouplir toutes les règles de la laïcité, mais elle a aussi conforté les partisans d’une laïcité d’exclusion - c’est-à-dire d’une fausse laïcité – et permis à l’extrême-droite de crédibiliser, contre toute vraisemblance, sa conversion laïque.

Une boussole de liberté pour naviguer par gros temps

Ringarde, la laïcité ? Ce sont ses contempteurs, ou ses zélotes intéressés, qui sont ringards. La profonde modernité de l’idée laïque consiste à dire que la cité ne se reconnaît d’autres lois que celles qu’elle se donne à elle-même. Aucun principe extérieur ni supérieur ne lui est opposable ; aucune puissance sociale ne dispose de droits sur les individus : ils sont libres, et l’Etat démocratique est là pour garantir que cette liberté soit effective. Contrairement à une critique trop facilement mise en circulation, aujourd’hui, à gauche, mais qui se laisse repérer historiquement dans les attaques de la droite conservatrice contre la République - gauche et droite jouant décidément à fronts renversés -, ces droits n’ont rien d’abstrait : ils s’éprouvent dans une réalité sociale, celle du "milieu" dans lequel on naît et on grandit, dont les individus ont le droit absolu de s’émanciper. La laïcité protège le croyant qui veut croire et pratiquer, mais elle ne protège pas que cela : en séparant la conviction, qui est libre, des institutions sociales qui prétendent dire ce que la foi commande, elle donne à l’individu la possibilité de croire comme il l’entend, et non selon la norme que le groupe lui impose. C’est un point fondamental que les tenants du laisser-faire religieux semblent avoir oublié.

Nous connaissons, au plan mondial, un nouveau temps d’épreuve pour les libertés. Les aspirations à l’autorité, les manipulations du vrai par la marchandisation des images, la destruction des savoirs qui fondent une culture commune, sont des défis immenses dont nul ne peut dire que la démocratie sortira vainqueur. L’idée laïque est un atout que nous ne pouvons pas nous permettre de négliger : elle constitue une boussole de liberté pour naviguer par gros temps.

* Préfet et cofondateur du Printemps républicain.


lundi 28 novembre 2022

La francophonie à Jerba ...

Les pères fondateurs de la Francophonie, étaient de grands hommes de l'Histoire contemporaine.
Ils ont compris qu'il faille aux peuples décolonisés, ne pas confondre la France et ses valeurs universelles, avec ses gouvernants qui ont trahi les principes de la Révolution française. Ce faisant, ils voulaient décomplexer leur peuple vis à vis de la France en faisant le distinguo entre la culture française et les gouvernants de la France.
Ils considéraient la langue française, comme un butin de guerre comme disait Kateb Yacine, comme l'avait été avant lui, celui des Arabes venus envahir l'Ifriqiya d'alors, actuelle Tunisie, pour y implanter l'islam et leur langue arabe.
Ces hommes sont :
- Leopold Sedar Senghor (Sénégal),
- Habib Bourguiba (Tunisie),
- Hamani Diori (Niger), et
- le prince Nordom Sihanouk (Cambodge) !

Malheureusement en Algérie comme en Tunisie, les complexés de l'Histoire, que sont les pan arabistes et les pan islamistes, n'ont toujours pas fini de digérer leur histoire ni tirer des leçons de ces doctrines néfastes qui ont fait le malheur de leur pays; le FLN poussant le populisme, jusqu'à faire de la colonisation son fonds de commerce en imputant les échecs de ses dirigeants à la France ... 60 ans après le départ des Français !

R.B
Kamel Daoud

Le français sans rancune
L’Algérie vient de briller par son absence au 18e Sommet de la francophonie, à Jerba. Une posture antifrançaise dépassée qui traduit par ailleurs une vision très réductrice de la langue.
À Jerba s’est tenu le Sommet de la francophonie. L’Algérie, deuxième pays francophone après la France, n’y était pas présente, ne faisant pas partie de cette organisation. Encore plus radicale dans son déni, l’Algérie efface la langue française et la condamne au statut d’intrusion et de traîtrise. L’usage est de confondre cette langue qui enrichit le pays avec la blessure coloniale qui lui sert de prétexte et de fonds de commerce pour récuser son présent. Là où on devrait nourrir cette langue comme la sienne, lui ajouter d’autres idiomes du monde pour s’ouvrir, voilà que le procès du francophone s’élargit à la langue, à son usage, à ses usagers et même à sa graphie.
Dans ce pays, depuis peu, on se revendique même d’une adhésion nécessaire (et elle l’est) à l’anglophonie et à l’anglais des savoirs. Mais un anglais de rancune antifrançaise surtout, investi non du désir d’apprendre mais de contrer le français, non d’échanger mais de ne plus changer. On le fait comme on décida autrefois, dans les années 1970, de l’usage exclusif de l’arabe comme langue unique du pays : du jour au lendemain, dans la volonté sournoise de rejeter une partie des élites du pays, un lien au nord de la Méditerranée, une histoire commune, on prétendit vouloir parler arabe pour se prétendre Arabe. Et aujourd’hui, du jour au lendemain, on a décidé que les écoliers algériens n’apprendraient plus que l’anglais, mais en gardant à l’esprit la guerre imaginaire à la France, la haine de la France et du français, le culte d’une monstrueuse identité faite de dénis, de colères, de xénophobies.
C’est que cette rancune n’est pas seulement l’acte de ceux qui croient qu’enrichir un pays commence en l’appauvrissant, ni l’acte des islamistes qui ont réussi à faire se confondre Allah, la langue arabe et la guerre, mais il est aussi celui de francophones qui vont et viennent entre les deux rives, s’y nourrissent, y gagnent le pain et de la visibilité.
Pourquoi des francophones du « Sud », de l’Algérie entre autres, croient-ils devoir faire le procès de cette langue et éternellement se récuser et se justifier dans leurs pays ? Maîtriser la langue française, c’est en faire le procès pour apparaître plus patriote que ses prochains ? La raison encore une fois est ce culte perpétué, jusqu’au ridicule, de la guerre comme preuve de vie et de valeur : je fais la guerre au français pour (faire) croire que je fais la guerre à la France, et donc ma vie a ce sens puissant qu’il avait à l’époque pour mes libérateurs. Et, dans cet acte d’amputation et de mépris de soi, on s’appauvrit, on s’isole, on se meurt.
La langue française n’est pas la France, dans son passé, son déclin présumé ou son ego exacerbé. C’est une terre plus vaste que l’ensemble des pays qui la parlent, un usage du monde, une promesse de vivre mieux. Il faut guérir la langue française de la France (même si la formule abuse) mais aussi du souvenir entretenu chez les décolonisateurs imaginaires. Le français est une langue intime dans de nombreux pays, quoi qu’on dise. Elle raconte encore le monde et le peuple. Et si la France devient étroite par ses populismes, la francophonie y fera contrepoids. En Algérie, on s’appauvrit en croyant se libérer d’une langue, alors qu’il s’agit de la magnifier. Un écrivain algérien déclara aux premiers jours des indépendances que « le français est un butin de guerre ». Sentence désormais abusive : les guerres sont finies et ceux qui s’en recommandent sont inaptes à endosser le présent. Le français n’est plus un butin mais une parenté. Croire tuer cette langue, c’est surtout l’aveu d’un plus grand drame : on refuse de s’accepter, de s’assumer, de s’engager dans l’immédiat, de multiplier les outils de la compréhension et de la préhension.
On continuera à voir dans les sommets de la francophonie des parades ou des inefficacités, des dépenses ou des pensées pieuses, cela est vrai, cela est faux. Car la langue française n’a ni à incarner un pays, ni des rancunes. Et si l’Algérie est le plus grand pays francophone après la France, malgré ses nationalistes et ses islamistes, elle est aussi l’incarnation du mauvais usage d’une langue, et du monde, lorsqu’on les incrimine de ses propres défauts. K. D.»






samedi 26 novembre 2022

Avoir et être ...

Yves DUTEIL

Loin des vieux livres de grammaire,
Écoutez comment un beau soir,
Ma mère m'enseigna les mystères
Du verbe être et du verbe avoir.
Parmi mes meilleurs auxiliaires,
Il est deux verbes originaux.
Avoir et Être étaient deux frères
Que j'ai connus dès le berceau.
Bien qu'opposés de caractère,
On pouvait les croire jumeaux,
Tant leur histoire est singulière.
Mais ces deux frères étaient rivaux.
Ce qu'Avoir aurait voulu être
Être voulait toujours l'avoir.
À ne vouloir ni dieu ni maître,
Le verbe Être s'est fait avoir.
Son frère Avoir était en banque
Et faisait un grand numéro,
Alors qu'Être, toujours en manque.
Souffrait beaucoup dans son ego.
Pendant qu'Être apprenait à lire
Et faisait ses humanités,
De son côté sans rien lui dire
Avoir apprenait à compter.
Et il amassait des fortunes
En avoirs, en liquidités,
Pendant qu'Être, un peu dans la lune
S'était laissé déposséder.
Avoir était ostentatoire
Lorsqu'il se montrait généreux,
Être en revanche, et c'est notoire,
Est bien souvent présomptueux.
Avoir voyage en classe Affaires.
Il met tous ses titres à l'abri.
Alors qu'Être est plus débonnaire,
Il ne gardera rien pour lui.
Sa richesse est tout intérieure,
Ce sont les choses de l'esprit.
Le verbe Être est tout en pudeur,
Et sa noblesse est à ce prix.
Un jour à force de chimères
Pour parvenir à un accord,
Entre verbes ça peut se faire,
Ils conjuguèrent leurs efforts.
Et pour ne pas perdre la face
Au milieu des mots rassemblés,
Ils se sont répartis les tâches
Pour enfin se réconcilier.
Le verbe Avoir a besoin d'Être
Parce qu'être, c'est exister.
Le verbe Être a besoin d'avoirs
Pour enrichir ses bons côtés.
Et de palabres interminables
En arguties alambiquées,
Nos deux frères inséparables
Ont pu être et avoir été.

mardi 22 novembre 2022

En Iran, les filles payent pour la bêtise de leurs mères ...

Lors de la revolution islamiste, les Iraniennes ont joué avec le feu en s'affublant du tchador, ce voile islamiste; en soutien à Khomeiny contre le Shah ...
Une fois Khomeiny au pouvoir, celles qui ont voulu retirer le tchador; mal leur a pris : Khomeiny a décrété que toutes les iraniennes doivent se voiler. Il a instauré la police des mœurs comme les Ibn Saoud en Arabie pour veiller à ce que toutes les femmes se voilent !
Et depuis, les femmes iraniennes ne savent plus à quels saints se vouer pour se débarrasser du tchador !
Leurs filles et petites filles prennent le risque, au prix de leur vie, pour s'en débarrasser !

Récemment encore, Mahsa Amini est morte pour avoir retiré son tchador ... sous les coups que lui ont assénés les policiers des mœurs et de la vertu !
Un mouvement de révolte s'en est suivi où on voit des Iraniennes bruler sur la place publique leurs voiles ...

Une révolution en marche ? Pas si sûr, quand on connaît le régime totalitaire et dictatoriale des islamistes ... qui inspirent beaucoup Kais Saied en Tunisie, qui cherche le rapprochement avec les Ayatollah d'Iran !

Les Tunisiennes qui se sont voilées en soutien aux islamistes, vont-elles tomber dans leur piège et hypothéquer l'avenir de leurs filles et celui de leurs petites filles qui payeront de leur vie l'envie de se débarrasser de leurs voiles ?

Saida Douki Dedieu

L’opposition au voile a commencé du vivant du Prophète
C’est ce que j’ai découvert à la lecture du livre à paraître du professeur Iqbal Gharbi : Voile et niqab. Les origines psychologiques et anthropologiques.
En effet, des femmes, et non des moindres, s’élevèrent avec force contre cette prescription vestimentaire coranique, dès sa révélation.
Ce fut Umm Hani, la sœur de l’imam Ali et propre cousine du prophète, qui se plaisait à arborer ses boucles d’oreilles, en se promenant dans les rues, forte du soutien du prophète lui-même. En effet, quand le puritain Omar Ibn El Khattab menaça la jeune femme des foudres divines en lui disant : «Ton cousin Mohamed ne pourra rien pour toi si tu continues à te parer de la sorte », l’envoyé de Dieu lui opposa un cinglant démenti: « J’ai le pouvoir d’intercéder pour tous les membres de ma famille ».
Ce fut Aicha Bent Talha, nièce d’Aïcha, Mère des croyants et petite-fille d’Abu Bakr, compagnon et premier successeur du prophète, qui refusa de se voiler en prétextant malicieusement qu’elle se devait de montrer la beauté dont Dieu, dans Sa bonté, l’avait dotée ! Lorsque son époux Musab al Zubayr lui en fit le reproche et s’en plaignit au prophète, celui-ci n’obligea point Aïcha à se voiler.
Ce fut Sukeina, l’arrière-petite-fille du prophète, petite-fille d’Ali et fille de Hussein, qui ne se voila jamais. Pas plus qu’elle ne consentit au devoir d’obéissance au mari (« Ta'âa ») ni au droit de ce dernier à la polygamie. Elle prenait soin de stipuler cette contestation de l’autorité maritale dans tous ses contrats de mariage. La même Sukaina exhibait sa chevelure dans une coiffure spéciale qui portait son nom « al turra al sukeyniya » (les cheveux bouclés à la Sukeina) pour mieux mettre en valeur sa beauté. Cette coupe à la mèche rebelle fit d’ailleurs fureur aussi bien chez les femmes que chez les hommes, au point que le pieux calife Omar Ben Abdelaziz dut l’interdire à la gent masculine. Tout mâle coiffé à la Sukaina était exposé à être rasé et flagellé sur la place publique !
Plus généralement, les premières musulmanes s’opposèrent farouchement à l’uniformisation vestimentaire de rigueur sous le califat de l’intransigeant Omar Ibn Khattab. Elles lancèrent, notamment, la mode du « Kabati », du nom de ces longues robes moulantes qui ne dévoilaient aucune partie du corps mais en épousaient les formes comme une seconde peau. Le commentaire laissé par l’Imam Malek, à ce propos, est fort éloquent: «J’ai appris que Omar Ibn Khattab a proscrit cette mode féminine qui bien qu’elle ne laisse rien transparaître dévoile tout ». Les dames de l’époque n’en continuèrent pas moins à braver les interdits et rivalisèrent d’audace et de créativité pour se parer et s’habiller des étoffes les plus soyeuses, des couleurs les plus chatoyantes, et des ornements les plus précieux.
Iqbal Gharbi souligne, à juste titre, que pour ces femmes, la liberté vestimentaire était une façon de reconquérir socialement leur corps pour mieux réaffirmer leur liberté d’esprit. Elles revendiquaient « un esprit libre dans un corps réapproprié », écrit-elle joliment. Et de fait, Aïcha et Sukaina furent appelées « les perles de Quraych et du Hidjaz ». Car elles transformèrent La Mecque et Médine en lieux prestigieux de culture, où elles tenaient des salons littéraires courus par toute la bonne société. Elles furent les amies, les mécènes et les protectrices des poètes, des musiciens et chanteurs de toutes tendances et de toutes cultures ou religions et contribuèrent à propager la poésie d’amour, notamment, connue sous l’appellation du « ghazal ».
Nous savons ce qu’il est advenu de cette révolte originelle qui a été contenue dans les confins des harems, et reléguée à l’arrière-plan de l’extraordinaire épopée islamique.
Espérons que la rébellion des courageuses Iraniennes qui reprennent le flambeau, connaîtra une issue plus heureuse, avec la bénédiction de leurs glorieuses ancêtres.

mardi 15 novembre 2022

Quand le journalisme devient spectacle ...

Albert Camus dénonçait en son temps les prétendus journalistes : « L’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons, où on se fait un point d’honneur de la déloyauté, où le reflexe a remplacé la réflexion, où l’on pense à coups de slogans et où la méchanceté essaie trop souvent de se faire passer pour l’intelligence. », disait-il. 

Malheureusement la course à l'audimat, fait que ces prétendus journalistes font florès dans tous les médias; et certains* même briguent la présidence de leur pays, persuadés de leur popularité et convaincus de leur ineptie ! 

Les peuples ont les dirigeants et les journalistes qu'ils méritent, quand ils tombent dans leur piège.

R.B

Hé, toi là ! Oui, toi là, le petit brun. Je te connais. Je me souviens de toi. Tu t’appelles Jérôme. Ou Cédric. Laurent peut-être. Ou Saïd je ne sais plus. Cyril ? Ok, si tu veux, Cyril. De toute façon, je te connais.
J’ai été à l’école avec toi. Je me souviens de toi. Ou d’un autre qui était tout pareil. Le petit mec à tête de fouine prêt à tout pour être populaire.
Pas très fin, pas brillant, mais suffisamment vif et malin pour « sentir » ce qui allait faire marrer les autres. Ton truc, c’était l’effet de meute. Tu as toujours su te trouver des alliés, de préférences les costauds, les riches, les impressionnants, les tricheurs.

Et pour t’attirer les bonnes grâces de la classe, tu n’as jamais hésité à t’en prendre à plus petit que toi. La fille intello-moche à lunettes, que tu faisais pleurer, le petit gros nul en sport que tu humiliais devant tout le monde. Tu étais exactement le genre de mec qui harcèle, qui s’acharne contre un plus faible, juste pour le plaisir de mettre les rieurs de ton coté. Tu as toujours aimé la facilité. Et puis, quand ta victime craquait, quand elle allait se plaindre aux profs ou bien lorsqu’elle se faisait vraiment taper dessus, tu te faisais d’un coup doucereux et innocent. Subitement tu n’avais plus rien à voir avec l’histoire. Ce n’était jamais toi qui avais frappé. Tu étais trop futé pour ça. Tu allais même jusqu’à prêcher l’apaisement, la main sur le cœur en assurant que tout ça n’était qu’un jeu et que jamais, tu n’avais souhaité de mal à quelqu’un.

Puis tu as grandi, tu as bossé ton image d’amuseur et perfectionné tes techniques. Tu es devenu un pro. De vannes en vannes, tu as peaufiné ton rôle de bouffon, entouré de souffre-douleur toujours consentants pourvu qu’ils prennent aussi un peu de ta lumière.

Aujourd’hui, tu as réussi, tu as du pouvoir, tu es entouré d’une cour télévisuelle qui glousse servilement à chacune de tes saillies ineptes. Barbe bien taillée, costumes sur mesures ou blousons de cuir, tu soignes désormais ton look autant que ton carnet d’adresse.

En revanche, comme au bon vieux temps, tu as gardé tes sales habitudes. Pour faire ton intéressant et pour t’attirer les bonnes grâces de ton public, tu restes prêt à tout. Sauf que, maintenant, tu peux te rouler dans la boue avec un autre, plus petit mais tout aussi odieux et lamentable que toi, tu n’es plus dans la cour de récré, aucun prof ne va te rappeler à l’ordre. De toute façon, désormais, tu es pote avec le proviseur. Tu es devenu l’ami des politiques. Fort avec les faibles, servile avec les forts. Et si tu n’es toujours pas le premier de la classe, en revanche, tu es le premier sur les bons coups. Un parfum de scandale, des rumeurs de viol, une petite fille découpée en morceau ? Autant de promesses de buzz sur lesquelles tu te rues comme un charognard sur un cadavre fumant. Et ensuite, la gueule encore pleine de sang, tu feras résonner ton rire de hyène à travers l’écran : Les audiences ont été bonnes. Champagne !

Je te connais. Jérôme, Éric, Saïd ou Cyril, je ne suis plus tout à fait sûre de ton prénom, mais années après années, je me souviens toujours de ton visage.

Comment l’oublier ? C’est aussi un peu le mien, le nôtre, celui de nos enfants : Tout ce qu’il y a d’indigne, de vulgaire, de minable chez l’être humain se retrouve dans l’étrange miroir que tu nous tends et que nous observons, incrédules mais fascinés.

Je te connais : Depuis toujours, tu es celui dont le seul talent est de faire ressortir le pire chez nous.

* Donald Trump, Kais Saied ... entre autres.

lundi 14 novembre 2022

Albert Camus et le journalisme ...

Jean Pierre Ryf 

ALBERT CAMUS : UN JOURNALISTE EXEMPLAIRE POUR NOTRE TEMPS.

L’étude des articles d’Albert Camus au regard des « modernités littéraires » de cet auteur, m’a paru un sujet difficile tant la notion de modernité est difficile à cerner et encore plus quand elle est au pluriel.

J’ai, en effet, du mal à placer le curseur de la modernité et à en définir clairement les critères.

L’exposé introductif magistral de Madame Martine Job ne m’a pas rassuré, tant elle a montré la complexité de la notion de modernité.

J’ai donc pris le parti de me poser deux questions simples :

Evoquer Albert Camus journaliste dans le cadre d’une recherche de la modernité de Camus c’est, dans le fond, se demander si Albert Camus a encore quelque chose à nous dire et à nous apprendre sur le journalisme et comment il regarderait nos médias d’aujourd’hui.

Je n’entrerai pas dans le détail de sa carrière de journaliste. Elle est bien connue mais je dirai simplement qu’il a été journaliste toute sa vie; puisqu’il a commencé très jeune, à 25 ans à Alger Républicain et a écrit pratiquement jusqu’à sa mort, à Combat, à l’Express, à Paris Soir; et qu’il a connu et pratiqué toutes les branches du journalisme : les faits divers, ce que l’on appelle communément « les chiens écrasés », puis les enquêtes de fond, puis les chroniques judiciaires, les éditoriaux politiques, les chroniques littéraires et artistiques (la peinture) et qu’il a même occupé le poste de rédacteur en chef.

Aucun poste dans un journal ne lui est étranger. Ces expériences ont nourri son œuvre romanesque et il y a un journaliste dans l’Etranger et dans la Peste.

Dans chacune de ces facettes du journalisme, il a excellé et est devenu un modèle. Ses textes, pourtant circonstanciels, peuvent encore être lus de nos jours avec profit. Ce qui, vous le reconnaitrez, n’est pas si fréquent, les articles des journalistes perdant, aujourd’hui, de leur intérêt quelques jours après leur parution.

Essayons donc de dire plus en détail ce que Camus peut apporter au journalisme d’aujourd’hui. Autrement dit, quelles leçons peut-on tirer de son travail.

Camus a toujours réfléchi sur ce métier. Il a donné quelques pistes et a mis en avant une conception élevée du journalisme.

Dans un texte du 31 aout 1944 il écrivait ceci :

« Notre désir, d’autant plus fort qu’il était muet, était de libérer les journaux de l’argent et de leur donner un ton et une vérité qui mettent le public à la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui. Nous pensions qu’un pays vaut souvent ce que vaut sa presse. Et s’il est vrai que les journaux sont la voix d’une nation, nous étions décidés, à notre place et pour notre faible part, à élever ce pays en élevant son langage. »

Il y a dans ce texte fondateur trois exigences : celui de la liberté (les journaux ne doivent pas être assujettis à l’argent), le souci de la vérité et celui, non moins important du langage, de la langue mais également l’engagement pour, écrit-il, « mettre le public à la hauteur de ce qu’il y a de meilleur en lui ».

Par conséquent : liberté, vérité, langage et engagement.

Commençons par la vérité

Vaste question car comme le disait André Gide : « J’aime ceux qui la cherchent, je n’aime pas ceux qui la trouvent » ; et il voulait dire par là que la vérité est souvent difficile à trouver, qu’elle nécessite un effort et surtout celui de se soustraire aux idées préconçues, aux idéologies, aux pressions de toutes sortes.

Camus n’était pas loin de partager cette crainte et il plaçait le doute au centre de son comportement. Il dit d’ailleurs : « s‘il y avait un parti des gens qui doutent, je serai de ce parti ».

Albert Camus a donc toujours effectué un travail d’enquête, de recherche pour éviter de se tromper.

Il faut rappeler ici ses mémorables 11 articles sur la Misère en Kabylie qui sont nourris de faits, de choses que Camus lui-même a constaté alors qu’il sillonnait la Kabylie en car. 

Ces articles sont également nourris de chiffres, de statistiques, d’études des rapports et documents du pouvoir colonial; et Albert Camus confronte ses documents avec la réalité qu’il voit.

Dans sa recherche de la vérité, il ne se laisse pas avoir par la propagande coloniale. Il a le courage (car la vérité nécessite bien souvent du courage) de dire haut et fort les injustices criantes qu’il constate. Cela lui vaudra d’être chassé de son pays !

Et n’oublions pas que ces articles demeurés fameux, ont été écrit par un jeune de 25 ans qui débutait dans la presse !

Là où on le voit encore dans la recherche de la vérité, c’est dans son travail de chroniqueur judiciaire.

Il ne se contente pas de rapporter dans ses articles ce qui se passe au procès, les péripéties de la procédure ... Il se plonge entièrement dans le dossier de l’affaire et refait l’enquête. Il juge l’enquête et la façon dont elle a été menée.

Cette recherche de la vérité, cette volonté de ne pas en rester aux apparences, le conduisent à découvrir des erreurs graves; au point que l’on voit, au fil des articles de Camus, la vérité se renverser et que certains des poursuivis ont dû leur acquittement au travail du journaliste Camus.

Dans l’affaire Hodent il montre toute sa capacité d’enquête. Michel Hodent est un petit fonctionnaire de la Société de prévoyance de Tiaret près d’Oran. Il est accusé d’avoir détourné des fonds issus de la vente de blé au détriment des cultivateurs.

Il est aussitôt incarcéré et poursuivi sans qu’il existe de réelles preuves de sa culpabilité.

En réalité Hodent a simplement voulu protéger les pauvres agriculteurs arabes de la spéculation. Il est victime des « profiteurs » gros colons et de quelques Caïds musulmans de la zone qui évidement profitaient de la spéculation et ont voulu l’éliminer.

Hodent, incarcéré, adresse une lettre à Alger Républicain et Albert Camus va s’intéresser à son affaire, va faire lui-même l’enquête, va rechercher des témoins.

Ses chroniques sont de journalisme d’investigation et pas simplement le récit des audiences.

Il met toute sa force dans la bataille. Le premier article est publié le 10 janvier 1939 et le dernier le 23 mars 1939. Et les titres de ces articles, disent tout de ce combat pour la vérité :

- « Depuis quand poursuit-on la conscience professionnelle ? ».

- « L’affaire Hodent. Un homme juste plaide pour un innocent ».

Dans un autre article paru le 4 février 1939, il expose avec fermeté des arguments de poids :  « Un homme est jeté en prison pour un crime qui n’en serait pas un s’il l’avait commis. Ce que par surcroit, il n’a pas fait ».

« Il est gardé sur des témoignages qu’un simple inventaire démolit. Il est maintenu sur une équivoque dont il n’est pas responsable, grâce à une accusation qu’aucune preuve humaine, sinon l’injustice et la haine, ne peut fonder; pendant que les sympathies qu’il éveille, sont dispersées à coup de mensonges gratuits. »

Le 10 janvier 1939 il avait adressé une lettre ouverte au Gouverneur Général et cette lettre fit grand bruit.

Je me suis un peu étendu sur cette affaire Hodent parce qu’elle montre bien le travail de Camus journaliste. Mais il a agi de la même façon dans d’autres affaires judiciaires : celle des incendiaires d’Auribeau et celle du Cheik El Okbi dont il obtiendra aussi l’acquittement. Le Cheik El Okbi lui en sera toujours reconnaissant et lorsque Camus à Alger prononcera son célèbre appel pour une trêve civile, le Cheik El Okbi, malade, tiendra à y assister et sera amené dans la salle sur une civière.

Dans ces affaires, Albert Camus se hisse au niveau de Voltaire, de Zola et de Victor Hugo.

La vérité, il est donc en permanence à sa recherche. Il aurait sans doute peu apprécié le monde des réseaux sociaux où circulent tant de contre-vérités, de fake-news, d’utilisation abusive de faits faux ou même trafiqués. 

Dans un excellent article de la Revue des Deux Mondes de septembre 2019, Robert Kopp écrit :

« A l’époque où les mensonges d’Etat et des fake-news envahissent toujours plus tous les médias et se répandent sur les réseaux sociaux, il est urgent de méditer son exemple, voire de s’en inspirer. »

Le livre d’André Perrin : Postures médiatiques. Chroniques de l’imposture ordinaire est un bonheur de lecture, tant il excelle à mettre en exergue le deux poids deux mesures permanent, l’approximation et même les fake-news éhontées des donneurs de leçons professionnels qui nous admonestent sur les ondes quotidiennement 

Il écrit aussi que « l’objectivité n’est pas la neutralité »; et nous aurons à montrer qu’il a toujours été un journaliste engagé.

La vérité il faut donc la chercher en permanence mais il faut aussi savoir la dire, la faire passer.

Rappelons ici, cette phrase souvent citée de Camus et qui, selon moi devrait être la devise du journalisme et plus généralement de tous les intellectuels :

« Mal nommer les choses c’est ajouter aux malheurs du monde. »

Pour Camus la première règle est donc de bien nommer les choses, c’est-à-dire être précis, clair et net .

Cette phrase peut paraître anodine mais il n’en est rien car elle permet de distinguer la vérité, de l’information de la propagande. Je voudrai vous donner deux exemples :

- Naguère, au moment de la guerre d’Algérie, la France qualifiait la situation par la formule « les évènements ». Elle nommait mal les choses et ne voulait pas utiliser la seule expression vraie : la guerre.

De même de nos jours lorsque M. Poutine envahit l’Ukraine, un pays indépendant; et parle « d’opérations spéciales » ; alors que là encore, on est en présence d’une guerre !

Par ailleurs pour bien faire comprendre la vérité d’une situation, Camus est d’abord factuel mais il est aussi dans l’appel aux sentiments, à l’émotion du lecteur. Il s’adresse donc non seulement à la raison mais aux sentiments des lecteurs.

Un universitaire portugais a étudié les articles de Camus et montré qu’il fait très souvent appel aux émotions. Il montre sa propre émotion et fait appel à l’émotion de son lecteur.

Cela est vrai dans les chroniques judiciaires. Par exemple, dans l’affaire Hodent, il consacre tout un article à la détresse de la femme d’Hodent. Mais c’est aussi vrai dans ses 11 articles sur la Misère en Kabylie où après avoir présenté les faits, les chiffres dans leur sécheresse, il appelle son lecteur à l’émotion.

Permettez-moi de vous lire un extrait de ses reportages Misères en Kabylie qui fait bien apparaître ce mécanisme. Après avoir décrit des faits, des statistiques voilà ce qu’il écrit :

« Pour aujourd’hui j’arrête ici cette promenade à travers la souffrance et la faim d’un peuple. On aura senti du moins que la misère ici n’est pas une formule ni un thème de méditation. Elle est. Elle crie et elle désespère. Encore une fois, qu’avons-nous fait pour elle et avons-nous le droit de nous détourner d’elle ? Je ne sais pas si on l’aura compris. Mais je sais qu’au retour d’une visite à la « tribu » de Tizi Ouzou, j’étais monté avec un ami kabyle sur les hauteurs qui dominent la ville. Là nous regardions la nuit tomber. Et à cette heure où l’ombre qui descend des montagnes sur cette terre splendide apporte une détente au cœur de l’homme le plus endurci, je savais pourtant qu’il n’y avait pas de paix pour ceux qui, de l’autre côté de la vallée, se réunissaient autour d’une galette de mauvaise orge. Je savais aussi qu’il y aurait eu de la douceur à s’abandonner à ce soir si surprenant et si grandiose, mais que cette misère dont les feux rougeoyaient en face de nous mettait comme un interdit sur la beauté du monde. »

Chroniques Algériennes. Collection Folio p. 40 et 41

Rechercher la vérité, bien la dire mais aussi faire de cette quête de vérité un combat pour des valeurs. C’est tout le problème de l’engagement. Camus a été un journaliste engagé. A ce sujet il a écrit : « L’objectivité n’est pas la neutralité. »

Camus était indiscutablement un journaliste engagé, engagé dans une lutte pour la justice, justice pour les individus mais aussi justice sociale. Mais son engagement très clair ne le faisait pas, pourtant dévier d’une éthique de vérité. Il estimait qu’il devait être capable d’envisager une pensée opposée à la sienne, de dialoguer et de donner même raison à l’adversaire si celui-ci avait raison. Il pensait que l’adversaire de ses idées n’étaient pas un ennemi et que le dialogue avec lui devait toujours être possible.

Il s’est toujours refusé à une lecture manichéenne du monde. Il écrit ceci qui est d’une grande modernité :

« La polémique consiste à considérer l’adversaire en ennemi, à le simplifier et à refuser de le voir. Devenus aux trois quarts aveugles par la grâce de la polémique, nous vivons dans un monde de silhouettes … ».

Quelle différence avec les vitupérations et les insultes que l’on trouve aujourd’hui sur la toile !

Sur l’engagement de Camus, je ne peux que vous conseiller de lire l’article de l’universitaire portugais : https://journals.openedition.org/carnets/1516 

Albert Camus s’est toujours posé la question de savoir si l’engagement en faveur de certaines causes ou de certaines valeurs ne conduisait pas à une absence d’objectivité et quels rapports devaient se faire entre la vérité et l’engagement.

Camus, tout en étant très engagé, ne perd jamais de vue la nécessité du dialogue, la nécessité d’examiner les idées de l’autre, d’être à son écoute. Or cette exigence de Camus on a du mal à la retrouver dans la presse actuelle qui n’est trop souvent que dans la caricature de l’autre.

Entrer dans les vues des autres ne signifie pas pour lui, capituler, céder. Il l’a montré de manière très intéressante dans ses Lettres à un ami Allemand dans lesquelles il dialogue vraiment avec l’ennemi, entre dans ses vues et essaye de le convaincre, sans rien céder de ses convictions profondes.

Dans le fond, cette attitude consiste à refuser les idéologies qui emmurent la pensée et conduisent à penser par reflexe, plutôt que sainement. Puisqu’une idée vient d’un bord, d’un parti, elle est nécessairement mauvaise pour l’autre bord. Cela, c’est absolument le contraire de l’attitude d’Albert Camus qui a écrit cette phrase forte : « Si la vérité était à droite, je serai de droite. »

N'oublions pas que c’est celui qui, avec Anna Arendt, a le mieux pensé les totalitarismes, c’est-à-dire les idéologies qui interdisent la liberté de penser. Cela reste une leçon des plus nécessaires et des plus modernes dans notre monde contemporain qui flirte avec les totalitarismes.

Dans certains cas où la situation politique est tendue, les journalistes ont du mal à trouver ce passage étroit entre engagement et vérité. Ils ont du mal à examiner avec objectivité les arguments de leurs adversaires qui sont d’emblée discrédités. 

Si vous me permettez, je crois que la presse de votre pays (La Tunisie : mais pas qu’elle), est aujourd’hui dans cette situation et aurait intérêt à s’inspirer de Camus.

Allons plus loin. Tout cela peut se résumer dans l’idée de nuance.

Dans un livre récent que je ne saurai trop vous conseiller : « Le courage de la nuance », Jean Nussbaum consacre un long développement à Camus.

Il constate d’abord que, notamment sur les réseaux sociaux, les discussions sont tout sauf nuancées et qu’elles relèvent plus de l’anathème et de l’exclusion que d’un réel dialogue.

Que l’on examine aujourd’hui les tenants de la culture wok, de certains écologistes, de l’éco-féminisme et on comprendra ce qu’est l’absence de nuance et de dialogue ! Cette radicalité, vouée selon moi tôt ou tard à l’échec, aurait heurté Camus et son sens de la nuance et du respect de l’autre.

L’auteur nous amène aussi à réfléchir sur cette attitude très dangereuse pour la pensée qui consiste à dire : « Vous ne pouvez pas dire cela car vous faites le jeu de l’ennemi » !

Cela a été malheureusement le cas de beaucoup d’intellectuels qui ont fermé les yeux sur les crimes des régimes communistes pour, comme le disait si bêtement Sartre, « ne pas désespérer Billancourt » , c’est-à-dire la classe ouvrière !

Au prétexte de ne pas faire le jeu de l’adversaire, on est conduit trop souvent à ne pas voir ou à ne pas dire ce qu’il faudrait voir ou dire !

Jean Nussbaum rappelle donc ces deux phrases que j’ai déjà citées de Camus :

« S’il y avait un parti des gens qui doutent, j’en ferai partie. » et aussi « Si la vérité était à droite, je serais à droite ».

Dans le fond, Albert Camus qui admirait la civilisation grecque et romaine, adhérait à cette adage : « In medio stat virtus ». Ce qui signifie que la vertu, l’intelligence et le bonheur se situent non aux extrêmes mais au milieu.

Alors, ce sens de la modération, du juste milieu, certains diront que ce n’est pas « sexy ». Il est vrai qu’il est plus facile de briller en soutenant des thèses extrêmes, excessives.

Enfin Albert Camus sait faire apparaître les véritables priorités.  Lorsque la bombe atomique détruit Hiroshima, l’ensemble des commentateurs journalistes mettent tous en avant la grande avancée technique qui a permis cette bombe. Camus était le seul à attirer l’attention sur le fait que l’on est entré dans un monde où la destruction de la terre est devenue possible.

Je voudrai conclure en évoquant ce qui dans notre modernité n’aurait probablement pas plu du tout à Albert Camus.

Je pense qu’il aurait détesté nos réseaux sociaux, leurs affirmations sans vérification, leurs polémiques incessantes et sans nuance, leur violence parfois, l’esprit de meute et l’anonymat propice à tous les excès.

Il aurait sans doute pu écrire à ce sujet ce qu’il écrivait de la société de son époque :

« L’assez affreuse société intellectuelle où nous vivons, où on se fait un point d’honneur de la déloyauté, où le reflexe a remplacé la réflexion, où l’on pense à coups de slogans et où la méchanceté essaie trop souvent de se faire passer pour l’intelligence. »

Je pense qu’il aurait également détesté notre société de transparence qui veut tout savoir du comportement des hommes publiques en quelques domaines que ce soit; et cela, sans respecter le droit absolu, selon moi, au secret de sa vie. Cette transparence qui pousse les journalistes à fouiller dans la vie des gens, à les jeter en pâture aux lecteurs; c’est-à-dire à les détruire psychologiquement avant que la Justice bien souvent ne les blanchisse.

Il y a indiscutablement aujourd’hui un réel problème dans l’attitude de certains journalistes qui traquent les défaillances de certains, en font des sujets, s’affranchissent des règles juridiques de protection que l’on a mis des millénaires à établir. Camus aurait ces chasses aux sorcières, lui qui connaissait la faiblesse humaine.

En tant que journaliste, il s’est attaqué à des politiques mais pas aux hommes.

Enfin, lui qui mettait la réflexion au premier rang de ses préoccupations, il n’aurait pas apprécié, non plus, les chaînes d’information en continue où de petits évènements sans importance, font La Une pendant quelques heures et où l’on passe ensuite à autre chose.

Et concluons par cette phrase de Camus qui est encore d’une totale actualité, sans doute même davantage qu’à son époque : 

« Loin de refléter l’état d’esprit du public, la plus grande partie de la presse française ne reflète que l’état d’esprit de ceux qui la font. A une ou deux exceptions près, le ricanement, la gouaille et le scandale forment le fond de notre presse.

A la place de nos directeurs de journaux, je ne m’en féliciterais pas : tout ce qui dégrade en effet la culture, raccourcit les chemins qui mènent à la servitude.

Une société qui accepte d’être distraite par une presse déshonorée et par un millier d’amuseurs cyniques, décorés du nom d’artistes, court à l’esclavage, malgré les protestations de ceux-là mêmes qui contribuent à sa dégradation. »

Que rajouter de plus ?

Je vous remercie.

Enregistrement vidéo de l'exposé de Jean Pierre Ryf lors du colloque International " Les modernités littéraires d'Albert Camus " organisé par le Pr Mustapha Trabelsi à la faculté des Lettres & Sciences Humaines de Sfax, les 11 et 12.11.2022.

Toiles du peintre Louis Benisti, ami d'Albert Camus