mercredi 28 avril 2021

Ces enfants de Ghannouchi qui font honte aux Tunisiens

A qui la faute si le terrorisme se déploie en Tunisie comme en France ? Si les Tunisiens ont leur part de responsabilité d'avoir élu les Frères musulmans et leurs affidés, leur accordant le pouvoir; l'Europe tout comme la France, ont aussi leur part de responsabilité, d'avoir soutenu Ghannouchi qui a fait de la Tunisie le premier pays exportateur de terroristes dans le monde. Et le pire, est que les Français, ou du moins leurs responsables, continuent à traiter ces terroristes, de loups solitaires, de dérangés, de fous, d'irresponsables ... alors qu'ils savent ce qu'ils font depuis leur endoctrinement au wahhabisme importé en Tunisie par Ghannouchi et ses Frères musulmans ! Ce que l'UE et la France particulièrement qui soutiennent les Frères musulmans, n'ont toujours pas compris; est que leur islamisme prétendument modéré, est aussi producteur de terroristes ... qui ne sont, qu'à une encablure des portes de l'Europe !!

R.B 

LES MAINS SALES
Tunisie antre du terrorisme ? Tunisie ventre de l'islamisme politique ? On a beau se dire que le terrorisme islamiste ravage tous les pays musulmans et qu'il étend ses tentacules hideuses partout, on peut s'interdire l'amalgame et dire qu'une vermine ne peut caractériser un pays, on peut encore évacuer la gêne ressentie en disant qu'un pays ne peut être tenu responsable des agissements criminels de certains de ses immigrés délinquants, il faut quand même tenter une réponse. Car la Tunisie est autant un cas particulier qu'un exemple instructif.

Voilà un petit pays qui était donné, malgré les soubresauts et les orages qui ont jalonné son histoire récente, pendant un demi siècle et jusqu'en 2010, pour le pays arabo-musulman le plus tolérant en matière religieuse, le plus évolué en matière d'enseignement, le pays des droits de la femme, du progrès économique et social après 30 ans de despotisme bourguibien éclairé, suivis de 23 années de despotisme moins éclairé et plus corrompu. Et ce, malgré le déficit démocratique qui était toléré comme un mal acceptable par toutes les grandes démocraties qui ne lui ont jamais vraiment marchandé leur soutien. Ces mêmes démocraties qui, au nom de leurs principes, donnaient refuge et asile aux islamistes d'opposition, croyant mieux les connaître et mieux les contrôler.

On ne compte plus les Tunisiens auteurs d'actes terroristes commis en France, parmi les plus ignominieux, si tant est qu'on peut encore graduer l'ignominie. Alors que s'est-il passé pour qu'une supposée révolution annonçant, nous disait-on, parole d'Obama, un printemps démocratique, mue, année après année, en la plus détestable des démocraties, fabricant les plus ignobles des terroristes, semant barbarie et désolation tant chez elle que chez ses voisins qui l'ont tant aidée et soutenue, et ruinant son pays ?

Au-delà de toutes les savantes analyses des chemins longs et tortueux des révolutions, au-delà de toutes les considérations socio-économiques et des études de la nature et de la philosophie des religions, la première réponse est aussi évidente que la lumière du jour : la démocratie tunisienne, même si on essaie de croire qu'elle n'est pas née islamiste, fabrique depuis des années des terroristes islamistes en nombre. Certes, l'ignoble assassin de la policière de Rambouillet vit en France depuis 12 ans et n'a peut être été radicalisé qu'en France, il n'empêche qu'il s'est allaité à la même idéologie fondamentaliste, salafiste, frériste que celle qui, en 10 ans et à divers degrés, a imbibé toutes les structures de l'Etat tunisien, qui s'est diffusée insidieusement dans toutes les catégories de la population, qui s'exprime haut et fort dans toutes les institutions de la démocratie et qui a investi tous les médias. Si bien que la Tunisie prend aujourd'hui, et à contre temps, la place peu enviable de dernier carré de l'islamisme politique, désormais aux abois partout.

Alors pourquoi et à qui la faute ? Le plus logique et le plus simple est bien sûr de l'imputer au peuple qui élit ses représentants et ses gouvernants. Sauf que l'idéologie islamiste est l'imposture même et la caricature de la démocratie, celle-ci n'étant jamais pour les islamistes une fin en soi mais juste le moyen d'accès aux commandes.

L'islamisme est une idéologie sur laquelle et dans laquelle ne se construit aucune démocratie ! Pour avoir cru, naïvement ou cupidement le contraire, les "démocrates" tunisiens qui ont mis la main dans la main des islamistes au nom d'une fallacieuse théorie de "l'inclusion" sensée adoucir et domestiquer leur extrémisme; leur ont, de fait, servi de marche pieds. Comme les Occidentaux qui ont cru les adouber pour s'en prémunir. Tous en ont pour leurs frais. Tous ont les mains sales. Si la démocratie est aussi une idéologie, l'islamisme politique est son antithèse autant que sa négation. Au moins conviendra-t-on définitivement de l'impossible cohabitation. L'erreur est si difficile à assumer car les vies innocentes, prises par la traîtrise des barbares, en France comme en Tunisie, ne pardonneront jamais .

mardi 27 avril 2021

La Tunisie : une démocratie en panne, à la recherche d'un leader charismatique

Le système politique choisi par Ghannouchi et ses Frères musulmans, est à l’origine de l’échec de la transition démocratique en Tunisie paralysant tous les pouvoirs. Dans son analyse, le Pr Hatem M'rad semble indulgent avec Béji Caïd Essebsi, qui a grandement contribué à pérenniser les frères musulmans au pouvoir depuis sa trahison, en s’alliant à Ghannouchi et en banalisant le « consensus », source de tous les problèmes des Tunisiens.

R.B 

Hatem M’Rad

Les islamistes ne peuvent produire un système institutionnel éclairé, ni être des réformateurs

Si les juristes occupent le devant de la scène, les politistes sont restés discrets. Pourtant, la crise institutionnelle qui perdure est également politique. D’abord politique, mais chacun utilise les armes dont il dispose, dont le droit. L’entretien avec Hatem M’Rad, politiste de renom, s’imposait. Il est professeur à la faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de Tunis, président-fondateur de l’Association tunisienne d’études politiques et directeur-fondateur de la Revue tunisienne de science politique. Il est l’auteur, entre autres, de «Libéralisme et liberté dans le monde arabo-musulman» (Les Cygnes, Paris, 2011), «La gouvernance : entre le citoyen et le politique» (L’Harmattan, 2015), «Libéralisme et antilibéralisme dans la pensée politique» (Editions du Cygne, 2016). Professeur invité dans plusieurs universités et instituts d’études politiques européens, il démêle aujourd’hui les fils de la crise tunisienne. Après les juristes, voici donc les politistes. 


Le blocage actuel est-il dû au système politique ou bien à la personnalité des gouvernants ?

Je dirais plutôt que le blocage est le fait du système politique. Je pense vraiment que le système politique tunisien a créé un système de guerre poussant les acteurs politiques et les institutions à s’entretuer les uns les autres. Il ne favorise pas la collaboration, ni les compromis fondamentaux. Il contraint les majorités politiques à la faiblesse, les rendant dépendantes de tout, des lobbies, des groupes privés, des petits partis éphémères, du chantage, etc. Les gouvernants construisent à partir d’un système politique déjà instauré. La personnalité des gouvernants intervient plutôt dans les grands moments historiques. La Révolution n’a pas fait ressortir des leaders de la Révolution. On les a cherchés de loin, du passé. Il y a un malaise du côté des leaders. Béji unissait malgré sa collaboration avec les islamistes, Kaïs Saïed désunit malgré sa forte opposition aux islamistes et Ghannouchi et Marzouki sont rejetés à la base. La personnalité d’Essebsi, malgré la sagesse politique et le charisme du personnage, n’a rien pu faire contre le système, qui s’est avéré plus fort que lui. Kaïs Saïed se débat à son tour contre le système politique, de manière frontale cette fois-ci. C’est le système qui est bloqué, c’est-à-dire le régime politique de 2014. Il est à refaire, parce que loin de stabiliser le pays, il l’agite, le bouleverse et le situe historiquement dans une sorte de transition interminable avec des conflits et oppositions sans fin. C’est l’expérience qui le démontre.

A chaque fois que les juristes sont sollicités, ils analysent l’aspect constitutionnel de la situation, mais affirment, presque tous, que la solution est d’ordre politique, qu’en pensez-vous ?

Faut-il alors réformer les juristes, comme le demandait le juriste-philosophe Carl Schmitt ? Mais pour réformer les juristes, il faut encore réformer le droit. La formation du droit est aussi en cause. Elle est de moins en moins théorique et savante, comme elle l’était surtout au XIXe et au début du XXe siècle en Europe, et de plus en plus technique et positive, pour coller au marché du travail. Dans les programmes LMD du droit, toutes les disciplines théoriques, propres à la culture philosophique, politique ou juridique, sont en train de disparaître progressivement pour laisser la place à une formation qui se veut sèchement professionnelle et technique. Alors, il ne faut pas s’étonner que les juristes n’aient plus, comme autrefois, cette vision philosophique et politique et retombent dans un juridisme improductif. Il n’y a plus de philosophes qui sortent du droit comme par le passé. Dès qu’on abandonne l’idée d’une culture ouverte sur les sciences sociales, on tombe dans le juridisme qui a fortement impacté la transition tunisienne. Le juriste cale sur les questions politiques dont les réponses ne se trouvent dans aucun code, aucune constitution. Le droit doit pourtant servir une fin politique. On ne fait pas le droit pour le droit. Le droit ne se justifie pas par lui-même, mais par les fins qu’il est censé servir. Il doit éliminer les conflits, établir la paix sociale et la stabilité politique. Ce sont-là des fins éminemment politiques, constituant l’essence même du politique. Les juristes sont donc censés en tenir compte. La vision d’un constitutionnaliste authentique, ou elle est politico-juridique ou elle ne l’est pas. A l’époque de Rousseau, on appelait le droit constitutionnel droit politique. C’est tout dire. 

Depuis dix ans que le pays vit au rythme des crises. Le fait que la révolution tunisienne n’ait pas été guidée par un leader, ni mue par une idéologie quelconque portait-elle en elle les germes de son échec ?

Oui, effectivement, les leaders sont nécessaires dans les transitions démocratiques, surtout entre la phase révolutionnaire et l’établissement du régime politique. La plupart des leaders qui ont émergé dans les transitions ont été utiles durant cette phase-là. Juan Carlos en Espagne, Mandela et De Klerk en Afrique du Sud, Rawlings au Ghana. Essebsi aurait pu, mais n’a pu à ce moment, en dépit de son rôle fédérateur. Il ne pouvait décider ou être décisif. Les cartes politiques n’étaient pas entre ses mains.  Lors du dialogue national, il subissait les contraintes de la majorité islamiste à l’ANC. C’est ce qui fait que Ghannouchi était politiquement prédominant. Kaïs Saïed est, lui, un contre-leader, non un leader. Il réagit, il ne peut vraiment agir politiquement. Il n’a pas de parti majoritaire au Parlement comme Essebsi qui lui permet de prendre des initiatives politiques. Les leaders politiques sont pourtant nécessaires parce que la politique suppose la décision. Si la délibération est le propre d’une assemblée ou d’un groupe, la décision souveraine est le fait d’un seul homme. La politique ne peut se réduire à une sécheresse institutionnelle formelle et abstraite. Ce n’est pas un hasard si les philosophes appellent la science politique «la science du commandement» ou «la science du gouvernement». Le commandement est assuré en dernier lieu par un homme. C’est cela la réalité politique qui se venge lorsqu’on la néglige.

Des observateurs et acteurs politiques attribuent le blocage actuel à une mauvaise gouvernance des islamistes qui ont conduit le pays à sa perte, sur tous les plans, êtes-vous de cet avis ?

Oui, absolument. Des hommes peu éclairés en matière institutionnelle, qui ont vécu toute leur activité politique dans la clandestinité et dans la violence ne peuvent produire un système institutionnel éclairé, ni être des réformateurs au sens authentique du terme, formés pour la tâche. Ils ont déconstruit au moment où il fallait construire. L’ANC des islamistes, avec le recul, a été une sorte de mélodrame euphorique. Les islamistes croyaient que l’euphorie politique qui leur a permis de renouer avec la politique, après leur exclusion sous la dictature, allait leur donner la force et la légitimité qu’ils espéraient. Ils ont fini par décevoir. Ils voulaient gouverner contre les autres, pas avec les autres, malgré les apparences des coalitions éphémères. Ils sont les premiers responsables du blocage du système. Quand on construit des institutions et un régime politique, on devrait être conscient, non pas de l’hégémonie de son camp, ou motivés par d’arrière-pensées tactiques, mais de l’équilibre général du système, de sa fonctionnalité et de sa stabilité. Les islamistes n’en ont pas tenu compte. Ils en paient aujourd’hui le prix.

D’abord, une Constitution minée, ensuite un blocage des institutions. Des manœuvres amèrement regrettées aujourd’hui. C’est à cela que vous faites référence ?

Oui, la Cour constitutionnelle est ce qui confirme ce que je viens de dire. C’est là que les islamistes se sont encore aperçus que les équilibres généraux du système sont nécessaires. La Cour constitutionnelle fait partie de ces équilibres généraux. Elle contrôle les abus de la majorité politique et règle les questions de droit. Mais les islamistes ne voulaient aucun obstacle sur leur chemin. Ils ne voient dans la Cour constitutionnelle que le risque d’interprétation favorable au mode de vie sociétal civil, aux libertés et droits de l’homme. Ils se satisfont alors de la démarche du «match nul». De même, le régime politique ne doit pas retomber sur eux, le jour où ils seraient dans l’opposition, ni la Cour constitutionnelle ne doit entraver l’islamisation sociétale de la Tunisie à travers les mosquées, associations, la qatarisation et turquisation de la société, etc. Ils se sont rendus compte aujourd’hui que, malgré tout, ils ont grand besoin du droit pour avancer ou même pour contrer un adversaire, en l’occurrence Saïed.

Le Président Saïed est-il en train d’utiliser les propres armes du parti Ennahdha pour le contrer ?

Saïed est un opposant au pouvoir, aussi paradoxal que cela puisse être, avec toutes les dérives du paradoxe. Il polarise au lieu d’agréger, il réagit au lieu d’agir. Il parle un peu trop dans le désordre au lieu de chercher à être mesuré et efficace, comme doivent l’être les gouvernants. Son intégrité n’est pas mise en doute, c’est sa force et son argument de popularité, et il en est conscient. Au fond, il ne peut pas utiliser, comme le suggère votre question, les mêmes armes qu’Ennahdha. Il n’a pas la roublardise des islamistes. Son honnêteté même le pousse à la maladresse, en rejetant tout ce qui vient d’eux et du gouvernement allié. S’il n’a pas le choix de son action, comme les islamistes au Parlement ou comme le gouvernement, il ne lui reste plus que cette force de blocage ou d’opposition, qui, visiblement, gêne les islamistes et le gouvernement. Le comble, c’est que personne ne décide, ni les majorités, ni les minorités, ni les dirigeants. On sort de la sphère politique pour entrer dans une sorte de jeu à somme nulle. Un homme politique ne peut pas se contenter de produire une politique belliqueuse, parce que sa mission principale en tant que responsable politique est justement de mettre un terme au conflit. Il ne peut pas considérer indéfiniment les autres concurrents comme des ennemis. Le Président incarne l’unité nationale, la souveraineté concrète, non la désunion nationale. On n’éteint pas l’incendie avec des allumettes.

Certaines attitudes au sommet de l’Etat ont gêné des Tunisiens. Quelles sont les caractéristiques d’un homme, d’une femme d’Etat ?

Malheureusement, les sages se font rares en politique, en Tunisie, comme dans le monde. Le dernier en date en Tunisie est peut-être feu Essebsi. Les vécus politiques sont chez nous ou inexistants ou chaotiques. La formation politique de même. N’est-il pas aberrant que dix ans après une révolution et un processus démocratique, aucun gouvernement n’a mis en place une école de science politique alors que des pays africains autoritaires en ont ? On a bien vu que l’ENA n’a jamais en Tunisie formé des hommes politiques, mais seulement des administrateurs. Elle ne forme pas ce que le sociologue Pareto appelait «l’élite gouvernementale», mais seulement l’élite administrative. Dans l’action, on a besoin surtout de ce que j’appellerais des «sages audacieux», lucides et décisifs à la fois. «Sage» seulement ne suffit pas en politique. Il faudrait pour débloquer la situation des sages audacieux, imaginatifs, qui savent que plier, c’est juste reculer pour mieux avancer. L’audace réside aussi dans le recul. L’entêtement est contre-productif et puéril. On ne fait pas la politique tout seul, les sages le savent, on la fait avec des concurrents et des partenaires, pris ici comme des adversaires. Bourguiba a reculé pour l’autonomie interne pour mieux avancer dans l’autonomie externe et l’indépendance. Il a négocié avec les ennemis d’une nation étrangère. De Gaulle et le chancelier Adenauer ont su surmonter leurs rancœurs nationales post-guerrières pour oser se tendre la main et repartir sur de bonnes bases. L’essentiel pour eux, c’étaient les garanties de la paix après la guerre. Ce ne sont pas des majorités qui prennent de telles décisions, mais des hommes, des leaders de l’Exécutif. Mais je reste persuadé que, s’il existe des méthodes et des formations pour préparer les hommes politiques en général, il n’existe pas de méthodes précises et éprouvées pour sélectionner les leaders. Ils se sont révélés par eux-mêmes dans l’histoire politique, dans des circonstances exceptionnelles, surtout s’ils ont du tempérament politique, un sens de l’autorité, un charisme et du volontarisme. Les «animaux politiques» ne courent pas les rues. Pourquoi je dis que les leaders sont révélés par l’histoire lorsqu’ils y ont réussi ? Parce que pour les leaders ordinaires choisis ou élus à la suite d’une élection, on ne peut jamais prédire à l’avance leur réussite ou leur échec. On ne peut savoir s’ils commettraient des erreurs fatales ou provoqueraient des blocages. Ils peuvent se tromper comme tout homme, ils peuvent s’avérer faibles face à des situations historiques qui les dépassent. Quand bien même élus à 80% des suffrages.

Plusieurs acteurs politiques, ayant toujours gardé leur distance par rapport au président du Parlement Rached Ghannouchi et à son parti, critiquent aujourd’hui ouvertement le Président Kaïs Saïed. D’après eux, il est en train d’installer son hégémonie au détriment des valeurs démocratiques et de l’Etat de droit. Est-ce le cas d’après-vous ?

Ne soyons pas abusifs dans nos propos. Personne ne peut jouer au «dictateur» dans un système politique de type parlementaire et très fragmenté. Le Président Saïed semble juste faire une lecture erronée du système politique qu’il est appelé à servir. Même s’il est conscient des limites constitutionnelles du rôle du Président. Il veut jouer au présidentiel et non au dictateur, dans le parlementaire. Le parlementaire dans sa lecture est incarné par le couple Ennahdha-Mechichi et le présidentiel par lui-même, sans doute au nom du peuple légitime qui l’a élu de manière directe. C’est vrai que sa volonté de bloquer encore davantage le système politique et ses lectures constitutionnelles personnelles et unilatérales contre tous ont poussé les acteurs et les observateurs à le considérer comme un «dictateur» et comme un homme arrogant, épris de certitudes tranchées souvent illusoires. Or, le président de «tous les Tunisiens», et non de ses propres électeurs, gagne à avoir le sens de la mesure et de la modération pour devenir un acteur politique utile, à même de contribuer aux solutions pratiques des problèmes des Tunisiens. Les déclarations émotives, belliqueuses et radicales destinées aux islamistes ne servent à rien dans un système où la balance penche constitutionnellement, pour l’instant, vers le Parlement. Autrement, le système restera bloqué jusqu’à la fin des échéances électorales de 2024. Ce sera un drame national. Ils ne s’en rendent pas compte !

La démocratie tunisienne est-elle dans l’impasse ?

Je dirais oui et non. J’ai eu l’occasion d’en parler dans mon dernier livre Janus ou la démocratie à deux têtes (2020, Editions Nirvana). Je défends l’idée que la toute jeune démocratie tunisienne a deux visages. Un visage positif dans la durée et dans la profondeur. Ce visage-là de la démocratie est continu, imperturbable, se consolide progressivement d’élection en élection, étend la sphère des libertés. Si l’élection est le cœur de la démocratie, celle-ci est alors de plus en plus régulière, plurielle, contrôlée, transparente, disputée et incontestable. Mais il y a un autre visage négatif de la démocratie. Il est présent dans le quotidien, dans l’instant. Ce visage semble défigurer les bienfaits de l’autre visage. Les deux faces évoluent dans deux sphères différentes, contradictoires, qui ne se rencontrent vraisemblablement pas pour une raison simple. L’une, positive, évolue dans le prolongement de l’histoire récente, peu visible par les populations dans la durée, qui ne se rendent pas toujours compte de son existence ou de sa durée bienfaisante, et qui la renient même à la première occasion. L’autre, négative, est franchement visible et perceptible, située dans le présent, dans les insultes des députés, dans les médias, dans les réseaux sociaux. Elle est tapageuse, déformante, spectaculaire, nuisible et dérangeante. Lequel des deux visages est le plus vrai ? Sans doute les deux. Ils ne se rencontrent pas, et pourtant ils coexistent et se confondent dans une seule démocratie en mal de repères. C’est ce qui ressort de l’ensemble de la transition même. La bonne graine de la démocratie n’arrive pas encore à dissoudre ou faire oublier la mauvaise. Mais la mauvaise, plus tapageuse, risque à la longue de nous faire oublier la bonne graine démocratique. Alors impasse ? Oui et non.

Les Tunisiens sont-ils plutôt à l’aise avec un régime présidentiel ?

Oui, c’est certain. Personnellement, je vois les choses autrement. L’essentiel est qu’il y ait un régime politique où une seule autorité politique exécutive puisse décider en dernier lieu. Cela peut être le chef de gouvernement seul, sous le contrôle du Parlement, dans un régime parlementaire. Comme cela peut être le président de la République seul, sous un régime présidentiel, équilibré et après les débats démocratiques. L’Angleterre, l’Espagne, l’Allemagne et d’autres, qui appliquent un régime parlementaire correctement entendu, qui ne dispersent pas les autorités de manière incohérente, n’ont pas de problème de pouvoir et d’autorité. Dans ces pays, c’est Boris Johnson, Angela Merkel et Pedro Sanchez qui décident. Le modèle parlementaire italien, incorrectement appliqué, est détestable. Il est pénalisé par l’instabilité, tout comme le modèle tunisien. Mais j’avoue qu’après la mauvaise expérience parlementaire de la transition, les vœux de l’élite et de la société civile vont de plus en plus vers un système présidentiel. L’Allemagne a vécu la même situation sous la démocratie parlementaire de la République de Weimar, avant Hitler en 1933. Les élites conservatrices ont détesté le parlementarisme, ses lobbies, groupes privés, instabilités et marchandages, parce qu’il ne permettait pas à l’autorité exécutive de décider et à la grandeur allemande d’émerger. Le système était comme celui de la Tunisie aujourd’hui, avec deux légitimités concurrentes ; un président élu par le peuple (Friedrich Ebert, puis Hindenburg) et un parlement élu. Malheureusement, l’incertitude du système et l’humiliation de la défaite de la Première Guerre mondiale ont conduit à une lassitude générale fortement tranchée par la dictature de Hitler. Donc prenons garde.

Le système présidentiel peut-il être la solution face à l’effritement du pouvoir ?

Oui, ce régime présidentiel peut être une des solutions possibles. Mais il faut être réaliste. Tant qu’Ennahdha est à la tête d’une majorité parlementaire, elle n’acceptera pas de gaieté de cœur un système présidentiel qu’elle ressentira comme un système fait contre le parti. Même si l’opinion des dirigeants d’Ennahdha commence à évoquer la possibilité d’un régime présidentiel à cause de toutes les difficultés actuelles. En tout cas, le régime présidentiel a le mérite d’imposer des solutions nettes par le responsable de l’Exécutif, le président. Mais il y a le revers de la médaille dans un tel choix. Si on part du constat que les leaders politiques lucides et d’expérience se font rares en Tunisie, et qu’il y a surtout des agités ou des bavards omniprésents médiatiquement, sans réflexion sérieuse, mettre un président avec des pouvoirs étendus à la tête d’un régime présidentiel devient une gageure. Alors que dans un régime parlementaire ordonné, les motions de censure contre le gouvernement et les dissolutions entre les mains du chef du gouvernement peuvent corriger le système. Donc là aussi il faut rester prudent. Il n’y a pas de solution miracle. Fonder un ordre institutionnel et choisir un régime n’est pas une partie de plaisir, ni un jeu médiatique. Il faudrait respecter les modèles, les expériences et la véritable nature des régimes dans les choix à faire tout en étant lucide.

Le recours à un référendum peut-il concourir à sortir la Tunisie de la de crise ?

Pourquoi le référendum devrait-il nous sortir de la crise ? Ne risque-t-il pas de créer une autre guerre en désignant d’autres vainqueurs, d’autres vaincus et d’autres rebelles ? Pour être réaliste, et en l’absence d’une autorité tranchante, c’est dans la normalité qu’on devrait trouver l’issue à la crise. Rien ne vaut le dialogue et la négociation. Ce qui pourrait vraiment nous sortir de la crise, c’est le changement de régime politique. Il faudrait pour cela moins un référendum qu’un accord entre l’ensemble des partis et des décisions politiques courageuses. Il faudrait d’abord en discuter et accorder ses violons. Il n’y a visiblement plus de leaders qui peuvent pousser aux décisions courageuses, il faudrait se rabattre sur un accord politique général. C’est d’ailleurs la chose la plus politiquement et pratiquement faisable. Les «ennemis» doivent se parler franchement, comme après une guerre.

Le risque d’un retour à un régime autoritaire est-il à craindre ?

En politique, il ne faut rien exclure, parce que rien n’est prévisible. Il n’y a que des probabilités, pas de certitude. Qui pouvait prédire que la moitié du territoire français allait être occupée par les nazis ? L’idiotie de Trump était-elle prévisible aux Etats-Unis ? L’instauration de la République tunisienne en 1957 imposée par un coup de force bourguibien était-elle prévisible ? Qui pouvait prévoir la Révolution tunisienne en 2011 et sa contagion arabe ? Pour répondre à votre question, je dirai que le seul retour à un régime autoritaire qui me paraît probable est celui qui serait fait ou soutenu par l’armée à la suite d’un coup d’Etat militaire. Or, l’ancien régime et les circonstances de la Révolution tunisienne ont montré que l’armée tunisienne avait et a une bonne tradition de neutralité, fondée par le régime civil bourguibien. Et c’est une très bonne chose qu’on a tendance à oublier, qui explique un des aspects positifs de la démocratie tunisienne. A contrario, on peut penser que l’armée tunisienne défendra le régime démocratique contre toute tentative autoritaire effectuée par des représentants de l’ancien régime ou du nouveau régime (islamistes ou populistes). Je peux certes vous dire que le retour en arrière est difficile, que la démocratie et l’esprit de la Révolution sauront se défendre. Mais des exemples historiques vont dans le sens contraire ; l’Allemagne en 1933, la France autoritaire bonapartiste et la Restauration, devant lesquels le nouvel esprit de la Révolution a été impuissant. Sans oublier la Birmanie aujourd’hui. Il est vrai qu’on est en 2021, à l’ère du numérique, d’internet, où les réseaux sociaux sont trop bavards et agités qui peuvent avoir quelques utilités contre les abus ou un éventuel retour à l’autoritarisme. Mais rien n’est certain !

En l’état actuel des choses, une confrontation violente entre le Président Saïed et le reste des institutions, le Parlement et le gouvernement, est-elle inévitable ?

Rien n’est inévitable. Saïed est une personnalité polarisante, obstinée. Ce ne sont pas là les qualités qu’on demande à un responsable politique. Lorsqu’il y avait des conflits avec les autres institutions, et même si les solutions étaient difficiles à trouver, Essebsi invitait les parties en conflit, négociait avec elles et essayait de trouver des solutions.  Même son humour et sa personnalité charismatique y sont mis à contribution. En politique, il est inutile de discuter avec ses amis, ce sont les discussions avec les adversaires qui comptent. En plus, Essebsi savait, même s’il n’avait pas beaucoup de pouvoirs, qu’il était le représentant de l’unité nationale. Il ne sélectionnait pas ses interlocuteurs et recevait tout le monde. Saïed est de marbre. Il se comporte non pas comme un responsable politique en charge de l’intérêt général, comme le voulait Max Weber, mais comme un individu libre qui a des convictions personnelles figées. Comme un homme ordinaire orgueilleux, sensible, blessé par l’action et les déclarations de ses adversaires, qui ne veut pas être détourné de ses convictions personnelles, quelle que soit la situation, guerre, tremblement de terre, crise ou état normal. Ce n’est pas lui qui doit s’adapter aux circonstances, ce sont les circonstances qui doivent s’adapter à sa rigidité. Or, un homme politique intelligent ne répond pas au blocage par le blocage, mais par une ouverture. Même s’il est forcé et contraint. Pas d’états d’âme pour un chef d’Etat. Il devrait s’asseoir avec les islamistes et le Chef de gouvernement autour d’une table et leur dire : «Voilà mes préférences et mes choix et quels sont les vôtres ? Essayons de trouver une issue raisonnable, selon nos rapports de force et nos légitimités respectives, pour sauver la Tunisie. S’il y a des difficultés, faisons un échéancier et réglons les problèmes par étapes, selon les priorités du pays et selon les possibilités politiques, constitutionnelles et économiques». Ce serait plus raisonnable.

Cette situation de pourrissement peut-elle conduire à davantage de paralysie des institutions et, à terme, à des élections anticipées ? Eventuellement, le changement du régime politique ?

En fait, l’obstination de Saïed s’explique par l’insuffisance politique des islamistes et par le fait qu’il se sente électoralement et symboliquement plus légitime que la majorité islamiste. Carl Schmitt disait à peu près que l’élection législative crée le pluralisme, la division des partis et l’irresponsabilité d’un corps anonyme (le parlement), alors que l’élection présidentielle crée l’unité et la responsabilité personnelle du chef. C’est sans doute cela qui peut aussi révolter Saïed. Elu par tous, il ne peut décider pour tous. Mais l’erreur de ses adversaires n’est pas une raison pour qu’il les suive sur ce terrain, jusqu’à commettre les mêmes erreurs qui mènent au blocage. C’est la politique par l’absurde. On est dans un régime parlementaire où l’autorité est du côté de la paire parlement-gouvernement, et dans lequel le président est surtout détenteur d’une magistrature morale. La magistrature morale veut dire qu’il est censé être au-dessus de tout le monde, des partis de la majorité, de l’opposition, de la société civile, des groupes économiques. La magistrature morale, c’est de préserver l’unité nationale. Je suis sûr que si Saïed faisait un geste d’ouverture vers toutes les parties en conflit, un geste annonciateur d’une négociation confiante, admettant ses prédispositions à la négociation sérieuse, il serait peut-être l’initiateur d’une solution politique. Et il aura montré à tous qu’il ne se contente pas de réagir mais d’agir aussi. Qu’il est le Chef de l’Etat.

* Professeur de science politique. 

 


samedi 24 avril 2021

Le discours victimaire de la gauche française, porte ses fruits

Les conseilleurs, ne sont pas les payeurs comme dit Jean De La Fontaine ! Les Tunisiens se rappellent la position des socialistes Français, celle de Laurent Fabius, celle de Jack Lang, celle d'Hubert Védrine, celle de Jean Glavany ... dont certains sont même venus à Tunis pour "vendre" aux Tunisiens Ennahdha et son islamisme modéré, soluble dans la démocratie, qu'ils disaient; alors qu'ils voulaient les dégager et espéraient un soutien de l'UE ou du moins celui de la France pour les aider à se débarrasser des Frères musulmans ! Des milliers de Tunisiens manifestaient tous les jours à travers le pays et particulièrement au Bardo siège de la Constituante, durant plus d'un mois en plein été (août !) et en plein mois de ramadan, pour dégager Ghannouchi et ses Frères musulmans qui s'incrustaient au pouvoir alors qu'ils n'avaient plus aucune légitimité ... alors que ces socialistes Français ont choisi de soutenir Ghannouchi et ses Frères musulmans ! Eh ben, les Français peuvent saluer leur clairvoyance et dire merci à ces "responsables politiques"; puisque les enfants de Ghannouchi opèrent désormais, en France aussi ! Ils leur doivent la plus part des attentats terroristes commis en France .... dont le tout dernier, l'égorgement de la policière de Rambouillet ! Car comme souvent, ce sont les forces de l'ordre qui sont visées, ce "tagouth" (collabo du Tyran !) que désignent les Frères musulmans à leurs recrues "jihadistes" pour les égorger pour les tuer ! La Police, la Gendarmerie et l'Armée tunisiennes, ont déjà payé un lourd tribu à cette Organisation Criminelle des Frères musulmans ! Combien de morts en France, faudra-t-il; pour que les responsables politiques luttent efficacement contre le wahhabisme qui fonde l'islamisme et interdisent aux petromonarques et à Erdogan de le diffuser en France ?

R.B

Attentat de #Rambouillet
Tracer le profil de l’homme qui a égorgé la policière de Rambouillet est instructif et doit gêner aux entournures à l’extrême-gauche et chez les islamogauchistes.
Mais commençons par le commencement. D’abord cet homme est un islamiste et son intérêt pour la doctrine des frères musulmans remonterait à 2018 au moins selon des spécialistes de ces questions comme
Fiammetta Venner
qui gère le site Ikhwan Info, mine précieuse de renseignements sur l’idéologie frériste et ses acteurs.
Le terroriste de Rambouillet aimait à partager les prêches du prédicateur islamiste Bechir Ben Hassen.
Charles Meyer
a tracé le portrait de ce délicieux personnage, proche de Ghannouchi, leader des frères musulmans tunisiens, qui en appelait encore à décapiter les kouffars blasphémateurs au lendemain des attentats de Charlie Hebdo [ https://www.memri.org/.../tunisian-cleric-bechir-ben... ].
Longtemps imam à Noisy-le-Grand, il a fini par y ouvrir une école, tout en continuant à professer son idéologie extrémiste. L’homme est connu de nos services mais visiblement peut continuer ses activités de radicalisation sans soucis sur notre sol alors que la Tunisie, elle, l’a interdit de prêche.
En revanche il est régulièrement invité à semer la « bonne » parole dans les mosquées de Pontoise, d’Argenteuil où d’ailleurs. Invitations qui disent quelque chose aussi sur ces mosquées soi-disant sans histoire mais qui adorent les profils haineux quand il faut inviter un imam extérieur à prêcher. Le tueur de Rambouillet adhérait à ces discours et à fini par passer à l’acte. Mais est-ce si étonnant que ceux-ci se multiplient quand on laisse de tels gourous prendre en main toute une communauté et notamment sa jeunesse ? Quand on laisse ceux qui prêchent la haine contre ce que nous sommes au nom de leur religion, agir et répandre leur poison dans les têtes ? Quand on multiplie la construction de mosquées alors qu’aujourd’hui ceux qui les financent sont essentiellement les islamistes ?
Eu égard à l’acte commis, il n’est pas étonnant que l’on retrouve dans les références du terroriste de Rambouillet des personnages clés de la propagande islamiste. Mais l’homme n’avait pas que des références liées à l’islam, Jean-Luc Melenchon, Edwy Plenel, Mediapart faisaient aussi partie de son panthéon.
C’est ballot quand on passe son temps à faire des procès en quasi-nazisme à la terre entière d’être une référence pour d’authentiques terroristes. De ceux qui passent à l’acte.
Mais pourquoi cet engouement de l’assassin pour ces figures ? Parce qu’elles participent à la montée en puissance du ressentiment et offrent une justification au passage à l’acte. En effet le terroriste ne se voit pas comme un monstre mais comme une victime qui fait justice. Il tue au nom de Dieu, d’où le Allah Akbar (Dieu est le plus grand), mais il tue un méchant, une cible désignée, un oppresseur. Il rend service à sa communauté en le faisant.
Alors certes, ni Mélenchon ni Plenel n’en appellent au meurtre et cela fait une différence conséquente avec le prêcheur frère musulman, mais ils participent à construire des récits de victimisation et d’oppression qui sont des représentations fausses et outrancières, mais qui exaltent l’imagination des personnes fragiles et nourrissent une histoire qui peut aussi favoriser le passage à l’acte.
Cette victimisation outrancière est dans le discours racialiste et islamiste, mais la France insoumise entre autres lui offre une nouvelle légitimité quand elle participe à la marche contre l’islamophobie en novembre 2019 où des enfants et des adultes vont jusqu’à porter l’étoile jaune pour signifier qu’ils sont opprimés en tant que musulmans et où on scande Allah Akbar à côté du Bataclan. Il y a aussi ces interviews où le leader de la France Insoumise accuse la France d’islamophobie et prétend défendre les musulmans alors que c’est le positionnement des islamistes qu’il soutient dans les faits. On parle aussi des jérémiades autour des « mamans voilées » qui ont souvent tous les codes vestimentaires et le discours des frères musulmans ? La victimisation est un pan essentiel de la radicalisation et un axe de travail des islamistes, et ce n’est pas un scoop. A ce titre Edwy Plenel est aussi un des grands diffuseurs de ces représentations qui présentent la France comme raciste, colonialiste, voire fascisante et répandent l’idée que les musulmans seraient persécutés dans notre pays.
Certes ce n'est pas ce qui génère directement un passage à l'acte et la plupart des islamistes, à l'inverse de celui-ci, sont non-violents, mais ces personnages qui appartiennent à l’élite légitiment un biotope où la victimisation nourrit des idées de vengeance.
Un biotope où l’on désigne des cibles. Les policiers, les professeurs, les journalistes... Cibles traditionnelles de l’assassinat politique, d’ailleurs.
Or ces hommes qui sont des références françaises et dont le terroriste diffusait les positions, font souvent preuve d’un manque total de mesure et ont participé à la diabolisation de la police par des généralisations abusives. Ils ont des relations avec des associations qui ont pour titre « la police assassine » sans voir le problème d’un tel intitulé, ils ont valorisé l’action du comité Traoré trés anti-police et participé à hisser au rang de héros une famille marquée par le caïdat, la violence, le racket et la délinquance. Le discours validant un racisme systémique ou d’Etat peuvent participer au basculement d’esprits fragiles.
Or si la France n’est pas un paradis, c’est sans doute un des pays les moins racistes et les plus tolérants du monde car elle ne cesse d’être attaquée, de voir mourir les siens et cependant ne désigne aucune communauté à la vindicte et sait faire la différence entre musulmans et islamistes.
Le président a rendu visite à la famille de la victime. Mais qu’en France, une femme puisse être égorgée sur son lieu de travail, à l’intérieur même du commissariat, fait passer un message sinistre à tous les Français : nul n’est à l’abri, nulle part et ceux dont la vocation est de protéger sont des cibles. Pour que ce soutien à la famille de la victime ne soit pas un énième coup de communication, il faut que le président clarifie sa position et arrête d’expliquer que la France doit « déconstruire son histoire » ou qu’il « n’existe pas de culture française ». Car ce que nous affrontons est bel et bien une bataille civilisationnelle.
Et pour la mener, il est temps d’arrêter de fermer les yeux sur la présence des islamistes sur notre sol, regarder en face le fait que ce sont eux les principaux financiers de mosquée et arrêter le déni. Cela ne s’impose pas qu’aux politiques. Pourquoi la presse répugne-t’elle à écrire dans ses titres que la victime a été égorgée ?
Parce que l’égorgement dit que l’on a affaire à une attaque d’islamiste. C’est une façon de tuer les hommes qui n’est pas de chez nous, mais parle bien d’une culture et d’une idéologie particulière. Cette façon de tuer dit qu’il s’agit ici d’un sacrifice humain. Egorger un animal dans le cas d’un sacrifice est une façon de tuer qui au Maghreb est censée plaire à Dieu. L’occident a abandonné l’idée de sacrifier un être vivant à son Dieu. La pratique est même vue comme barbare. Ailleurs, c’est une façon rituelle de tuer. Le choix de l’égorgement est un choix culturel. Et comme pour les islamistes, nous ne sommes que des animaux, sacrifier un homme n’est pas un tabou.
Or, pour ne pas regarder cela en face, une partie de la presse va même en arriver à parler de « coups de poignard » à la gorge. Le terme d’égorgement est parfois mentionné dans l’article mais souvent occulté des gros titres. Cela en dit long sur le refus d’une partie de l’élite de regarder en face ce qui se passe. En revanche les Français, eux, l’ont compris.
Le problème est que si les présidents et les politiques en général ne partagent pas très vite une doctrine et une grille de lecture claire de ce genre d’affaire, leur déni n’aura qu’une conséquence : faire monter le crédit de Marine Le Pen, laquelle n’a pas tort, hélas, de fustiger une forme de laxisme. Lequel date d’ailleurs de bien avant Macron.

samedi 17 avril 2021

Un Ami

Beau texte et belle chanson, sur l'amitié.

R.B

Nicola Ciccone

Un Ami

On peut perdre son travail, lorsqu'on a des ratés
On peut perdre son crédit, lorsqu'on est endetté
On peut perdre sa mémoire, on peut perdre sa maison
Perdre sa fougue et même perdre sa raison

On peut perdre sa richesse sur un seul coup de dé
On peut perdre sa jeunesse comme on perd une clé
On peut perdre son courage dans le fond d'une bouteille
Perdre ses rêves ou son âme, c'est pareil

Mais un ami c'est pour la vie
Quand tout s'écroule, quand rien nous réussit
Un vrai ami, malgré le froid
Ça reste là

On peut perdre sa route, à cause d'un faux détour
On peut perdre son cœur, à cause d'un vieil amour
On peut perdre sa vie, à vivre dans le passé
On perd même parfois le goût d'aimer

Mais un ami c'est pour la vie
Quand tout s'écroule, quand rien nous réussit
Un vrai ami, malgré le froid
Ça reste là, ça reste là

Car un ami, c'est bien plus fort
Plus fort que tout même plus fort que la mort
Un vieil ami, quand tout est gris
Ça nous sourit

On peut perdre son honneur, lorsqu'on est humilié
On peut perdre son calme, lorsqu'on est bousculé
On peut perdre son temps, à trop compter les heures
On perd tout lorsqu'on vit dans la peur
 

Mais un ami c'est pour la vie
Quand tout s'écroule, quand rien nous réussit
Un vrai ami, malgré le froid
Ça reste là, ça reste là

Car un ami, c'est bien plus fort
Plus fort que tout même plus fort que la mort
Un vieil ami, quand tout est gris
Ça nous sourit

Gardez vos amis 

dimanche 11 avril 2021

Ennahdha défait par l’épreuve du pouvoir

 

Hatem Nafti *

Fin février à Tunis, le parti islamo-conservateur galvanisait ses partisans pour une démonstration de force autour de son chef Rached Ghannouchi. Mais dix ans après sa première victoire électorale, Ennahdha peine à conserver une place de choix sur l’échiquier politique.

Le 30 janvier 2011, Rached Ghannouchi foule le sol tunisien après plus de vingt ans d’exil. Le leader du parti islamiste Ennahdha est acclamé par des milliers de personnes venues l’accueillir à l’aéroport de Tunis-Carthage aux cris de « Tala’al badrou ’alayna » (la pleine lune s’est levée sur nous), un chant islamique traditionnel célébrant l’arrivée du prophète Mohammed à Médine. Ce retour deux semaines après la chute de Zine El-Abidine Ben Ali signe la renaissance d’un parti que le régime autoritaire a cherché à éradiquer.

En dépit de l’emprisonnement et de l’exil d’une partie importante de ses cadres, le parti Ennahda, qui obtient sa légalisation en mars 2011, peut compter sur un réseau militant implanté sur tout le territoire national et dans les principaux pays accueillant une diaspora tunisienne. La nouvelle loi électorale excluant d’office les cadres issus de l’ancien régime, le parti devient la plus grande force politique du pays. Face à cette popularité, une fraction non négligeable des nouvelles élites post-révolutionnaires, essentiellement issue de l’ancienne opposition à Ben Ali, définit sa stratégie électorale en fonction d’Ennahdha, n’hésitant pas à reprendre à son compte la rhétorique utilisée par l’ancien régime pour diaboliser le mouvement de Ghannouchi. Ce faisant, elle contribue à le mettre au centre du jeu politique.

Jusqu’aux élections de l’Assemblée constituante d’octobre 2011, Ennahdha évite toute confrontation directe avec le pouvoir en place. Ses dirigeants préfèrent rappeler les souffrances endurées sous la dictature, ce qui les arrime solidement au camp de la révolution auprès d’une partie de l’opinion publique. Le discours anti-islamiste répandu dans les grands médias renforce cette posture victimaire. Autant d’éléments qui contribuent à leur succès électoral. Arrivé en tête de toutes les circonscriptions, le parti obtient 37 % des suffrages et occupe 42 % des sièges de la nouvelle Assemblée constituante.

GOUVERNER, MAIS PAS TROP

Mais comment faire pour gouverner un pays sans un minimum d’adhésion de ses élites politiques, culturelles, médiatiques et administratives ? Ennahdha se trouve coincé entre la pression de ses bases et l’hostilité d’une part non négligeable des cercles influents, aussi bien en Tunisie qu’à l’étranger. Il suscite une crainte chez certains Tunisiens marqués par un scénario à l’iranienne, ou pire à l’algérienne.

Afin de rassurer et de relativiser l’image d’une hégémonie islamiste sur toutes les institutions, le mouvement forme une coalition avec deux partis non islamistes : le Congrès pour la République (CPR) de Moncef Marzouki et le Forum démocratique pour les droits et les libertés (Ettakattol) de Mustapha Ben Jaafar. Les trois formations se partagent les trois présidences, celle du gouvernement (Ennahdha), celle de la République (CPR) et celle du Parlement (Ettakatol). Dans les faits, l’essentiel du pouvoir exécutif est réservé au chef du gouvernement et les principaux ministères et commissions parlementaires sont contrôlés par le parti islamiste.

Le positionnement par rapport aux islamistes devient dès lors un leitmotiv électoral. S’il n’empêche pas le parti de Ghannouchi d’arriver en tête des élections (avec une majorité à chaque fois plus relative), ce dernier en retient que son mouvement ne doit jamais gouverner seul pour ne pas concentrer la colère populaire.

Béji Caïd Essebsi a été premier ministre pendant la période de transition (février-octobre 2011). Moins d’un an après, en juin 2012, il profite de l’effritement de l’opposition dite « démocratique » pour créer le parti Nidaa Tounès (L’appel de la Tunisie), agrégeant des opposants historiques, des syndicalistes et des membres de l’ancien régime dont le seul point commun est l’opposition aux islamistes. Mais une fois au pouvoir, cet attelage ne fera pas long feu.

 UN SCÉNARIO À L’ÉGYPTIENNE ?

Forts de la légitimité électorale d’octobre 2011, les partisans d’Ennahdha engagent une lutte sans merci contre toute expression divergente, assimilée à un refus du verdict des urnes. Ainsi, plusieurs ténors de l’opposition à Ben Ali sont-ils taxés de contre-révolutionnaires au seul motif qu’ils ne soutiennent pas l’action gouvernementale. Une accusation qui n’a pas épargné des avocats qui ont assuré la défense d’accusés islamistes sous l’ancien régime. Durant l’hiver 2012, un sit-in est organisé devant les locaux de la télévision nationale, accusée de ne pas refléter la volonté populaire. Les chefs de cette contestation vont former les Ligues de protection de la révolution (LPR), des milices qui n’hésitent pas à s’en prendre physiquement aux opposants. Nidaa Tounès deviendra également une de leurs cibles privilégiées, car le parti monte dans les sondages au point de devenir une sérieuse menace pour Ennahdha.

Parallèlement à ce déchaînement de violence en toute impunité, l’exécutif montre une tolérance envers les expressions les plus radicales de l’islamisme, au nom de la liberté religieuse. Plusieurs prédicateurs extrémistes tels l’Egyptien Wajdi Ghoneim ou le Koweïtien Nabil Al-Awadi sont reçus en grande pompe par des leaders d’Ennahda. Le parti salafiste Ettahrir qui prône l’instauration d’un califat islamique est autorisé, et le mouvement Ansar Al-Charia affilié à Al-Qaida a pignon sur rue. Le tout dans un contexte d’attentats terroristes visant les forces armées. Le 18 octobre 2012, une manifestation des LPR dégénère à Tataouine et un responsable local de Nidaa Tounès est lynché à mort.

La violence se poursuit avec l’assassinat des dirigeants du Front populaire (coalition de gauche et extrême gauche) Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi en 2013. Fin juillet, un important sit-in a lieu au Bardo, devant l’Assemblée constituante, demandant la dissolution de toutes les institutions issues du scrutin de 2011. Nous sommes alors quelques semaines après le coup d’État du maréchal Abdel Fattah Al-Sissi en Égypte, soutenu ou toléré par la plupart des partenaires de la Tunisie, contre le président islamiste élu Mohamed Morsi.

MUER POUR SURVIVRE

Les dirigeants d’Ennahdha comprennent que leur légitimité électorale ne les protège pas d’un putsch. Ils décident alors de se rapprocher des ennemis d’hier, les destouriens, et d’opter pour la stratégie du consensus. Ce virage n’est toutefois pas un précédent : si le parti islamiste et le CPR s’étaient officiellement lancés dans une lutte contre l’ancien régime en 2011 en proposant notamment une loi de lustration politique, ils n’avaient pas hésité à nommer des proches du pouvoir benaliste à la tête d’administrations et d’entreprises publiques moyennant un changement d’allégeance.

Ennahdha accepte de quitter le gouvernement et de confier le pouvoir à des technocrates chargés de diriger le pays jusqu’aux élections de 2014. Nidaa Tounès remporte les législatives et Béji Caïd Essebsi la présidentielle. Coup de théâtre après une campagne à couteaux tirés : le parti islamiste refuse de soutenir son ancien allié, le candidat sortant Moncef Marzouki, au second tour de la présidentielle. Arrivée deuxième aux législatives, Ennahdha finira même par s’allier à Nidaa Tounès au nom de l’intérêt national. Ce sera le premier pas vers une longue série de concessions pour le parti islamiste, tiraillé entre les exigences de sa base mue par l’idéologie islamiste et l’impératif du compromis pour garantir sa survie politique.

Le quinquennat de Béji Caïd Essebsi est sans doute le moment qui profite le plus à Ennahdha, mais également la période durant laquelle il connaît ses plus grandes mutations. Participant au pouvoir sans être en première ligne, le parti va voir son influence augmenter à mesure que le parti présidentiel se disloque, miné par des luttes intestines. Les islamistes n’hésitent pas à soutenir des projets de loi controversés comme celle dite de « réconciliation », une amnistie accordée aux fonctionnaires poursuivis pour des faits de malversation intervenus sous l’ancien régime.

C’est aussi durant cette période que le parti revoit son organisation interne. Au-delà de l’affichage qui met l’accent sur la séparation entre l’action politique et la prédication, le dixième congrès d’Ennahda en 2016 accroît considérablement les prérogatives de Rached Ghannouchi, lui permettant de nommer les membres du bureau exécutif qui seront validés par le Conseil de la choura. Un paradoxe pour un parti qui prône la mise en place du régime parlementaire, censé limiter les dérives liées au pouvoir personnel. Certains candidats pour les élections législatives de 2019 en feront les frais, puisque le cheikh n’a pas hésité à apporter des modifications substantielles dans des listes pourtant issues de primaires organisées au niveau de chaque circonscription.

Contrairement à ce qu’affirment plusieurs contempteurs des islamistes, l’alliance entre Ennahdha et Nidaa Tounès n’est pas totalement contre nature. Les partis convergent sur plusieurs points, notamment sur les choix économiques et sociaux. Les nahdhaouis soutiennent les demandes de « réformes » exigées par les bailleurs de fonds et ne remettent nullement en cause le modèle de développement que le pays suit depuis les années 1980, basé sur un désengagement progressif de l’État et l’ouverture aux accords de libre-échange inégaux.

LES LIMITES DU DOUBLE JEU

Ce va-et-vient incessant entre une rhétorique révolutionnaire et un exercice du pouvoir ambivalent se paie dans les urnes. Si le parti arrive en tête aux législatives de 2019, il contrôle à peine le quart de l’Assemblée et il continue à voir son socle électoral se réduire comme peau de chagrin, passant de 1,5 million de votants en 2011 à 560 000.

Lors de ce scrutin, le parti s’inscrit à nouveau dans le camp « révolutionnaire », mais l’émergence de deux blocs réactionnaires, le Parti destourien libre (PDL) d’Abir Moussi et la coalition Al-Karama (La Dignité) fragilisent la politique du consensus. Le premier récuse bruyamment tout le régime issu de la révolution tandis que le second, bien que fidèle allié de Ghannouchi, se situe à sa droite et compte un certain nombre des militants des LPR.

Pris en tenaille entre une aile droite qui joue la surenchère sur les questions identitaires — celles auxquelles Ennahdha a renoncé — et le traumatisme d’une mise en minorité qui aboutirait à un scénario à l’égyptienne, le parti fait à nouveau le choix d’une alliance avec le vieux système. Il se rapproche de Qalb Tounès, le parti de Nabil Karoui, homme d’affaires actuellement en détention provisoire pour des soupçons de blanchiment d’argent. Ce dernier s’est fait connaître sous Ben Ali et a été dans le noyau dur de Nidaa Tounès. Cette alliance permet à Rached Ghannouchi de devenir le président de l’Assemblée, une consécration alors qu’il sait que l’hostilité à son encontre l’empêchera de briguer la présidence de la République au suffrage universel direct.

En outre l’élection de Kaïs Saïed à la présidentielle avec une majorité confortable, et sa popularité peu érodée par l’exercice du pouvoir constitue une gêne pour les nahdhaouis. Contrairement à son prédécesseur, le nouveau président n’est pas un homme de compromis. Il rappelle sans cesse les contradictions et compromissions de ses adversaires sans les nommer, ce qui explique les insolents taux de confiance dont il jouit en dépit d’un bilan assez faible.

Cette position est au cœur de la crise politique actuelle. Le 16 janvier 2021, après un remaniement partiel du gouvernement de Mechichi dicté par Qalb Tounes et Ennahdha, Saïed refuse d’organiser la cérémonie de prestation de serment des nouveaux ministres, condition sine qua non pour leur prise de fonction. Alors que certains partis et organisations tentent des médiations entre le président et le chef du gouvernement, Ennahda décide de jouer l’affrontement. Le samedi 27 février 2021, le parti appelle ses partisans à descendre dans la rue pour soutenir « les institutions et la légitimité ». Bravant l’interdiction de se déplacer entre les régions en raison de la pandémie et ne s’encombrant pas des gestes barrières, des milliers de manifestants venus des quatre coins du pays défilent sur l’avenue Mohamed V, une des principales artères de la capitale. Cette démonstration de force permet également de resserrer les rangs autour d’un Ghannouchi menacé de perdre son siège de président de l’Assemblée.

Si sa capacité d’adaptation permanente permet à Ennahdha de se maintenir au pouvoir à moyen terme, elle n’en menace pas moins son intégrité à plus long terme. D’abord, l’électorat du parti tend à se réduire à un socle incompressible de militants historiques soudés par un passé de souffrances endurées sous la dictature. Même les plus proches collaborateurs de Ghannouchi jettent l’éponge. Ensuite, la toute-puissance du Cheikh, à la tête du parti depuis trente ans sans interruption, est de plus en plus fragile. Les séquelles du dixième congrès sont toujours là et le onzième, sans cesse décalé, va devoir trancher le maintien de Ghannouchi, impossible selon les statuts actuels, ou sa succession. En septembre 2020, cent hauts cadres du parti ont signé une lettre ouverte demandant au président de ne pas se représenter, un acte inédit dans une structure réputée pour sa discipline interne.

Enfin, si Ennahdha a intégré toutes les strates de la vie publique, le mouvement continue de susciter un rejet d’une partie des Tunisiens, au-delà des seuls « éradicateurs » (une partie de la gauche et de l’ancien régime). Certains réflexes, hérités de la période de la clandestinité, provoquent la méfiance des citoyens. Ainsi on a pu observer à plusieurs reprises des responsables administratifs ou politiques présentés comme indépendants faire leur coming-out nahdhaoui. Cela entretient les doutes sur d’éventuelles structures parallèles, un classique pour les mouvements liés aux Frères musulmans.

Cette accusation a été confortée par les derniers affrontements au sujet de l’Union mondiale des oulémas musulmans (UMOM), anciennement présidée par le prédicateur égyptien Youssef Al-Qaradaoui. En effet, la présidente du PDL Abir Moussi organise depuis novembre 2020 un sit-in devant le siège tunisien de l’organisation, considérée comme la matrice idéologique des Frères musulmans. Le 9 mars 2021, elle y pénètre et s’empare d’une partie de son matériel pédagogique. Un contre sit-in est organisé dans la foulée par des personnalités liées à l’islam politique. Parmi elles, on compte les députés de la coalition Al-Karama, une partie de l’état-major nahdhaoui, mais aussi d’anciens responsables du parti qui ont quitté le parti avec fracas. Cette défense inconditionnelle renforce l’idée qu’au-delà du parti, il existe une allégeance à un mouvement supranational voulant s’attaquer à l’État national tunisien. Cette rhétorique a déjà justifié la répression de Bourguiba et de Ben Ali ; elle risque de profiter à Abir Moussi qui veut fermer la parenthèse révolutionnaire. 

Essayiste, auteur de Tunisie, dessine-moi une révolution (L’Harmattan, 2015) et De la révolution à la restauration, où va la Tunisie ? (Riveneuve, 2019). Collabore à divers médias internationaux francophones.