dimanche 26 mars 2023

Habib Bourguiba dans la mémoire collective des Tunisiens



Mansour Mhenni 

Colloque * pour célébrer la 120e année de la naissance de Habib Bourguiba

Intellectuel, visionnaire, bâtisseur, Chef d’État charismatique, moderniste, réformateur, tribun… Habib Bourguiba était l’un des hommes politiques qui ont marqué le XXe siècle. Son œuvre est considérable : la fondation d’un État moderne et respecté dans le monde malgré sa taille modeste, l’éducation de la jeunesse, le développement économique, l’émancipation de la femme avec la mise en place du Code du statut personnel, l’équilibre d’une politique étrangère fondée sur une diplomatie originale et non inféodée.

Habib Bourguiba était soucieux d’inscrire son action dans la continuité des œuvres accomplies par les figures historiques prestigieuses qui ont marqué la Tunisie. Celui à qui on a attribué le titre de « Combattant suprême » est considéré comme le continuateur de Jugurtha, le vainqueur dont le nom signifie « celui qui les a dépassés », d’Hannibal, le héros charismatique, d’Ibn Khaldoun, le penseur et le savant qui, ne se contentant pas d’être chroniqueur, a produit une œuvre en avance de son temps ou encore de Kheireddine Pacha, le réformateur ; Bourguiba a marqué l’histoire de son pays par son empreinte.

Pour ce qui est de la langue, domaine qui occupe non seulement les linguistes, mais tous les praticiens du discours, autrement dit tout le monde, Bourguiba s’y était distingué également : pragmatique et conscient des enjeux géopolitiques, il était partisan d’un bilinguisme équilibré entre l’arabe et le français. Il ne manifestait pas une adhésion aveugle au français mais réfléchie et consciemment assumée. Il concevait le français comme un atout sur lequel il s’est appuyé pour fonder une nation moderne, tournée vers le progrès et ouverte sur l’international tout en insistant sans fanatisme sur l’appartenance de son pays à la culture arabo-musulmane. Il concevait cette filiation avec discernement et distance critique. Langue première des Tunisiens, le tounsi était, pour lui, la langue qui lui permettait de s’adresser à la Tunisie profonde. Mais, il était convaincu que la langue arabe, sous ses deux formes, ne pouvait pas assurer, seule, le développement socioéconomique et la modernisation du pays. Puisque l’élite nationale sur laquelle il pouvait s’appuyer pour mettre en place sa politique de modernisation du pays était francophone, il ne pouvait pas se priver de cet atout majeur. Et c’est ce même pragmatisme qui va l’inciter à maintenir le français dans le système éducatif tunisien avec un statut privilégié, une fois l’indépendance du pays acquise.

Œuvrant non seulement pour un bilinguisme mais aussi pour un biculturalisme assumé, il concevait le français comme l’un des moyens importants de la lutte contre l’hégémonie coloniale sans la confondre avec la culture et la civilisation que véhicule le français. À l’instar de l’écrivain algérien Kateb Yacine, il a retourné contre le colonisateur, oppresseur de son peuple, sa propre arme avec laquelle il a revendiqué la liberté, la dignité et l’identité nationale.

Nourri des valeurs universelles de la philosophie des Lumières, il s’acharna à mettre à nu les flagrantes contradictions entre le projet civilisateur de la France et la politique coloniale du Protectorat bafouant quotidiennement ses valeurs en Tunisie.

Pour ce qui est de la Francophonie institutionnelle, il a joué un rôle majeur avec Léopold Sédar Senghor dans l’élaboration du concept de francophonie à une époque où Charles de Gaulle lui-même n’y était pas très favorable.

Depuis les événements de décembre-janvier 2011 et leurs lots de déceptions et de désillusions, l’un des messages bourguibiens, qui a été le plus intériorisé par les Tunisiens, est l’attachement à leur tunisianité, ancrée dans les traditions et les acquis modernistes. Construite dans la lutte pour l’indépendance, cette tunisianité, qui semble faire consensus jusque-là à la fois chez les destouriens et la gauche tunisienne, a été mise en cause par les partis majoritaires lors de l’intermède de la Troïka (2011-2014).

Nous ne versons pas, cependant, dans l’idolâtrie, en ce sens que nous ne présentons pas Habib Bourguiba comme un personnage exempt d’erreurs ou d’égarements. Qui d’ailleurs ne se trompe pas ou ne commet pas d’erreurs ? Personne, à l’exception sans doute des inertes, ceux qui n’entreprennent rien. Habib Bourguiba était avant tout un être humain avec ses qualités et ses défauts. Cependant, il convient de ne pas adopter à l’égard de son œuvre une démarche anachronique qui consiste à juger les actions du passé avec les outils d’analyse du présent. Quel que soit le domaine, les erreurs de Bourguiba – nous ne cherchons pas à les occulter – ne doivent jamais être décontextualisées. Si nous voulons être justes et équitables avec lui, nous devons analyser ses prises de positions, ses décisions ainsi que ses actes dans leur contexte. Mais si nous voulons nous inscrire dans la pensée analytique et constructive, étudions le passé pour en tirer des enseignements ou pour nous en inspirer en vue d’une meilleure intelligence des voies vers l’avenir.

Bourguiba, en tant que patrimoine intellectuel et civilisationnel vivant, constitue une matière riche et féconde à même d’aider à toujours repenser l’humanité dans le sens du vivre-ensemble adapté aux arguments du progrès.

« Aux historiens, aujourd’hui, [écrivait Sophie Bessis] de démêler le vrai du faux, la manipulation de la véracité des faits, et l’histoire de la légende. C’est à ce prix que Bourguiba trouvera sa place essentielle, centrale, incontournable mais non exclusive dans l’histoire tunisienne du XXe siècle. » Nous ajouterions : « C’est pour ce pari, que Bourguiba gagnerait à être pris pour “une mémoire d’avenir”, comme tant d’autres noms dans l’Histoire ».

* Le colloque rendra hommage à Bourguiba, à la fin des travaux scientifiques, par la lecture d’extraits de lettres ou d’articles écrits par l’ancien Président de la Tunisie. Pluridisciplinaire, notre colloque sera l’occasion, pour les chercheurs de disciplines différentes, d’apporter leurs contributions à cette thématique.

mercredi 22 mars 2023

Macron face à la nouvelle bronca de Mélenchon ...

Jean-Pierre Ryf

Je me suis amusé à écrire ce que je dirai à la place d'Emmanuel Macron, dans le contexte d'aujourd'hui. Voilà donc ce que je dirai si j’étais, ce qu’à Dieu ne plaise, à la place de Macron.
" On me dit et l’on crie en grand nombre dans le pays, que la reforme des retraites que je propose n’est pas justifiée, qu’elle est injuste. Que mon action et celle de ma majorité sont antidémocratiques et que je méprise le peuple, l’Assemblée Nationale et les syndicats.

Je voudrai donc répondre à ces critiques qui ont été reprises maintenant par les citoyens, les uns avec sincérité et calme; les autres avec mauvaise foi et violence verbale et même, quelques fois, hélas, physique.

Reprenons ces critiques.

Ma méthode serait donc antidémocratique et méprisante.

Ces affirmations sont tout simplement fausses. Dans notre pays il y a, jusqu’à ce que démocratiquement on les reforme, des Institutions et une Constitution. Tout cela s’impose au premier chef, au Président de la République mais également, dans un pays civilisé, à tous les citoyens et à tous les élus.
Qu’arriverait-il dans ce pays si notre Constitution était bafouée et n’était pas appliquée ? C’est cela qui serait antidémocratique et le début soit de la dictature soit de l’anarchie.

Or, j’ai dans toute cette affaire respectée la Constitution et les droits qu’elle donne. Les articles controversés et notamment l’article 49-3 est dans la Constitution. Il est fait pour éviter le blocage dans une Assemblée divisée; ce qui est manifestement le cas aujourd’hui.
Une telle division de la majorité avec des partis qui ne s’entendent sur rien, qui n’ont aucun projet, qui sont incapables de proposer une alternative, doit-elle permettre que le pays soit paralysé ? Les français veulent-ils vraiment avoir à faire à un pouvoir incapable de gouverner ?
Je ne crois pas que ce soit le cas; et si c’était le cas, le déclin de la France et donc des Français, serait au rendez-vous.
Par conséquent, je le dis avec force en respectant la Constitution, je n’ai pas attenté le moins du monde à la démocratie.
Je vais aller plus loin. Je considère que je n’ai pas trompé les Français. Cette réforme était très clairement indiquée dans mon programme. Je n’ai pas caché mes intentions, ce qui n’a pas toujours été le cas dans le passé. Les électeurs m’ont désigné aux termes d’élections parfaitement régulières en connaissance de cause.

On me dit que je n’ai pas été élu pour cette raison et que la raison principale est la volonté des Français de faire échec au Rassemblement National. Cela est vrai sauf que, même dans cette volonté d’écarter le RN, les français savaient quel était mon projet sur les retraites; et pesant le tout, ils m’ont tout de même élu.
Alors il est trop facile de venir maintenant dire : Vous aviez un programme, vous l’avez dit clairement et nous avons voté pour autre chose.

Mes propositions et ma position n’étaient pas à la carte; et c’est avec mauvaise foi et précisément par un mépris des règles de la démocratie représentative, que l’on prétend que je n’étais pas mandaté pour faire ce que je fais.

Vous m’avez élu certes pour vous opposer au RN mais vous voudriez en plus que je fasse maintenant la politique des Insoumis ou du RN. Cela n’est pas envisageable et si, vous estimez que vous vous êtes trompés en me désignant, vous ferez d’autres choix aux prochaines élections.

On me dit aussi que j’ai violenté les syndicats et l’Assemblée.

C’est un très mauvais procès. Avec les syndicats nous avons eu de nombreuses discussions jusqu’au jour où il est clairement apparu que tous mettaient à la discussion un préalable absolu : à savoir la suppression de la mesure d’âge que j’avais proposée dans mon programme.
Dés lors comment peut-on encore discuter avec des syndicats qui vous disent qu’ils ne bougeront jamais sur cette question ? Devais-je plier devant ce diktat et renoncer à cette partie de mon programme ? Drôle de conception du dialogue social !

Quant à l’Assemblée, un certain nombre me reprochent de ne pas avoir permis le débat !
C’est une vaste plaisanterie ! Il y a avait sur une question et un projet déjà connus depuis plusieurs années, 177 heures de débat prévues, c’est-à-dire des jours et des jours qui permettaient d’évoquer tous les problèmes et de donner son point de vue et de faire des contre-propositions. Il n’est pas sérieux de prétendre le contraire.
Or à quoi a-t-on assisté ? La Nupes s’est comportée, je le dis ici clairement, de manière choquante avec des cris, des vociférations et une obstruction jamais vue. Si l’Assemblée n’a pas pu examiner le texte ce n’est pas la faute de la majorité mais bien et clairement de cette obstruction choquante.

Alors s’il n’y a pas eu débat, les français doivent s’en prendre non à moi et à ma majorité mais à ceux qui ont rendu le débat impossible car ils privilégiaient la rue. Or dans notre pays comme dans tous pays démocratiques, ce n’est pas la rue, la foule, les émeutes qui font la politique d’un pays.

J’en termine sur le fond. On me dit que cette réforme est inutile, injuste et brutale.

Je suis bien conscient (qui ne le serait pas) que demander aux personnes de travailler deux ans de plus est difficile et que personne ne peut en être heureux. Ce serait assez méprisant de penser que je ne sais pas cela alors que toutes les précédentes réformes ont suscité de grandes manifestations et de la colère.

Il aurait été beaucoup plus facile et commode pour moi de ne rien faire, de laisser à d’autres le soin de régler la question. Est-ce la conception que l’on peut se faire d’un chef d’Etat ? Bien sûr que non. Il doit, dans certains cas prendre des décisions impopulaires et c’est même à cela que l’on reconnaît un homme d’Etat.

Alors, oui; face à une nécessité absolue, j’ai pris ma responsabilité.

Nécessité absolue car le déficit est déjà là et il ne fera que s’aggraver compte tenu du fait, indiscutable du vieillissement de la population, de l’espérance de vie qui fait que si l’on veut maintenir un régime de répartition avec moins de cotisants pour plus de retraités, il faut travailler un peu plus longtemps.
Tous les pays l’ont fait en Europe avec parfois des âges de départ à 67 ans. Ces pays l’ont-ils fait pour le plaisir de nuire à leurs peuples ?
Sommes-nous différents et avons-nous d’autres ressources ?

Alors certains nous disent : oui, des pays ont repoussé l’âge de départ à la retraite mais ils ont aussi pris d’autres mesures en taxant certains citoyens !
Belle argumentation en vérité !
Cela fait une belle jambe aux Espagnols de savoir que l’on a taxé davantage, alors même qu’ils doivent continuer à travailler jusqu’à 67 ans !

Ce n’est pas sérieux car taxer davantage, c’est à la fois dépasser les limites raisonnables de l’impôt déjà très élevé en France; et cela signifie, diminuer les moyens d’action du gouvernement dans tant d’autres domaines nécessaires; ou aggraver la dette publique déjà à un niveau inacceptable.

Je souhaite donc que tous les Français réfléchissent en dehors de la passion du moment à toutes ces réalités et ils verront que, malheureusement, il me fallait affronter ce problème. C’était mon devoir et je n’ai jamais caché mon projet que je juge nécessaire pour le pays."

jeudi 9 mars 2023

Des féministes qui désesperent les véritables féministes ....

Hier c'était la fête des droits des femmes. Occasion pour Emmanuel Macron de rendre hommage à Gisèle Halimi la Tunisienne, véritable militante des droits des femmes; de célébrer son combat féministe grâce auquel de nouveaux droits ont été accordés aux femmes; et d'annoncer la prochaine constitutionnalisation du droit à l'avortement, pour confirmer aux femmes leur droit sur leur corps !

Gisèle Halimi doit se retourner dans sa tombe de voir les dérives des nouvelles féministes qui font honte à leurs ainées, comme à Mme Badinter ...

Une très belle cérémonie et un discours brillant de la part du chef de l'Etat ... comme d'habitude. Espérons que cette grande dame entrera au Panthéon de la République.

Les Tunisiennes seront-elles dignes de cette native de Radés, pour préserver les acquis que leur avait accordés Habib Bourguiba; et défendre le CSP que les islamistes veulent annuler pour les soumettre à la chariaa et son obscurantisme ? Il faut l'espérer.
Simone de Beauvoir rappelait " Que rien n'est jamais définitivement acquis, il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question." ... ce que tentent de faire les islamistes en Tunisie et les conservateurs américains aux EU !
R.B

Céline Pina

POURQUOI JE NE CÉLÈBRERAI PAS LE 8 MARS

Le 8 mars devient une date qui me met mal à l’aise tant le neo-féminisme puritain et radical qui devient dominant dans la sphère médiatique et politique a détruit la cause qu’il est censé défendre.
Alors que notre pays et l’Europe sont les endroits où les droits des femmes sont les plus forts et les plus respectés, au lieu de le reconnaître et de se battre sur les vrais problèmes (les sanctions pénales très légères même en cas de viol avéré par exemple, le fait de qualifier de passionnel l’assassinat d’une femme par son compagnon, la question de l’égalité salariale ou des perspectives de carrière…), les jeunes féministes se battent en faveur du sexisme qu’elles ont rebaptisé « liberté de porter le voile » et font semblant de croire que l’Europe est au taquet dans l’oppression des femmes.
Elles prônent la haine de leur culture qui pourtant est adossée sur une vision de l’être humain qui a permis l’égalité et la garantie des libertés publiques pour mettre en avant des cultures qui piétinent les femmes.
Au nom d’une vision délirante et condescendante de la femme, elles en font une victime absolue. Sa parole ne souffre aucune contradiction car une femme ne saurait mentir, toute accusation d’une femme envers un homme doit devenir condamnation de celui-ci sans autre forme de procès. La femme est réduite à la faiblesse, créature innocente et incapable de malice, un enfant à protéger en somme. Or c’est au nom de cette vision de la femme qu’elle a été réduite au rang d’éternelle mineure et qu’en échange de la protection du groupe, elle a dû longtemps renoncer à l’égalité.
Une génération de geignardes se sent ainsi persécutée et fait des procès à sa propre société, alors qu’elles contribuent à la représentation de la femme en éternelle mineure et qu’au nom de l’antiracisme, elles promeuvent un signe, le voile, qui est le symbole du refus d’accorder aux femmes l’égalité et qui dit aussi que leur corps est fondamentalement impur.
En revanche les mêmes qualifient de leurre tous les progrès réalisés en Occident, le fait que les femmes aient accès comme les hommes à l’éducation, que l’égalité soit la base de notre contrat social, que les femmes puissent réaliser leurs ambitions… Tout cela ne vaut rien à leurs yeux. Elles sont devenues incapables de voir la différence entre un continent où l’égalité est un droit et un monde où le statut des femmes est inférieur, où elles sont minorisées.
Et pourtant dans le réel, naître ici ou de l’autre côté de la Méditerranée vous réserve un sort très différent si vous êtes une femme, par rapport aux perspectives offertes aux hommes. Ainsi pendant que les iraniennes nous prouvent quelle est la signification du voile et comment les femmes sont traitées dans les pays où règnent l’islam, les jeunes féministes militent en faveur du voile. Alors que la situation ailleurs qu’en Occident témoigne de la dévalorisation des femmes, les neo-féministes n’ont pour ennemi que le mâle blanc occidental.
Elles reprennent la terminologie de tous ceux qui prônent le tribalisme contre la Nation sans voir que la tribu se bâtit sur l’inégalité de ses membres et que la femme est un des derniers barreaux de l’échelle. Elles crachent sur la culture égalitaire de l’Occident en en faisant un leurre, une escroquerie sans voir les différences réelles qu’une affirmation de principe dans une constitution donne dans la réalité. Pourtant il suffit de comparer la condition féminine là où l’égalité est un principe civilisationnel et là où elle ne l’est pas pour constater que les principes agissent sur le réel.
Dans le même temps les neo-féministes choisissent de se coudre les paupières face à l‘influence de l’islamisme qui fait que dans certains quartiers la condition des femmes a régressé dans l’indifférence générale. Elles nient ce qui est sous leurs yeux mais n’hésitent pas à traiter de racistes et de fascistes toutes celles qui refusent leurs mots d’ordre et leur vision biaisée du monde.
Alors en ce 8 mars je ne sais plus quoi faire. Non que le combat féministe me paraisse vain. Je suis persuadée que si l’on cesse de combattre pour les droits des femmes, ils régresseront car les pays où la femme est libre sont rares dans le monde et les droits des femmes sont loin d’être en expansion. Mais je ne sais pas avec qui et pour qui me battre quand je vois toutes ces jeunes femmes, pleines de haine contre les hommes, qui n’ont que le patriarcat à la bouche quand il s’agit de critiquer le mâle blanc et la culture judéo-chrétienne et qui en même temps promeuvent le voile, défilent aux côtés des islamo-gauchistes, se taisent quand Mila se fait attaquer ou quand les imams diffusent sur les réseaux une vision archaïque de la femme.
Aujourd’hui rejoindre le combat des neo-féministes, c’est un peu se joindre au parti des dindes en faveur de Noël ou défiler pour le droit des volailles en compagnie de la milice des renards. Les associations féministes actuelles sont trop nombreuses à abîmer la cause de l’égalité. Elles contribuent plus à détruire effectivement les droits des femmes qu’à les renforcer.

Alors en ce 8 mars, je ne fêterai rien, car voir les jeunes femmes d’aujourd’hui piétiner une égalité fragile parce qu’elle n’est pas parfaite, sans voir qu’elles préparent le terrain de leur future infériorisation me désole. Je ne me joindrai pas au chœur des hypocrites qui se soumettent à un rituel dénué de sens alors même qu’ils constatent qu’une partie du mouvement féministe est pervertie par des idéologies qui sacrifieront les femmes si jamais elles gagnent en influence et en pouvoir.

Le 8 mars est devenu le jour où de plus en plus de femmes marquent contre leur camp en oubliant que la revendication de l’égalité ne passe pas par la haine des hommes et de la société occidentale. Pas de quoi pavoiser.

mercredi 8 mars 2023

LE DILEMME DES INTELLECTUELS TUNISIENS FACE A L'ISLAMISME ET A Kaïs SAÏED ...

Article paru dans : 

Agoravox

Kapitalis

" Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule,

mais d'élever la foule vers l'élite."

Gustave Le Bon

Face aux dérives dictatoriales de Kaïs Saïed, les Tunisiens n'auraient-ils d'autres choix entre la peste islamiste et le choléra arabiste, pour sortir du bourbier où ces deux idéologies les avaient mis ? C'est du moins, ce que pensent certains intellectuels Tunisiens à la mémoire courte et qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez.

Manif, contre les dérives autoritaires de Kaïs Saïed

Depuis son coup d'Etat du 25 juillet 2021, Kaïs Saïed n'a cessé de créer des problèmes à des Tunisiens qui n'en peuvent plus, depuis leur fumeuse révolution du 14 janvier 2011 !

Populisme oblige, n'ayant aucun programme et navigant à vue; mu par son arabisme désuet et dangereux, comme de ses lubies; il se sert de tout pour installer une nouvelle dictature. Sa dernière saillie fut sa diatribe raciste contre les noirs.

Quelle est la position des intellectuels face à ses dérives dictatoriales, voire fascistes ? Elle est mitigée : les uns désabusés, adoptent le silence; d'autres en appellent à la dictature et soutiennent Kaïs Saïed, persuadés que le peuple Tunisien n'est pas mûr pour la démocratie et encore moins pour la liberté; et enfin, d'autres dénoncent le nouveau apprenti dictateur sans envergure politique réelle et tentent de sauver ce qui peut l'être après le sac du pays en 11 années de pouvoir islamiste, directe ou indirecte quand l'assuraient les oiseaux rares de Ghannouchi !

Je ne pense pas que les Tunisiens voudraient d’un nouveau dictateur. 

Pour les détracteurs de Bourguiba, il faut leur rappeler que cet homme fut une chance pour la Tunisie, et que son autoritarisme éclairé était nécessaire au lendemain de l’indépendance, car disait-il, « Il faut d’abord éduquer un peuple, avant de lui accorder la démocratie pour qu’il en use en citoyen instruit et responsable ». S'il avait joué la carte de la démocratie, il est certain que les conservateurs, réactionnaires et rétrogrades alors nombreux, auraient pris le pouvoir. Où en serait la Tunisie s'ils l'avaient gouvernée ? 

Quant à ceux qui regrettent Ben Ali, en comparant leur situation et celle de la Tunisie d’avant son départ avec celle depuis l’arrivée au pouvoir des islamistes, il n’y a pas photo diraient certains.

Si les Tunisiens avaient admis son « coup d’Etat médical », c’est qu’ils ont cru en sa promesse d’instaurer une démocratie, dans son fameux discours du 7 novembre 1987; et que nous étions des millions à le croire ! Hélas très vite, en bon policier, il a instauré une dictature policière. De cela, les Tunisiens n’en veulent plus. Ils ont fini par le dégager. Car les générations formées par Bourguiba étaient prêtes pour la démocratie.

De même, si les Tunisiens avaient admis le coup d’Etat constitutionnel du 25 juillet 2021 de Kaïs Saïed, c’est parce qu’il leur avait fait croire qu’il mettra fin à l’islam politique et qu’il les débarrassera de Ghannouchi et de ses Frères musulmans. Mais très vite, ils ont compris qu’il n’en était rien !

Le plus inquiétant est de voir et de lire çà et là, des intellectuels qui dénoncent à raison, les dérives dictatoriales de Kaïs Saïed mais admettent le retour aux affaires des islamistes et de leurs collabos, au nom de la démocratie, nous disent-ils !

Je suis sidéré par leur analyse politique du vécu de ce pays depuis l’installation des Frères musulmans au pouvoir par l’émir du Qatar, oublieux qu’ils l’ont mis à genoux ; pour appeler à nouveau au consensus et au dialogue avec les islamistes et leurs collabos. Comme s’ils n’avaient pas tiré de leçons de Béji Caïd Essebsi et de son fameux consensus, quand durant sa campagne électorale, il jurait tous ses dieux qu'il ne pactisera jamais avec Ghannouchi, parce que, rassurait-il ses électrices inquiètes de l'islamisation du pays, " le nationalisme et l'islamisme sont des lignes parallèles qui ne se rencontrent jamais "; pour les trahir en fin de compte et voir son parti Nidaa Tounes qui a connu un succès fulgurant, devenir une coquille vide ! 

Et qu’invoquent-ils pour justifier ce choix ? Les islamistes sont les conservateurs "Démocrates-musulmans" en terre d’islam, nous disent-ils ; à l’instar des conservateurs "Démocrates-chrétiens" en Occident. Grave erreur ! Seraient-ils tombés dans le panneau des Frères musulmans qui cherchent à brouiller les pistes en se revendiquant " Démocrates-musulmans ", après nous avoir fait le coup de l' "islamisme modéré", compatible avec la démocratie; puis de celui de la " modernité " ? Naïveté ou à dessein ?

Si les Démocrates-chrétiens sont républicains et respectent les règles démocratiques pour arriver au pouvoir; les Frères musulmans, eux ne croient pas en la République et détruisent méthodiquement ses institutions. Pour prendre le pouvoir, ils recourent à l'élimination physique de leurs opposants politiques. Ce fut le cas pour Chokri Belaïd, pour Mohamed Brahmi, pour Lotfi Naghedh et bien d'autres, comme pour Béji Caïd Essebsi dont l'empoisonnement a fini par lui coûter la vie; et la tentative d'assassinat contre Kaïs Saïed, qui l'a fait se rebeller contre Ghannouchi ! 

Ces intellectuels s’émeuvent à raison devant les arrestations arbitraires ordonnées par Kaïs Saïed à l’encontre de personnalités politiques, confirmant son instrumentalisation de la Justice; à raison. Certes, il eut mieux valu que la Justice soit indépendante pour juger ces individus pour leurs crimes contre l’Etat. Mais de là à nous faire croire :

- Que Ali Larayedh est un homme intègre et honnête ! Oublient-ils son accointance avec les terroristes du Mont Chaâmbi pour massacrer nos soldats ? Et celle avec le célèbre Abou Yadh lors de laquelle il avait ridiculisé la police nationale en organisant la fuite de ce terroriste formé au maniement des armes aux côtés du non moins célèbre Oussama Ben Laden, sur demande de Ghannouchi ?

- Que Seifeddine Makhlouf, ce sinistre individu, est un brave type. Un voyou converti par opportunisme à l'islamisme, en créant le parti Al Karama, résurgence de la fameuse Ligue pour la protection de la révolution LPR ) dissoute, milice de Ghannouchi; pour transformer l'Assemblée Nationale en camp retranché pour ce dernier et y faire régner la violence verbale et physique à l'encontre de l'opposition ! 

- Que Néjib Chabbi, est un militant démocrate, lui le looser à la remorque de Ghannouchi qui fait du nomadisme idéologique passant du communisme, à l'arabisme et maintenant à l'islamisme ... 

- Que Le Front du Salut, présidé par Néjib Chabbi et composé d'islamistes et de leurs sympathisants arabistes : Samir Dilou, Dalila Masaddek et son frère Jawhar Ben M'barek ... avec des membres d’Al Karama en son sein ; constitue la véritable force d’opposition face à Kaïs Saïed !

Je suis confondu devant tant de naïveté et tant d'oubli du passé.

Ces gens ne sont pas des conservateurs, ce sont des islamistes ! Pour s'en convaincre, il suffit de voir ce qu'ils font en Iran ! Certes il faut dégager le nouveau dictateur mais ce n'est pas pour le remplacer par les islamistes qui ne sont ni républicains, ni démocrates !

Les complexés de l'Histoires : islamistes, arabistes et communistes ...

Face à la dictature de Kaïs Saïed, se trompent ceux qui admettent les islamistes dans le jeu politique au nom de la démocratie ! Grave erreur, car pour les Frères musulmans, la démocratie est à usage unique, comme dit Erdoğan. Ayatollah Khomeiny, lui aussi se revendiquait démocrate en 1979; avec le résultat que l'on sait : 43 ans de dictature islamiste. 

Les Tunisiens méritent mieux. Il faut en finir avec l'islam politique et interdire l'instrumentalisation de la religion.

Vivement la laïcité en Tunisie !

Rachid Barnat


mardi 7 mars 2023

Abir Moussi, l’opposante qui monte

Que reproche-t-on au juste à Abir Moussi ? D'être seule contre tous ? Faux. Elle ne cesse de tendre la main à tous ceux qui voudraient collaborer avec le PDL à la seule condition qu'ils ne se soient pas compromis avec les islamistes ni qu'ils aient accepté le consensus de Ghannouchi ni admis de pactiser lui ! Car le principe du PDL est clair : pas d'islam politique et refus total de ceux qui instrumentalisent la religion à des fins politiques. Qui lui reprocherait cette intransigeance quand on sait le projet des Frères musulmans d'en finir avec la République et de son Code civil; et ce qu'ils ont fait de la Tunisie et des Tunisiens, en 10 ans de pouvoir ?
R.B

Le Monde-Afrique

Connue pour son hostilité aux islamistes d’Ennahdha, la chef de file du Parti destourien libre s’en prend désormais au président Kaïs Saïed et fait la course en tête dans les sondages.

En mars 2011, quelques mois après la révolution tunisienne, une femme en robe d’avocat se tient droite à la barre du tribunal de Tunis. Abir Moussi, alors secrétaire générale adjointe chargée de la femme au Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de l’ex-autocrate Zine El-Abidine Ben Ali, plaide pour la non-dissolution de cette force politique. Un positionnement à contre-courant d’une majorité de la population, avide de changement et pour qui le RCD incarne les années de dictature. Huée par ses confrères, Abir Moussi doit quitter la salle sous escorte policière. Le parti est dissous par la justice.

Dix ans plus tard, la haine de l’ancien régime est moins vive dans une Tunisie gagnée par la désillusion révolutionnaire et la crise économique. Et la stratégie médiatique comme le franc-parler d’Abir Moussi en ont fait l’une des principales opposantes au président Kaïs Saïed. L’avocate, entre-temps, est devenue députée : aux élections législatives de 2019, le Parti destourien libre (PDL), qu’elle préside, une formation anti-islamiste rassemblant des sympathisants de l’ancien RCD mais aussi des nostalgiques du père de l’indépendance, Habib Bourguiba, a emporté 17 sièges sur 217.

A 46 ans, elle reste fidèle à son credo : « Ne jamais avoir retourné ma veste, contrairement à d’autres partis. » Et désormais, c’est à Kaïs Saïed qu’elle s’en prend, l’accusant de vouloir « accaparer un pouvoir absolu » depuis le régime d’exception instauré fin juillet, quand le chef de l’Etat a suspendu les travaux de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Cinq mois plus tard, la Tunisie demeure gouvernée par décrets et le gel parlementaire a été prolongé jusqu’à des élections législatives fixées à décembre 2022. L’échéance est lointaine, mais, pour l’heure, Abir Moussi fait la course en tête dans les sondages, son parti récoltant plus de 36 % des intentions de vote.

Sa stratégie : occuper le terrain

Son discours résolument hostile à l’islam politique et son éloquence séduisent de plus en plus de Tunisiens. Elle trouve ses premiers supporteurs parmi les nostalgiques du RCD et les détracteurs du parti islamo-conservateur Ennahdha, qui reprochent à cette formation ayant dominé le paysage politique au cours de la dernière décennie l’échec de la transition économique du pays.

Depuis plusieurs mois, la députée interpelle aussi les indécis. Ils sont nombreux en Tunisie, oscillant entre le soutien à Kaïs Saïed et la crainte d’une dérive autocratique. En juillet, le geste d’autorité du président face à des partis politiques en pleine déliquescence avait été salué par des scènes de liesse populaire, mais la prolongation de l’état d’exception et l’aggravation de la crise économique commencent à nourrir les inquiétudes.

Abir Moussi est aux antipodes de la figure solennelle et énigmatique de Kaïs Saïed. Chaque jour, elle s’adresse à ses sympathisants à travers des vidéos diffusées en direct sur sa page Facebook. Elle y décrit le soulèvement populaire de 2011 comme une manipulation étrangère visant à « mettre au pouvoir les Frères musulmans », en référence à Ennahdha. « Aujourd’hui, les Tunisiens ne veulent plus du cliché de la révolution, ils attendent des choses concrètes, comme l’amélioration du pouvoir d’achat », martèle la femme politique dans son bureau, où elle a répondu aux questions du Monde.

Sa stratégie consiste à occuper sans cesse le terrain politique et à contrer ses adversaires sur le plan juridique. Elle enchaîne les sit-in devant le siège de l’Union des oulémas musulmans, une association liée aux Frères musulmans. La députée réclame le classement de l’organisation comme « terroriste » pour ses idées extrémistes et dénonce sa proximité avec Ennahdha.

L’arrestation musclée, vendredi 31 décembre 2021, du député et vice-présidentdu parti islamo-conservateur Noureddine Bhiri, interpellé dans le cadre d’une affaire liée au « terrorisme » selon le ministère de l’intérieur, est du pain béni pour l’opposante. Mardi 4 janvier, elle a appelé à démanteler « la pieuvre des Frères musulmans » et réclamé que le chef d’Ennahdha et président de l’ARP, Rached Ghannouchi, « impliqué dans le terrorisme », soit également assigné à résidence.

Mégaphone et gilet pare-balles

C’est d’ailleurs à travers ses interventions mémorables au sein de l’ARP que la plupart des Tunisiens ont appris à connaître Abir Moussi. Lorsque l’hémicycle se réunissait encore, elle a fait de l’obstruction, s’époumonant dans un mégaphone « parce qu’on ne [lui] laissait pas [son] temps de parole ». Elle est aussi arrivée plusieurs fois vêtue d’un gilet pare-balles et d’un casque, se disant « menacée ». De fait, elle a été agressée physiquement à plusieurs reprises par des membres de la coalition ultraconservatrice Al-Karama, sans que le président de l’ARP prenne de sanctions.

Les détracteurs d’Abir Moussi estiment que ses méthodes, en bloquant le travail du Parlement, ont contribué à la dégradation de l’image des partis dans l’opinion publique. Et facilité, par ricochet, le coup de force de Kaïs Saïed. La députée se justifie en montrant de gros classeurs remplis de correspondances et de plaintes adressées au cours des deux années parlementaires, sans réaction de la justice ou de ses collègues députés. « Je me suis exprimée comme je pouvais », dit-elle.

L’élue est incapable de « faire son autocritique », déplore Amira Aleya Sghaier, historien de la gauche tunisienne. Selon ce sympathisant du PDL, l’entêtement de la députée sur certains sujets est son talon d’Achille. « Même si la Tunisie n’a jamais produit une femme politique de cet acabit, elle ne peut pas continuer de nier le processus révolutionnaire tout comme les faits réels de torture qui se sont déroulés sous Bourguiba et Ben Ali. Elle pourrait même gagner en crédibilité en parlant franchement de ces questions », estime-t-il.

D’autres accusent l’opposante d’un certain « culte de la personnalité », laissant rarement la parole aux autres membres de son parti. Connue pour diriger d’une main de fer les députés de son groupe parlementaire, Abir Moussi estime pour sa part être ouverte aux autres forces « progressistes », qui vont de la gauche au centre. Elle leur a proposé de signer un document politique, son projet de « révolution pour illuminer le peuple tunisien », avec la condition expresse de ne pas soutenir l’islam politique. Mais sa radicalité fait fuir d’éventuels alliés.

Qu’importe, la députée campe sur sa ligne. Elle accuse désormais Kaïs Saïed et Ennahdha d’entretenir des liens politiques et idéologiques, faisant fi de l’hostilité manifeste qui oppose le parti islamo-conservateur au président.

Proposer une alternative économique crédible

Si Abir Moussi draine toujours, aux yeux de certains, les réminiscences d’un passé douloureux, elle-même assure, projet de Constitution à l’appui, vouloir uniquement offrir aux Tunisiens un choix démocratique et respectueux des droits et libertés. Aujourd’hui, elle se réclame davantage de Habib Bourguiba, au pouvoir de 1957 à 1987. Un héritage plus acceptable dans la mémoire collective que celui des années Ben Ali. Elle parvient aussi à s’attirer les faveurs d’un électorat féminin sensible à son discours défendant « les acquis de la femme tunisienne ».

Mais pour renforcer sa stature, son principal défi consiste à proposer une alternative économique crédible là où beaucoup ont échoué. Son parti travaille depuis quatre ans à un programme qui promeut l’entrepreneuriat, les partenariats public-privé et le redécoupage du territoire pour parvenir à développer la Tunisie de l’intérieur, aujourd’hui marginalisée. Abir Moussi ne cesse de pointer du doigt la dégradation de tous les indicateurs économiques du pays et tente de glaner le soutien des partenaires sociaux, notamment la puissante centrale syndicale Union générale tunisienne du travail.

Il lui faudra surtout répondre à un dilemme : sa marque de fabrique « seule contre tous » est un gage de crédibilité pour sa base électorale, mais l’empêche de faire du PDL un grand parti. Une marche pourtant incontournable si elle ambitionne d’accéder aux plus hautes fonctions.

dimanche 5 mars 2023

Les errements politiques d'une femme de lettres ...


" Le véritable progrès démocratique n'est pas d'abaisser l'élite au niveau de la foule,
mais d'élever la foule vers l'élite."
Gustave Le Bon

Depuis son coup d'Etat du 25 juillet 2021Kaïs Saïed n'a cessé de créer des problèmes à des Tunisiens qui n'en peuvent plus, depuis leur fumeuse révolution du 14 janvier 2011 !

Populisme oblige, n'ayant aucun programme et navigant à vue, mu par son arabisme désuet et dangereux et ses lubies, il se sert de tout pour installer une nouvelle dictature. Sa dernière saillie fut sa diatribe raciste contre les noirs.

Quelle est la position des intellectuels face à ses dérives dictatoriales, voire fascistes ? Elle est mitigée : les uns désabusés, adoptent le silence; d'autres en appellent à la dictature et soutiennent Kaïs Saïed, persuadés que le peuple Tunisien n'est pas mûr pour la démocratie et encore moins pour la liberté; et enfin, d'autres dénoncent le nouveau apprenti dictateur sans envergure politique réelle et tentent de sauver ce qui peut l'être après le sac du pays en 11 années de pouvoir islamiste, directe ou indirecte quand l'assuraient les oiseaux rares de Ghannouchi !

Hélé Béji vient de m'envoyer le lien pour son article paru dans le Nouvel Obs. J'ai lu cet article avec intérêt pour l'estime que j'ai pour cette femme de lettres. Mais une fois de plus, je suis sidéré par son analyse politique de ce que vit le pays, ce que j'ai déjà relevé dans mon blog à propos d'autres articles où elle défendait le "féminisme islamiste" et faisait l'éloge de Béji Caïd Essebsi et son fameux consensus, alors que dans sa campagne électorale, celui-ci jurait tous ses dieux qu'il ne pactisera jamais avec Ghannouchi, parceque, rassurait-il ses électrices inquiètes de l'islamisation du pays, " le nationalisme et l'islamisme sont des lignes parallèles qui ne se rencontrent jamais "; pour les trahir en fin de compte

Si j'ai apprécié la première partie de cet article dans lequel on reconnaît la grande culture humaniste de notre amie, le reste m'a profondément déçu quand elle évoque :

- Bourguiba et sa dictature. Faut-il rappeler que Bourguiba fut une chance pour la Tunisie. Certes il était autoritaire mais éclairé. Il fallait éduquer le peuple avant de lui accorder la démocratie, disait-il. S'il avait joué la carte de la démocratie, il est certain que les conservateurs nombreux, réactionnaires et rétrogrades, auraient pris le pouvoir. Où en serait la Tunisie s'ils l'avaient gouvernée ? 

- Les "Démocrates-musulmans", pour en faire le pendant des "Démocrates-chrétiens". Quelle grave erreur ! A l'évidence notre amie est tombée dans le panneau des Frères musulmans qui cherchent à brouiller les pistes en se revendiquant " Démocrates-musulmans ", après nous avoir fait le coup de l' "islamisme modéré", compatible avec la démocratie; puis de celui de la " modernité " de leur parti. Si les démocrates chrétiens sont républicains et respectent les règles démocratiques pour arriver au pouvoir; les Frères musulmans, eux ne croient pas en la République et détruisent méthodiquement ses institutions. Pour prendre le pouvoir, ils recourent à l'élimination physique de leurs opposants politiques. Ce fut le cas pour Chokri Belaïd, pour Mohamed Brahmi, pour Lotfi Naghedh, et bien d'autres comme pour Béji Caïd Essebsi dont l'empoisonnement a fini par lui coûter la vie; et la tentative d'assassinat contre Kaïs Saïed, qui l'a fait se rebeller contre Ghannouchi

- Ali Larayedh qu'elle décrit d'homme intègre et honnête ! Oublie-t-elle son accointance avec les terroristes du Mont Chaâmbi ? Et celle avec le célèbre Abou Yadh lors de laquelle il avait ridiculisé la police nationale en organisant la fuite de ce terroriste formé au maniement des armes aux côtés du non moins célèbre Oussama Ben Laden, sur demande de Ghannouchi ?

-  Seifeddine Makhlouf, ce sinistre individu qu'elle qualifie de brave type. Un voyou converti par opportunisme à l'islamisme, en créant le parti Al Karama, résurgence de la fameuse LPR (Ligue pour la protection de la révolution) dissoute, milice de Ghannouchi; pour transformer l'Assemblée Nationale en camp retranché pour ce dernier et y faire régner la violence verbale et physique à l'encontre de l'opposition ! 

Néjib Chabbi, est un militant démocrate, lui le looser à la remorque de Ghannouchi qui fait du nomadisme idéologique passant du communisme, à l'arabisme et maintenant à l'islamisme ... 

- Le Front du Salut, présidé par Néjib Chabbi et composé d'islamistes et de leurs sympathisants arabistes : Samir Dilou, Dalila Masaddek et son frère Jawhar Ben M'barek ... avec des membres d’Al Karama en son sein ; constitue la véritable force d’opposition face à Kaïs Saïed !

Je suis confondu devant tant de naïveté et tant d'oubli du passé.

Non chère amie, ces gens ne sont pas des conservateurs, ce sont des islamistes ! Pour s'en convaincre, il suffit de voir ce qu'ils font en Iran ! Certes il faut dégager le nouveau dictateur mais ce n'est pas pour le remplacer par les islamistes qui ne sont ni démocrates ni pour les libertés.

Face à la dictature de Kaïs Saïed, se trompent ceux qui admettent les islamistes dans le jeu politique au nom de la démocratie ! Grave erreur, car pour les Frères musulmans, la démocratie est à usage unique, comme dit Erdoğan. Ayatollah Khomeiny, lui aussi se revendiquait démocrate en 1979; avec le résultat que l'on sait : 43 ans de dictature islamiste. 

Les Tunisiens méritent mieux. Il faut en finir avec l'islam politique et interdire l'instrumentalisation de la religion.

Vivement la laïcité en Tunisie !

R.B

Hélé Béji 

Le retournement du 14 janvier ou la peur de la liberté 

Alors qu’en Tunisie le régime du président Kaïs Saïed continue de se durcir, l’écrivaine Hélé Béji dénonce « ceux qui disent que la liberté n’est pas pour les Tunisiens » et prend la défense des « démocrates musulmans ».

A Tunis, les lettres de cachet pleuvent. La liste des arrestations s’est allongée en quelques heures le week-end dernier, et sans interruption depuis. Dans la même frénésie a éclaté un racisme sauvage contre les immigrés africains, déclenché par une diatribe d’Etat contre la ruée de « hordes » subsahariennes, dont le projet criminel serait de défigurer l’identité tunisienne (sans doute de race aryenne) par la négritude d’un grand remplacement. Mystérieusement, sur la liste des inculpés pour « complot contre la sûreté de l’Etat », figure le nom de Bernard-Henri Lévy. Quel canular est-ce là ? La nouvelle conspiration d’un Protocole des Sages de Sion élargi aux Africains ?

D’où vient le mal qui nous frappe ? Quelles en sont les causes ? Une seule : la perte brutale de la liberté depuis le 25 juillet 2021.

Cette liberté, on l’avait crue d’essence étrangère à notre identité, alors qu’elle est l’aspiration sacrée de la condition humaine dont nous faisons, je crois, partie. Ceux qui disent que la liberté n’est pas pour les Tunisiens, ou pour les musulmans, sous-entendent qu’ils n’appartiennent pas à la race humaine, trop ignorants et faibles pour se diriger seuls. Ils auraient besoin d’hommes supérieurs pour élever leur humanité. Ils ne sauraient disposer d’eux-mêmes. La liberté veut un fondement solide, l’Etat, Sa Majesté l’Etat, ou le prince qui l’incarne, avant d’être autorisée, car son mauvais usage conduit à l’abîme. Le 25 juillet 2021 est dans cet ordre de choses.

Pourtant, l’abîme c’est Sa Majesté L’Etat qui nous y précipite. Depuis l’Indépendance, nous pensons que seule la prescience d’un demi-dieu déposerait la graine féconde du progrès, son regard perçant l’énigme de l’avenir. En attendant, nous avons fait table rase de nos libertés, en retournant le préjugé colonial contre nous-mêmes, quand nous nous sommes persuadés que seul l’Etat était notre conscience, parce que nous, nous n’en avions pas. Cette dépossession est l’échec de la décolonisation. La peur de la liberté que la Révolution avait pourtant dissipée depuis dix ans, le 25 juillet lui a redonné les sombres frissons du cauchemar.

L’Etat nationaliste s’est construit dès le début sur ce dogme, notre infirmité historique à nous gouverner. La manière dont il maltraite ses sujets ne diffère pas de celle dont le colonialisme maltraitait ses indigènes, avec cette différence plus grave que l’Etat national se justifie de sa vertu patriotique contre le colonialisme. Quel meilleur subterfuge que de commettre ses forfaits au nom de notre entrée dans le Club du Progrès. L’Etat réinvente à son profit la machine postcoloniale pour nous « libérer » des séquelles du colonialisme. Quelle logique est-ce là ? Les méthodes inhumaines seraient-elles condamnables chez le colon, mais louables quand elles viennent des gouvernants de la nation ? Emprisonner, persécuter, étouffer ceux qui pensent que la dignité a une autre raison d’être que la raison d’Etat. Trahison ! Atteinte à la sûreté de l’Etat ! Les défenseurs de la liberté sont les ennemis du Progrès !

Et pourtant, en soixante-dix ans, le malheur de la pauvreté n’a pas été vaincu par la violence de l’Etat « progressiste ». C’est l’administration d’Etat qui s’est révélée l’ennemie du progrès. Pourquoi ? Parce qu’il n’est d’autre remède à la fatalité de la pauvreté que la liberté. Seule, l’abondance des libertés nourrit les forces de prospérité. La liberté n’est pas le produit de l’Etat, mais au contraire son principe initial. Le nationalisme totalitaire a occulté cette vérité. Bourguiba avait voulu fonder une modernité en la vidant de son principe dynamique, créatif, son élan intérieur : la liberté. Il a échoué. La liberté n’est pas le règne fini de la raison d’un seul, mais la promesse infinie dans le cœur de tous.

Aujourd’hui, il m’apparaît que, lorsque j’avais clairement perçu, dans mes écrits antérieurs, que l’enfermement national, sous les couleurs de la patrie, trahissait les principes qui avaient servi à la lutte contre l’occupation étrangère, et que les « libérateurs » se transformaient en seigneurs plus cruels que le colonialisme lui-même, je n’avais pas encore réalisé que dans les marges de la société, grandissait une liberté intérieure où brûlait la piété sincère des petites gens, qui pensent que quelque chose de plus grand qu’eux existe, qu’ils appellent Dieu mais que d’autres appellent « Esprit », « Être suprême », « Conscience », « Immortelle et céleste voix » (Rousseau), « Pensée », « Droit ». Cette foi se confond avec la flamme secrète de leur liberté.

Je n’avais pas compris que la religion n’était pas qu’une secte d’obscurantisme, même si ce danger a toujours existé partout, et plus encore aujourd’hui à travers l’ignorance des foules excitées par l’organisation politique des haines modernes, comme les appelle Julien Benda. Oui, la religion peut être un puissant facteur d’abaissement de l’homme, un appareil séculaire de violence, envers les femmes par exemple. Mais elle n’est pas qu’un instrument d’oppression, elle peut être aussi une « résistance à l’oppression » (un des droits de la Déclaration de 1789) tel le rôle de la religion chrétienne dans la chute de l’empire soviétique qui avait voulu l’anéantir. Enfermer la conscience religieuse du musulman dans l’arriération ou le fanatisme est en soi une posture fanatique. Je regrette de le dire mais les modernistes se sont abusés sur ce point, et ne veulent pas l’admettre. C’est une méprise historique que nous payons aujourd’hui très cher.

Moi aussi je me suis trompée en pensant que ceux qu’on appelle « islamistes » n’étaient que des gredins endoctrinés par la haine de la vie et l’idolâtrie de la mort. Non, c’est faux. Ils peuvent être « démocrates musulmans ». Il y a dans le courant conservateur une profonde intuition de liberté, un réel esprit de tolérance. Ne pas l’admettre, c’est leur dénier le droit d’exister, afin de conserver nos prérogatives, celles du mensonge moderniste qu’on a rêvé de bâtir sur leur élimination, narcissisme intellectuel fondé sur l’arrogance et le mépris de la vie intérieure. La foi d’un homme n’est pas nécessairement l’aveuglement de sa raison. Elle peut aussi lui donner l’intelligence et la sensibilité que la seule raison lui masque, par peur de renoncer à ses privilèges et à son pouvoir.

Cette découverte, je ne l’ai faite qu’après la Révolution du 14 janvier. Je le regrette. Mais ceux qui ont été traités comme des parias et des maudits, rendus à la justice historique grâce à la Révolution, sont entrés en conversation avec nous. Ils agissent désormais en « démocrates musulmans », à l’instar des « démocrates chrétiens » européens. On a pu voir des hommes et des femmes tout comme nous, capables de débattre sans haine, avec bon sens, animés du même goût du bonheur, de la même recherche du mieux-être, et de l’amour du progrès. Et nous, les modernes, les « éclairés », les « cultivés », imbus de notre savoir et de « notre sens de l’histoire », avons été complices de leur bannissement.

A Tunis, les lettres de cachet pleuvent. La liste des arrestations s’est allongée en quelques heures le week-end dernier, et sans interruption depuis. Dans la même frénésie a éclaté un racisme sauvage contre les immigrés africains, déclenché par une diatribe d’Etat contre la ruée de « hordes » subsahariennes, dont le projet criminel serait de défigurer l’identité tunisienne (sans doute de race aryenne) par la négritude d’un grand remplacement. Mystérieusement, sur la liste des inculpés pour « complot contre la sûreté de l’Etat », figure le nom de Bernard-Henri Lévy. Quel canular est-ce là ? La nouvelle conspiration d’un Protocole des Sages de Sion élargi aux Africains ?

D’où vient le mal qui nous frappe ? Quelles en sont les causes ? Une seule : la perte brutale de la liberté depuis le 25 juillet 2021.

Cette liberté, on l’avait crue d’essence étrangère à notre identité, alors qu’elle est l’aspiration sacrée de la condition humaine dont nous faisons, je crois, partie. Ceux qui disent que la liberté n’est pas pour les Tunisiens, ou pour les musulmans, sous-entendent qu’ils n’appartiennent pas à la race humaine, trop ignorants et faibles pour se diriger seuls. Ils auraient besoin d’hommes supérieurs pour élever leur humanité. Ils ne sauraient disposer d’eux-mêmes. La liberté veut un fondement solide, l’Etat, Sa Majesté l’Etat, ou le prince qui l’incarne, avant d’être autorisée, car son mauvais usage conduit à l’abîme. Le 25 juillet 2021 est dans cet ordre de choses.

Pourtant, l’abîme c’est Sa Majesté L’Etat qui nous y précipite. Depuis l’Indépendance, nous pensons que seule la prescience d’un demi-dieu déposerait la graine féconde du progrès, son regard perçant l’énigme de l’avenir. En attendant, nous avons fait table rase de nos libertés, en retournant le préjugé colonial contre nous-mêmes, quand nous nous sommes persuadés que seul l’Etat était notre conscience, parce que nous, nous n’en avions pas. Cette dépossession est l’échec de la décolonisation. La peur de la liberté que la Révolution avait pourtant dissipée depuis dix ans, le 25 juillet lui a redonné les sombres frissons du cauchemar.

L’Etat nationaliste s’est construit dès le début sur ce dogme, notre infirmité historique à nous gouverner. La manière dont il maltraite ses sujets ne diffère pas de celle dont le colonialisme maltraitait ses indigènes, avec cette différence plus grave que l’Etat national se justifie de sa vertu patriotique contre le colonialisme. Quel meilleur subterfuge que de commettre ses forfaits au nom de notre entrée dans le Club du Progrès. L’Etat réinvente à son profit la machine postcoloniale pour nous « libérer » des séquelles du colonialisme. Quelle logique est-ce là ? Les méthodes inhumaines seraient-elles condamnables chez le colon, mais louables quand elles viennent des gouvernants de la nation ? Emprisonner, persécuter, étouffer ceux qui pensent que la dignité a une autre raison d’être que la raison d’Etat. Trahison ! Atteinte à la sûreté de l’Etat ! Les défenseurs de la liberté sont les ennemis du Progrès !

Et pourtant, en soixante-dix ans, le malheur de la pauvreté n’a pas été vaincu par la violence de l’Etat « progressiste ». C’est l’administration d’Etat qui s’est révélée l’ennemie du progrès. Pourquoi ? Parce qu’il n’est d’autre remède à la fatalité de la pauvreté que la liberté. Seule, l’abondance des libertés nourrit les forces de prospérité. La liberté n’est pas le produit de l’Etat, mais au contraire son principe initial. Le nationalisme totalitaire a occulté cette vérité. Bourguiba avait voulu fonder une modernité en la vidant de son principe dynamique, créatif, son élan intérieur : la liberté. Il a échoué. La liberté n’est pas le règne fini de la raison d’un seul, mais la promesse infinie dans le cœur de tous.

Aujourd’hui, il m’apparaît que, lorsque j’avais clairement perçu, dans mes écrits antérieurs, que l’enfermement national, sous les couleurs de la patrie, trahissait les principes qui avaient servi à la lutte contre l’occupation étrangère, et que les « libérateurs » se transformaient en seigneurs plus cruels que le colonialisme lui-même, je n’avais pas encore réalisé que dans les marges de la société, grandissait une liberté intérieure où brûlait la piété sincère des petites gens, qui pensent que quelque chose de plus grand qu’eux existe, qu’ils appellent Dieu mais que d’autres appellent « Esprit », « Etre suprême », « Conscience », « Immortelle et céleste voix » (Rousseau), « Pensée », « Droit ». Cette foi se confond avec la flamme secrète de leur liberté.

Je n’avais pas compris que la religion n’était pas qu’une secte d’obscurantisme, même si ce danger a toujours existé partout, et plus encore aujourd’hui à travers l’ignorance des foules excitées par l’organisation politique des haines modernes, comme les appelle Julien Benda. Oui, la religion peut être un puissant facteur d’abaissement de l’homme, un appareil séculaire de violence, envers les femmes par exemple. Mais elle n’est pas qu’un instrument d’oppression, elle peut être aussi une « résistance à l’oppression » (un des droits de la Déclaration de 1789) tel le rôle de la religion chrétienne dans la chute de l’empire soviétique qui avait voulu l’anéantir. Enfermer la conscience religieuse du musulman dans l’arriération ou le fanatisme est en soi une posture fanatique. Je regrette de le dire mais les modernistes se sont abusés sur ce point, et ne veulent pas l’admettre. C’est une méprise historique que nous payons aujourd’hui très cher.

Moi aussi je me suis trompée en pensant que ceux qu’on appelle « islamistes » n’étaient que des gredins endoctrinés par la haine de la vie et l’idolâtrie de la mort. Non, c’est faux. Ils peuvent être « démocrates musulmans ». Il y a dans le courant conservateur une profonde intuition de liberté, un réel esprit de tolérance. Ne pas l’admettre, c’est leur dénier le droit d’exister, afin de conserver nos prérogatives, celles du mensonge moderniste qu’on a rêvé de bâtir sur leur élimination, narcissisme intellectuel fondé sur l’arrogance et le mépris de la vie intérieure. La foi d’un homme n’est pas nécessairement l’aveuglement de sa raison. Elle peut aussi lui donner l’intelligence et la sensibilité que la seule raison lui masque, par peur de renoncer à ses privilèges et à son pouvoir.

Cette découverte, je ne l’ai faite qu’après la Révolution du 14 janvier. Je le regrette. Mais ceux qui ont été traités comme des parias et des maudits, rendus à la justice historique grâce à la Révolution, sont entrés en conversation avec nous. Ils agissent désormais en « démocrates musulmans », à l’instar des « démocrates chrétiens » européens. On a pu voir des hommes et des femmes tout comme nous, capables de débattre sans haine, avec bon sens, animés du même goût du bonheur, de la même recherche du mieux-être, et de l’amour du progrès. Et nous, les modernes, les « éclairés », les « cultivés », imbus de notre savoir et de « notre sens de l’histoire », avons été complices de leur bannissement.

Leur vision des mœurs est plus conservatrice que la nôtre, et alors ? Pourquoi croire que le progrès est l’apanage des modernes ? Non, un moderne qui refuse à un conservateur son droit à la liberté est un destructeur de progrès. Le vrai progrès est la reconnaissance de ceux qui ne pensent pas comme nous. La pensée est ce miracle qu’il est donné à tout un chacun de cultiver à sa guise, à condition de ne pas en interdire l’usage à autrui quand il diffère du nôtre. Depuis la Révolution, en suivant leurs débats, j’ai trouvé ces démocrates musulmans à maints égards plus construits, plus profonds que leurs adversaires, dont le sectarisme est proche d’une déviance archéo-coloniale à la Zemmour.

Ali Larayedh, ancien ministre de la Révolution à la personnalité discrète, d’une droiture exempte de tout ressentiment malgré le calvaire des années de détention, est à nouveau enfermé. C’est pourtant lui qui avait édicté la loi anti-terroriste contre les jihadistes. A-t-on vu des ministres de la République française arrêtés à cause des départs de centaines de jihadistes en Syrie ? Ou pour ne pas avoir prévenu les terribles attentats sur le sol français ?

Je ne comprends pas davantage la haine contre l’avocat Seifeddine Makhlouf également arrêté. J’ai suivi ses discours quand il était député, je le trouve brillant, animé d’une véritable fougue démocratique, qui le conduit à quelques excès, mais qui jamais ne l’a sorti de l’esprit du droit. Ceux qui le traitent de « terroriste » n’ont certainement jamais pris la peine de l’écouter. Ils se sont créé un épouvantail qu’ils agitent pour ne pas s’épouvanter d’eux-mêmes. Qu’ils se regardent, qu’ils rentrent en eux-mêmes, qu’ils cessent d’aboyer, ces roquets de meute, qu’ils considèrent que le désastre actuel est l’effet de la propagande qu’ils ont menée contre ceux qui, avec d’autres résistants comme Nejib Chebbi, ont voué leur existence au sacerdoce de la liberté.

Je pense que les conservateurs donnent à l’idée de liberté une facilité d’accès aux croyants. La conscience populaire puise dans sa foi la richesse intérieure qui nourrit le libre-arbitre. En accédant au pouvoir, ils ont sans doute fait beaucoup d’erreurs, car la confiance en Dieu n’a certes jamais suffi à construire un monde vivable et bon, il faut bien d’autres choses encore. Mais une démocratie réelle n’est plus possible sans leur participation, car ils incarnent le fonds moral où la culture démocratique se forge une famille généalogique, afin d’apprendre à composer avec l’autre. Leur élimination de la scène démocratique serait une catastrophe, non pour eux, mais pour nous. Les persécutions dont ils sont à nouveau l’objet sont intolérables à la raison et à l’esprit de justice. Seul, le retour diffus d’un fascisme politique chronique nourrit l’orchestration de la cabale et de la « bête sociale » qui les poursuit. La répression qui les frappe et s’étend à d’autres, conservateurs ou progressistes, fait revivre les peurs d’arrestations qui s’abattent sur tous ceux qui expriment leur désaccord. La liberté est à nouveau un objet de peur. 

Aujourd’hui, grâce à ses fondateurs et à ces avocats admirables que sont Dalila Msaddek, Samir Dilou, Ayachi Hammami, Inès Harrath et bien d’autres, Le Front du Salut est heureusement sorti de cette surdité historique. Ses membres, de toute obédience, ont brisé les carcans idéologiques qui les empêchaient de voir dans leurs adversaires les serviteurs d’un idéal républicain identique. Ils ont renoncé aux sectarismes des deux bords, et ressuscitent non pas seulement la lettre et l’esprit de la Constitution de 2014, mais au-delà brisent ce malentendu entre conservateurs et modernes qui a causé tant d’incompréhension entre ceux qui restaient prisonniers de leur méfiance maladive. La vie publique n’est pas le théâtre de nos affections privées. Nos pensées, nos opinions, nos rêves nous appartiennent librement tant qu’ils ne tournent pas en passions belliqueuses, pour détruire ceux qui ne font pas les mêmes choix personnels que nous. Là réside la magnanimité démocratique, dans ce « courage surnaturel » (Simone Weil) dont fait preuve maintenant le Front du Salut pour se rapprocher de tous ceux qui ont surmonté leurs répugnances et leurs préjugés, et se sont découverts, ensemble, le même amour inconditionnel de la liberté. Ceux-là n’ont pas peur. Ici commence la véritable œuvre de la Révolution : la fin de la peur de la liberté, la démocratie.