lundi 11 mai 2020

Les coups d'Etat "religieux" des pétromonarques dans les Républiques "du printemps arabe"

Dans la course au leader ship sur le monde musulman, la guerre fait rage entre les Ayatollahs et les Ibn Saoud; et ce, depuis la révolution islamiste en Iran
Les Ibn Saoud veulent s'assurer la domination sur les musulmans sunnites et limiter l'expansion du chiisme et donc l'influence de l'Iran, par la diffusion du wahhabisme auquel ils doivent leur trône. 
Les deux recourent aux chaines télé satellitaires sans frontières, pour répandre leurs doctrines politique à travers de nombreuses émissions religieuses animées par des prédicateurs qui ne sont en réalité que leurs porte-parole ...  
Et grâce aux pétrodollars, ils se font la guerre par pays interposés et organisent les coups d'Etat pour dégager les chefs d'Etats qui refusent leur ingérence. 
Et comme par hasard, "le printemps arabe" déclenché par le Qatar, ce minuscule pays qui veut se faire une place parmi les grandes nations, ne touche que les républiques du monde dit arabo-musulman. 
Voici une synthèse à travers le cas syrien, du mode d'action des pétromonarques pour déstabiliser et détruire les républiques du sinistre "printemps arabe".
Les Tunisiens en ont fait la triste expérience avec leur fumeuse "révolution", qui n'était qu'un coup d'Etat perpétré par l'émir du Qatar pour installer au pouvoir ses mercenaires Frères musulmans d'Ennahdha !
R.B
Ex-hostage in Iraq speaks out - Deseret News
William Van Wagenen *

Les racines salafistes du soulèvement syrien 

L’utilisation des discours de haine
Contrairement à l’opinion dominante, une part importante de l’opposition syrienne était composée d’activistes salafistes, qui ne préconisaient pas la démocratie laïque et libérale, mais souhaitaient plutôt remplacer l’État syrien laïc dirigé par les alaouites par un gouvernement basé sur une interprétation fondamentaliste de la loi islamique.
Par exemple, la chaîne publique BBC affirma que les organisateurs de la page Facebook « Revolution Syria » n’appartenaient « à aucun groupe politique, mais étaient simplement des activistes et des militants des droits de l’Homme syriens et européens », sachant que ce mécanisme avait initialement permis d’organiser de nombreuses manifestations anti-gouvernementales. Or, l’expert de la Syrie Joshua Landis, de l’Université d’Oklahoma, confirma que ces militants étaient des membres des Frères Musulmans, y compris l’administrateur de cette page, qui vivait en Suède. Le blogueur syrien Camille Otrakji a ainsi observé que, « si vous lisiez les anciens articles sur la page Facebook “Revolution Syria” – mais avant qu’elle ne reçoive un “lifting” et une aide professionnelle en relations publiques –, vous ne croiriez pas combien de messages religieux et de mensonges vous y trouveriez. Ils essayaient d’attiser l’hystérie sectaire, de radicaliser les sunnites de Syrie afin de renverser le régime. Ce n’est pas ce que la plupart des Syriens veulent, mais il en existe un nombre suffisant qu’ils peuvent influencer. » 
Cette partie de l’opposition employa des discours de haine pour inciter une communauté salafiste en pleine expansion à la violence contre les groupes religieux minoritaires du pays, et ce, dans l’objectif de renverser le gouvernement. Ce phénomène s’est manifesté à travers des slogans sectaires scandés lors de certaines des premières manifestations anti-gouvernementales, telles que « Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au tombeau ! », « Parlons clairement, nous ne voulons pas voir les alaouites », et « Non à l’Iran ! Non au Hezbollah ! »
Le journaliste Harout Ekmanian, un chrétien arménien d’Alep, expliqua en 2016 que « “Les chrétiens à Beyrouth, les [alaouites] au tombeau !” était un slogan inventé durant les premiers jours de la rébellion, et qu’il est encore couramment utilisé. Au départ, il était critiqué, car les gens avaient des opinions différentes. Une fois que l’opposition commença à porter des armes et à se militariser, ce slogan commença à être utilisé plus souvent. »
Les militants médiatiques de l’opposition ont généralement rejeté les menaces de génocide et de nettoyage ethnique comme étant de la propagande gouvernementale visant à effrayer les groupes minoritaires syriens, et à les inciter à rester fidèles à Bachar el-Assad. Ils affirment que des partisans du gouvernement auraient tagué « Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au tombeau ! » sur des murs, et qu’ils auraient payé des infiltrés pour crier ce slogan lors de manifestations anti-gouvernementales.
Ekmanian reconnaît que Damas tenta d’exploiter les groupes minoritaires à son propre avantage, mais il précise que les menaces des éléments salafistes de l’opposition étaient bien réelles. Il explique que « l’État voulait donner l’impression que les chrétiens étaient ses partisans, et l’opposition voulait de toute façon se débarrasser de ces derniers ; c’était une convergence parfaite [entre Assad et ses opposants]. Ainsi, les chrétiens – et en particulier les Arméniens –, sont pris au piège dans une telle situation. »
Kim Sengupta, un journaliste de l’Independent qui passa beaucoup de temps avec des opposants dans le Nord de la Syrie, confirma lui aussi que ces chants étaient monnaie courante. En novembre 2012, il écrivit que le nombre de « groupes jihadistes avait sans aucun doute augmenté, et qu’il s’agissait d’une source de préoccupation majeure parmi les révolutionnaires les plus laïcs. Certains groupes ont interdit le chant “Les chrétiens à Beyrouth, les alaouites au tombeau !”, qui apparut au début du soulèvement. » Si de tels slogans n’avaient pas été fréquents, les commandants les plus laïcs n’auraient eu aucune raison de les interdire.
Ces éléments salafistes de l’opposition ont opté pour la lutte armée dès les premiers jours de la rébellion. Des prédicateurs salafistes basés à l’étranger – tels que Muhammad Sarour Zein al-Abbedine, Youssef al-Qardaoui et Adnan Arour –, et d’autres basés en Syrie – dont Louay al-Zouabi à Deraa, Sa’id Delwan à Douma, Amjad Bitar à Homs et Anas Ayrout à Banyas –, se sont mobilisés en faveur de l’insurrection armée. Ils ont ainsi contribué à faciliter l’afflux de combattants étrangers, d’armes et d’argent en provenance des États du Golfe pour aider les miliciens de l’opposition salafiste en Syrie.
Originaire de la région d’Hawran, dans le sud de ce pays, Muhammad Sarour Zein al-Abbedine est célèbre pour avoir écrit le livre Waja’a Dawr al-Majus (Puis vient le tour des Majus/مجوس - Then Came the Turn of the Majus). 
Selon l’universitaire irakien Nibras Kazimi, ce livre de Sarour inspira Abou Moussab al-Zarqaoui – le célèbre chef d’al-Qaïda en Irak (AQI) –, à appeler au génocide de la population chiite irakienne peu de temps avant sa mort, en 2006. Un écrivain saoudien décrivit comment « Muhammad Sarour Zein al-Abbedine combina le manteau du cheikh Mohammed ben Abdelwahhab avec le pantalon de Sayyid Qutb, en tenant [Kitâb ut-Tawhîd - Livre de l'unicité de Dieu] dans la main droite et dans la main gauche le coran. » 
Mohammed ben Abdelwahhab, un réformateur du 18ème siècle et ancêtre spirituel de l’État saoudien moderne, appela à faire la guerre contre les « hérétiques » et les musulmans qui ne se conformaient pas à ses enseignements, notamment les chiites. En 1801, les partisans d’Abdelwahhab saccagèrent et pillèrent la ville sainte chiite de Kerbala, située dans l’Irak moderne. 
Sayyid Qutb, un éminent théoricien des Frères Musulmans exécuté par le gouvernement égyptien en 1966, appela à la lutte armée pour renverser les dirigeants politiques ou les régimes qu’il considérait comme hérétiques, en ce qu’ils avaient omis de gouverner selon sa propre interprétation de la charia. 
Dans le contexte syrien, le mélange innovant de ces deux idéologies par Muhammad Sarour est particulièrement pernicieux, car il appelle non seulement à renverser le gouvernement local, mais aussi à exterminer massivement la minorité alaouite de Syrie, sachant que cette religion est considérée comme une émanation du chiisme.
Muhammad Jamal Barout souligne que le slogan « Non à l’Iran ! Non au Hezbollah ! » est devenu courant dans les manifestations anti-gouvernementales en raison de l’influence de Muhammad Sarour. Barout écrit que « la fusion de l’hostilité envers le régime [syrien] et le Hezbollah résulte de la campagne de propagande salafiste provenant des pays du Golfe, qui ciblait les chiites en général et qui se focalisait sur le concept de l’alliance chiites/nusayri [alaouites], tel qu’exprimé dans les écrits de Muhammad Sarour Zein al-Abbedine. » 
L’universitaire syrien Hassan Hassan a également souligné l’influence de Sarour au sein du mouvement de protestation anti-Assad. À la mort de Sarour, en 2016, Hassan observa qu’il « était discrètement actif dans le soulèvement syrien », et qu’il était aussi « un pionnier du rapprochement entre les idées révolutionnaires dérivées de l’islam politique et les concepts religieux traditionnels empruntés au salafisme. Ce mélange contribua à produire ce que l’on appelle aujourd’hui le jihadisme salafiste – dont l’État Islamique et al-Qaïda sont des produits. » 
Paravent [diplomatique] de l’opposition, la Coalition Nationale Syrienne fut créée en décembre 2012, avec la bénédiction et le soutien des États-Unis et d’autres puissances occidentales. Or, cette organisation souligna elle aussi le rôle majeur de Sarour pendant le soulèvement. En 2016, elle déclara être « profondément attristée d’apprendre le décès du savant Muhammad Sarour Zein al-Abbedine à l’âge de 78 ans. Cet homme a consacré sa vie à la défense des causes justes et utiles de la nation islamique. Il était aussi un fervent partisan du peuple syrien (…) Qu’il repose en paix. Que la révolution pour la liberté et la dignité soit victorieuse. » 
Le 25 avril 2011, un mois après la première grande manifestation anti-gouvernementale à Deraa, Youssef al-Qardaoui – un important prédicateur des Frères Musulmans basé au Qatar –, appela à renverser le gouvernement syrien, affirmant que le « train de la révolution était arrivé en gare [dans ce pays] ». Précisons alors qu’al-Qardaoui bénéficiait alors d’une large audience dans le monde arabe du fait de son programme religieux sur la chaîne Al-Jazeera. Durant ce même discours, il invoqua des motifs sectaires pour mobiliser ses partisans syriens contre leur propre gouvernement, affirmant que « le peuple perçoit le Président Assad comme s’il était sunnite, éduqué, jeune et capable d’accomplir beaucoup de choses. Or, son problème est qu’il est prisonnier de son entourage et de sa secte [alaouite]. » En décembre 2012, al-Qardaoui déclara sur Al-Jazeera qu’il fallait combattre tous les soutiens du gouvernement syrien, c’est-à-dire les combattants, mais aussi les civils et les chefs religieux. 
Le prédicateur salafiste saoudien Adnan Arour joua lui aussi un rôle clé dans les premiers événements. Originaire de Hama et ancien membre des Frères Musulmans, il disposait d’un large public en Syrie grâce à son programme de télévision par satellite, et il était connu pour son sectarisme anti-chiites et anti-alaouites.
Comme le note l’expert de l’islam et partisan de l’opposition Thomas Pierret, Arour « s’est fait un nom au cours des cinq dernières années avec ses programmes anti-chiites. Dès le début des manifestations à Deraa, al-Arour réorienta ses efforts médiatiques pour soutenir le soulèvement avec le programme intitulé “Avec la Syrie jusqu’à la victoire”. 
Al-Arour a rapidement acquis une popularité considérable chez les opposants [anti-Assad] et il fut fréquemment salué par la foule lors des manifestations. » 
En mars 2012, le journaliste d’Al-Jazeera Nir Rosen remarqua que « le nom d’Arour était souvent scandé durant ces rassemblements », et qu’il avait alors l’habitude de s’exprimer par satellite depuis l’Arabie saoudite, où étaient basés de nombreux coordinateurs des médias de l’opposition. Rosen souligna également qu’Arour était populaire à Sanamain, une ville conservatrice près de Deraa, qui fut l’un des premiers foyers de contestation. 
Muhammad Jamal Barout note qu’Arour suivit l’enseignement des prédicateurs salafistes Nasir al-Din al-Albani et Ibn Baz en Arabie saoudite; et qu’il « est devenu célèbre parmi certains salafistes rigoristes qui semblent penser que Dieu les a créés uniquement pour le plaisir de tuer les chiites, en raison de ses débats avec ces derniers et avec les soufis ». 

Par ailleurs, sachant que « sa chaîne satellite “Sifa” lui offre une certaine influence au sein des groupes religieux populaires, Arour a d’abord interdit la rébellion avant le déclenchement du mouvement de protestation. Or, il a fini par soutenir ce soulèvement, par l’aider et par encourager ses partisans à le rejoindre », tout en les exhortant de crier « “Dieu est grand/Allah akbar !” depuis les toits » de leurs maisons. 
En juin 2011, Arour a notoirement averti que « les alaouites qui sont restés neutres ne seront pas blessés. Quiconque nous a soutenus sera de notre côté et sera traité comme un citoyen comme nous. Quant à ceux qui ont violé tout ce qui est sacré, par Allah, nous les broierons dans des hachoirs à viande et nous donnerons leur chair aux chiens. »
Dans la ville de Banyas, le prédicateur islamiste Anas Ayrout prononça des sermons anti-gouvernementaux à la mosquée al-Rahman, qu’il utilisa pour organiser les premières manifestations anti-gouvernementales dans cette ville. Le 18 mars 2011, lors de la première manifestation anti-gouvernementale à Banyas, des manifestants attaquèrent un camionneur alaouite. Trois semaines plus tard, les partisans d’Ayrout poignardèrent à mort Nidal Janoud, un fermier alaouite. Par la suite, Ayrout rejoignit le Conseil National Syrien (CNS) soutenu par l’Occident. En 2013, il appela à tuer des civils alaouites afin de créer un « équilibre de la terreur » qui les inciterait à abandonner leur soutien au gouvernement. 
Des journalistes et des universitaires occidentaux qui étaient favorables au soulèvement ont tenté de masquer l’orientation sectaire de ces prédicateurs salafistes, et de leurs partisans parmi les manifestants anti-Assad. Par exemple, Thomas Pierret écrivit que la menace d’Arour de broyer les alaouites dans des hachoirs à viande n’était pas censée menacer l’ensemble de leur communauté, mais qu’« elle était très spécifique, en ce qu’elle visait “ceux qui ont violé la sacralité” – une référence aux violeurs. » Pierret suggéra également que Muhammad Sarour et ses partisans « constituaient un facteur de relative modération pour les groupes armés qu’ils parrainaient », même si le sectarisme anti-chiite de Sarour avait fortement influencé les appels d’Abou Moussab al-Zarqaoui au génocide de la population chiite irakienne, comme indiqué précédemment.
Contrairement à Pierret, l’universitaire syrien Abdallah Hanna déplora le sectarisme et les discours de haine des télévangélistes salafistes, notant qu’« il ne fait aucun doute que l’un des facteurs de cette insurrection populaire réside dans la haine envers les alaouites qui contrôlent le régime. Or, tous les alaouites ne bénéficient pas de la richesse de ces élites. Donc pourquoi les attaquer et susciter une telle hostilité envers eux ? Pourquoi, dans certains cercles religieux, des forces oppressives surgissent pour mener une guerre contre le culte alaouite dans son ensemble; et ce, par le biais de chaînes satellitaires ? » 
Sans surprise, la plupart des Syriens rejetèrent le sectarisme des salafistes et donc l’opposition syrienne. Nir Rosen reconnut que la « popularité d’Arour encouragea les sunnites laïcs et les minorités à préférer le régime ». De son côté, l’historien syrien Sami Moubayed expliqua que les données démographiques indiquent que la plupart des Syriens ne sont pas favorables aux idéologies islamistes ou salafistes, telles que préconisées par Arour et les Frères Musulmans. 

Selon Moubayed, « 10% des Syriens sont chrétiens et ne voteront jamais pour les Frères Musulmans, à l’instar des communautés alaouite et chiite (15%), des druzes (3%), et des “autres” (circassiens, juifs, ismaéliens, qui sont 2%). Viennent ensuite les 15% de Kurdes syriens et les 10% de tribus et de bédouins qui, bien que musulmans sunnites, ne soutiendraient jamais un parti islamiste. Cela représente 55% de la population syrienne, en plus d’au moins 25% de la majorité sunnite de ce pays (75%), c’est-à-dire des laïcs ou des Syriens ordinaires tout simplement peu attirés par l’islam politique. » 
La suggestion d’Abdallah Hanna voulant que les diatribes d’Arour et d’autres prédicateurs s’adressent à l’ensemble de la communauté alaouite, n’est pas non plus surprenante, vu la longue histoire des discours de haine anti-chiite des salafistes en général. 
Peu après l’appel d’Anas Ayrout pour se venger des civils alaouites, des combattants de l’Armée Syrienne Libre (ASL), du Front al-Nosra et de l’État Islamique en Irak et au Levant (EIIL) se liguèrent pour mener une série d’attaques contre des villages alaouites de Lattaquié en août 2013, massacrant 190 civils et prenant 200 personne en otage, selon Human Rights Watch. 
Le dissident syrien Nidal Nuaiseh reconnut à l’époque que « les appels des salafistes au meurtre des alaouites ne sont pas nouveaux. Ils sont au cœur de l’idéologie salafiste depuis des centaines d’années. » Il tenta d’opérer une distinction entre l’opposition dominante et les massacres, suggérant qu’ils étaient perpétrés par des « non-Syriens ». Or, cette affirmation s’est révélée incorrecte suite à la diffusion d’une vidéo montrant le chef de l’ASL, Salim Idriss, insistant sur l’implication de son groupe dans cette opération. Le New York Times rapporta que les commentaires d’Idriss visaient à répondre aux « critiques des groupes islamistes, qui accusaient ses combattants d’être en retrait » lors des attaques contre les villages alaouites. 
Évidemment, d’autres éléments de l’insurrection se sont opposés au sectarisme des salafistes et ont plutôt tenté de promouvoir l’unité et la coexistence religieuse en scandant des slogans tels que « Un, un, un, le peuple syrien est uni ! » et « Pacifiques, pacifiques, musulmans et chrétiens, sunnites et chiites ! » lors des premières manifestations. Ces manifestants sont descendus dans la rue pour réclamer la démocratie et mettre fin à la corruption notoire du gouvernement syrien, aux lois d’urgence, à la détention arbitraire de prisonniers politiques et au manque de liberté de la presse.
Par exemple, dans la banlieue damascène de Douma, le membre du parti de l’Union socialiste démocratique arabe Adnan Wehbe joua un rôle important dans les manifestations et l’organisation des comités locaux. Ces manifestants scandèrent des slogans qui appelaient à la liberté, à l’unité nationale et au maintien de la paix, tout en contribuant à empêcher les salafistes de détruire les institutions publiques et d’incendier la mairie de Douma. 
Dans cette localité, l’opposition aux salafistes ne se limitait pas à ceux qui avaient une vision laïque. La violence salafiste fut également combattue par un certain nombre de religieux musulmans sunnites, notamment le mufti de Douma, Abd al-Hamid Delwan Abu Basheer. En effet, ce dernier resta favorable au gouvernement. Il fustigea les « infiltrés » et les « émeutiers » se livrant à des actions violentes lors des manifestations, appelant l’armée syrienne à intervenir pour protéger les civils. 
Muhammad Said Ramadan al-Bhouti, le religieux sunnite le plus éminent du pays et un fervent critique du salafisme, continua lui aussi de soutenir le gouvernement. Au final, il fut liquidé par des militants de l’opposition en 2013, après que Youssef al-Qaaradawi eut indirectement encouragé son assassinat lors d’une interview sur Al-Jazeera. 
À Deraa, le mufti de la mosquée al-Omari, le cheikh Ahmed Siyasna, a fermement soutenu les manifestations anti-gouvernementales. Néanmoins, il s’opposa au recours à la violence, et il tenta de résoudre pacifiquement le conflit entre les manifestants et les autorités. Siyasna participa aux négociations avec le gouvernement et rencontra le Président Assad pour lui présenter directement les revendications des manifestants de Deraa, malgré les pressions des partisans de Muhammad Sarour pour qu’il change de position et qu’il interrompe les négociations. Siyasna s’est également opposé au stockage d’armes dans la mosquée al-Omari par des militants de l’opposition, ce qu’il n’a finalement pas pu empêcher. 
Les groupes armés se forment avant le soulèvement
Au printemps 2011, les salafistes de l’opposition ont non seulement participé à des manifestations aux côtés de ces éléments plus laïcs, mais ils ont également formé des milices armées et commencé à attaquer la police, les forces de sécurité et les soldats syriens dans les jours qui ont suivi les premiers rassemblements. Des militants de l’opposition armée ont également mené une campagne d’assassinats contre des officiers de l’armée syrienne, des informateurs présumés et des partisans civils du gouvernement.
Selon Hassan Aboud, le chef de la faction salafiste du « Mouvement islamique des hommes libres du Levant » (Ahrar al-Sham), les cellules clandestines de sa milice ont participé à l’organisation des premières manifestations anti-gouvernementales en Syrie, et elles se sont aussi engagées au combat contre les forces de sécurité syriennes dès le mois de mai 2011. 
Rania Abouzeid du Time Magazine a également rapporté que, d’après un milicien d’Ahrar al-Sham, ce groupe « avait commencé à organiser la formation de brigades après la révolution égyptienne, soit bien avant le 15 mars 2011, lorsque le soulèvement syrien démarra sous la forme de manifestations dans la ville agricole de Deraa, dans le Sud du pays. » 
Écrivant dans Al-Monitor.com, le journaliste syrien Abdullah Suleiman Ali indiqua lui aussi qu’Ahrar al-Sham était actif dès les premiers mois du soulèvement. Citant son informateur au sein du groupe, il rapporta que des combattants étrangers, « y compris des Saoudiens, se trouvaient en Syrie au moment où le mouvement Ahrar al-Sham émergeait, c’est-à-dire depuis mai 2011. » Suleiman note que ces combattants saoudiens ont rejoint Ahrar al-Sham sur la base des recommandations de personnalités d’al-Qaïda et que le militant jihadiste de longue date et ancien membre de l’« Avant-garde combattante » des Frères Musulmans, Abou Khaled al-Souri (le syrien) joua un rôle important dans la création de cette milice. 

Plus tard, le journaliste de McClatchyDC.com Mousab al-Hamadee expliqua que « l’un de ses amis, qui est maintenant un chef rebelle, lui avait dit qu’au moment où le groupe avait annoncé sa création en 2011, il avait reçu un gros sac d’argent de la part d’Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda. » 

Lorsque le Front al-Nosra – qui est la branche officielle d’al-Qaïda en Syrie –, dévoila son existence en janvier 2012, les combattants étrangers nouvellement arrivés préféraient rejoindre cette organisation. Or, Ahrar al-Sham était initialement la milice préférée des terroristes d’al-Qaïda qui souhaitaient combattre en Syrie. Elle maintiendra son alliance étroite avec al-Nosra tout au long du conflit syrien. 
Ayman al-Zawahiri, le chef d’al-Qaïda, désigna Abou Khaled al-Souri comme son envoyé spécial pour arbitrer le différend qui conduisit à l’éclatement du Front al-Nosra et de l’État Islamique d’Irak (EII) en deux organisations distinctes lorsqu’Abou Bakr al-Baghdadi créa l’État Islamique en Irak et au Levant; et qu’il absorba ainsi les trois quarts des combattants d’al-Nosra, comme nous l’avons déjà expliqué dans nos colonnes. 
Le religieux salafiste exilé Muhammad Sarour Zein al-Abedine a fourni l’idéologie guidant Ahrar al-Sham, tandis que ses partisans constituaient la base sociale locale sous-jacente à ce groupe extrémiste. Ces derniers constituaient également l’aile militante du mouvement de protestation à Deraa, qui refusa le dialogue et les négociations avec le gouvernement. 
Muhammad Sarour a pu s’appuyer sur des combattants et sur l’argent provenant d’Arabie saoudite afin de soutenir Ahrar al-Sham; et ce, en raison des solides racines du mouvement sarouri dans ce royaume, qui remontent aux années 1960. 
Sarour passa la plus longue période de sa vie en Arabie saoudite (1965-74). Il y a réussi en prêchant. Ses partisans se sont répandus dans l’ensemble de cette pétromonarchie, bénéficiant d’un soutien populaire et de positions officielles, nombre d’entre eux occupant des postes élevés dans des institutions religieuses et éducatives. 
Le spécialiste islamique koweïtien Ali al-Sanad note que la plupart des cheikhs et des dirigeants de l’aile activiste du mouvement salafiste en Arabie saoudite et dans d’autres États du Golfe ont soutenu Ahrar al-Sham, car ils considéraient l’idéologie de ce groupe armé comme la plus proche de la leur. 

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1 commentaire:

  1. Jean-Pierre Ryf : A lire par ceux qui en France et ailleurs ont combattu Bachar El Assad !

    Mais sans doute voulaient-ils nous refaire le coup de la défense des droits de l'homme qu'ils avaient si bien réussi en Iran contre le Chah et où ils ont permis l'accéder au pouvoir des Ayatollah et leur régime si démocratique, si libéral, si protecteur des droits de l'homme.

    A croire que l'histoire et l'expérience ne servent à rien !

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