mercredi 25 janvier 2012

Les Promesses (non Tenues) De Moncef Marzouki

Moncef Marzougui tout comme Rached Ghannouchi, avancent cachés dans leur prétendu militantisme, ne revendiquant pas clairement l'idéologie qui les anime : l'un le pan-arabisme et l'autre le pan-islamisme, version Frères musulmans ! 
Ce qui fait que les journalistes occidentaux n'arrivent pas à les classer; ou par facilité, les casent gauchiste pour l'un et islamiste pour l'autre ! 
Alors que les deux idéologies œuvraient à l'origine, à libérer les peules du colonialisme; devenues depuis l'indépendance de leurs pays, des idéologies néo-colonialistes : l'une par la religion (le wahhabisme), l'autre par la langue (l'arabe) !
R.B

Essayiste, journaliste

Ce militant des droits de l'homme, longtemps persécuté par le régime Ben Ali et ses sbires, a fait deux promesses aux démocrates : "veiller aux objectifs de la Révolution" et ne pas transiger. En matière de libertés publiques, de droits de l'homme, de droits des femmes, de l'enfant.  Dans les actes, c'est plus compliqué. Depuis qu'il est au pouvoir et que ces libertés sont mises sous tension à cause de ses alliés : les islamistes d'Ennahda. Ce pacte n'est pas une alliance de circonstance, guidée par le résultat des élections. Elle s'est nouée bien avant le printemps, depuis la France, où Moncef Marzouki a fini par croire que tous les ennemis de ses ennemis étaient forcément ses amis.
Son pacte avec les islamistes
En 2003, après neuf ans de dissidence, il amorce un tournant que ne lui pardonneront jamais certains démocrates tunisiens de gauche. Soutenir une "déclaration de Tunis", aux côtés des islamistes, où il est déjà question de rêver ensemble à une future Tunisie sans laïcité. Juste avant le printemps, toujours en France, il a publié un livre -- Dictateurs en sursis -- avec Vincent Geisser connu pour sa complaisance envers l'islamisme. Il a notamment commis un livre où il accuse les musulmans laïques et les journalistes d'investigation d'"islamophobie". Au sens non pas de racismes envers les musulmans mais de phobie envers l'intégrisme...
Quand les premières manifestations ont commencé en Tunisie, alors que des intellectuels laïques français prenaient sans réserve le parti du changement contre Ben Ali mais sans naïveté non plus pour l'après, Moncef Marzouki, lui, mettait son énergie à dédiaboliser les islamistes dans les médias français. Sur le site Mediapart, qui l'a beaucoup soutenu, il explique alors qu'il n'a aucun différent "idéologique" avec les intégristes. Ils leur reprochent simplement d'avoir été un peu mou face à Ben Ali. Pour le reste, Moncef Marzouki tente de rassurer le public français en expliquant que les militants d'Ennahda ne sont pas des talibans (ce qui est vrai) mais plutôt l'équivalent du FN en Français. Ce qui est tout aussi exact. Mais ne nous explique pas en quoi c'est si rassurant. Ni comment définir un homme qui accepte de servir de caution au FN tunisien. Il est vrai que depuis, le président tunisien les compare plus volontiers aux démocrates chrétiens...
De gauche, vraiment ?
Il faut dire que Moncef Marzouki, lui-même, peut difficilement être étiqueté. Il appartient à une gauche particulière, qui se dit "internationaliste" quand il s'agit de rêver à la fusion de la Tunisie et de la Libye, mais pratique volontiers nationaliste à outrance -- il dirait "patriote" -- quand il s'agit de puiser dans l'identité religieuse et le rejet de l'étranger occidental de quoi forger sa popularité. Ce qui est l'exact credo de tous les autocrates que le printemps souhaitait déloger.
Visiblement, Moncef Marzouki n'a pas décidé de renoncer au populisme pour être à son tour au pouvoir. Et il souhaite l'être un moment. L'Assemblée constituante qui vient d'être élue n'a pas de date limite. Pour éviter toute dérive autoritaire, les principaux partis se sont engagés à ne pas siéger plus d'un an. C'est à dire rendre leur copie, la nouvelle constitution, et à retourner devant les électeurs tunisiens. Tous ont accepté cet ultimatum, sauf un parti... Celui de Moncef Marzouki.
Atteintes à la démocratie et à la sécularisation
L'un de ses tout premiers actes, en tant que président, a été de prolonger l'état d'urgence. Un état dont lui-même disait, quand il était dans l'opposition, qu'il donnait trop de pouvoir au ministre de l'intérieur et menaçait les libertés publiques. Le nouveau président n'a pas bronché lorsque son gouvernement a choisi de ménager des anciens caciques du régime RCD et surtout lorsqu'il a décidé de nommer les directeurs de médias publics... Un signal très inquiétant.
Contrairement à ses promesses, il ne monte pas non plus au créneau pour défendre la liberté d'expression ou les droits des femmes lorsqu'elles sont menacées par les intégristes. Il est intervenu mais n'a pas crié bien fort lorsque des salafistes ont séquestré un président d'université pour obtenir le port du niqab. Ni lorsque la censure a repris en Tunisie, de façon plus indirecte. Contre tout film ou magazine susceptible de choquer les intolérants. Il n'a pas désavoué ses alliés d'Ennahda lorsque ces derniers ont prôné le "dialogue" plutôt que la fermeté vis-à-vis d'un petit groupe de salafistes de Sejnane (au Nord-Ouest de la Tunisie) ayant décidé d'instaurer une police parallèle : une sorte de ligue de la vertu qui tabasse les patrons de bars et menace de couper la main des voleurs après des parodie de procès... Ce qui signifie la fin de l'état de droit en Tunisie.
Doux avec les salafistes, dur avec les laïques
Ces groupes salafistes sont si extrêmes et si caricaturaux qu'on se demande parfois qui les agitent et dans quel intérêt. Certains Tunisiens croient y voir la marque d'ancien du RCD, de la CIA ou des services britanniques (de nombreux membres d'Hizb ut-Tahrir sont fraichement revenus d'Angleterre, où on les savait très infiltrés et très surveillés). D'autres notent l'attitude ambigüe d'Ennahda. Côté face, le parti condamne leurs exactions les plus grossières et en profite pour apparaître comme un juste milieu). Côté pile, les militants salafistes et les militants nadhaouis manifestant main dans la main pour faite reculer certaines libertés. Comme lors de la mobilisation contre la projection du film Persepolis par la chaine tunisienne Nesma TV.
Face à cette régression liberticide rampante, que fait le président Marzouki ? Il feint de défendre la laïcité mais fustige moins les islamistes que les tunisiens attachés à la laïcité, comme étant une "vieille gauche laïcarde et francophone".
Lorsque des tunisiens de tous bords ont choisi de retourner dans la rue pour s'inquiéter de cette dérive, en manifestant autour de l'Assemblée constituante, le doyen des représentants de son parti a même qualifié ces manifestants de "déchet de la francophonie".
Racisme et identité nationale
Le blasphème n'est plus toléré, mais le racisme se porte bien. On l'a vu lorsque le gouvernement Tunisien a choisi d'accueillir en chef d'Etat le leader du Hamas -- quitte à se brouiller avec Mahmoud Abbas. A l'aéroport, des militants islamistes se sont sentis de crier "tuons les juifs" sans émouvoir outre-mesure les officiels présents sur place. Il a fallu des réactions internationales pour que les autorités réagissent.
Ennahda a fini par dénoncer ces phrases, mais comme étant "contraires à l'esprit de l'islam" et non racistes... Rached Ghannouchi, leur leader, a condamné l'antisémitisme mais pour mieux attaquer, la phrase d'après, "les actions de quelques lobbys en Europe qui tentent de porter atteinte à l'image de la Tunisie et aux réalisations de sa révolution en recourant à l'islamophobie et aux pratiques antisémites" (entendez anti-arabes). On ne voit pas bien ce que "l'islamophobie" vient faire là-dedans. On comprend, en revanche, en quoi pointer le racisme des autres est devenu un moyen décidément commode pour ne jamais regarder le racisme des siens en face.
Moncef Marzouki, lui, a clairement réaffirmé que les juifs tunisiens étaient les bienvenus dans leur pays. Dans un discours émouvant. Reste qu'il accepte de flatter une identité nationale arabe et musulmane qui ne laisse guère de place aux berbères, aux juifs et surtout aux non croyants.
Les cérémonies du nouvel an ont été pour lui l'occasion de rappeler que les voeux n'étaient pas dans les traditions arabo-musulmanes.
Il prône aussi un enseignement débarrassée de l'usage de la langue française, qualifié de "cancer linguistique".
Ce qui ne l'empêche pas de vouloir voir les Français venir dépenser leur argent sur les plages tunisiennes, mais risque surtout d'attirer les touristes du Golfe. Notamment du Qatar, si choyé par le nouveau gouvernement tunisien.
Il n'est pas le seul à porter la responsabilité de ce désamour. On ne dira jamais assez combien l'attitude du gouvernement français pendant le printemps tunisien fût une honte. Mais est-ce vraiment une raison pour le faire payer aux Tunisiens épris de liberté et de modernité ?
Certains pensent que ces questions de société et de liberté ne sont pas l'urgence en Tunisie... Un peu comme en URSS, où l'on opposait jadis les "droits économiques et sociaux" aux droits "bourgeois" que seraient la liberté d'expression et la liberté de conscience. C'est une erreur qui s'est toujours payée. La facture sera d'autant plus lourde dans un pays aussi dépendant du tourisme, où l'économie dépend donc de l'image. Contrairement à ce qu'aimerait faire croire le nouveau gouvernement tunisien, ce ne sont pas des obsessions françaises, mais le triste constat d'un gâchis que des Tunisiens ayant fait la révolution rêvent de voir éviter. Ils se mobilisent chaque jour pour tenir tête aux intégristes. S'ils arrivent à se souder, il n'est pas dit que l'été, au lieu de l'hiver, ne puisse un jour succéder au printemps.

Lire : Appel de Tunisiens à l'tranger : " SOS, les libertés sont menacées ".

2 commentaires:

  1. Très bon article. on peut lire un article sur Kapitalis critique a l'égard de Caroline Fourest mais une critique a mon sens injuste et qui ne tient pas compte du fait que nombre de tunisiens qui s'expriment sur la toile manifeste les mêmes inquiétudes.
    http://www.kapitalis.com/afkar/68-tribune/7999-la-nouvelle-croisade-de-caroline-fourest-en-tunisie.html

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  2. Je ne comprends pas ce procès fait à Caroline Fourest.
    Elle s'est spécialisée dans les extrémisme qu'ils aient pour nom "Front National" ou "Islamisme". C'est une intellectuelle qui n'a pas la science infuse ! Elle peut s'être trompée d'appréciation ! Tout le monde a douté de la capacité des peuples arabophones à se défaire de leur dictateur.
    Et alors ?
    Elle a le mérite de corriger le tir en fonction des mouvances de ceux qu'elle étudie. Car ils sont bien mouvants quand ils manient le double langage.
    Pour le reste, faire un procès à la France à travers Caroline Fourest est injuste, car elle n'a cessé de dénoncer les dérives des gouvernements depuis qu'ils ont ouvert une brèche dans la laïcité.
    Sur le fond les auteurs si elles fréquentent la toile, verront que les critiques de Caroline Fourest sont les critiques de beaucoup de tunisiens.

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