mercredi 3 octobre 2012

Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif Tunisien, respectez vos engagements !


Article publié dans : Le Grand Soir 

Par Salah HORCHANI 


I - Remarque préliminaire : La Troïka pour les non-initiés
Lors des élections du 23 octobre 2011 pour l’Assemblée Nationale Constituante (ANC), organisées neuf mois après la chute du Régime Ben Ali, le Parti Islamiste Tunisien Ennahdha fut le premier vainqueur, mais sans obtenir la majorité absolue. Pour pouvoir former un Gouvernement de coalition majoritaire (i.e. jouissant d’une majorité absolue de sièges à l’ANC), il s’est allié à deux formations dont le positionnement idéologique se situait, initialement, au centre gauche. Ces deux formations sont le Congrès pour la République (CPR) et le Forum Démocratique pour les Libertés et le Travail (FDLT), ce dernier mieux connu sous le nom d’Ettakatol. Ce qui a conduit à une Coalition majoritaire constituée de 89 Constituants appartenant à Ennahdha, 29 au CPR et 16 à l’Ettakatol (sur un total de 217 Constituants) et au Gouvernement Provisoire, dit de la Troïka, dominé par Ennahdha, qui a raflé tous les postes de souveraineté, présidé par son Secrétaire Général, Hamadi Djebali, le véritable chef de l’Exécutif Tunisien, et dont les principales décisions sont dictées, en réalité, par le Parti Islamiste : le CPR et l’Ettakatol, y apparaissent, globalement, de plus en pus, comme étant son "Complémentaire", ses "auxiliaires", ses "supplétifs" ! Heureusement que parmi les Constituants du CPR et d’Ettakatol, il y a, encore, un certain nombre qui est resté fidèle à ses Fondamentaux et qui essaye, contre vents et marées, de résister à l’hégémonie d’Ennahdha, alors que d’autres se sont rapprochés de certaines de ses thèses, reniant ainsi leur idéologie de centre gauche initiale (le Pouvoir corrompt, dit-on !).

II - Les données
1. L'Article 6 du Décret n° 2011-1086 du 3 Août 2011 portant convocation des électeurs d'élire les membres de l'Assemblée Nationale Constituante " stipule que :
"L'assemblée nationale constituante se réunit, après la proclamation des résultats définitifs du scrutin par la commission centrale de l'instance supérieure indépendante des élections, et se charge d'élaborer une constitution dans un délai maximum d'un an à compter de la date de son élection"

2. Onze Partis politiques, dont Ennahdha, ont signé le 15 septembre 2011 un document intitulé " Déclaration du Processus Transitoire " dont " l'objectif est de garantir la réussite de l'échéance électorale et du processus de transition démocratique en Tunisie". Cette" Déclaration prévoit que la durée du mandat de l’Assemblée Constituante [qui a été élue, par la suite, le 23 octobre 2011, comme il est rappelé ci-dessus] n’excède pas une année au maximum afin que le pays puisse se consacrer aux questions fondamentales impérieuses, notamment aux niveaux social et économique". 

III - Position d’Ennahdha relativement à la durée du Mandat de l'Assemblée Nationale Constituante et du Gouvernement
Pour Ennahdha, ses Dirigeants et ténors ont déclaré, plus d’une fois, que le Décret n° 2011-1086 du 3 août 2011, dont il est question ci-dessus, est "nul et non avenu "  ; alors que, comme son Titre l’indique [Décret(…) portant convocation des électeurs d'élire les membres de l'Assemblée Nationale Constituante], c’est ce Décret qui est la raison d’être et d’exister aussi bien de l'ANC que du Cabinet Hamadi Djebali.
Quant à ce dernier, qui est, rappelons-le, le réel Président de l’Exécutif Tunisien, il a déclaré, le lundi 24 septembre 2012, lors d’une interview accordée à la chaîne Qatarie Al Jazeera :
A tous ceux qui disent que la légitimité [de l’Assemblée Nationale Constituante, et par suite] du Gouvernement prend fin le 23 octobre [2012], je leur demande comment ont-ils eu cette information ?” (sic).
tout en reconnaissant, dans cette même interview, qu’il existe des obligations " morales et éthiques " qui imposent la fin des travaux de l’Assemblée Nationale Constituante et du Gouvernement dans un délai d’un an (i.e. au 23 octobre 2012).
Par la suite, il a confirmé, implicitement, cette position, lors d’une interview accordée, le vendredi 28 septembre 2012, à la chaîne « Wattania 1 », l’équivalent, en Tunisie, de France 2.
IV - Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, de grâce, ne vous mettez pas hors-la-Loi et respectez vos engagements !
Non ! Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif Tunisien, si les obligations de la "Déclaration du Processus Transitoire" dont il est question ci-dessus sont, peut-être, d’ordres “morale et éthique “, comme vous l’avez affirmé, permettez-moi de prendre la liberté de vous dire que vous vous trompez en croyant que les obligations du Décret Présidentiel dont il est question ci-dessus sont, aussi, d’ordres “ morale et éthique “. Non ! Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif Tunisien, c’est la Loi. Et, quiconque transgresse la Loi se met, de fait, hors-la-Loi !
Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif et Secrétaire-Général-d’Ennahdha, permettez-moi, aussi, de prendre la liberté de vous rappeler que dans la Déclaration Finale du 9 éme congres de votre Parti, qui s’est tenu à Tunis du 12 au 16 juillet 2012, il est spécifié dans sa page 7 que le Congrès a arrêté que le Projet de Société pour lequel doit œuvrer Ennahdha doit avoir comme base les Fondamentaux et les Préceptes (!) de l’Islam. D’ailleurs, cet arrêt est au diapason de la présence, parmi les invités d’honneur à ce Congrès, des grandes figures de l’Internationale Islamiste. Cet arrêt est, aussi, au diapason des chants qui ont ouvert les travaux du Congrès, le 12 juillet : ce n’est pas l'Hymne National, comme c’est, généralement, le cas lors des Congrès de nos Partis Républicains, mais, ce furent des chants religieux, dont certains glorifient le Voile (Hijab).
Il est vrai que si vous aviez chanté notre Hymne National, vous auriez été contraints de répéter son refrain, qui est, aussi, sa strophe finale, refrain qui n’est pas du goût de plusieurs Dirigeants de votre Parti, dont certains sont hautement placés, Dirigeants qui sont allés jusqu’à demander le changement de notre Hymne National, du moins de l’amputer de ladite strophe, sous prétexte que son contenu est contraire au dogme du Prédéterminisme, dogme qui est , d’après eux, un dogme islamique fondamental inaliénable. Ce qui est faux, puisque la faculté que possède le croyant d’être libre dans ses actes, d’être libre de se déterminer, et par lui tout seul, à penser, à agir,… est l’un des Concepts les plus omniprésents à travers tout le Coran ; Concept qui a conduit d’ailleurs à celui du libre arbitre de l'être humain adopté par l’Islam des Lumières. Mentionnons, à l’attention du lecteur non averti, la strophe incriminée :

Lorsque le peuple un jour veut la vie
Le destin se doit de répondre

Aux ténèbres de se dissiper

Aux chaînes de se briser


Et rappelons, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, toujours à l’attention du lecteur non averti, mais, aussi, à l’attention des partisans de tous grades de votre Parti, depuis le sympathisant lambda jusqu’à Rached Ghannouchi, votre Guide Suprême, qui ont vécu notre Révolution en spectateur (autrement dit, la quasi-totalité) que ce Quatrain qu’ils ne daignent pas chanter, Quatrain dont l’auteur est Abou el Kacem Chebbi [mon oncle maternel de lait, soit dit en passant], fut le chant le plus scandé, quand le pays était à feu et à sang, dans les Manifestations qui ont conduit à ce qu’on appelle, aujourd’hui, " le Printemps Tunisien" , Printemps-berceau de tous les Printemps Arabes. Sachez, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, que, pendant que les Brigades antiémeutes du Dictateur déchu essayaient d’écraser notre soulèvement à coups de pieds, de matraques, avec des bombes lacrymogènes et même des balles réelles, nous alternions ce chant avec les slogans de Dignité, de Liberté, de Démocratie et de Justice Sociale, slogans vecteurs-porteurs des valeurs fondamentales, aussi bien de notre Révolution que du Projet de Société auquel nous aspirons, nous-autres Modernistes, qui pouvons être Musulmans sans être "commerçants de religion ", Modèle de Société pour lequel nous nous sommes battus et pour lequel nous nous déclarons prêt à nous battre encore et encore. Et peu importe que ce Modèle soit, occidental, oriental ou autre,…, venu de Sirius, de Mars, de Vénus ou de nulle part ! D’ailleurs, vous savez certainement, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, même sans y avoir participé, que tout au long de notre soulèvement, il n’y a eu aucun slogan, ni aucune banderole faisant référence à l’Occident ou à l’Orient, à l’Islam ou à toute autre Religion.
À ce stade, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, vous êtes en droit de vous demander pourquoi je vous rappelle, dans ce contexte, cette décision du 9 ème Congrès de votre Parti, quant au Projet de Société pour lequel il va œuvrer, Projet ayant, rappelons-le, comme base les Fondamentaux et les Préceptes de l’Islam. La réponse est simple, elle est en relation avec le Verset 1 de la Sourate 5 et des Versets 32 et 35 de la Sourate 70 de notre Saint Coran reproduits ci-dessous :
5.1.يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ أَوْفُواْ بِالْعُقُودِ
5.1. Ô croyants ! Respectez vos engagements !
70.32.وَالَّذِينَ هُمْ لِأَمَانَاتِهِمْ وَعَهْدِهِمْ رَاعُونَ
70.32. Ceux qui gardent les dépôts, qui leur sont confiés, fidèlement
Et respectent leurs engagements.
70.35.أُوْلَئِكَ فِي جَنَّاتٍ مُّكْرَمُونَ
70.35. Ceux-là seront dans les jardins traités honorablement.
Or, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, ces Versets montrent, sans aucune ambiguïté, que le Respect des Engagements est l’un des Préceptes fondamentaux de l’Islam, Précepte inscrit, au moins, à deux reprises dans le Coran.
Aussi, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, permettez-moi de conclure en vous disant que le Projet de Société décidé par votre Parti et les Préceptes Fondamentaux de l’Islam, joints à l’Article 6 du Décret n° 2011-1086 du 3 Août 2011 et au contenu de la " Déclaration du Processus Transitoire", rappelés ci-dessus, vous invitent à présenter, à l’Assemblée Nationale Constituante, la démission du Gouvernement que vous présidez, et ce au plus tard le mardi 23 octobre 2012. 
Ainsi, Monsieur le Président Provisoire de l’Exécutif, vous rentrerez dans l’Histoire comme étant le premier Homme d’ État Islamiste Républicain.

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